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(ion. Il protefia toujoursqu’il n’avoîteu aucune part
à ce crime. Avant lafùrp'rife.du 28 mai i4i8,ilavoit
découvert & difiipé dans Paris plufieurs.confpira-
tions , une entre autres qui devoitéclater le jour du
vendredi-faint, & danslaquelle il nes’agiffoit de rien
moins que de mettre la couronne fur la tête du duc
de Bourgogne. On devoit arrêter, renfermer, peut-
être même maffacrer le roi, la reine, tous les princes
, tous les chefs du parti Armagnac, eri un mot,
exterminer le parti entier : l’extravagance de ce
complot en égaloit feule l’atrocité; il penfa réuflir.
Cet affreux fecret fut gardé prefque jufqu’au moment
de rexécution;ce ne fut que quelques heures avant la
nuit choifie pour le carnage, que le gouvernement
en reçut les premiers avis. Aufîi-tôt Tanneguy du
Chatel courut s’emparer des halles , foyer de toutes !
les confpirations qui fe formoient en faveur du duc
de Bourgogne : on trouva dans les maifons qui
avoient été indiquées, les chefs du parti Bourguignon
tout armés & attendans le fignal : les uns
furent arrêtés, les autres prirent la fuite. Joignez à
ces horreurs l’affafTinat du duc d’Orléans ; tels étoient
les crimes que le crime de Montereau prévenoit
ou puniffoit. Tels étoient les fervices de du Chatel.
Son zèle cependant fe relâchoit quelquefois.Une ancienne
chronique lui reproche dans uneocçafion une
négligence bien coupable. Charles VII l’a voit chargé
de porter du fecours à la ville de Meulan, afîiégée
par les Anglois ; il lui avoit remis les fonds nécef-
faires, tant pour la levée que pour l’entretien des
troupes deftinées à cette expédition. Du Chatel,
au lieu de voler au fecours de la ville afîiégée, s’arrête
à Orléans, 011 il difîipe , en folles dépenfes,
tout l’argent que Charles lui avoit confié , infidélité
criminelle en toute conjonéhire-, mais fur-tout
dans celles où le roi fe trouvoit alors. Les défen-
feurs de Meulan fe voyant ainfi abandonnés, arrachèrent
de fureur la bannière royale arborée fur
leurs murs, & la mirent en pièces ; ils en firent
autant de leurs enfeignes & de leurs croix blanches
, fignal du parti royal; ils remirent la place
aux Anglois, & paflerent pour la plupart dans leur
parti.
Le même du Chatel tua en plein confejl., aux
yeux du roi, le dauphin d’Auvergne. Ce fait fi
étrange cft configné dans les regiftres du parlement,
qui n’en rapportent point les caufes ; mais en peut-
on imaginer qui foient capables d’excufer cette
brutale & barbare infolence ? Ainfi, les plus zélés
ferviteurs de Charles VII abufoient du befoin qu’il
avoit de leurs fervices. Lorfque le comte de Ri-
chemont, frère du duc de Bretagne, accepta la
charge de connétable de France, il exigea le renvoi
de quelques courtifans de Charles V I I , entre
autres de Tanneguy du Chatel, à caufe de l’àffaf-
finat dq-duc de Bourgogne. Le roi promit tout,
dans l’efpérance de ne rien tenir; mais du Chatel
lui fit fentir la néceflité de facrifier tout à un
homme qui ppuvoit lui répondre du duc de Bretagne
, & peut-êt*« le réconcilier avec le duc de
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Bourgogne ; en conféquence il fe condamna lui-
même à l’e x il, & partit malgré toutes les inflances
du roi. On reconnut du Chatel à cette démarche,
qui fit oublier l’aventure de Meulan & le meurtre
du dauphin d’Auvergne ; le refie de fon hifioire
efi peu connu. Revint-il d’exil ? fut-il employé en
diverfes ambtaflades ? mourut - il gouverneur de
Provence ? Tout cela efi incertain.
C ’eft fon neveu, nommé comme lu i, Tanneguy
du Chatel, qui, voyant négliger jufqu’aux foins
de la pompé, funèbre de Charles V I I , indigné de
ce lâche abandon, fe chargea de tout, fit les frais
des obfèquës, ne les réclama point, & n’en fut
remboursé que dix ans après.. Une difgrace fut le
fruit de fon zèle ; il s’y étoit attendu , j5t l’avoit
defirée,., content de n’être rien quand fon ami
n’étoit plus. C’efi de lui qu’on difoit aux obfèquës
de François I I , pareillement abandonné : Tanneguy
du Chatel, ou efl-tu ?
Du C hatel ou C astellan , C as tell A nu s
( Pierre ) ((Hifl. litt. mod. ) ; il étoit favant & tolérant
dans un temps de perfécution .(les vrais
favans le font toujours) ; il avoit appris le grec
fans maître, & l’avoit enfeigné à Dijon : devenu
évêque par fes talens, il ne s’en crut que plus
obligé à la tolérance. François I le fit fon leéleur,
& lui donna fucceflivement les évêchés de Tulle
& de Mâcon ; Henri II le fit évêque d’Orléans &
grand aumônier. Le premier avoit une avidité de
connoître, à laquelle le favoir immenfe de du
Chatel, nourri par les voyages, pouvoit feul fa-
trsfaire ; François I favoit interroger, du Chatel
favoit répondre, deux talens plus rares qu’on ne
penfe. François difoit de du Chatel3 c’efi le feul homme
dont je n’aie pas épuifé toute la fcience en deux
ans.
Du Cétf/f/fedifiinguoit dans la converfaqon par
une liberté courageufe & par une éloquence utile.
Cette liberté déplaifoit à quelques courtifans, &
cette éloquence à quelques beaux efprits ; ils firent
une cabale pour le perdre ; ils effayèrent d’en dégoûter
le roi; ils' affeâèrent de contredire du
Chatel avec amertume & avec acharnement; ils
tâchèrent de lé confondre fans pouvoir y réuflir. Le
roi leslaifloit faire , parce que cette contradiéfion ai-
guifoit les efprits.& produifoit la lumière ; mais il fit
dire à du Chatel, par le dauphin, qu’il ne fe décourageât
point, qu’il fe. gardât bien de changer de
ton, qu’il continuât d’inftruire fon roi & fes ennemis,
que le feul moyen de perdre fa faveur
feroit de contenir fon zèle & de facrifier quelque
vérité à des craintes de courtifan.
Jacques C olin, poëte latin, poète françois,'
moins connu par tous ces titres que par l’honneur
qu’il eut de commencer la fortune du célèbre
Amyot, étoit le&eur de François I avant du Chatel.
Nous avons de lu i , entre autres ouvrages, une
traduéfion en vers françois, de la difpute d’Ajax
8c d’Ulifle, dans les métamorphofes, & une traduction
du Courtifan de Balthafar Cafliglione.
’C ’efi
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Ceft de Colin que Marot a dit, dans une églogue
à-François I:
'Audi l’abbé de Saint-Ambroys Colfin -,
Qui a tant beu au ruifleau Caballin ,
Que Pon ne fait s’il eft poëte né -, .
•Plus -qu’orateur à bien dire ordonné,
Eftyau grand roi , qui les-liens favorife-,
Et les lettrés avance & au tarife ,
Nondeulement volontiers efeouté
Mais tant plus p la ift que -plus il eft golifté.
Il déplut , fut difgrariè: du Chatel eut. fa .place,
ce qui a donné matière à des bruits injurieux pour
celui-ci. Théodore de B èze, pour, le punir de
s’être arrêté à la tolérance, & de n’avoir point
voulu aller jufqu’au fanatifme proteftanr, a raconté
que du Chatel avoit détruit ingratement dans
Colin le premier auteur de fa faveur & de fa
fortune. On ne reconnoîtroit point à ce procédé
le vertueux du Chatel, & l’on reÇonnoît à ce
récit les préventions ordinaires de Théodore de
-Bèze contre les .ennemis de fa £eâe. Du: Chatel
n’étoit ni mal-faifant, ni ingrat, il avoit fait fes
peuves; ©n l’-avoit vu, animé par la reconnoiflancè,
’voler au fecours d’un de fes maîtres ( Pierre Turrel
©uTurreau), juridiquement accufé de fortilège,
& le défendre avec autant de -zèle & , dît-on,
autant d’éloquence que Cicéron en avoit mis dans
la défenfe d’Archias. On ignore fi Colin avoit
en effet préfenté du Chatel a François I. Gàland,
qui a écrit la. vie de du Chatel, n’en dit rien; il
parle de difeours tenus par Colin , qui occa-
îionnèrent des brouilleries & rendirent Colin
odieux. Un autre auteur parle d’une difpute qui
s?éleva entre du Chatel & Colin, en préfence du
roi, fur un fujet qu’il ne fpécifie pas. Colin qui
ne connoiflbit que les livres, citoit des livres; du
Chatel qui avoit vu par lui-même, difoit ce qu’il
avoit vu. François I fentit tout l’avantage d’un
livre vivant, qui voyoit & jugeoit, fur des livres
qui ne faifoient que répéter; depuis ce temps il fe dégoûta
de Colin, & s’attacha*/« Chatel: Colin peut,
ou de bonne fo i, ou par envie, avoir attribué fa
difgrace à celui qu’il voyoit en profiter, mais il
paroît que le mérite de du Chatel affùra feul fa
faveur, & la médiocrité o-ü les torts de Colin
peuvent avoir détruit la fienne. Il mourut peu de
temps après fa difgrace ( en 15 37 ) , & de la maladie
des courtifans difgraciés, Du Chatel fournit une
longue carrière, .jufqu’au 2 Février 135a, qu’il
mourut d’apopléxie en prêchant dans la cathédrale
d’Orléans ; événement auquel le' chancelier de
l’Hôpital fait allufion dans les vers fuira ns :
Si pulchrum ejl ducibus pugnando occumbere rjiortem ,
Pontifici pulchrum debet fanclumque videti j
Sic laterum nixuque omni contendere vocis
Ut vires mediâfacientem verbacoronâ
Deficiaiit , fudoque fatïfcat lingua palato ,
Hifioire. Tome 11. Première Partie,
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A c quendam fo r tis qui v ic it o lym p ia m ïle irt
K e t t u lit & m u ltas v tâ o r certamine p a lm a s
'E t qucm n u lla v ir i v irtu s perfregerat ante ,
S te rn itu r i l l i f u i tandem confeclus & cejiu.
D i f cite p a fto re s , û vefiro m u n e re fu n g i,
Commijfos'curare greges :j & denique n u llum ,
Servandi caüfâ peco ris , vit'are dolorem :
‘Ne c ditbitare animam m u ltis p ro m illib u s unam
Confecrare D e o j ac m e lio n rcdÜere vitee.
On connoît de du -Chatel des mots pleins de
vertu & de courage. Il avoit eu des démêlés affez
Vifs avec le çardinal de Tournon, au fujet des
Proteftans, que le cardinal vouloit toujours brûler
avec une cruauté dévote, & que l’évêque voiiloit
qu’on traitât avec une indulgence chrétienne ;
l’intolérance l’emporta, & le cardinal reprochoit à
l’évêque fa charité : J ’ai parlé en évêque-, lui répondit
du Chatel y vous agi (fer en bourreau.
C’eft ce même du Chatel qui, entendant le
chancelier Poyet dire à François I qu’il étoit le
maître des biens de fes fujets, propos qu’il ne
faudroit pas même tenir à Titus, lui dit avec
indignation : « portez aux Caligula & aux Néron
>> .cés maximes fyranniques; & fi vous ne vous
» refpêfiez pas vous-même , refpeélez le roi n.
François 1 ' T'entendit -, l’eflima , & méprifà
Poyet.
François I demandant un jour à du Chatel s’il
étoit d’extraâion noble ï Sire , répondit du Chatel>
No'è dans Varche avoit trois fils ne vous dirai pas
bien précifément duquel dès trois je fuis defcèndu-.
Cette réponfe annonce affez qui! n’étoif pas comme
les Tanneguy, d’une ancienne famille de Bretagne.
Mais Guillaume du Chatel, pannetier du roi
Charles V I I , en étoit vraifomblablement ; c’efi un
des fept chevaliers françois de la troupe dé
Barbazan q u i, en 1404,battirent fept chevaliers
anglois. Il défendit vaillamment la ville de Saint-
Denis^ contre les -anglois. Il fut tué en 1441, au
fiège de Pontoife. Charles VII le fit enterrer à
Saint-Denis.
CHATELAIN (M a r t in ) {Hift. tnodi), anglois,
aveugle n é , qui faifoit au tour des ouvrages parfaits
dans leur genre. Il ne defiroit de voir que les
couleurs , parce que rien ne lui en donnoit l’idée^
pour le ciel , il difoit. qu’il aimeroit mieux le
toucher.
CHATELARD ( Hift.. mod. }. Lorfque Marie
Stuart retourna'en Ecoffe , après la mort de François
I l , Montmorenci, qui fut depuis le connétable
Henri, fut un des François qui l’accompagnèrent.
Il avoit avec lui Chatelard ou Chaflelard,
jeune homme d’une très-ancienne maifon duDau*
phiné, petit-fils , par fa mère, de notre illuftre
chevalier Bayard. Chatelard avoit des talens. aimables,
de la galanterie dans l’efprit, du goût pour
la poéfie ; il s’exerça beaucoup dans ce voyage à
célébrer la reine, qui prenoit plaifi^à répondre â
fes vers. Ardent & préfomptueux, il s’enflamma