
Odefchafchi fut proclamé, & C h n j l ih e ne donna
point de fêtes pour cette exaltation.
Plus heureufe dans le chôix de fes plaifirs que
dans celui de fes affaires , elle careffoit la jeune
Dacier , confoloit Molinos.dans fa captivité, accueillit
le comte de Wafanan, fils naturel d'Ula-
cüflas V I I , abandonné par la France & par la Po-
1 gne , encourageoit les talens du poète Vincenfo
Filicaia ,ent rerenoit tinecorKefpondan.ce avec Bayle,
& tâchoit d’adoucir la perféention que les Huguenots
effuyoient en France. Bayle & Voflius entreprirent
l’hiftaire de fa v ie , qu’ils abandonnèrent
tous deux auflî-tôt que cette reine eut les yeux
fermés ; ce qui prouve que leur plum.e éroit plutôt
conduite par la reconnoiffance que par l’amour de
la vérité. La reine retourna en Italie, fut témoin
à Rome des querelles de l’amhaffadeur de France
Çl du pape , s’en- attira une à elle-même, & unit
lès intérêts à ceux du marquis de Lavardin , in-
üultévcomme elle. Elle ne parloir du pape qu’avec
lin foùverain mépris. J e f u i s i c i , difoit-elle, comme
a u t r e fo is C é fa r entre le s m a in s d e s p ir a t e s . J e le s
m en a c e , & i l s me c ra ign en t : s ’ i l e jl p a p e , ajoutoit-
©He , j e le f e r a i jo u v e n i r q u e j e f u i s ' r eine. Ne pouvant
plus influer fur les événemens qui chan-
geoient la face de l’Europe, elle tâcha au moins
de les prédire. Rarement l’iffùe démentoir fès prophéties,
parce qu’elle avoir plus penfé en fa vie
qu’elle n’avoit agi : de nouveaux projets l’occu-
poient, lorfqu’une fièvre maligne l’enleva le 19
avril 1689 , dans la foixante-troifième année de fon
âge. Elle mourut en reine & en phirofophe. T î nt
qu’elle fut fur le trône, elle s’en montra digne :
le peuple, qui ne murmuroit pas du temps que
d’autres princes perdoient dans les plaifirs, lui fai-
fbit un crime de celui qu’elle confàcroit à l’étude.
Son abdication eût été regardée comme le dernier
effort d’un courage vraiment philofophique , fi elle
n’avoit pas eu la foibleffe de s’en repentir. L’ambition
fut fon fupplice, •& verfa une amertume
cruelle fur fes plaifirs ; les foupçons, l’inquiétude,
les bizarreries de caractère, les traits de hauteur
qu’on lui reproche furent des effets de ce dépit I
qu’elle s’efforçoit en-vain de concentrer dans fon !
çoeur. En Suède, on, la croyoit catholique, à Rome,, (,
proteftante ; Bayle fou-tin t qu’elle n’étbit ni l’une ni
l’autre, & peut-être lui feul fut la juger. ( C e t I
a r t i c le e f i d e M . d e B i l l e m o n d ,')
GHRISTOPHE I fHijl. de Danemarck'), roi de
Danemarck, étoit fils de Valdemar I I , furnommé,
le Victorieux. Né avec une ambition déniefurée, il !
n’avoit pas vu fans dépit deux de fes frères, Eric j
& A b e l, fe fiiccéder au trône , & la nation pro- J
mettre à ce dernier d’y placer fa pofférité après -
lui. Abel étant mort d’une manière tragique, & !
trop digne de fa tyrannie, en 1252 , Chrijlophe, à |
force de cabales & d’intrigues , écarta fon neveu,
& fit oublier à la. nobleffe le ferment folemnel qui
l’obligeoit à mettre la, couronne fur la tête d’Abel.
JJ fe déclara tuteur du jeune prince.& de les frères 3
Si feus ce titre dangereux , s’empara même cfëf
apanages qu’on ne pouvoit leur réfuter. Son u ûr-
pation rencontra quelques obftael s. Le btave Meldorp
refufa de lui livrer les villes où il comman-
doit au nom des princes dépoffédés. Chrijlophe raf-
fembîa une armée, marcha contre lui, .& l ’rnveflit
dans Skielfor. Meldorp fortit à la tête de fa gar-
nifon, pénétra dans les retranchemens des roya-
liftes , y porta la terreur & la mort. L’armée s’enfuit
, le roi fut entraîné dans fa déroute ; il alla
chercher un afyle dans Copenhague, mais l’évêque
deRofchild lui enferma la porte. Chrijlophe furieux
fait de nouvelles levées , & marche dans la Zélande,
que fon ennemi ravageoit. Meldorp s’enfuit
à fon afpeél : les villes qu’il avoit défendues portèrent
la peine de fa révolte ; elles furent démantelées
, & leurs garnifons maffaerées fans pitié,
furent enfevelies fous les ruines des remparts.
Un châtiment fi terrible n’effraya point les partions
du jeune Valdemar, prétendant au trône , à
qui' Chrijlophe n’avoit pas même accordé le duché
de Slefwich, qu’un ancien ufage confervoit au
premier prince du far g. Celui-ci trouva dans le
; Danemarck des amis attachés à fa fortune, & hors
des frontières des alliés intéreffés à fomenter les
divifions inreffines de ce royaume. Meldorp arma
les Lubekois en fa faveur. Ceux-ci équipèrent
une flotte nombreute, defeendirent fur les côtes,
mirent tout à feu & à fang, levèrent'de fortes
contributions , remportèrent un butin immente ;
& le foui fruit que Valdemar retira de cette expédition,
fut de ravager des états qu’il ne put conquérir.
Bientôt l’incenclie augmente, la lime fe1
groflit de jour en jour , & devient générale dans
le Nord. Les rois de Suède & de Norwège, les
comtes de Holftein, les margraves de Brande-
bourg , font dans le Danemarck des irruptions combinées
: les uns dévaffent les côtes , d’autres pénètrent
jufqu’au centre du royaume , le refte bloquâtes
ports. Mais aucun de ces princes ne montra-
! plus d’acharnement que 1e roi de Norwège : partout
où il pafloit, il laiffoit des traces de fa fureur j
il gagna une bataille, rafa des villes, brûla les
moiffons & parut fe faire un jeu de toutes ces horreurs.
Valdemar devoit fontir que des alliés fi puif-
fans combattoient moins pour lui que pour, eux-
mêmes , & que fi , avec leur focours , il éroit parvenu
à chafler Chrijlophe de fon patrimoine , il au-
roit eu a combattre enfuite fix ufiirpateiirs-au-lten
d’un.
Chrijlophe cependant contemploit ces maux avec
un flegme qui lui laiffoit entrevoir les moyens de
tes réparer. Tranquille au milieu de ces orages, il
faifoitdéfigner Eric fon fils , âgé de trois ans , pour
fon fucceffeur, tandis que le feeptre échappoit de
te s mains. Sa confiance laffa fes ennemis ; il lut:
les divifer d’intérêt , & fe fit offrir la médiation1
des princes de Vandalie & du duc de Poméranie r
on négocia. Chrijlophe convint de rendre tes apa-
de tes nçyeux lorfqu’ils. ferôient- parvenus à
C H R
leur majôrité, & c e s princes renôriéè refit à lèirrè
prétentions au trône.
Le roi s’étoit promis, après ce traité , dè jouir
d’un calme profond ; mais il éut bientôt fur les
bras un ennemi plus dangereux que tous tes con-
currens : c’étoit Éthuanfen, archevêque de Liinderi.
Ce prélat ambitieux reconnut 1e pape pour fon
foùverain , afin de'n’en reconnôitre aucun , changea
au gré de fon caprice les loix ecclêfiaffiques dû
royaume, traita de facrilèges lès ordonnances qui
mettoiem des bornes à l ’ambition du clergé,
échauffa tes murin lires du peuple trop chargé d’impôts,
& 1e raflembla fous l’étendard de la révolte.
■ Chrijlophe, qui avoit réfiflé à fix princes ligués
contre lui, fut contraint de céder à un évêque,
& renonça aux fubfides que le défordrê des finances j
avoit rendus néceffaires. Le prélat, devenu pu if- j
■ fant par la foibleffe du monarque , affembla un j
concile, à Vedel dans le Juthland. Ce fut là que l’on
fit cette conffirution bizarre, par laquelle il éff réglé
«que 1e royaume tombera en interdit toutes tes
» fois qu’un évêque aura été offenfé par un par-
» ticulier, & que le roi fora foupçonné d’être com-
» plice de cette infulte, ou qu’il ne l’aura pas ven-
» gée à la première plainte de l’évêque outragé ».
Ainfi 1e culte divin ceffoit, Dieu n’avoit plus d’adorateurs
publics , tes focours de la religion étoient
rerufés aux mourans, & il ne tenoit pas aux évêques
que ces malheureux, pendant l’interdit, ne
tombaffent en enfer,pour vengerun évêque offenfé.
Telle étoit la décifion d’un ramas de faétieux qu’on
appella concile. Le pape Alexandre n’eut pas honte
de revêtir cet aélë ridicule du fceau de fon autorité
; mais on ne peut trop louer le zèle des D ominicains,
qui le rejettèrent avec mépris.
Chrijlophe, dans une aflemblée d’états , voulut
punir l’audacieux auteur de cette conflitution ; mais
il ne put même obtenir qu’on te forçât à te juffi-
fier fur tant de crimes accumulés. Le roi fut contraint
de dévorer fon reffentiment & de remettre
fa vengeance à des temps plus heureux. Dans une
fécondé aflemblée, l’archevêque fe montra , non
.-avec l’air d’un coupable qui vient chercher fa
grâce, mais avec l’audace d’un rebelle qui vient
déclarer la guerre à fon maître : il dit à haute voix
qu’il n’obéiffoit qu’au pape , & ledit impunément.
Ainfi, lorfque 1e roi étoit outragé par un évêque,
il n’ofoit châtier 1e coupable. L’archevêque fouîeva
tout fon diocèfo, tes maifons royales furent livrées
an pillage, & les foigneurs attachés au roi cherchèrent
leur falut dans la fuite.
Le prélat donnoit un cours d’autant plus libre à
fes fureurs, qu’il voyoit Chrijlophe menacé par
Haquin, roi de Norwège, qui exigèoit des fouîmes
immenfes comme une indemnité des ravages
que tes Danois avoient commis fin- tes terres fous
te règne d’Abel. Haquin parut en effet à la vue
de Copenhague , avec trois cens voiles. Chrijlophe,
ou frappé de terreur, ou fubjugué par l’équité des
demandes de- fon ennemi, fit porter fur tes yaiP
C H R i*>
féaux tes fommés qu’il avoit exigées. Hâquih crut
en avoir fait àffei pour fes intérêts , en ayant affez
fait pour fa gloire ; il rêndit à Chrijlophe lés trêfors
qu’il lui offroit, ÿ ajouta dés pré fon s magnifiques,
lui jura une amitié inviolable, & retourna en
Norwé'ge, laiffant Chrijlôpke & tes Danois dans
cet étonnement déliciéuX' que caufont les belles
afliohs.
Il fembloit que la retraite de Haquin dût renvêr-
for les projets ambitieux de l’archevêquè; mais
l ’appui que lui prêtotent tes comtes de Holffèin lui
infpira tant de fierté, qu’il rej'etfa même la médiation
du régent de Suède, que Chrijlophe avoit lâchement
acceptée pour négocier avec foiifujét. Il ofa
défendre aux évêques d’affifler au couronnement
du jeune Eric qu’on préparait : aucun d’eux en effet
n’ofà pofor 1e diadème for fit tête. Chrifiophe fev ît
contraint de recourir à la trahifon, reffoiirce de's
princes foi blés. Il corrompit un frère de l’archevêqu
e, qui te faifit de fa pérfonne, & l’enfermà
dans une forteréflè : d’autres prélats fu’birerit lé
même châtirnént; mais deux autres échappés aux
pourfuites du régent, du fond dé leur retraite lancèrent
lés foudres de l’églife, animèrent la cour
de Rome contre Chrijlophe, & foulevèreht quel1*
ques vafîaux ; enfin, ce prince, dont tant de malheurs
avoient par degrés abâtardi 1e courage, eut
la foibleffe d’en appeller au pape , & de lé prendre
pour juge entre tes évêques Sc lui.
Cependant Haquin, & Birger , régent de Suède ,
expofés comme Chrißophe auxufurpation's dés prélats
& aux outrages de là cour dé Rome , ternirent
que fa caufe étoit la caufo commune des rois ; déjà
ils accouraient pour 1e venger ; mais lé bruit de i’â
mort les arrêta en 12^9. Des ‘a'uteuis contènipo-
rai ris, & qui vivoierit à la cour de Chrißophe , préi
tendent qu’un prêtre, nommé Arnéfaft\ l’empô>
fonna dans une liofiie. La mort de Henri, empe:
reur , fomble donner quelque vraifërhblarice' à cet
exécrable attentat. Il fut empoifoririê de la même
manière en 1313 , par Bernardin , frère prêcheur,
Potitifice nequaquam dolente, dit i’auteurtle la ckto~
nique des Slaves.
Les prélats traîtoient Chrißophe d’ufurpa'téiir ; ils
objectaient que malgré l’incertitude des loix fur
l’ordre de la fuccefliori , la nation avoit juré dans
une affemblée des états, de remettre 1e feeptre dans
tes jriaihs du fils aîné d’Abel. Mais dans line autre
affemblée , Valdemar & tes frères avoient renonce
à tous leurs droits fur le trône , & depuis cette'
époque. Chrißophe ne les avoit plus troublés dans
la poffeffion de leurs apanages. Il montra beaucoup
de fermeté contre tes preitiiers coups de la fortune ;
mais on conçoit peu d’eftime pour un roi qui bravé
fes égaux , & tremble devant des prêtres. Eric V
fon fils lui futcéda. (M. d z Sa c ÿ . )
C h r is t o ph e II ( Hiß. de Dàneiharck. j , roï
de Danemarck , fils d’Eric V II & frère d’Eric VIII.
C ’étoit un prince inquiet, turbulent, ambitieux,
plus féroce que brave , plus foüfbe que politique ,