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rien ne paroifloit pouvoir s’oppôfer au mariage de
cette princeffe, lorfque Ferdinand, vit dona Léonore
Teilez, époufe de dom Juan-Laurent Dacunha. La
beauté de cette femme, fit une fi forte impreflion
fur le roi, que, malgré toutes les repréfentations
qui lui furent faites , il fit cafter le mariage de
cette femme, fous prétexte de parenté avec fon
mari , envoya dire au roi de Caftille qu’une
inclination invincible ne lui permettoit point
d’époufer l’infante, & fe maria fecrétement avec
dona Léonore, qu’il mena enfuite à Lisbonne. Le
peuple , inftruit de cette union, fe fouleva , courut
inveftir le palais, & fe feroit porté aux dernières
violences, fi, pour l’appaifer, Ferdinand n’eût paru
& déclaré publiquement qu’il n’étoit point l’époux
de dona Léonore, & que le lendemain il iroit à
Féglife de Saint-Dominique, y faire folemnelle-
ment la même déclaration : mais, au lieu de s’y
rendre, il s’en alla précipitamment à Santaren,
tandis que, par fes ordres, on puniffoit de mort
à Lisbonne les plus coupables d’entre les féditieux.
Cette févérité intimida le peuple, qui à la vérité
ne féfouleva plus, mais n’en refia pas moins irrité
contre fon fouverain , plus occupé à la cérémonie
publique de fon indécent mariage, que des mécon-
tentemens qu’il pouvoit occafioner. Pendant que
ce monarque fe faifoit méfeftimer de fes fujets
par cette fuite d’inconféquences, il apprit que
Jean , duc de Lancaftre , fils d’Edouard I I I , roi
d’Angleterre , a voit pris le titre de roi de Caftille,
en qualité d’époux de dona Confiance , fille aînée ;
de Pierre-le-Cruel. Ferdinand, qui avoit foutenu 1
fi vivement fes prétentions à'la même couronne,
fe lia avec le duc de Lancaftre , poiîr aider celui-ci •
à monter fur le trône de Henri. Les Caftillans,
indignés de ce traité, firent des incurfions dans le
Portugal , & fe rendirent maîtres de plufieurs
villes ; le roi Henri, profitant de ces avantages,
marcha de conquête en conquête, jufqu’aux murs
de Lisbonne , & eût fini par s’emparer du
royaume entier, fi Ferdinand, humilié, mais non
pas corrigé , ne fe fût hâté d’accepter les conditions
'-que fon vainqueur lui impofa , par la médiation
du légat du pape. Les principales conditions
de ce traité furent , que le roi de Portugal
abandonneroit Ses alliés ; qu’il fourniroit une efca-
dre aufii - tôt qu’il en feroit requis , pour ]feçourir la France contre l’Angleterre ; qu’il ne per-
mettroit plus aux Anglois de tirer des munitions
du Portugal, & que les mécontens de Caftille,-
réfugiés à la cour ou dans le royaume, en fe-
roient tous chaffés. Ces conditions humiliante
furent exa&ement remplies; & Henri, pour s’at- ,
tacher autant qu’il- étoit pofiible le roi Ferdinand I +
lui fit propofer de marier dom Frédéric , fon fils
naturel, avec dona Beatrix , infante de Portugal,
princeffe qui étoit encore au berceau. Ce mariage,
en apparence très-inégal , fut cependant approuvé
par les états de Portugal, & plus encore par le
roi, qui vouloir aj>planir toutes les difficultés qu’il
eût pu rencontrer du côté de la cour de Caftille^
afin de fuivre plus librement le projet qu’il avoit
formé de faire la guerre à l’A ragon, pour fe faire
reftituer les 1800 livres d’or ; mais ce projet,
comme tous ceux qu’ri méditoit, ne fit que l ’ex-
poler à de très-grandes dépenfes, & n’aboutit à
rien. Sa paflion pour la reine Léonore s’accroiffoit
chaque jour ; & cette reine, la plus belle des
femmes de fon royaume , étoit encore plus perfide
& plus turbulente que belle ; fon cara&ère vindicatif
& cruel caufa une affreufé fcène, & qui la
rendit de plus en plus l’objet de la haine publique.
L’infant dom Juan , frère du r o i , devint amoureux
de dona Marie, foeur de la reine , & il
l’époufa fecrétement. Dona Léonore , informée de
ce mariage , & né pouvant oublier que dona
Marie avoit eu la gènérofité de s’oppofer au mariage
de Ferdinand, craignant d’ailleurs que fi le
roi venoit à mourir, dpm Juan & fon époufe ne
montaient fur le trône, crut que l’occafion de
fe venger étoit venue ; elle fit venir l’infant dom
Juan , & , après lui avoir témoigné le plus tendre
attachement, elle lui dit que s’étant propofé de
le marier avec*l’infante dona Béatrix , qui lui
eût a fibre le feeptre portugais , elle étoit défèf-
pérée qu’il eût facrifié fon élévation future à fon
amour peu mérité pour dona Marie, qui -le def-
honoroit par fes infidélités. Dom Juan, aufii crédule
qu’ambitieux , & d’une violence outrée ,
perfuadé des infidélités de fon époufe, alla fur-
le-champ la trouver, lui perça le coeur de deux
coups de poignard, & fe retira fur les frontières
de Cafiille. La reine dona Léonore affeéfa la plus
grande douleur, engagea cependant fon époux à
pardonner à dom Juan , qui', bientôt inftruit de
l’arrôcité des dénonciations d’après lefquelles il
s’étoit porté à faire périr fon époufe , fortit des
états de fon frère, & fe retira en Caftille auprès
de dona Béatrix, fa foeur. La caufe de la^ mort
de dona Marie fut bientôt répandue ; & la haine
que le peuple avoit déjà pour la reine, fe changea
en exécration. Ferdinand feul ignoroit la noirceur
& la perfidie du caractère de fon époufe ; il
l’adoroit , ne voyoif que par e lle , ne jugeoit
& ne fev décidoit que d’après fes confeils. D ’après
les fuggeftions d’Andeiro, amant favorifé de la
|
reine, & par celles de cette princefle, Ferdinand
renouvella, pour le duc de Lancaftre, la guerre
contre la Cafiille ; & , malgré le fecours de
l’Angleterre, il efiuya tant de pertes, éprouva
| tant de défaftres, qu’il fut" encore obligé d’accepter
la paix, (k d’abandonner fes alliés, ne retirant de
cette fécondé guerre d’autre fruit que le trifte
avantage de s’être donné en fpeétacle à l’Europe.
Cette güerre étoit à peine terminée, que la reine
Léonore de Cafiille mourut. Ferdinand, qui avoit
fucceffivement offert fa fille en mariage aux deux
fils du roi de Caftille, l’offrit encore au père, &
à ides conditions fi avantageufes pour ce fouverain,
quelles furent acceptées, Quoiquejlans la vigueur^
F Ë K
de l’âge, & dans fa quarantième année, Ferdinand,
épuifé par les excès de tous les genres auxquels il
s’étoit abandonné , étoit accablé de tant d’infirmités,
qu’il ne put ni aftifter aux brillantes fêtes qui furent
données à l’occafion du. mariage de l’infante , ni
conduire cette princeffe à fon époux; mais la reipe,
fuivie de Félite de la nobleffe, & accompagnée
d’Andeiro , comte d’Ourem , fon amant, con-
duifit elle-même fa fille jufqu’à Yelvés , 011 elle
la remit entre les mains du roi de Cafiille ; mais
pehdant ce voyag e, fa paflion pour le comte
d’Ourem avoit éclaté avec fi peu de décence, &
Léonore avoit fi peu ménagé les foins de fa réputation
, .que Ferdinand, -inftruit enfin de cette
intrigue , & rempli du defir de fe venger ,
chargea dom Juan , fon frère, de faire périr An-
d.eirormais cette commiflion ne fut point remplie, &.
le comte d’Ourem fut aflez heureux pour échapper
au fort qu’on lui deftinoit. Cependant le roi Ferdinand
s’affoiblmoit de jour en jour, & fouffroit
des douleurs cruelles, qu’il fupporta avec la plus
héroïque confiance. Après deux ou trois années
de maux & de tourmens, il expira le 2.2. oéfobre .
1383. Le peuple s’attendrit à la nouvelle de fa
mort ; la nation avoit beaucoup fouffert de fa
légèreté ; cependant les Portugais 1 e regrettèrent
amèrement; ils oublièrent fes défauts, ils oublièrent
les maux que fes folles entreprifes avoient occa-
fionés ; ils ne fe fouvinrent plus que de fa bién-
faifance, de fa douceur & de fon affabilité ; tant
il eft vrai qu’avec ces feules qualités , quoique
mal dirigées, les rois , quelques défauts qu’ils
puiflent avoir d’ailleurs, font toujours afîurés de
l’amour de leurs peuples. Ferdinand mourut dans
la feizième année de fon règne, & dans la quarante-
linième de fori âge. ( L. C. )
FERDOUSI, (Hift. litt.mod. ) poëte perfan célèbre
, qui vivoit vers le commencement du
onzième fiècle. Il étoit difciple d’Affedi , & on
le préfère à fon maître. Il compofa une hiftoire ,
en vers, des anciens fouverains delaPerfe. Cet
ouvrage fu t, dit-on, magnifiquement payé par le
gouvernement.
FERMAT : (P ierre de ) ( Hift. litt. mod. ) il ne
faut aflurément point confondre parmi les ennemis
& les envieux de Defcartes, le fage & célèbre
Fermât , confeiller au parlement de Touloufe ,
dont la difpute avec Defcartes fur divers points
de dioptrique & de géométrie n’auroit produit
que des éclairciflemens utiles, fi le favant, mais
aigre Roberval, en y intervenant, ne l’eût fait dégénérer
en une querelle , dès-lors indigne de Defcartes
& de Fermât , qui l’abandonnèrent. La fin
de ce petit procès de philofophie , (Defcartes l’ap-
pelloit ainfi , & il y eut des juges nommés & un.
bureau établi pour le juger) fut que Fermât adopta
la philofophie de Defcartes , obtint fon amitié , lui *
donna la fienne. Quand pourront toutes les dif- j
putes littéraire^ &philofophiques fe terminer ainfi ? 1
Celle-ci occupe les années 1637 & 1638. Fermât
mourut en 1665- Il avoit des connoiflances oc
des talens dans beaucoup d’autres genres ; mais
fon nom s’éclipfe devant le grand nom de Del cartes.
On a cependant effayè.dans ce£ derniers temps,de
lui donner une plus grande exiffen^e, & de partager
l’empire entre Defcartes & lui 3 mais jf?
idées étoient fixées & ne paroiflent pai avoir
été changées. Pierre de Fermât eut deux fils ,^tC.us
deux comme lui confeillers au parlement de Touloufe
; Jean-François de Fermât, qui publia en
1770 les obfervations de fon père fur Diophante
d’Alexandrie , & Samuel de Fermât, dont quelques
favans ont parlé tiès-avantageufement.
FERNAN D, ou F e r d in a n d Cortez. ( V o y e |
Corteç. )
FERNEL, (J ean-Fr an ç o is ) {Hiß. litt. mod.}
premier médecin de Henri I I , roi de France, & de
Catherine de Médicis fa femme , & l’un des plus
grands noms de la médecine après Hippocrate
& Gallien. Il a beaucoup & très-bien écrit fur fon
art ; il a fait connoître ce que lés anciens médecins
grecs & latins contenoient d’utile ; il a vu fa
Pathologie enfeignée dans les écoles. Il avoit, de
plus, le mérite d’écrire bien en latin, & il avoit fait
cefferle reproche que les étrangers nous faifoient
de n’avoir dans nos écoles qu’un latin barbare.
Il n’approuvoit pas le fréquent ufage de la faignée.
Il étoit né en 1506 >à Montdidier en Picardie ; il
mourut en 1558. N
FERON, ( Je a n le ) (Hiß. litt, mod.') avoca t,
auteur du Catalogue des Connétables, Chanceliers,
Amiraux, Maréchaux de France , ouvrage refondu
& perfectionné par Denis Godefroi. Le Feron eft
mort fous le règne de Charles IX.
FERRAND , ( A n t o in e ) ( Hiß. litt. mod. )
confeiller de la cour des aides à Paris , poète
agréable. Ses chanfons avoient été recueillies &
mifes fur les airs de clavecin du célèbre Cou-
perin ; mais il étoit peu connu des gens de lettres :
c’eft M. de Voltaire qui le leur a fait connoître
avantageufement, en citanf de lu i, dans le Siècle
de Louis X IV, ce madrigal f fein d’invention & d’un,
très-bon goût :
D ’amour & de mélancolie
Célemnus enfin confumé ,
En fontaine fut transformé ;
Et qui boit de fes eaux , oublie
Jufqu'au nom de l’objet aimé.
Pour mieux oublier Egérie -,
J’y -courus hier vainement ;
A force de changer d'amant j
L ’infidelle l’avoit tarie.
Mort en 1719.
FERRARE, ( Voyez Efl. )
Z z z j,