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rare défmtérçflëm e n t , elle. fe retrancha toutes les
depenfes fuperflues, & porta l’économie tout aufli
loin que la décence & la dignité de fon rang pouvaient
le lui permettre. A cette modération firare
& fi différente de la pompe faftueufe & de la prodigalité
de fes prédéceffeurs, elle joignit un zèle
a&if & foutenu pour la juftice, publia d’utiles ré-
glemens, mit en vigueur les anciennes ordonnances,
abolit les abus qui s’étoient introduits, & ne négligea
rien de ce qu’elle crut propre à affurer le bien public,
& à lui concilier le refjpeélt l’eftime & l’attache-
de fes peuples.
Cependant la régente tPEcoffe, fécondée parla
France, preffoit avec vivacité les proteftans, qui,
pour fe foutenir, n’avoient eu jufqu’alors que les
fecours tres-foibles qu'Elifabeth leur fourniffoit en
fecret. Leur fituarion devint fi violente, que la
reine d’Angleterre penfa qu’il étoit de fa gloire de
défendre hautement la caufe qu’elle avoit embraf-
fé e , & de foutenir par la force des armes les proteftans
écoffois. Les grands préparatifs qu’elle fit,
©tonnèrent la France,, qui lui fit propoler la ref-
titution de Calais, fi elle vouloit abandonner les
rebelles d’Ecofiè. Trop généreufe & trop fière pour
accepter une propofition qui bleffoit fa grandeur
d’ame, Elifabeth la rejeta ; & la pais ne fut établie
que lorfque la régente eut ftipulé que les proteftans
jouiroient en Ecoffe de tous les droits de
citoyens, & que Marie Stuart, aînfi que François
I I , fon époux, renonceroient à leurs prétentions
fur l’Angleterre. Cette paix irrita vivement le roî
d’Efpagne, ennemi déclaré du. protefiantifme, &
qui parut fs préparer à déclarer la guerre à l’An*
gleterre.
Pendant cpLElifabeth fè difpofoit à prévenir les
deffeins du roi d’Efpagne, la mort de François II
obligea Marie Stuart fa veuve, qu’aucun enga-
engagement ne retenoit plus en France , de fe
rendre dans fes états, où fa beauté, fes grâces,
& le défir que fes fujets avoîent de^la revoir, excitèrent
la joie publique : jeune, ingénieufe & reine,
elle ne tarda point à recevoir les voeux de plufieurs
princes de l’Europe qui afpirèrent à fa main.. Parmi
fes adorateurs fe diftinguoit fur-tôut le duc d’Autriche
, appuyé par les princes de G u ife , qui
preffoient leur nièce de lui donner la préférence.
L ’imprudente Marie refufa fon confentement avant
que- d’avoir confulté la reine Elifabeth. Celle-ci
qui haïflbit Marie, mais moins encore qu’elle ne
déteffoit la maifon d’Autriche, diffuada Marie de
cette alliance , & lui propofa pour-époux mylord"
Dudley fon favori, feigneur anglois depuis long*
temps dévoué aux intérêts de fa fouveraine. Marie
n’époufa ni l’àrchiduc, ni- Dudley ; elle fe décida
tout-à-coup, & par une de ces paflions de caprice
auxquelles elle n’etoit que trop fujette, pour le
comte de Darley fon parent. Cette union qui eut
des fiiites fi funeftes , ne fit qu’ajouter à la haine
«FElifabeth, qui ne put faire alors éclater fon
«eflemimenr, trop occupée à foutenir la. guerre
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,contre îa France, dé Concert avec lesproteftans*
•Car ceux-ci, commençant à égaler en force les
catholiques , avoient reconnu pour leurs chefs le-
iprince de Condê & l’amiral de Coligny. Mais Marie
■ elle-même ne tarda point à yenger Elifabeth, par
le tort irréparable que lui firent à elle-même fon ■
inconduite & les égaremens de fa honteufe paf-
fion pour Rizzo, italien de la plus obfeure naiffance..
Cet- homme v il, malgré fa- baffeffé & fa difformité»
avoit infpiré à Marie un amour fi violent, que
le r o i , ne pouvant fe diflimuler l’éclat: de cette in»-
trigue, vengea l’outrage fait à la majeftè royale,,
en faifant poignarder l’adultère Rizzo dans les bras
même de fon amante. Marie, aufli violente dah&;
fon reffentiment qu’elle Fa-voit été dans fon amour
fe lia, foit par goût, foit pour affurer fa vengeance,
avec le comte de Botwel, le plus lâche
& le plus fcélérat des hommes : elle vécut bientôt
avec lui comme elle avoit vécu avec Rizzo, &
lui promit de l’époufer aufli-tôt qu’il l’auroit délivré
de fon époux. Botwel remplit dans peu de-
jours cette affreufe condition : il étrangla fon maître
de fes propres mains ; & afin, de cacher fort*
crime-,, il fit fauter en l’air le cadavre, au moyen
de quelques baril« de poudre qu’il avoit fait placer
au-deffous de la chambre où il venoit de commettre
cet affaflinat. Mais cette précaution ne trompa point'
le peuple , qui, connoiffant l’ame féroce de Botwel
fes vues ambitieufes & fa nouvelle paflion, ne
chercha point ailleurs l’auteur de cet horrible parricide.
D’ailleurs, quand les fentimens euffënt pu
être partagés, Marie efit ell%meme confirmé les;
foupçons, lorfque très-peu de temps après on la vils
fe marier publiquement avec l’infame Botwel. Dès*
ce moment, Marie fût généralement abhorrée;
l’Ecoffe entière entra dans la conjuration qui fe. forma
contre elle. Ses fujets prirent les armes, & la»
contraignirent d?abdiquer la couronne, en faveur-
d’un fils unique encore au berceau,, qu’elle avoir,
eu du comte de Darley.: Elle nomma le cornte de
Murrai, fon frère naturel, régent du royaume pendant
la minorité du jeune fouverain , & . crut, en*
acceptant ces dures conditions , fauver du moins fa
vie & fa liberté * maisfes crimesavoient trop violemment
foulevéfès fujets, elle fût.enfermée dansun^
fort, d’où s’étant évadée après un an de captivité
elle tenta de remonter fur lë trône : mais la petite
troupe qu’elle avoir raffemblée, fut battue, mife
en fuite par lë régent, & Marie fe vit abandonné®,
de tour le monde, & même du lâche Botwel qui-
s’étoit réfugié en Danemarck, où il vécut dans,
le mépris, & mourut dans l’indigence. Marie fow
époufe, croyant fa vie menacée en Ecoffe, fe retira
fur les côtes d’Angleterre, & envoya deman—
dêr à Elifabeth un afyfé dans fes états. Là reine-
d’Angleterre facrifiant fa géhérofité naturelle àt
l’atroce plaifir de fe venger d’iine rivale humiliée,
oublia que Marie étoit reine comme elle, malheu**-
reufe & fuppliante : elle la fit enfermer à Tur-<
bury, d’où quelques mois, agrès elle fut. transférés:
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à Cowentry, place forte, fituée ail centre de l’A ngleterre
, où l’infortunée Marie fut fi étroitement
enfermée, qu’elle perdit jufqu’à l’efpérance de s’évader.
Pàffons rapidement fur les procédés iniques
d'Elifabeth envers Marie : ces faits font trop connus
pour que je penfe devoir m’y arrêter : je
dirai feulement que les moyens emplôyés par
Elifabeth y flétriffent fa mémoire : je dirai que
Marie, plus imprudente que coupable, & comptant
trop fur le nombre de fes parrifans, eut tort de
fe liguer avec les chefs de la conjuration qui fe
forma contre la reine d’Angleterre, & de répondre
du fond de fà prifon, aux diverfes propofi-
tions & aux brillantes efpérances qu’on lui do'nnoit.
Je conviendrai encore que Marie étoit coupable
des plus honteux débordemens & du plus horrible
des crimes, de l’affaflinat de fon époux ;
mais enfin, Marie étoit l’égale & non la fujette
iïElifabeth: celle-ci, en fe vengeant, méconnoif-
foit fes propres intérêts ; elle compromettoit les
privilèges attachés au rang qu’elle occupait, &
elle aviliflbit de la plus étrange manière les droits
façrés de la royauté.
O b s e r v a t i o n s d ü R é d a c t e u r ,
( En confervant cet article de M. L. C . , nous
n’avons pas du le réformer au point d'énoncer
fous fon nom une opinion dîre&emeut contraire
à la fienne-; mais nous nous fommes réfervê le
droit de le contredire. Nous ignorons fur quels
mémoires il a écrit l’hiffoire de cette infortunée
Marie Stuart, mais nous croyons pouvoirTaffurer
que la preuve de l’innocence de cette reine fur
tous les points eft pouflee jufqu’à la 'démonftra-
tion dans le fécond volume du fupplément à l'hif-
toife de la rivalité de la France & de. VAngleterre ,
qui eft le neuvième au total de l’ouvrage, &
qui eft confocré tout, entier à difeuter & à réfoudre
cette grande queftion. Nous n’en donnerons ici
que les réfultats généraux.
i 9. Marie Stuart n’eut point pour David Rizzio,
Rizzo ou Riccio, cette paflioh bizarre & honteufe
dont parle M. L .C. Tous leshiftoriens, même ceux
qui font contraires à Marie , tels que MM. Hume
&. Robertfon , rejettent cette calomnie. Ses ^ennemis
même & fes perfécuteurs ne l’accusèrent point
dë; cef te paflion prétendue. La confiance de Marie
ën Riccio s’explique principalement par deux
«irçonftan ces; l’une qu’iîn italien, un catholique, qui
avoit des relations particulières avec le pape , étoit
Uéceffaire à une reine catholique qui le trouvoit
prefque feule de fa religion au milieu d’un peuple
proteftant , & qui confervoit dans fon coeur le
défir de rétablir en Ecoffe la foi de fes pères ;
l ’autre , que Riccio étoit le fecrétaire. de Marie
pour les affaires de France , circonftance qui
tient à la première & qui la fortifie.
2.0. Son mariage avec Stuart Darnleyÿ fon
parent a. étoit le. glus, raifonnable qu’elle put faire.
iE L I 4zÿ-_
Le lord Darnley étoit , du,,chef de fon père , un
des héritiers préfomptifs de l’Ecoffe ; il étoit par fa=
mère héritier préfomptifde l’Angleterre , concurremment
avec Marie Stuart :1e choix que fit Marie
fut donc diâé par le défir très-fage de réunir les-
droits de deux branches de la maifon Stuart. Marie
nemanquoit ni à fon nom, puifqu’elle époufoit un
Stuart , ni à fon rang, puifque ce mariage fortifioit
fes, droits à la couronne d’Angleterre y ni à f»
religion, puifqu’elle époufoit un catholique ; ce
mariage fut malheureux, mais Marie n’oppof»
jamais que la douceur aux violences & aux égaremens
de Darnley.. 11 eft prouvé que la mort
de Darnley fut î ’ouvage de ceux même qui en
accusèrent Marie pour la per-dre & pour régner
en fa place ; c’eft ce qui réfulte des déportions-
des témoins & de l’aveu des complices ; tous-
déclarent qu’elle n’eut aucune connoiffance du.-
complot,'qu’on fe cacha d’elle , parc© qu’on recon-,
nut l’impoflibilité d’obtenir fon confentement.
_Mais elle époufa en iroifièmes noces un ds$ meur»
triers de Darnley !
Elle l’époufa d'àprès une requête qui lui (ut
préfentée par la nobleffe du royaume , & appuyée
par le parlement, requête où on lui re~<
préfenroit Bothwel, non-feulement comme innocent
du meutre de D arnley, maiscomme un homme-*
que la voix publique appelloit à partager fon trône’
& fon lit; elle crut, en l’èpoufant, céder au voeu
de fa nation ; alarmée for. fa. fituation , effrayée’,
pour elle-même du coup terrible qui. lui avoir
enlevé fon mari, elle crut avoir befoin d’un appui £
elle crut n’en pouvoir choifir un plus fûr que celui qui
lui avoit été propofé par la nobleffe de fon royaumepar
fon parlement, & qui d’ailleurs étoit un vieux
& zélé ferviteur de fa maifon, attaché autrefois au>
roi d’Ecoffe fon père & à la reine Marie de Lorraine-'
fa mère..Il, avoit foixante ans paffés, Marie Stuart
en avoit à peine vingt-quatre; elle étoit la; plus
belle femme, de fon fiècle ; Bothwel étoit le vieillard
le plus difforme des trois royaumes ; il ne-,
pouvoit être queftion d’amour dans cette affaire
Marie fe facrifioit pour fatisfaire fon peuple &
pourvoir à fa propre fureté : cependant fes ennemis-
fabriquèrent des lettres qu’ils fuppesèrent écrites par
elle au comte de Bothwel, du vivant de Darnle
y , & qui contenoient l’aveu le plus formel, & le-
plus groffier de fon ameur pour Bothwel & un*;
confentement exprès donné à la mort de Darnle
y ; mais la fauffeté de ees lettres, dont elle-
n’a jamais vu l'original, quoiqu’elle n’ait ceffé d’en-'
demander la communication,a été mille fois démontrée;
elles étoient l’ouvrage de fon frère naturel'
& de fon plus cruel ennemi Murray, qui fe préten—
tant, contre la notoriété publique,, iffu d’un mariage;
légitime, vouloit la perdre pour régner en là place,.
C ’étoit lui aufli qui l’avoitle plus inuammentpreffée’
d’époufer ’Bothwel, pour fe faire enfuire de ees
mariage un titre dràccufation contre elle. Toute 1».
perfidie de Murray 6c de fes complices sft déyo.Ué^-