
bottesi parce que-Tes jambes s’étoiént enflées;
il étoit fans linge, fans argent »prefque fans habit;
enfin, apres quatorze jours d’une marche continuelle
il prit quelques heures de repos, donna
audience le lendemain, dépêcha des couriers, &
prit part aux fêtes que le peuple, ivre de joie,
lui prodiguoit..
A peine remis de tant de fatigues, il fit redemander
au roi de Pruffe la ville de Stetin, dont ce
prince s’étoit emparé en 1713. Son refus mit
Charles au comble de la joie, & le rejeta dans
fon élément naturel. La guerre fut déclarée; les
Pruffiens furent chaffés de Pile d’Elfedon; ils y
rentrèrent bientôt, maffacrèrent tous les Suédois
qui la défenclolent, & trouvèrent parmi les morts
le brave Kuzède Slerp, à qui Charles X I I avoit
écrit de mourir à fon polie.
Cependant le prince d’Anhalt étoit defeendu
dans l’île de Rugen avec douze mille hommes.
■ Charles , qui avoit oublié fes revers & ne fongeoit
qu’à 'fes premières profpérités, ofa avec deux
mille hommes attaquer cette armée: le combat
fut fanglant, les plus braves officiers Suédois
tombèrent auprès de Charles X l l ; les plus braves
des ennemis périrent de la maîn. Un Danois le
iàifit par les cheveux; un coup de piftolet le
délivra de cet alfaillant ; il fut enveloppé, combattit
long-temps à pied,,abattant tout ce qui
l’approchoit ; il fut bleffé, il alloit fuccomber. Le
comte Poniatowski l’arracha tout fanglant de là
mêlée, & le conduilit à Stralfund.
L’année (uivante, en 1716, Charles répara cet
échec par une vi&oire. On négocia pour la paix ;
les puilfances belligérantes étoient épuifées; la
cour de France offroit fa médiation ; mais une
flotte Angloife ayant paru dans le détroit du
Sund, Charles faifit ce prétexte pour continuer la
guerre ; il vouloir replacer Stanillas malgré lui-
même fur le trône de Pologne. Le czar, autrefois
le plus implacable de fes ennemis, étoit devenu
le plus chaud de fes alliés, & promettoit de le
féconder dans tous fes projets: c’étoit la moindre
reconnoiffance qu’il dût à Charles, pour les grandes
leçons qu’il en avoit reçues dans l’art de la
guerre. _____
Après avoir tant conquis pour les autres, Charles
voulut enfin conquérir pour lui-même. Il voyoit
avec des yeux jaloux le roi de Danemarck féparé
de la Norwège par la mer Baltique, régner fur
cetté contrée, qui confinoit à la Suède: il réfolnt
de la foumettre à fon empire; il commença par
le fiège de Friderick-Shall. Le 11 décembre 1718,
s’étant avancé dans la tranchée pour vifiter les
travaux, il fut atteint à la tête d’un coup de
fauconneau; on le trouva mort, appuyé contre
un parapet, la main fur la garde de fon épée,
le vifage tout fouillé de fang. Ainfi périt Charles
X I I , à l’âge de trente fix ans & treize jours.
Il étoit robufte, chafte, fobre, infatigable, té-
méraire^prodigue, févère au-dehors, & dans le
fecret de fon coeur , infatiable de gloire. On
prétend qu’il s’étoit fait un fyftême ae prédefti-
nation, & qu’il croyoit que la mort v ’endroit le
chercher au milieu du repos même, à l’inflant
marqué, & qu’il la braveroit impunément dans
les plus grands périls, fi fon heure n’étoit pas venue.
Son courage étoit un mérite bien foible, s’il ne
le devoit qu’à ce préjugé, q u i, bien gravé dans
1 ame la plus vulgaire, peut faire un héros d’un
poltros. Si , pour régner , il faut gouverner fes
états, veiller à Tadminiftration de la juftice, étouffer
les faéHons naiffanres, réparer le défordre des
finances, rendre fon peuple heureux, Charles X I I
ne fut qu’un général d’armée, non pas un roi.
Tandis qu’il conquéroit des états pour fes alliés,
il oublioit de régner fur les fiens. On a peine
à concevoir dans un prince cette paffion de vaincre ,
pour le feul plaifir de vaincre, & de faire enfuite
don du fruit de fa viéloire. Un foldat ayant un
jour été pris en marauda , Charles vouloit le
punir. «Sire, lui dit le foldat, je n’ai volé à ce
» payfan qu’un dindon, & vous, vous avez ôté
» un royaume à fon maître ». Il eft vrai, ré-
» pondit Charles , mais de tout ce que j’ai conquis,
» je n’en ai jamais rien gardé pour moi ».
^Toujours impatient de mefurer fes forces, peu
lui importoit fi l’ennemi qu’il avoit en tête étoit
digne de lui; il fut fur le point de fe battre en
duel avec un de fes officiers qui ne le connoiffoit
pas. Il ne fit aucun bien à la Suède, fi ce n’eft
d’avoir rendu fes armes redoutables. Sa vie ne
fut qu’une fuite d’événemens extraordinaires; il
s exila lui-même de fa patrie, & ne revit jamais
Stockholm après en être forti pour faire une irruption
en Danemarck; toujours à cheval, toujours '
courant, combattant, ou fuyant, il neprenoit aucun
repos, & n’en lailfoit aucun à fes officiers. L ’étrange
homme ^ difoit Muller, dont il faut que le chancelier
fait toujours botté ! Enfin, Charles fut, ainfi qu’A le-
xandre, l’admiration & le fléau du genre humain.
« Allons-nous en , dit Maigret, ingénieur Fraiî-
” Çois, en le voyant mort, la pièce eft finie ».
On emporta le corps- de Charles à l’infçu de
fon armée, le fiège fut levé. ( M. d e S a c y . )
CHARLEVAL ( C h a r l e s - F a u c o n de R i s ,
feigneur d e ) (Hifi. litt. mod.). On dit qu’il eft
l’auteur de la converfationdu maréchal de Hocquineourt
& du P. Canaye, imprimée parmi les oeuvres de Saint-
Evremont. Ce petit ouvrage fuffit pour faire une
grande réputation à un auteur. Molière n’a jamais
rien fait de plus-plaifant, & n’a jamais, dans un
meme efpace donné, deffiné plus fortement deux
caradères comiques. Le vis comica ne va pas plus
loin.
M. 4e Charleval a toujours paffé pour un efprk
délicat & aimable. Scarron difoit à fa manière , que
les Mufes ne le nourriffoient que de blanc manger &
d’eau de poulet. On a fait en 1759 un petit recueil
de fes poéfies : voici dans deux fiances un précis
de fa philofophie.
Modérons nos propres voeux ,
Tâchons de nous mieux connoître ;
Pefire$-tu d'être heureux?
Defire un peu moins de l’être*
Voici comme j ’ai compté
Üès ma plus tendre jeuneflè :
La vertu , puis la fanté ;
La gloire , puis la richefle.
Il apprit que M. & madame Dacier vouloient
quitter Paris, parce qu’ils ne trouvoient pas leur
fortune fuffifante pour y refter, il courut leur offrir
fa botirfe. Il tomba malade à 80 ans; les médecins
le faignèrent & crurent l’avoir guéri. Thévenot,
fous-bibliothécaire du r o i, étoit dans fa chambre.
Enfin, diVent les médecins, voilà la fièvre qui s’en va.
Mejjieurs, dit Thévenot, ne feroit<e pas le malade?
Il mourut une heure après.
CHARLEVOIX ( Pier r e - F r a n ç o is - X a v ie r
d e ) ( Hifl. litt. mod. ) , jéfuite, auteur des hiftoires
du Japon, de Tille de Saint-Domingue, du Paraguay,
de la Nouvelle-France. Il avoit long-temps travaillé
au Journal de Trévoux. Né à Saint-Quentin
en 1684, mort en 1761.
CHARLÏER. ( Foyer GERSON ).
CHARNACÉ ( H e r c u l e , baron de ) ( Hifl. de
Fr. ) , fils d’un confeiller au parlement de Bretagne,
célèbre fous Louis XIII par fes négociations en
Danemarck , en Pologne, en Allemagne , fur-
tout en Suède, où il étoit ambaffadeur de France
auprès de Guftave-Adolphe. Il fut tué au liège de
Breda, en 1637.
CHARNES ( Je an -An t o in e d e s ) , doyen du
chapitre de Villeneuve-lès-Avignon dans le dernier
liècle, homme d’efprit , auteur d’une vie du
Tqfie & de converfations fur la princeffe de Clives, !
dans un temps où tout le monde étoit occupé de
ce roman qui plaira.toujours; mais aujourd’huiles
romans françois, comme les jardins, ont cédé le
premier rang aux romans anglois: défendons-nous
feulement de Texciufion.
\ CHARONDAS {Hifl. anc. ') , de Catane en Sicile,
légiflateur de T.hurium dans la grande Grèce.
Il défendit, fous peine de mort, à fes concitoyens
de paroître en armes dans les affemblées du peuple.
Revenant un jour d’une expédition militaire , il
apprend qu’il y a beaucoup de tumulte dans Taffem-
blée du peuple, il y court avec précipitation , fans
fe donner le temps de quitter fon épée. Charondas,
lui dit un citoyen, vous violez vous-même votre
propre loi. Au contraire , répondit-il, je la confirme
& je la feelle de mon propre fang, & il fe
tue. Nous ignorons s’il étoit dans le cas de fe punir
fi rigoureufement d’une inadvertence dont le principe
même étoit louable, fi cette lo i, fi aucune loi
doit être prife ainfi à la lettre, fi on devoit.craindre
que cette prétendue violation , fi fortuite & fi peu
méditée de la lo i , n’entraînât une inobtetvafiorl
générale qui eût détruit la liberté des affemblées;
mais certainement il y a dans le principe de Tac 7
tion de Charondas autant d’élévation & de grandeur
d’ame, qu’il y a de baffeffe dans la décifion de tant
de doâelirs qui ont prétendu que le légiflateur étoit
au-deffus de la loi & avoit droit de s’en affranchir.
C’eft bien mal connoître le principe des loix & de
la foumiffion qui leur eft due. Loin que le légifla-
teur puiffe s’y fôuftraire, il a une raifon de plus
d’y être particuliérement fournis. Tout citoyen
n’eft tenu à Téxécution de la loi que parce qu’elle
eft réputée l’ouvrage de tous &c lexpreffion
du voeu public , & ce principe eft également
vrai dans les monarchies & dans les republiques:
dans les premières, le monarque , à qui appartient
la puiffance légillative, eft cenfé avoir' recueilli lès
fuffrages,. avoir confulté les voeux & les ipterêts
de la nation entière , avoir fait en un mot ce qui
convenoit lé mieux à la fociété dont il eft le chef
le repréfehtant & l’organe.
C h a r o n d a s le c h a r o n , eft un jurifconfulte
qu’on cite quelquefois au barreau. Mort en 1617.
CHARPENTIER ( F r a n ç o i s ) (Hift. litt. modi),
doyen de l’académie françoife & de celle des inf-
criptions & belles-lettres. On a de lui des poéfies
oubliées , la vie de Socrate, traduite du grec de
Xénophon , une traduâion de la Cyropédie, du
même auteur, qui rendoit encore néceffaire celle
que M. Dacier , fecrétaire a&uel de l’académie
des belles-lettres , en a donnée il y a quelques
années. Charpentier contribua beaucoup à cette belle
fuite de médailles qu!on a frappées fur lés principaux
événemens du règne de Louis XIV. Il mit
trop d’emphafe dans les inferiptions qu’il fit pour
les tableaux des conquêtes de Louis XIV , compo-
fés par Lebrun. Racine & Boileau firent des inferiptions
plus fimples qui furent préférées.
Charpentier eft encore auteur du livre qui a pour
titre : la dèfenfe & l'excellence de la langue françoife.
Cet ouvrage eft relatif .à Topinion de Charpentier
fur les inferiptions qu’il vouloit qu’on fît en françois,
quand il s’agiffoit des monumens publics de
la France. C e ft un fujet fur lequel on a beaucoup
difputé dans différens temps. De nos jours, la querelle
s’eft renouvellée dans l’académie des inferiptions
& belles-lettres, entre M. l’abbé Batteux ,
défendant la caufe du françois , & M. Le Beau
foutenant celle du latin & l ’ufage de l’académie,
qui préfère cette langue. Poftérieurement encore ,
& très-récemment, nous avons vu cette queftion
agitée dans des papiers publics & dans des écrits
particuliers. Toutes les raifons paroiffent dites de
part & d’autre, & font connues: fi les inferiptions
font pour le peuple, il faut les compofer en françois
; fi elles font principalement pour la poftérité,
il paroît plus convenable de les faire dans une
langue morte, qui n’a plus de révolutions à craindre,
& qui par cette raifon eft devenue générale parmi