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cqie-ci a nèceflairement précédé l’ ufage des chars.
C e n’eft pas qu’on ne trouve fouvent les chars en
t'ombre égal, & même fiipèrieiir à celui des gens
de cheval ; mais on a lieu de foupçonner qu’a cet
égard il s’eft gliffé de la paît des copiftes des erreurs
dans les nombres. On en eft bientôt convaincu.,
quand on réfléchit fur l’iinpoffibilité de mettre en
bataille & de faire manoeuvrer des vingt ou trente
mille chars : ( î ) on obferve d’ailleurs que, bien
loin de trouver dans les temps mieux connus cette
quantité extraordinaire de chars , chez les peuples
même qui en ont toujours fait le plus grand utage,
on eh compte à peine mille dans les plus formidables
armées qu’ils aient miles fur pied, (a)
Pour terminer enfin cet article, je tire dê M.
Fréret même une preuve invincible que l équitation
a du précéder dans la Grèce 1 ufage des chars. .
Selon cet auteur , les chevaux étoient rares en
ce pays; on n’y en avoit jamais vu de fauvages ,
Ils avoient. tous été amenés de dehors. Dans les
anciens poètes, on voit que les chevaux etoient
extrêmement chers, & que tous ceux qui avoient
quelque célébrité étoient regardes comme un présent
de Neptune ; ce qui, dans leur langage figure,
ifignifie qu’ils avoient été amenés par mer des cotes
de la Lybie & de l’Afrique,
Cela pofé , eft-il vraifembiable que quelqu’un ait
tranfporté de ces pays des chevaux dansia Grece,
& qu’il n’ait pas enfeigné à ceux qui les.achetoient
la manière la plus prompte, la plus mile, a-plus
générale de s’en fervir ? II eft inconteftable que
f équitation étoit connue en Afrique long-temps
avant la guerre de Troye. Par quelle ration les
marchands, en vendant leurs chevaux fort cher aux
G recs, leur auroient-ils caché l’art de les monter?
ou pourquoi les Grecs fe feroient-ils charges de
chevaux à un prix exceffif, fans apprendre les
différentes manières de les conduire, de les manier,
& d’en faire ufage î j e ’
M. Fréret flevoit, pour donner à fon fyftême
lin air de vérité , prouver avant toute autre chofe
que l’art de monter à cheval étoit ignoré dans tous
les lieux d’où les Grecs ont pu tirer leurs premiers
chevaux. Ne l’ayant pas fa it, fa differtation, maigre
toute L’érudition qu’elle renferme, ne pourra jamais,
établir fon étrange paradoxe, & il demeurera pour
confiant que Véquitation a été pratiquée par les Grecs
long-temps avant le fiége de Troye. ( Cet article eft
de M. v 'Â u t h v IX-LE , commandant de bataillon. J
ERARD (C LAU D E ); ( Hift-litt, moi.) c’eft le nom
d’un avocat qui fut quelque temps célèbre , & dont
nous avons des plaidoyers imprimés en 1734. Mort
en 1700,
(1) Guërre des Philiûins contre Les Ifraélites. Jofephe ,
Jiv. V I t e, V I I ■
(«) Voyei l’expédition de Xetxès & le dénombrement
,ae fpn .armée t &c,
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ERASISTRATE. ( voye^ antiochus I , dît
ANTIOCHUS SOTER, page 3 54. col. ire; )
ERASME ( didier) ; {Llift. litt. moi. ). Son nom'
en françois eft Didier, en latin Qefiderius ; le nom
d'Erajme eft grec & fignifie aimable. Erafme méri-
toit ce nom ; mais s’il fe le donna lui-même,, il eut
tort. Aucun de ces noms n’étoit le lien ; il étoit
bâtard d’un nommé Gérard, & le rapport qui fe
trouve entre ce nom & le verbe latin defiderare
a fait naître les noms de Defidcrius > de Didier 8c
SErafme. Erafme eft l’homme le plus illuftre dans
les lettres qu’ait produit le fiècle des Ghàrles-
Q u in t, des François I. & des papes de la maifon
de Médicis , Léon X & Clément VII. Il vit naître
le luthéranifme , il fe déclara trop hautement
contre les luthériens pour qu’ils puiffent le compter
parmi leurs partifans ; il leur fut trop favorable
pour que les catholiques ofent le revendiquer ;
également fufpeâ aux deux partis, il en étoit
également révéré ; on peut juger par-là de fa
philofophie & de fon impartialité. Il ne déchira
point le fein de l’églife, il n’en brava point les
foudres : bien des gens ont jugé qu’il n’en refpefla
point allez les dogmes ; ce qu’il y a de certain ,
c’eft qu’il méprifoit les difputes & les partis. Il
prêchoit la tolérance , on l’accufa d’être luthérienI
Non, dit Luther, qui avoit tout tenté en vain pour
l’attirer à fon parti, Erafme efl Erafme, & rien autre
chofe ; grand éloge qui échappe à un ennemi. Il eft
facile & commun d’être luthérien ou calyinifte,
mais il eft rare d’être foi-même.
Le roi d’Angleterre, Henri V III, qui, non cona
tent de combattre Luther, dont il étoit jaloux en
théologie, comme il l’étoit de Çharles-Quint dans
la politique, de Francois I à là guerre, & de tout
le monde en amour,lui fufeitoit par-tout des ennemis
? engagea Erafme à compofer fon traité du
Libre'Arbitre pour combattre quelques-unes des
opinions outrées de Luther contre la liberté : Mé-
lanchton, difciple de Luther & ami d’Erafme, plus
ami encore de la paix, vit avec peine naître cette
querelle, où il prévoyoit.quê fon maître n’auroit
pas l’avantage. Erafme, de fon côté , n’entroit pas
volontairement dans cette lice théologique ;• mais
c’étoit prefque la feule alors où l’on s’illuftrât,
Luther répondit par le traité du Serf Arbitre, & ,
félon fon ufage, par des injures. Vâge, difoit Mé-
lanchton , ne l'adoucira-l-il jamais ? Le mariage ,
difoit Erafme, dtvroil bien ravoir adouci. Luther
tonuoit, Mélanchton gèmiffoit, Henri VIII triom-
phoit, Erafme rioit. Le fameux fy ndic de Sorbonne,
Noël Béda, ( Voyeq_ fon article.) le héros delà feho-
iaftique, voulut faire trembler tous les ennemis de
la fcholaftique, en abattant le plus célèbre d’entre
eux. Erafme avoit écrit avec l’admiration des fidèles
& l’approbation des évêques, des cardinaux,
des papes. Léon X & Adrien V favoient hbnoré
des témoignages d’eftime les plus flatteurs; PaulUI
voulut le faire cardinal, & lui.offrit des bénéfices
au’il
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qu’il rcfufa, comme il avoitrefufé toutes les faveurs
que François Ier lui avoit offertes pour l’attirer en
France. ( Voye? les articles Bqdius & Budèe. ) Le
même Paul l i t lui confioit encore, en 1545 , la
caufe de l’églife & la défenfe du concile qu’il alloit
affembler. Luther n’avoit point eu d’adverfaire
plus modéré ni plus redoutable qu'Erafme ; il n’y
avoit point de plus grand nom dans la littérature;
fa gloire r-mpiiiToir l’Europe, & fa foi avoit toujours
fatisfait l’églife. François I " & la reine de
Navarre fa foeur avoient pour lui une eftime qui
alloit jufqu’au refpeét; mais Erafme n’âvoit pas
afTez ménagé les moines & les théologiens fcholaf-
tiques ; il les âvoit rouverts de ridicule ; il leur
avoit prodigué des farcafmes élégans & des injures
polies : il prêchoit fans cefle la tolérance, il la pra-
tiquoit en toute occafion & la faifoit pratiquer :
il venoit de procurer jnfqu’à deux fois la liberté
à fon ami Louis Berquin , gentilhomme du pays
d’Artois, qui, ayant appris de lui à détefter les
moines & la fcholaflique , & ne fachant diffimuler
ni fon amitié ni fa haine, ne tarifloit point fur la
louange dyErafme , ni fur la fatyre des moines.
Telle fut la vraie caufe du procès qu’on vit Béda
intenter à Erafme dans la faculté de théologie de
Paris. Les prétextes ne pouvoient manquer. Erafme
avoit trop écrit, & trop librement, pour n’avoir
pas donné prife fur lui en beaucoup d’endroits.
Eloigné d’ailleurs, par fon goût de littérature, de
la précifion théologique & de la sèche exa&ùude
de l’école, entraîné par l ’exemple des bons écrivains
dont il étoit nourri, pouvoit-il n’avoir pas
donné , tantôt aux loix de l’harmonie, tantôt aux
mouvemens de l’éloquence, tantôt aux règles de
la rhétorique, des expreffions & des tours peu
conformes à l’efprit d’une fcience pofitive ? De
plus, c’étoient des fcholaftiques qui alloient !e juger
fur ce qu’il avoit dit contre les fcholaftiques.
La faculté, excitée par les clameurs de Béda
& d’un autre doéteur nommé le Couturier, [Su.toi')
fit un examen réfléchi des oeuvres d’Erafme, & prépara
une cenfure. Si la. réputation littéraire d'Erafme
-ne pouvoit dépendre de fes fuccès dans 1 école,
fa réputation théologique ne pouvoit que fouffrir
de l’éclat d’une cenfure. Erafme avoit allez recherché
le mérite de l’orthodoxie pour ne le pas perdre
avec indifférence ; il s’allarma, fa tranquillité philosophique
fut troublée , il fe repentit d’âvoir trop
peu déféré aux avis du fage Sadôlet, qui lui avoit
reproché dans le fecret de l’amitié fes déclamations
trop fréquentes & trop vives contre des
gens qui favoient fe venger, s’ils ne favoient pas
lui répondre : il écrivit à la forbonne des lettres
adroites & foumifes, où il lui demandoit juftice
contre le Couturier , Béda & leurs adhérans ; il
rappelloit habilement les fervices qu’il avoit rendus
& qu’il pouv it rendre encore à Uéglife; il tâchoit
«le placer la faculté dans le point cle vue où elle
devoit lire fes ouvrages ; il infinuoit qu’une juf-
rigoureufe dans l’appréciation de chacun de les
Hifl§ire, Tome II, Seconde parK
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f termes feroit une fouveraine injuftice. Il écrivit
au parlement, au roi, à tons ceux qui pouvoient
le protéger. Le premier préfident de Selve palfoit
pour aimer les lettres , Erafme le conjure au nom
des lettres de prendre fa défenfe. François 1 1 étoit
alors prifonnier à Madrid. « Si la fortune , « dit
Erafme au premier préfident , « ne tenoit êloi-
»' gné de fes états ce grand ro i, ce puiflant protec-
» teur des lettres, je ne vous importunerais pas
» de mes plaintes; il vengerait les mufes des at-
» tentats de la barbarie. »
Dans la lettre au roi, Erafme difoit à"ïe prince
que, s’il ne réprimoit i’infolence des fcholaftiques,
elle s’attaqueroit bientôt à lui-même ; ce qui ne
manqua pas d’arriver, & déjà elle s’attaquoit à la
reine de Navarre fa foeur.
Erafme écrivit à Noël Béda lui-même, pour tâcher
de lui infpirer quelques remords fur fes violences ,
fur fes calomnies, fur fesanimofitéscruelles; c’étoit
vouloir perdre une lettre. Il fupputa les erreurs
volontaires de Béda, & , fans le traiter à la rigueur ,
il trouva de compte fait cent quatre-vingt-un men-
fonges fimples, trois cents dix calomnies & quarante-
fept blafphêmes. Béda, pour toute réponfe, prefla
la cenfure de forbonne.
François Ier, à fon retour en France , fe fit rendre
compte du démêlé à'Erafme avec la faculté de
théologie; il prit le parti à!Erafme , la cenfure de
-fes oeuvres n’en fut-pas moins conclue le 16 décembre
1527; a la vérité elle ne fut rendue publique
que quatre ans après.
Erafme répondit avec beaucoup d’efprit & de
modération à ce décret, qui ne- paroît pas lui avoir
enlevé l’eftime des papes , ni celle des catholiques-
modérés.
Berquin ne vit point paroître cette cenfure, mais
il la vit porter ; il en fut indigné * il voulut venger
fon ami & fe venger lui-mêine ; mal inftruit, mal
corrigé par le malheur , il parla plus haut que-
jamais contre les moines & les théologiens; attaché
à Erafme par tendreffe, par reconnoifîance & par
admiration, ii.fe livra au plaifir de le traduire if.
de le vanter, cpoiopi Erafme l’avertît de fuppri-
mer des éloges qui pourroient d venir funeftes à
tous les deux. Ces traductions furent depuis condamnées
par la forbonne. Berquin prenoit mai fon
temps. Quelques luthériens iconoclaftes ayant mutilé
& percé de coups de poignard une image de
la Vierge, placée au coin de la rue des.Rofiers &
de la rue des Juifs, dans le quartier Saint-Antoine,
le roi voulut expier lui-même cette profanation par
une proceffion folemnelle, le n juin 1528, &
depuis cette époque , ce prince, jufques-là toléranr,
s’arma de rigueur contre les luthériens : Erafme
comprit bien que les perfécuteurs alloient devenir
formidables; envain l’imprudent Berquin lui écri-
voit que le temps étoit venu d’abaijfer tous les fcholaftiques
; u le temps eft venu de ménager tout le
» monde, lui répondoit Erafme, craignons fur-touÆ