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1672 , une irruption fubite dans Tes états ; fon armée !
franchit le paffage de Lockenitz, fe répandit dans
le Brandebourg, fit peu de ravage & beaucoup de
conquêtes, prit toutes les places fortifiées, refpefia
les campagnes, & fournit tout fans rien détruire?
tel étoit 1 effet de la difcipline qui régnoit dans les
troupes Suédoifes, & qui les rendoit auffi refpec-
tables que terribles.
Mais la maladie' du général Wrangel laiffa le
commandement à des généraux fubalternes, q u i,
tous ennemis les uns des autres, étoiènt plus occupes
à traverfer .lçurs opérations réciproques qu’à
s’oppofer à celles des ennemis. Avec de braves fol-
dats, une-,bonne artillerie, une fituation avanta-
geufe , 1 armée Suedoife, à qui il manqùoitun chef,
perdit une bataille contre i’eleéleur de Brandebourg •
cette défaite fut le lignai d’une confédération générale
contre la Suède ; la Hollande faifoit fecréte-
ment despréparatifs contre elle, lesfloMësDanoifes
bloquoient déjà les ports, & la diète de Ratisbone,
tonnant l’alarme avec plus d’éclat encore, déclaroit
Charles X I ennemi del’empire. Les villes de Lune-
bourg & de Munllerfe joignirent à tant d’ennemis;
& fi la mort n’eût enlevé leczar, implacable ennemi
des Suédois, Charles XI avoir fi : r les bras nncpuii'-
fance plus redoutable elle feule que toutes celles
qui le menaçoient.
Le petit duché de Brême étoit la proie que tant
de princes fe difputoient : l’évêque de Munfler, qui
avoir auffi fes prétentions, fe mit de la partie; fon
but etoit, difoit-il, de rétablir la religion catholique
dans ce duché, & il y envoya une armée de
vingt mille millionnaires, armés de toutes pièces,
qui trainoient avec eux une belle artillerie pour
réfuter les doéleurs proteffims ; ils firent des conquêtes
: elles leur furent bientôt enlevées par les
troupes Danoifes, qui vouloient fe conferver dans
Je duché de Brême un paflage pour entrer dans
celui d’Oldembourg.
Mais elles ne purent empêcher la jonftion des
Brandebourgeois & des Danois dans la Poméranie;
la conquête de cette province ne leur coûta
qu’une campagne. A tant d’infortunes fucceffives,
à tant d’ennemis conjurés contre lui, Charles X I
ne pouvoit oppofer que fon courage, les forces de
la Suède, & l’amitié peu aélive du duc de Holftein-
Gottorp & de l’éleéteur de Bavière, fes alliés. La
perte de l'ile de Gotland & de deux batailles navales
dans la mer Baltique, l’ardeur infatigable du célèbre
Tromp, qui livroit des combats , faifoit des
fièges , & qu’on voyoit fur mer & fur terre pref-
qu’au même inftaut , & fur-tout l’approche
du roi de Danemarclc, qui paroiffoit toujours à
la tête de fes troupes, firent fentir au jeune Charles
lanéceffité de commander fori armée en perfonne.
.fuiques là les divifions du fénat l’avoient retenu
au fein de fes états; il_craignait de les abandonner
à de, guerres tnteftiries, tandis qu’il alloit foutenir
une guerre étrangère; mais après avoir affoupi
ces troubles par une fage fermeté, il fe montra
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enfin fur fes frontières les armes à la main : la foc-
tune des armes changea auffi-tôt; trois milleDanois,
commandes par Duncamp , forent taillés en pièces
pies de Hemlftat ; enfin les deux armées en vinrent
aux mains entre la rivière de l’Oder & les murs
de Lunden, le ^décembre 1676: CharlesXIcommanda
en général, combattit en foldat, & montra
par-tout une préfence d’efprit plus étonnante que
fon courage : on vit dans cette journée ce que peut
fur les trouves la préfence des rois: Charles X I ,
vainqueur où il étoit, fut vaincu où il n’étoit pas , & Chrifiiern triompha à l’aîle de l’armée qu’il con-
duifoit, & fut fpe&ateur de la déroute de celle qu’il
ne conduifoit point. Pour juger de l’habileté des deux
rots & de la valeur de leurs troupes, il eût fallu
que Chrifliern & Charles, placés au centre de leurs
armées, fe fuffent rencontrés. Le combat fe rétablit
vers la fin du jour, & la nuit fépara les combat-
tans ; les deux armées jetèrent des cris de vi&oire ;
toutes deux avoient fait de grandes pertes & remporte
de grands avantages : les hiftoriens des deux
nations donnent chacun l’honneur de cette journée
à leurs compatriotes, nouvelle preuve de ce
Principe , que pour écrire l’hifloire, il faudroit,
s il fe peut, n être d’aucun parti ni d’aucun pays*
La perte de deux batailles navales fit chanceler la
fortune de Charles X I , mais elle fe releva par la
viâôire dé Land/crpon ; les deux rois y firent des
prodiges de bravoure & de génie : Charles com-
manooit la droite de fon armée ; il fe précipita fur
la gauche des Danois, la mit en déroute, prit fon
canon, vola à fâ gauche qui commençoitàplier,
rétablit le combat, enfonça la droite des Danois ,
les pouffa 1 epee dans les reins, demeura maître
du champ de bataille, après avoir fait treize charges
a la tête d'un efcadron, tué beaucoup d’ennemis
de fa main, & reçu plufieurs coups dans fes armes i
le bruit de cette viôoire fe répandit dans le Nord
encouragea les Suédois en Scanie, où ils emportèrent
Chriflianflat, & porta la terreur jufques dans
la Norwège, où les Danois, malgré la fupériorité
du nombre, effuyèrent des échecs confidérables.
C étoit pour les intérêts delà France que Charles
X I s etoit engagé dans une guerre fi ruineüfe; &
Louis X IV eût été inexcufable de n’avoir pas
fecouru fon allié , fi tout le refie de l'Europe, con-
juré contre lu i, ne l’avoit pas empêché de faire
paffer des troupes en Suède. Déjà la Hollande avoit
fait fa paix avec lui ; il négocioit avec l’empereur,
mais il juroit de n’accepter aucun traité qui n’affu-
rata Charles X I les poffeflions que celui de Munfler
lui affuroit dans l’empire. Loin de donner dans le
piège que la politique de Féle&eur. de brandebourg
& du roi de Danemarck lui tendit pour le détacher
des intérêts de la Suède, il leur déclara que
dans fix mois, s’ils n’avoient pas reffitué à Charles
tout ce qu’ils lui avoient enlevé, il joindroit fes
forces à celles de ce prince. Enfin, le traité de Saint-
Germain, calqué fur le plan de celui de Weftpha-
lie , rétablit le calme dans le Nord comme dans le
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refie de l’Europe, en 1679. If fut encore' mieux
affermi par le mariage de Charles avec Ulrique Éléo-
nore, princeffe de Danemarck, Après une guerre
fi difpendieufe * après avoir vu les armées délabrées
, des villes démantelées", des flottes, ou englouties
dans la mer, ou prifes par lès ennemis,
les finances diflipées paffer dans les mains de l’étranger
avide , la pa|x étoit plutôt un moindre mal
qu’un bien réel; il fallut lever des impôts confidérables
pour réparer tant de pertes ; mais le peuple
étoit trop malheureux pour murmurer.
Le r o i, tranquille enfin fur fon trône , exécuta
le projet qu’il avoit conçu dès fon enfance, d’a-
ljaiffer la puiffance du fénat. Après avoir fait examiner
par les états quelles dévoient être les bornes
de l’autorité des fénateurs, d’après les loix du
royaume, il déclara qu’il gouverneroit le royaume
avec le confeil du fénat, mais que c’étoit à lui
de juger quelles affaires il devait communiquer aux
fénateurs. D ’après cet édit, le roi nomma une
grande commijjion pour examiner la conduite, des
miniftres, des généraux qui lui étoient fufpeâs:
cet établiffement lui fut diâé par fon amour pour
la juftice; mais il ne s’apperçut pas qu’il donnoit
aux haines fecrètes des armes pour fe fatisfaire,
& que chaque juge citoit plutôt à fon tribunal
fon ennemi particulier , que l’ennemi de l’état. Ces
nouveaux magiftrats furent vengés, & les loix ne
le furent pas.
Charles X I , dont le but étoit d’accroître fon
defpotifme par degrés, fut adroitement oppofer
à la nobleffe qui lui réfiftoit, le peuple qui haïf-
foit encore plus les grands qu’il n’aimoit fon maître.
Dans une affemblée des états, tenue à Stockholm
en 1682, il fe fit décerner une puiffance illimitée :
cette révolution étoit étonnante, fans doute, dans
un pays originairement libre ; ce qui eft plus
étonnant encore, c’eft que Charles X I n’abufa point
de fon pouvoir pendant plufieurs années, & que
dans l’établiffement des impôts, il ne confulta pas
fes befoins, mais ceux de l’état. Le ciel lui donna
un fils plus capable d’être abfolu en Suède, s’il
n’avoit pas voulu l’être dans l’Europe entière :
on le nomma Charles ; fa naiffance fut fuivie de
celle de Guftave, & un an après, de celle d’Ulric.
La joie que caufoit au peuple la certitude de ne
plus voir le trône en bute à l’ambition des collatéraux,
fut bientôt troublée par une opération
de finances, qui fait peu d’honneur à Charles XI,
Pour acquitter les dettes de l’état, il rehauffa de
moitié la valeur dès monnoies; les créanciers
perdirent la moitié de leur capital & le roi
rentra dans les domaines de la couronne, engagés
par-un autre édit qui ruina les plus puifiantes
familles & altéra beaucoup la confiance publique :
on fut plus alarmé encore de la querelle qui s’éleva
entre le roi de Danemafck & le duc de Holftein-
Gottorp ; on. connoiffoit la fidélité avec laquelle
Charles X I fervoit fes alliés, & on ne doutoit pas
qu’il ne fe déclarât défenfeur du duc; mais le
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traité d’Altena calma, en 16 8 9 ,les inquiétudes de
la nation. Charles X I ne s’occupa plus qu’à fa-
vorifer le commerce des Suédois, & à les enrichir
par fes bienfaits, après les avoir appauvris par
fes ordonnances : il étoit occupé à terminer la
guerre qui s’étoit rallumée de nouveau entre la
France, l’Empire & la Hollande; les miniflres
plénipotentiaires, après plufieurs négociations ira—
fruétueufes, s’étoient affemblés à Ryfwick ; la médiation
du roi de Suède commençoit à rapprocher
les intérêts des puiffances belligérantes, lorfque
la mort enleva ce prince, le 15 avril 1697, dans
la quarante-deuxièmë année de fon âge. Ses
derniers momens furent employés à prévenir les
troubles d’une régence; Charles XII étoit en bas
âge. Charles X I , par fon teflament , laiffa les
rênes du gouvernement entre les mains de la
douairière, Hedwige Eléonore, à qui il donnoit un
confeil compofé de cinq fénateurs.
Charles X I étoit petit, mais robufte, adroit,
léger, infatigable ; fon regard étoit doux, il fou-
rioit avec grâce, & mettoit peu d’art dans fort
maintien ; il étoit Ample dans fes vêtemens, plus
gourmand que délicat, toujours armé d’une longue
épée, familier avec le peuple, & peu fier avec
1 les grands. Son jugement étoit fain ; il penfoit
beaucoup mieux qu’il ne s’exprimoit. Embarraffé
dans une affemblée où il falloit parler, il excelloit
dans une négociation où il ne fallqit que réfléchir ;
on ne peut lui reprocher que l’avidité avec laquelle
il envahit les biens de fes fujets; il aimoit l’o r ,
mais il préféroit la gloire aux richeffes , 8r le bien
de l’humanité à la gloire. Tel étoit le père de
Charles XII. ( M. DÈ Sa c y . )
C h a r le s XII ( Hiß. de Suède. ) roi de Suède,
fils du précédent. Le premier événement de fon
règne fut le moins célèbre , & le plus digne de
l’être. La paix fut conclue à Rifwick en 1697,
par la médiation de la Suède, entre la France,
i’Efpagne, la Hollande, l’Empire & l’Angleterre:
toutes les puiffances intéreffées témoignèrent leur
reconnoiffance à Charles X I I , & lui donnèrent,
fur fes inclinations pacifiques, des éloges dont il
étoit peu flatté. Charles , dans fes réponfes pleines
de nobleffe & d’artifice, vantoit les douceurs de
la paix: >« puiffe-t-elle , difoit-il, s’affermir &
» régner éternellement en Europe ! » On eut lieu
de reconnoître dans la fuite combien ce voeu étoit
peu fincère. Son goût pour les armes avoit éclaté
dès fon enfance. La le&ure de Quinte-Curce l’en-
flammoit il vouloit devenir le héros d’une pareille
hiftoire; & lorfqu’on lui objeâoit qu’Alexandre
étoit mort jeune, « il a conquis des royaumes»,
difoit-il. On fait qu’ayant vu au bas de la carte
géographique d’une ville Hongroife que l’empereur
avoit perdue , ces mots dê Job, Dieu me Va donné,
Dieu me Va ôté, le nom du Seigneur Voit béni, il
écrivit au bas de la carte de la Livonie, Dieu me
Va donné, le diable ne me Votera pas. Ces faillies
amufoientla cour , & voloient de bouche en bouche
Mi»