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Conjlantin de la pourpre pour s’en faire un appui.
Maxence , fils de Maximin , qui jufqu’alors avoir
vécu dans une crapuleufe débauche, revendiqua ,
les armes à la main , l’héritage de fon père. Tandis
que l’empire étoit embrâfé du feu des guerres
civiles , Conjlantin convaincu que fi la fortune fait
les empereurs, c’eft aux empereurs à juftiner le
choix de la fortune, régloit l’intérieur de fes états
& en protégeoic les frontières contre les inva-
fions des barbares. Les Francs , qui avoient pafie
le Rhin, furent vaincus &difp:rfés. 11 les força
de répaffer le fleuve ; ils furent pourfuivis par
leur ennemi infatigable, qui porta le fer & la flamme
dans leurs poffeffions. Les jeunes gens qui tombèrent
dans fes mains , & qui etoient en état de
porter les armes, furent tous livrés aux bêtes dans
les jeux qu’on célébra après cette viéloire. Deux
de leurs rois furent dévorés dans l’amphithéatre,
aftion barbare qui déshonora le vainqueur. Conjlantin
avoit un fond de férocité qui formoit le caractère
des princes de fon fiecle. Il tourna enfuite
fes armes contre Maxence & Maximien fon père,
qui s’étoient ligués contre lui. Il remporta fur eux
une grande viâoire fous les murs de Rome.
Maxence fuyant avec trop de précipitation ,
tomba avec fon cheval dans le T ib re , où il fut
fubmergé. Le vainqueur entra dans Rome avec
les honneurs du triomphe , dont il releval’eciat par
fa bienfaifance. Les priions furent ouvertes , les
partifans des deux tyrans obtinrent l’abolition de
leur crinje. Le fénat le déclara premier Augufte
& grand-prêtre de Jupiter , quoiqu’il eût tracé
fur fes enfeignes l’image de la croix, & qu’il fit
une profèfeon extérieure de la loi évangélique. Il
eft difficile de juftifier fa fo i, qui fut altérée par
un mélange de paganifrne.' Il n’avoit plus d’autre
-collègue que Licinius. Ces deux princes donnèrent'conjointement
un édit de tolérance de tous
les cultes. Ce fut une faveur pour les chrétiens,
qui rentrèrent dans leurs poffeffions, & qui furent
admis aux dignités de l’état. Cet édit porta le
dernier coup à l’idolâtrie, & ce fut fur fes débris
que le chriftianifme s’éleva. Le calme dont jouif-
loit l’empire fut troublé par la jaloufie de Licinius
, qui voyoit fa gloire éclipfée par celle de
fon collègue, qui ne lui laiffoit que l’ombre du
pouvoir. Leur rupture fut bientôt éclatante, &
il fallut vuider la querelle les armes à la main.
Licinius plein de confiance daas la fupériorité du
nombre, livra un combat dont le fuccès fut longtemps
incertain : mais enfin la fortune fe déclara
contre lui. Il fe releva-bientôt de fa chûte ; il reparut
dans les plaines d’Andrinople, avec une armée
plus formidable que la première; il fut encore mis
en déroute II eut alors recours à la négociation ,
qui lui réuffit mieux que fes armes. Conjlantin lui
accorda la paix j'à condition qu’il lui céderoit la
Thrace, la fécondé Méfié , la Tartarie & les provinces
de l’Orient. Tout annonçoit un calme du-
-Cgble: les deux empereu'rs, pour refferrer plus
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étroitement les noeuds de leur alliance, conféré^
retit chacun à leurs trois fils le titre de Cèfar. La
rivalité du pouvoir leur remit bientôt les armes à
la main. Licinius couvrit les mers de fes vaiffeaux ;
fon armée de terre, forte de cent cinquante mille
hommes de pied , & de quinze mille chevaux , le
mit en état de tout entreprendre & de tout efpè-
rer. Conjlantin lui oppofa deux cents galères à
trente rames , & deifit mille vaiffeaux de charge.
On comptoit dans fon armée de terre cent trente
mille combattans. Ces deux princes rivaux, avant
d’en venir aux mains, follicitèrent le ciel de féconder
leurs armes. Licinius , idolâtre & fuperfti-
tieux , menoit à_fa fuite une foule de facrificareurS,
de devins , d’arufpices & d’interprères des fonges,
qui, après avoir confulté les entrailles des victimes
, le flattèrent de l’efpoir d’une pleine viftcire.
Conjlantin, chrétien fans en avGir encore reçu le
cara&èrc, mettoit fa confiance dans l’étendart de
la croix, & dans les prières des prêtres & des évêques
qui étoient dans fon camp. Les deux armées
fe joignirent dans les plaines de Calcédoine. L’attaque
fut v iv e , & la défenfe opiniâtre. Licinius,
après avoir agi en capitaine & en foldat, fut contraint
de céder à la fortune, de fon heureux rival.
Vaincu fans avoir rien perdu de fa gloire, il ra-
mafia les débris de fon armée , & traverfa la
Thrace pour aller rejoindre fa flotte, qui fut aulfi.
battue &c!ifperfée : alors,défefpérant de la fortune,
il entama des négociations qu’il fit traîner en longueur
pour avoir le temps d’attendre les Goths &
les autres Barbares qu’il appelloit à fon fecours.
Cet artifice lui réumt mal ; il livre un nouveau
combat où il perd vingt-cinq mille hommes. Les
foldats qui furviyent au carnage de leurs compagnons,
mettent bas les armes, & fe rendent au
vainqueur. Licinius abandonné fe voit empereur
fans fa jets, & , général fans armée. Il s’enfuit à
Nicomédie . où il fu: bientôt afliégè & contraint de
fe foumettre à la difcrétion d’un maître qu’il n’avoit
pu fupporter pour collègue. Confiantia, fa
femme, follicita fon frère Conjlantin de lui laiffer
la vie ; cette grâce fui accordée, & la promeffe r
en fut confirmée par les fermons les plus facrés.
Licinius, dépouillé de la pourpre , fe profterna
devant fon maître, qui l’admit à fa table. Il fut en-
fuite relégué à Theffalonique pour y mener une
vie privée; mais à peine en goutoit-illes douceurs,
que Conjlantin envoya l’ordre de l’étrangler. Son
fils fut privé du titre de Céfar. On ne peut lui
contefter d’avoir été un grand homme de guerre ;
mais quoiqu’il eût des talens, il ne laiffa que le fou-
venir de fes cruautés. Toute la puiffance impériale
fut réunie fur la tête de Conjlantin, qui prit
lé nom de victorieux fur les médailles. Ce titre devint
héréditaire à plufieurs de fes fucceffeurs. Il
n’ufa de fes conquêtes que pour étendre les conquêtes
de la foi. Il fut défendu aux fouverains des
provinces & aux magiftrats des villes d’offrir des
facrifices, & d’ériger de« fiatues aux faux dieux;
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La divination fut profcrite , les temples de l’idolâtrie
furent fermés ou convertis en. fan chiai res du
vrai Dieu. Son zèle éclairé n’alla pas jqfqu’à l’intolérance.
Il défendit d’inqbiéter les confidences , &
d’envoyer les incrédules-fur les bûchers. Il n’y eut
que les profanations feandaleufes qui fuffent fou-
raifes à des peines. Il exhorta fes fu jets à fe pardonner
leurs opinions. Il réprima l’indifcrétion de
quelques zélateur^ qui vouioierit que lés a&es de
h religion païenne fufiènt punis comme des crimes
d’état. Il aimoit à s’entretenir avec1,les évêques,
qui abusèrent quelquefois de leur afcendant fur
lui pour le rendre perfécuteur, Il s’occupoit dans
fes lififirs à Compofer des homélies & des fermons
qu’il récitoic en public. Il nous refie un de fes
difconrs fur la paifion, quin’efi remarquable que
par fa prolixité & le nom impofant de fon auteur;
mais c,e prince, qui n’étoit point infenfible aux
louanges, fa voie qu’un fouverain qui prêche eft
toujours applaudi. La police de l’état fut réformée,(
le vice fut obligé, de fe cacher, il n’y eut plus de
fcandale ; mais Thypocrifie plus adroite & plus
rafinée fe couvrit du.mafque de la vertu. L’avarice
des juges Si des gouverneurs fut réprimée par
des loix qui relièrent fans exécution. Conjlantin,
.occupé des querelles qui; divifoient l’églife, fe re-
pofoit du foin de l’empire fur des officiers mercenaires,
qui îaifiôienf les crimes impunis dès qu’on
étoit affez riche pour acheter fa grâce. Quoique
le peuple eut un maître bienfai faut, il étoit opprimé
par une multitude de tyraris lufealternes qui
épuifoient les provinces pour afibuvir leur avidité.
Conjlantin , piftrait fur toutes ces vexations, afiem-
bloit un concile à Arles pour éteindre le fchifme
des donariftes. Ses peuples géniiffoient dans l’op-
preftion ; il les çroyoit a fiez heureux s’il .pouvoir
fes éclairer. Ce fut fous fen règne que rArianiftne
prit naifiânee dans l’Egypte , d'où il fe répandit fur
toute la furfa.ee du globe. Les talens d’Arius. en
facilitèrent les progrès. Le poifon fut fi adroitement
préparé, que la contagion corrompit les prélats les
plus éclairés. Confiantia, feeur de Conjlantin ,:favo-
ri fa l’erreur nouvelle, qui devint,la dominante dans
l’Egypte, la Lybie & l’Orient. Les deux partis-
convpquoient des fynpdps où iis fe frappôknt réciproquement
d’anathêmes. Conjlantiir, pour étouffer
le" germe de tant de divifions , convoque un
concile général à Nicée, ville de Bythinie. Tous
Jes évêques y furent invités. Letréfor public leur
fournit des voitures & des chevaux \ConÇiûniin fe
rendit à Klcée pour les recevoir. Ils s’affemblèrent
au nombre de trois cents ,dix-.huit. L’empereur
parut clans cettç vénérable af f embl é ene . voulut
sa ffeoir qu’a près >en avoir été prié par les'évê-
ques. Il eut même l'humilité debaifer les plaies de
ceux qui avoient fooffert pour la caufe de Jéfus-
Chrifi. Il prorefia qu’il vouloir lai fit r, la liberté des
Suffrages ; mais’illes gçna en effet, en menaçant de
réxiî ceux qui refufei oient de fouferire aux dédiions.
Tous les pères du concile fe félicitèrent de
tfifloirc, Tprjiç IJ, Première partr
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fon affabilité : il leur donna un magnifique fefiin
dans fon palais, Il avoit tant de vénération pour
eu x , qu’il avoit coutume de dire que s’il furpre-
noit un évêque en adultère, il le couvrircit c;.e
fa pourpre pour en cacher le fcandale aux veux
du public. La faveur dont il ho noroît les minifires
de la religion en étendit les conquêtes. Les vi les
& les. campagnes brûioient leurs idoles, &détrui-
foient leurs temples pour bâtir 'des églifes. Parmi
ces nouveaux chrétiens, on en vit qui, par un refie
d’attachement pour leurs antiques cérémonies, con-
fervèrent les fiatues indécentes de leurs dieux,&
fur-tout celles de Vénus. Des villes converties b if fèrent
fubfifter fur leurs théâtres des fcènes lafcives
qui offen’foient l'a pudeur. La Syrie, toujours efféminée
offrit pendant long-temps ce fpeéiacîe licentieux.
Lechrifiianifm,e pénétra au-delà c!u Rhin & du Danube.
Les Goths reçurent l’évangile. Un grand
nombre de Barbares , après avoir pillé l’empire,
retournèrent dans leur pays, éc\airés des rayons
de la foi. Ce fut fous fon règne que les mon a fié res
furent établis. Des folitaires. àvoient peuplé les défer
ts : mais c’étoient des membres, épars qui n’è-
toient attachés à aucun corps. Antoine , protégé
de l’empereur, fut le premier qui forma des dif-
ciples, & qui les affujettit à une règle uniforme,
Pacôme, à fon exemple, fonda des inonafiëres
qui édifièrent les païen:, même, tant qu’on y con*
ferva la ferveur & l’efprit de leur premier infiitur,
Les inferiptions qui retraçoient fur les mennofes.
les cérémonies idolâtres furent effacées. Les ira»
pofrures des prêtres du paganifmê furent dévoilées,
les facrifices abolis. La magie & la divination fu*
tent proferites. Les oracles qui avoient âbLifé.de la
crédulité du- vulgaire , tombèrent dans.le mépris.
Tandis,' qu’il dérruifeit l’idolâtrie, il épargnpir la
foibleffe des idolâtres. Le poganifme n?eut poin-t-à
fe glorifier dé feb ■ martyrs : 6c même la veille do
fa mort, il fit publier, un édit qui maintesoit les
prêtres idorâtres dans leurs anciens privilèges.
Un projetdifficile occirpoit depuis long - temps
Ton efprit; c’etoit de fonder une nouvelle Renie ,
& d’y transférer le fisge de l’empire. Un autre
rfauroit ofé concevoir ce deffein, Conjlantin fiexé-
ciita en peu de temps. Il choifit le détroit de PHeL
lefpont, entre l’Europe & l’Afie.', où l’on nev cyo't
plus que les débris de l?ancienne Byfance. qu’il rétablit
fous le nom de ConjlantinofU. Il choifit ce
lieu comme le centre de. l’empire, •& fu r -to it
coninre le plus Tavorable pour oppofer une barrière
aux Perfes, qui^alors étoient fes ennemis les
plus redoutables- L’ancienne Rome lui étoit cfevts
nue odieufepar fon attachement àd’idolâtrie. Peutr
être fuccomba-t-il' à l’ambition d’être lè fendateur
d’un nouvel empire , de même qu’Augufte aveie
eu- la tentation de tranfporter à Troye la fglendc.ur
de Rome. Cette ville nouvelle fut embellie d’edi»-
fices & de places, publiques qui furpaffèreitr en
magnificence tous les mem:mens de Rome. U s
temples des feux dieux fournirent tant de fiatues,
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