
noife excitoit parmi Tes voifins, n’avoit donné des
protecteurs au duc, Chrijlietn l’auroit accablé. Enfin,
fa mort, arrivée en 1699 , calma les alarmes dont
fes projets a voient rempli tout le nord de l’Europe.
Il étoit brave, & n’affeétoit point de montrer fon
courage : il jouoit avec le péril lorfqu’il y étoit
engagé, 8c ne le cherchoit pas : fa douceur,étoit
naturelle, & n’avoit rien d’apprêté : il refpeéta la
religion fans être l’efclave des prêtres , dirigea
toutes les démarches de fes ambaffadeurs ; mais on
lui reproche d’avoir quelquefois facrifié à la fplen-
deur extérieure de fon royaume les foins du
gouvernement intérieur. ( M. d e S a c y . )
CHRISTINE ( Hijl. de Suède'), avoit époufé
l’adminiftrateur Stréen-Sture, quifoulevala Suède
contre le roi Jean en 1487. Après la mort de fon
époux , elle s’empara de la fcène qu’il avoit occupée
pendant trente-trois ans ; elle avoit hérité de
fes talens , de fon courage 8c non pas de fa perfidie.
Elle trouva tous les efprits difpofés à recevoir
la domination danoife ; on parloit même de
convoquer une affemblée où Jean devoit être reconnu.
La veuve de l’adminiftrateur s’y oppofa ,
forma un parti dans Stockholm, gagna le peuple
par fes diïcours , 8c quelques fénateurs par fes lar-
gefles. Cependant Chriftiern I I , fuccelfeur de Jqan,
fut couronné dans une affemblée d’états. Maître
du fénat, vainqueur de la nobleffe, foutenu par
le clergé , il-fe flatta de triompher aifément d’une
femme , & fomma Çhrijline de remetrre entre fes
mains la capitale où elle s’étoit renfermée. « Je ne
» reconnoîtrai jamais, d it-e lle , pour mon fou-
» verain , l’ennemi de ma patrie 8c de ma famille :
» cette affembiée, dont les fuffrages l’ont couronné,
» n’étoit qu’un ramas de rebelles & de traîtres :
» je défendrai Stockholm, 8c s’il n’y a plus que
» moi 8c mes amis de Suédois, nous le ferons
» du moins jufqu’au dernier foupir ». Le fiège fut >
formé 8c pouffé avec vigueur. Çhrijline fe défendit
de même, fe montra dans toutes les attaques ,
& fit tout ce qu’on auroit pu attendre d’un général
confommé dans l’art de la guerre. Mais l’é-
puifement des vivres ne lui permit pas de foutenir ce
caradère de fierté qu’elle avoit fait éclater d’abord.
Le peuple murmuroit, le fénat étoit découragé ;
Chriftiern II offroit une capitulation honorable.
Enfin, vaincue par les cris d’un peuple mutiné,
& par les inftances des fénateurs, elle fignaavec
horreur, en 1520, une capitulation qui lui con-
fervoit le rang 8c les biens dont elle avoit joui du
vivant de Ion époux.
Chriftiern n’avoit ofé violer fur-le-champ un
traité dont il avoit lui-même di&é les articles. Mais
peu de temps après, il cita la veuve de l’adminif-
trateur devant des commiffaires nommés par le
fénat, pour y rendre compte de la conduite de ■
fon époux. Il étoit aifé de le juftifier comme patriote
, & même comme rebelle : mais comment
pallier tant de perfidies, un ferment de fidélité
prononcé 6c violé prefqu’au même inftant, une
trêve de trente ans refufée quand toute la Suède
la demandoit, fes révoltes accumulées malgré tous
les traités ou il reconnoiffoit Jean pour fon fou-
verain ? Çhrijline mania cette caufe avec tant d’a rt,
qu’elle auroit féduit fes juges , fi la haine ne les
avoit pas rendus clairvoyans. Elle citoit fur - tout
une Ordonnance des états, dont fon époux, , di-
foit-elle , avoit fait le plan de fa conduite. Mais
une lo i , quelle qu’elle puiffe être, ne peut juftifier
des parjures. Elle eut le fort que fon époux
feul avoit mérité , 8c fut arrêtée. Tous fes amis
périrent fur l’échafaud; mais Chriftiern, qui crai-
gnoit que le peuple ne fe fbulevât en faveur de
cette infortunée, ordonna à l’amiral Norbi dé la
noyer (écrêtement : ce feigneur fit par ambition ce
qu un autre eût fait par humanité ; il efpéroit qu’en
fauvant les jours de Çhrijline , la reconnoiffarice
l’engageroit à lui donner la main, & que le feul
titre de fon époux fuffiroit pour lui former un
parti dans la Suède : il repréfenta à Chriftiern,
qu’en la perdant il perdoit tous les tréfors que
Stréen-Sture avoit amaffés, qu’elle feule pouvoit
lui découvrir le lieu où ils étoient cachés. Chriftiern
fuivit ce cônfeil, laiffa la vie à Çhrijline ,
s’empara de fes richeffes, & lui ôta la liberté quelle
ne recouvra jamais. ( M. d e S a c y .)
C h r ist in e ( Hijl. de Danemarck & de Suède);
reine de Danemarck, de Suède 8c de Norwège ,
étoit fille d’Erneft, éle&eur de Saxe : Elle naquit
en 146 1, & en 1477 elle époufa Jean , fils de
Chriftiern I , roi de Danemarck. Ce mariage,
également defiré par la nation & par l f l deux
époux,wfut célébré avec une pompe jufqu’alors
inouie dans le Nord. Après la mort de Chriftiern ,
Jean réunit fur fa tête les trois couronnes, de
Danemarck, de Suède 8c de Norwège ;. mais l’ad-
miniftrateur Stréen-Sture ayant formé contre ce
prince un parti dans la Suède, perdit 8c gagna des
batailles : dans le cours de fes profpérités, il vint
mettre le fiège devant Stockholm. La reine y com-
mandoit : elle donna des ordres fi fages, veilla
avec tant de foin à leur exécution, que l’admi-
niftrateur étoit prêt d’abandonner fon entreprife ,
lorfque des traîtres l’introduifirent dans la ville ;
les magiftrats fignèrent une capitulation honteufe ,
& le peuple parut complice de fa perfidie^. On
prétend que la reine, dans le premier mouvement
de fon indignation, fit mettre le feu à la ville par
fes foldats : elle fe retira avec eux dans le château
, où elle fe vit afliégée, 8c par Stréen-Sture,
8c parla populace de Stockholm, que le fpe&acle
de l’incendie animoit à la vengeance. Elle foutint,
avec un courage au-deffus de fon fexe, & les périls
8c les fatigues du fiège: préfente aux travaux
comme aux combats, elle échauffoit, par fa pré-
fence, l’ardeur du foldat. Bientôt les vivres furent
épuifés ; on fut réduit à manger les chevaux ; la
reine donna l’exemple, 6c dès-lors ce mets fut
trouvé délicieux. Mais pour perfuader aux aflié-
geans que tout étoit en abondance dans la citadelle,
elle avoit fait conferver un porc des plus
gras qu’on faifoit courir continuellement fur les
remparts.
Elle demeura plus d’un an dans cette affreufe
fituation , preffée par la faim 8c par les Suédois,
abandonnée par Jean, qui, dans les bras d’une
maîtreffe, oublioit fon époufe, fes devoirs, la
Suède 8c fa gloire. Stréen - Sture fit donner un
affaut général ; fes troupes furent repouffées, mais
elles laiffèrent une partie de la garnifon étendue
fur la brèche, le refte, prêt à expirer de faim,
menaçoit de fe rendre s’il falloit loutenir un fécond
affaut : la reine fe vit forcée de capituler. Les
principaux articles du traité étoient qu’elle auroit
la liberté de ^tourner en Danemarck, 8c que fes
foldats auroient la vie fauve. 1
La reine fortit donc en 1502 : mais, au mépris
de la capitulation , elle fe vit entourée de gardes,
8c conduite au monaftère de W^dftêne, où elle
paffa un an dans une retraite obfcure 8c peu digne
d’elle. Enfin, le légat du pape, les députés delà
ville de Lubec, 8c plus que tout le refte , la crainte
de voir le roi de Danemarck venir à main armée
redemander fon époufe , engagèrent l’adminiftra-
teur à lui rendre la liberté,; il la conduifit lui-
même jufqu’aux frontières de la Hallandie» Le peuple
, la nobleffe s’empreffoient fur fon paffage,
tous admiroient l’héroïne du Nord ; elle rentra en
Danemarck, y fut reçue avec des acclamations,
pardonna à fon époux l’abandon :où il Pavoit.laiffée,
confacra le refte de fa vie à fonder des monaftères,
8c laiffa à Copenhague des monumens de fa piété,
comme elle en avoit laiffé à Stockholm de fon .courage. {M . d e S a c y ) .
C h r ist in e { H i j l . d e S u è d e ) ,.reine de Suède, fille
de Guftave - Adolphe, née le 18 décembre 1626.
Guftave , vainqueur des trois puiffances qui j
avoient fi fouvent tenté d’envahir fes états , jouif- j
foit enfin du fruit des vertus 8c des exploits qui
lui avoient mérité le titre de g r a n d , rien ne man»
quoit à fa gloire que le bonheur d’en tranfmettre
l’éclat à un héritier digne de lui. Les aftrologues,
félon l’ufage , ne manquèrent point de prédire que
la reine accoucheroit d’un fils : la reine accoucha
d’une fille : n ’ im p o r te , dit Guftave , c e t te f i l l e me
v a u d ra bien u n g a r ço n . On ne parle point des prodiges
qui accompagnèrent la naiffance de la jeune
princeffe , parce qu’à préfent on ne voit plus rien
de prodigieux que dans la crédulité de fes fuperf-
titieux contemporains. Ç h r ijlin e reçut une aufli
bonne éducation que fi elle n’eût pas été deftinée
à régner; fon pèreen avoit tracé le plan lui-même,
8c fes ordres, après fa mort, furent fuivis comme
s’il n’eût pas été roi.
Le héros , percé d’une flèche lancée par un bras
inconnu, Venoit de périr dans le fein de la victoire
, à la bataille de Lutzen., 8c fa mort alloit
renouveller les horreurs de l’anarchie : une fille de
fix ans étoit toute la reffource de l’état menacé
de toutes parts. Le Danemarck , fier de fes anciennes
prétentions au trône de Suède, depuis la
fameufe union de Calmar, en 1395 ; la Pologne ,
toujours indignée d’une paix qu’on lui avoit fait
accepter les armes à la main ; la Mofcovie, jaloufe
de rentrer dans les provinces -tju’on lui avoir arrachées
, plus jaloufe d’en conquérir de nouvelles,
tous fe préparoient à fe difputer une couronne
qui paroiffoit devoir appartenir à celui qui auroit
le bonheur de s’en emparer. Les états de Suède
s’affemblèrent ; le maréchal de la diète ofe propo-
fer de couronner la jeune princefle. Un payfan
s’avance, 8c demande : Q u e l le e j l c ette f i l l e d e
G u f la v e ? Q u o n n o u s la montre, n o u s n e la c o n n o ij fo n s
p a s . Le land-maréchal court chercher Ç h r i j l in e , la
prend dans fes bras 8c la foulève au milieu de
î’affemblée. Le payfan s’approche , 8c s’écrie, les
larmes aux yeux : O u i , c ’ e f l lu i-m êm e , v o i là le n e ^ t
le s y e u x & le f r o n t d u g ra n d G u f la v e : n o u s la v o u lo
n s p o u r notre fo u v e r a in e . Au moment même mille
cris d’applaudiffemens s’élèvent , tandis que les
grands du royaume, profternés aux pieds de l’au-
gufte enfant, le reconnoiffent pour ro i, 8c font
dépofer fur les marches du trône les trophées
enlevés aux ennemis à la fatale journée de Lutzen.
Ç h r ijlin e , élevée fous les yeux des hommes
éclairés qui préfidoient à fon éducation, comraen-
çoit à fe livrer, furie trône, à ce goût paflionné
pour l’étude quideveit un jour lui inipirer le projet
fingulier d’en defeendre. Fière de fes connoiffances
dans tous les genres, avide d’en acquérir de nouvelles,
la reine , entourée de ftatuès, de manuf-
crits , de médailles , cherchoit à s’attacher les grands
!
hommes , dont l’Europe fe glorifioit alors. Grotius
, le compatriote, l’ami, le défenfeur du vertueux
Barneveld , à qui on venoit de trancher la
tête à foixante-douze ans , pour avoir eu l’hon-
1 neur de défendre fa patriè contre l’ufurpation du
prince d’O range, Grotius , échappé des prifons,
vint apporter à Stockholm des talens, des vertus
, 8c une réputation qui, à Rotterdam, ne l’euf
fent point fauvè de l’échafaud. Pafcal, qui dans
Paris venoit de perfedionner la roulette, cherchoit
dans le Nord des approbateurs de fon ouvrage
; il écrivit à la reine qui, pour le malheur
de la phyfique 8c des mathématiques, eut celui
de ne pouvoir l’attirer à fa cour; car il eft à préfumer
que Pafcal, en Suède, fe feroit livré à d’autres
occupations que celles qui l’abforbèrent tout
le refte de fa vie. Defcartes, dont les ouvrages
étoient ignorés en France, perfécutés en Hollande
8c admirés en Suède, fe laiffa perfuader d’y aller
jouir des honneurs dont il fe fentoit digne. C ’étoit
un fpedacle peu commun, de voir une jeune reine
fe lever tous les jours à cinq heures du matin
pour converfer avec un philolophe fur des quefi-
tiens de métaphyfique. Jaloufe de l’admiration des
favans, à l’âge ou fon lexe foupçonne à peine qu’il
en éxifte , elle entretenoit une correspondance
fuivie avec Saumaife , le plus érudit comme le
plus orgueilleyx des pédans, ayec Vcflius le thèo