
un malheureux fi cruellement opprimé, que ce
ne foit pas du moins fans détefter la violence
des opprefleurs, fans dénoncer avec horreur à
toutes les âmes douces & honnêtes les crimes de
l ’intolérance.
CONON (Hiß. gfecq. ) , fameux général des
Athéniens dans la guerre du Péloponèfe. Ayant
été furpris par les Lacédémoniens à la journée
d’Ægos-Potamos , ou du fleuve delà Chèvre, il
s’étoit exilé volontairement auprès d’Evagoras, roi
de Chypre. Il y refta pendant que Lyfandre pre-
noit Athènes & y changeoit la forme du gouvernement.
C ’étoit, dit Plutarque, un voyageur qui
attendoit le retour de la marée pour s’embarquer.
Il aVoit détruit par fa défaite la puifiance d’Athènes,
il ne défefpéroit pas de la rétablir par des viétoires:
il parvint à infpirer au roi de Perfe de la jaloufie
& de l’inquiétude furl’accroiflement de la puiflance
des Lacédémoniens; il alla lui-même folliciter des
fecours à la cour de ce ro i, fans pouvoir être
admis en fa préfence, parce qu’il eût cru déroger
à la qualité de Grec'ôc d’homme libre en fe
profternant, félon l’ufage, devant ce prince; il lui
fit porter des repréfentations fi fortes & fi animées,
que le roi Artaxerxès Mnémon lui donna le commandement
d’une flotte avec laquelle il battit celle
des Lacédémoniens auprès de Cnide. De ce mo-.
ment la fortune fut changée, la puiflance de Lacédémone
alla toujours en déclinant. Conon revit
Athènes après tant d’années, & la revit en libérateur
& en réparateur; il en releva les murailles
avec le fecours des Perfes qui l’avoient brûlée
autrefois, & l’argent des Lacédémoniens qui l’a-
voient depuis peu démantelée. Les Lacédémoniens
fe vangèrent de Conon d’une manière où l’on ne
reconnoît plus l’ancienne vertu fpartiate ; ils l’ac-
cufèrent d’avoir volé au roi de Perfe l’argent employé
au retabliflement d’Athènes , quoiqu’ils
fuflent très-bien que cet argent provenoit de leurs
dépouilles remportées à la viâoire de Cnide: ils
l ’accufèrent encore d’avoir voulu enlever au roi
"de Perfe quelques provinces de l’Afie mineure,
pour les remettre fous la domination d’Athènes:
ils trouvèrent aifément des Satrapes qui, en haine
d’autres Satrapes, appuyèrent leurs calomnies &
fécondèrent leurs vues. Téribaze, l’un de ces Satrapes,
arrêta Conon & le retint prifonnier. On dit
qu’il fut envoyé à Suze, & qu’il y fut exécuté à
mort par l’ordre du roi. Xenophon n’en dit rien.
Conon vivoit environ quatre fiècles avant J. C.
CONRAD ou CONRARD Ier ( Hijl. d*Alle-
magne), premier roi de Germanie. Ce prince ne
dut fon élévation qu’à fes vertus : il étoit fils de
Conrad de Fridzlard, que le féditieux Albert, à
qui Louis l’Enfant fit trancher la tête, avoit tué
dans un combat l’an 905. L’origine de la famille
des Conradeft incertaine , & ce feroiten vain que
pour la découvrir oh prétendroit fonder l’abyme
des temps. Elle étoit illuftre au commencement
du dixième fiècle. L’oncle de Conrad remplit le
fiège de Wurtzbourgen Franconie, & fon père,
fous le titre de comte, gouverna la plus grande
partie de cette province. 11 eft à croire qu’il s’é-
toit montré digne de fon rang, puifque Louis
l ’Enfant vengea fa mort par le fupplice d’Albert.
L’Allemagne, encore dite Germanie , étoit réunie
aux Gaules depuis plufieurs fiècles; & comme
cette contrée obéifloit aux defeendans de Pépin,
il reftoit à la mort de Louis l’Enfant un rejet-
ton de cette illuftre tige. Les Germains, fuivant
l’ufage conftamment pratiqué jufqu’alors, dévoient
y attacher le feeptre : mais les grands s’éloignèrent
d’une coutume que le temps fembloit avoir rendue
facrée , & refufèrent de couronner Charles-le-
Simple. Ce n’eft pas que ce prince fût indigne de
régner, comme quelques modernes n’ont pas
craint de le dire d’après des hiftoriens, vils flatteurs
dont la haine ou l’intérêt avoit égaré la rai-
fon & corrompu la critique. Ils n’avoient d’autre
motif que le defir de jouir fans troubles des privilèges
qu’ils avoient ufurpés, & dont ils pou-
voient craindre d’être dépouillés par un roi légitime;
d’ailleurs, ces grands , en rendant le trône
éle&if, dévoient être flattés de pouvoir un jour
s’y afleoir, eux ou leurs defeendans. Ce fut à
Wormes que fe tint cette fameufe aflemblée , où
les nobles & les prélats , abjurant pour jamais la
poftérité de Pépin, fe choifirent, non pas un iriaître,
mais feulement un chef qui devoit les maintenir
dans leurs ufurpations & les défendre. L’aflem-
blée étoit partagée en deux faftions, l’une com-
pofée des états de la Saxe, qui pour lors s’étendoit
de la rive droite du Rhin jufqu’aux limites qu’elle
conferve encore aujourd’hui à l’orient; au midi
elle confinoit à la Franconie; la mer baltique,
l’Oder & la mer d’Allemagne la fermoient ail
nord : l’autre fa&ion étoit compofée des états de
Bavière, de Suabe & de Franconie. Les autres
peuples 'qui compofent le corps germanique n’é-
toient encore que tributaires, & leurs chaînes
s’étendoient ou le reflerroient fuivant que les empereurs
ouïes rois de Germanie montroientplus
ou moins de fermeté. Les fuffrages des deux factions
fe réunirent en faveur d’Othon, duc de Saxe ;
fa naiflance, fes talens & fes vertus le rendoient
digne de cet honneur. Il fut le feul qui refufa
d’applaudir au choix de fes compatriotes. Ce généreux
duc répondit aux états que fon âge trop
avancé ne lui permettoit pas de porter une couronne
dont le poids avoit accablé fes prédécef-
feurs. Il avoit un fils déjà fameux par fon courage
; mais ce fage vieillard, trop ami de l’humanité
pour s’aveugler fur le mérite;de fes en-
fans, ne lui crut pas aflez de maturité de raifon
pour lui confier un dépôt dont il n’avoit pas ofé
fe charger lui-même. Il confeilla aux états de
choifir Conrad, comme le lus capable de les gouverner.
Le fuffrage d’un prince aflez grand pour refufer
une couronne , entraîna tous les autres. Conrad
fut à peine é lu, qu’il fongea aux moyens de
manifefter fa reconnoiflance envers Othon. Il l’ho-
nora de la confiance la plus intime, & lui donna
la première part dans fes confeils : mais Othon
mourut trop tôt pour le bonheur dz Conrad &
celui de la Germanie. Ce duc vraiment digne du
trône , où fa modeftiene lui permit pas de» monter,
eut à peine reçu 'les honneurs de la fépul-
ture, que Henri fon fils lui fuccéda dans le duché
de Saxe, & leva Pétendart de la révolte. Le
mécontentement du rebelle fut occafionné par le
refus que fit le roi de lui donner l’inveftiture de
la \^g||phalie, & de la Thuringe. Ces deux provinces
faifoient bien partie de la Saxe, mais elles
avoient toujours eu des ducs & des Comtes particuliers.
Le refus de Conrad étoit fondé fur une
fage politique qui ne permettoit pas de former un
duché capable lui feul de balancer les forces de
la rqyauté. Burchard, duc de Suabe, & Arnoul
de Bavière, appuyèrent les prétentions de Henr
i, & mirent en campagne une armée. Suivant le
tableau généalogique des ducs de Bavière, com-
pofé par Tritème, cet Arnoul étoit fils de l’empereur
de ce nom, & d’A gnès, fille d’un empereur
d’Orient. Le feu de la guerre étoit prêt d’em-
brâfer toutes les provinces de la Germanie, &
Conrad en étoit d’autant plus au défefpoir, qu’il au-
roit defiré joindre la Lorraine à fa couronne. Ses
libéralités intéreflèes avoient attaché à fon parti
plufieurs feigneurs de ce royaume , & il pou-
voit fe flatter du fuccès le plus entier, lorfqu’il
fut obligé de revenir fur fes pas pour prévenir les
ravages d’une guerre civile. Il ufa d’abord de menaces
qui n’effrayèrent point les rebelles. Forcé
de venger par la force des armes fon autorité
méprifée, il fit, avant d’en venir à ces extrémités,
plufieurs démarches pacifiques, qui toutes furent
a.uffi irnpuiflantes que fes menaces. Pour dernière
reflource, il engagea Hatton, archevêque
de Mayence, à s’aflùrer de la perfonne de Henr
i, dans un repas où le prélat devoit l’inviter:
mais le duc prefltntit le piège, & eut aflez de
bonheur pour échapper. La guerre fut déclarée,
mais Conrady qui vouloit ménager le fang des peuples
, la changea bientôt en intrigue. Il engagea
le duc de Suabe à quitter le parti de Henri, qui
n’avoit aucun motif réel de plainte, Arnoul fut
obligé de retourner dans la Bavière pour la défendre
contre les courfes des Hongrois, que l’amour
du pillage y avoit attirés : mais tous ces
ménagemens ne firent que fùfpendre les ravages
d’un feu qu’il defiroit éteindre. Arnoul n’eut pas
plutôt délivré.fes états des Hongrois, qui furent
vaincus dans une bataille, qu’il força le roi à fe
mefurer avec lui. Conrad, vainqueur de ce duc
rebelle, le força de fuir hors du royaume; &
l ’ayant dépouillé de fon duché, il en donna l’in-
veftiture à fon frère Ebrard ou Evrard. Arnoul
ne fupporta pas aifément cette difgrace. Son orgueil
offenfé ne lui permettant pas de mettre dap
bornes à fon reflentiment, il alla chercher des vengeurs
parmi ces .mêmes Hongrois qu’il avoit vaincus
peu de temps avant fa dégradation. Ces barbares
, contens de trouver cette occafion pour fa-
tisfaire leur cupidité naturelle , marchèrent à fa
fuite, & mirent tout à feu & à fang dans l’intérieur
du royaume. Evrard, attaqué par Arnoul,
qui commandoit ces peuples farouches, ne putfe
foutenir en Bavière. Le roi fon frère, que Henri
traverfoit fans cefle, fut non-feulement obligé
de lui retirer fon duché, & de le rendre à l’an-,
cien poflefleur , mais encore de payer aux Hongrois
le tribut auquel ils avoient fournis Louis
l’Enfant. Ces troubles n’étoient pas les feuls qui
agitaflent fon règne. Burchard avoit à peine quit-,
té le parti de Henri, qu’il avoit embrafle celui
de Rodolphe I I , roi de la Bourgogne transjurane ,
ennemi né des rois de Germanie, qui prétendoient
à jufte titre que l’hommage lui étoit du de fa
part. Ces défordres multipliés abrégèrent les jours
de Conrad: obligé de paffer fans cefle d’une ex*
trémité à l’autre de fes états , il n’avoit pu prendre
le repos néceflaire pour fe rétablir d’une maladie
occafionnée par une bleflùre quil avoit reçue dans
un combat contre Arnoul. L’hiftoire ne fauroit
trop vanter la magnanimité de ce prince ; fe fen-
tant près de mourir, il ne parut occupe que des
maux qui défoloient fon royaume. Son reffen-
timent fe tut devant l’intérêt de fes peuples, &
lorfqu’il pouvoit donner le feeptre à Evrard fon
frère, il l’envoya à Henri, cet implacable ennemi
qui n’avoit cefle de troubler fon règne. Ce
prince fage, digne d’une meilleure deftinée ,
mourut vers l’an 919 , après environ fept années
de règne. Les hiftoriens d’Allemagne lui donnent,
ainfi qu’à Louis l’Enfant, & à Henri premier, le titre
d’empereur, qu’ils ne pofledèrent jamais. Othon-le-
Grand fut le premier qui le porta depuis la mort
d’Arnoul ; & fi cette qualité fe trouve fur quelques
monumens, c*eft qu’ils l’adoptèrent comme
préférable à celui de roi. Ce prince mourut fans
poftérité, & ce fut de Werner de Rothembourg
fon frère que defeendirent les empereurs de la
maifon de Franconie- L’hiftoire a confervé une
difpenfe de mariage accordée par Conrad contre
le gré des évêques. Ses prédécefleurs , dont faute*
rité étoit plus légitime .& mieux affermie, ont
peut-être joui de ce droit, dont les pontifes romains
font les tranquilles & uniques peflefleurs.
(AT— Y . ) .
C o n r a d I I , furnommé le falique ou l ancien
[Hijl. <£Allem.) , duc de Franconie , feptième roi
ou empereur de Germanie, douzième empereur
d’Oecident depuis Charlemagne, étoit fils d’Ade-
laïde de Franconie, & dé Henri, duc de cette
province, qui deféendoit en ligne direcie de Wer-
ner, comte de Rothembourg, frère de Conrad Jert
Il étoit fans doute glorieux pour ce prince d’avoir
été défigné empereur par Henri-le-Boiteux ,