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qui devint ainfi doublement beau-frère de Denys
le jeune, l’ayant été de Denys l’ancien.
Dion étoit le plus brave & le plus fage des
Syracufains, le plus tendre ami & le difciple le
plus zélé de Platon , qui lui rend le témoignage,
qu’il n’avoit jamais vu un jeune homme fur qui
tes difcours euffent fait une impreffion fi prompte
6 fi profonde, & qui eût faifi avec tant de
vivacité, tous fes principes- On ne lui reprochoit
qu’un maintien grave & févere , déplace
s la cour, dont Platon lui-même lui faifoit la
guerre , & voulut en vain le corriger. « Un
difciple de Platon, devoir haïr la tyrannie ; mais
Dion étoit cher au tyran, fon beau - frère ( c’eft j
de Denys9 l’ancien, que nous parlons ) , il crut
qu’il en vaudroit mieux, quand il auroit entendu
Platon, & que cet homme divin enflammeroit
Denys, comme lui, de l’amour de la fageffe &
de la vertu, il ménagea entre ces deux hommes,
une entrevue qui ne produifit rien. Il efpera
réuffir mieux auprès du jeune Denys. Ce prince,
fans cara&ère & fans talens, avoit été élevé par
Denys, comme Charles V III le fut par Louis X I ,
c’eft-à-direqu’il avoit été enfermé & privé de
toute inftruétion, par l’effet de cette fombre défiance
, qui fait craindre aux tyrans, jufqu a leurs
enfans. Les leçons de Platon étoient, fans doute,
ce qu’il y avoit de plus propre à corriger cette
mauvaife éducation. Appelle par Dion, il vint à
la cour du }eune Denys, qui s’enflamma pour lui
d’une amitié que Plutarque appelle un amour ty- .
rannique. Cet attachement bizarre & pareil à celui
que Louis XIII eut dans la fuite pour fes favons ,
avoit tous les cara&ères. de la paflton & de la
jalouGe » il voulait occuper feul Platon tout entier
régner feul fur fon efprit & fur fon ame,
en être feul eftitné & aimé; il étoit fur-tout
jaloux de Dion. Il comhloit Platon de refpefts
Sc d’honneurs| il adoptoit tous fes principes, il
jnettoit à fes pieds festrêfors, fon autorité, tout
pourvu feulement que Platon confentît à l’aimer
plus que Dion ; e’étoit enfuitecomme dans l’amour, ■
des reproches, des menaces, des fcènes d’emportement
& de fureur que fuivoient à l’inftant le
repentir» les larmes, les plus tendres fuppltca-
tiens..
Platon étoit à peine arrivé , que les courtifans
virent avec effroi l’effet de fes leçons. Les mots
Ae tyran & de tyrannie n’avoient rien d injurieux,
& figniffoient feulement roi & royauté; mais
Platon en avoit flétri l’idée dans l’efprit de Denys
C e prince entendant le héraut, dans une iolemmte ,
demander, félon l’ufage, qu’il plût aux dieux de
maintenir la tyrannie & de conferver le tyran,
s’écria tout haut : ne créeras-tu point de me mau-
dite ? Ce mot fit craindre aux courtifans , une
abdication, ils unirent leurs efforts & leurs in-
trieues il» opposèrent à Platon & a Dion, 1 hiflo-
rien Philifte* dont il ne nous refie rien, mais que
D E N
Cicéron appelle le’ petit Thucydide, pfn'e pujiUus
Thucydides y ils entraînèrent- aifènienî le prince
dans le vice & dans les voluptés, mais fon coeur
étoit toujours pour Platon. De ces pallions, de
ces combats, de cette manière tollé d’aimer un
fage, il réfulta de grands orages, Denys chaffa
Dion, retint fes biens , lui enleva Arête, fa
femme, & l’obligea d’époufer un autre homme.
Platon, renvoyé, rappellé, outragé, emprifonne*
livré aux entreprifes & aux attentats de fes ennemis,
fut enfin délivré par le célèbre phtlofophe
Architas {voye^ fon article), qui le réclama au.
nom de tous les philofophes, Denys. n’ofa le retenir.
D ion , fidèle'aux leçons de là fageffe, dévora
fes affronts, s’interdit la vengeance, voyagea
dans la G rèce, pour s’infiruire & fe rendre
meilleur ; mais dans la fuite, rappelle par les Syracufains,
à qui le joug du tyran étoit devenu
infupportable, il vint brifer ce joug & rendre la
liberté à Syracufe , à travers mille périls & mille
obftacles; il eut- à combattre & Denys & les Carthaginois
, & l’inconftance des Syracufains, il
triompha de tout. Platon lui mandoit que la terre
entière avoit les yeux attachés fur lui feul; mais
il jouit peu de fes fuccès, un traître ami, nommé
Callippe. i’affaffina pour regner à fon tour.Hippa-
rinus, frère de Denys t chaffa Callippe,, & régna
quelque temps, Denys, lui-même, remonta fur
, 4e trône ; un Icetas voulut auffi régner, les tyrans-
fe multiplièrent. Enfin , Timolêon de Corinthe
{voye^ T imolêon) , implacable ennemi de la-
tyrannie , acheva Pouvrage de Dion, & chaffa
; tous les tyrans, non-feulement de Syracufe, mais
| de toute la Sicile. Ce fut alors, dit-on-, que Denys y,
pour être encore un peu tyran , fe fit maître-
d’école à Corinthe. Il étoit fans talens & fans
vertus , mais non pas fans efprit. Pendant fon
I féjour à Corinthe , quelqu’un- lui demandant »,
j pour l’infulter, à quoi lui avoit fervi toute la ^fa-
geffe de Platon ? à fapporter ma difgrace , meme
après l'avoir méritée > répondit-il. Philippe de Macédoine
, parlant avec dénigrement du goût de
Denys l’ancien pour la poéfie, & demandant:
ironiquement à Denys le jeune y. quel temps fort'
pète pouvoit employer à- faire des vers ?• le temps ,.
répondit Denys, que vous & moi avons perdu a ne
rien faire eu à faire du mal. C ’ëft en fubftance le
compte que rend Çicéron, du temps qu il donnoit,
à l ’étude dés belles-lettres».
Ham quis me reprehendat autquis mihi jure Jiiccen»
featyfi quantum cteteris ad fuas res obeundas, quantum
ad fefios dus ludorum celebrandos, quantum ad alias;
voluptates & ad ipfam requiem animi & corps ris con-
ceditur temporis , quantum alïi tribuunt intempejîivis
conviviis, quantum déni que aléa x quantum pila , tantum
egomet mihi ad hac fudia■ recolenda fumpfero ?’
Le dernier détrônement de Denys le jeune»
tombe à l’an 347 avant J. C . ». le refte de fa vi.e.
eft ignoré».
D E O
DENYS D ’H ALICARNASSE ( Hip. litt. anc. ) ,
ainfi nommé, parce qu’il étoit, auffi bienqu’Héro-
dote, d’Halicarnaffe , ville de Carie, écrivain fi
célèbre, qu’il fuffit de rappeller ici le titre de fes
ouvrages ; ce font les Antiquités Romaines, en
vingt livres, dont il ne nous refle que les onze
premiers, qui vont jufqu’à l’an 312. de la fonda-
tionde Rome. L’abbé Bellenger , doôeur de Sorbonne
( voyq; fon article) 6c le P. le Jay , jéfuite,
en ont donné chacun une traduélion , des Çompa-
raifons de quelques anciens hißoriens , .& un traité
très-efiimé , De la conflruêlion Oratoire. L’hifioire
romaine a été fort biep écrite par des auteurs
Grecs, Denys d’Halicarnaffe & Polybe, avant
de l’être par T ite -L iv e . Denys d’Halicarnaffe
vivoit du temps de Céfar & d’Augufte; il paffa
vingt-deux ans à Rome pour compofer fon histoire.
DÉODANDE ( Hiß..m o i en Angleterre eft
un animal ou une chofe inanimée , confifcable en
quelque forte au profit de Dieu, pourl’expia tion du
malheureux accident qu’elle a caufé en tuint un
homme fans qu’aucune créature humaine y ait
aucunement contribué.
Si par exemple un cheval donne à fon maître,
oü à fon palefrenier , un coup de pied qui le tue ; fi
un homme, conduisant une charrette, tombe défi
finis, & que la roue paffe fur lu i& l ’écrafe; fi un
bûcheron , abattant un arbre, crie à ceux qui fe
trouvent là de fe ranger, & que nonobftant certe
précaution, l’arbre, tombant, écrafe quelqu’un:
dans chacun de ces- trois cas, le cheval, ou la
charrette & les chevaux, ou l’arbre, feront deodan-
des (deodanda), c’eft à-dire, feront confifcables
au profit de D ieu ; en conféquence de quoi, le roi
s’en faifira, & en fera diftribuer le prix par fes
aumôniers , pour l’expiation de ce malheureux
accident, quoique caufé par tin animal fans raifôn ,
ou même par un corps inanimé ; & cela en vertu
de cette loi : Omnia quæ movent ad mortem funt
deodanda , c’eft-à-dire, que « tout ce qui, par fon
» mouvement, a donné la mort à un homme, doit
» être dévoué à Dieu ».
Il paroît que cette loi a été dreflee à l’imitation
de cëilé de l’Exode , chap. x x j, où on lit que « fi
» un boeuf frappe de fa corne un homme ou une
» femme & qu’ils en meurent, on le lapidera &
» on n’en mangera pas la Chair, au moyen de quoi
» le maître de l’animal fera innocent de cet acci-
» dent ».
On lit dans le Fleta, que le deodande doit être
vendu, & que le prix en doit être diftribué aux
pauvres pour l’ame du ro i, celles de fes ancêtres
& de tous les fidèles trépaffés. L’auteur du Fleta
n’a pas fans doute entendu que l’ame de celui qui a
été tué par le deodande, n’eût pas de part aux
prières. Chambers ^G ) ,
D É P 33 j
DÉPÊCHÉS, fnb. f. (H iß. moi.'), lettre d’aC
faire qu’on envoie en diligence par un Courier exprès
pour quelque affaire d’état, ©u quelqu’autre chofe
importante. '
Ce font les fecrétaires d’état ou leurs commis qui
font chargés des dépêches. Le roi donne fes ordres
à fes minifires qui font dans les pays étrangers, par
dépêches.
En Allemagne, ces fortes de couriersfe nomment
efiafettes'y ils ont la livrée de l’empereur, l’on efi
obligé dans toutes les poffes de les monier, & ils
vont feuls fans poftillon.
Le mot de dépêches fe dit auffi pour le paquet
même qui contient ces fortes de lettres; mais alors
il n’a point de fin gu lier. C ’eft dans ce fens qu’on
dit : le Courier a rendu fes dépêches.
Les François ont eu , fous Louis X IV , un confeil
de dépêches y auquel aflîftoient M. le dauphin, le
duc d’Orléans, le chancelier, & les quatre fecrétaires
d’état. Ce confeil fubfifte encore aujourd’hui
fous le même titre.
En Efpagne, le fecrétaire d’état, chargé du département
des affaires étrangères , eft appelle le
fecrétaire »des dépêches univerfelles , del defpacho
univerfat. ( G )
DÉ PU TATIO N , f. f. ( Hi/?. mod. ) , eft l’envoi
de quelques perfonnes choifies d’une compagnie ou
d’un corps, vers un prince on à une affemblée »
pour traiter en leur nom ou pourfuivre quelque
affaire.
Les députations Cont plus ou moins folemnelles »
fuivant la qualité des perfonnes à qui on les fait»
& les affaires qui en font l’objet.
Le mot députation ne peut point être proprement
appliqué à une feule perfonne envoyée auprès d’une;
autre pour exécuter quelque çommiffion , mais-
feulement lorfqu’il s’agit d’un corps. Le parlement
en Angleterre députe un orateur & fix membres
pour préfenter* fes adreffes au roi. Le chapitre députe
deux chanoines pour folliciter fes affaires axt
confeil.
En France, l ’affemblée dtixîergé nomme des dé<-
putés pour complimenter le roi. Le parlement fait
auffi par députés fes remontrances au fouverain ;: St
les pays d’états, Languedoc, Bourgogne, Artois»
Flandres, Bretagne , &c. font une députation vers
le roi à la fin de chaque affemblée. Chambers ( G )
D e p u t a t io n , {Hiß. mod.} , forte d’affemblêe
des états de l’empire, différente des diètes. C ’eft
un congrès où les députés ou commiffaires des
princes. & états de l’empire difeutent, règlent 8c
concluent les chofes qui leur ont été renvoyées par
une diète ; ce qui fe fait auffi quand l’éleéteur de
Mayence, au nom de l’emperpur , convoque les
députés de l’empire, à la prière des dire&eurs dfuiai
ou de plufieurs cercles, pour donner ordre à dès