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quêtes , joignît fon armée à celle de Wittemberg, ]
& marcha contre Cafimir. Les Suédois étoient déjà
près de Colo. La Warte étoit la feule barrière
qui les féparât de l’armée Polonoife. Un àmbaffa-
■ deur vint de la part de Cafimir demander la paix
à Charles ; il fit une longue harangue. Mais il
n’obtint pour toute réponfe que ces mots : « Nous
» nous verrons bientôt de fi près, Cafimir & moi,
■ a que nous pourrons négocier de vive voix ».
Charles continua fa marche triomphante, fut reçu
dans Warfovie, fournit les principales villes, dif-
pofa des gouvernemens en faveur de fes officiers.
Cafimir fuyoit fans ofer accepter ni rendre le
combat, n’employant pour fufpendre la courfe de
Ion ennemi que de fréquentes ambaffades, qu’il
ne daignoit pas écouter. Il ofa cependant attendre
les Suédois près de Czarnowa : il fut vaincu, perdit
mille foldats , abandonna fon bagage, dilparut,
fut pourfuivi, reçut un autre échec fiir les bords
de la Donacia, & laiffa les Suédois affiéger Cra-
covie. La ville fe rendit après une défenfe affez
glorieufe. Cafimir , qui n’avoit point perdu l’efpoir
de fléchir fon ennemi , lui députa Bronkoviski.
A toutes les prepofitions que lui fit cet envoyé,
Sharles répondit froidement : « Je ne négocie qu’en
m un féjour fixe. Le fuccès de mes armes ne me
3) permet pas de m’arrêter. Si votre maître veut que
3> je donne une plus longue audience à fes ambaffa-
3> deurs , il faut qu’il m’en envoie «n qui réfide
« toujours.dans mon armée ». Tout fe fournit:
les foldats de Cafimir abandonnèrent ce malheureux
prince , & vinrent fe ranger fous les enfei-
•gnes Suédoifes : toute la noblene imita cet exemple.
On parla même de dépofer Cafimir , & de
placer fa couronne fur la tête de Charles. Mais ce
prince n’avoit pas befoin du titre de roi ; il n’eût
rien ajouté à fa puiffance : Charles donrioit des
loix à la Pologne, & régnoit fur cette république
avec plus d’empire qu’aucun de fes princes n’avoit
fait jufqu alors.
Le bonheur, de Charles lui fit bientôt des ennemis.
Le pape trembloit que les Pdlonois n’adop-
taffent la religion du vainqueur. L’empereur crai-
gnoitle voifinage de ce conquérant. La Hollande,
qui le voyoit tourner fes vues vers la Pruffe &
Dantzick , étoij: allarmée pour fon commerce avec
cette ville : en effet, Charles étoit entré en Pruffe.
La même fortune y accompagnoit fes armes : mais
fon abfence fit en Pologne une révolution plus
lapide que fes fuccès ne l’avoient été. Cafimir re parut
, & reconquit tous les coeurs. Charles revint
en Pologne , gagna une bataille près de Colomby,
& s’avança jufqu’à Jaroflaw, où fon armée fe remit
des fatigues d’une marche pénible. Sans ceffe
harcelée par les Polonois , affoiblie par la défer-
tion, prête à périr de faim , refferrée entre la Vif-
tule & la Sarre, menacée d’un côté par lés Polonais,
de l’autre par les Lithuaniens , fa perte parôif-
foit inévitable. Le courage de Charles ne fut point
^branlé« Il força le paffage de la Sarre , tailla en
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pièces les Lithuaniens, courut à Varfovîe, laiffa
Jean Adolphe fon frere en Pologne , revint eft
Pruffe, ravagea les environs de Dantzick ; il alloit
fe rendre maître de cette v ille , ldrfqu’on vit pa-
roître une flotte puiffante que lés Hoflandois en
voyoient pour négocier , difoient - ils , avec la
Suède, en faveur de Dantzick. Une ambaffade fi
redoutable étoit sûre d’obtenir audience. Charles
confentit à un traité de paix , & fe fortifia par
l’alliance de l’éle&eur de Brandebourg. Ces deux
princes s’avancèrent vers Varfovie ; ils rencon-
trèrent les Polonois , unis aux Tartares , campés
avantageufement furies bords de la Viftule : on en
vint aux mains ; on fit de part & d’autres de beaux
exploits & de grandes pertes ; mais la viéloire demeura
indécife;le combat recommença le lendemain
avec plus d’acharnement ; on changea de pofition:
chacun chercha à furprendre fon ennemi, Charles à
féparer les Polonois des Tartares, & ceux-ci à fépa-
rer Charles de l’éledeur. La nuit fufpendit encore
le combat, & les deux partis demeurèrent dans
leur camp. Ce ne fut que le troifième jour que la
viéloire , fi long-temps difputée , fe décida en faveur
des Suédois. La déroute des Polonois & des
Tartares fut entière : aucun d’eux n’eût échappé à
la pourfuite de Guftave, fi ce prince ne s’étoit pas
vu abandonné par i’éleéleur. Le roi , pour retenir
dans fon parti cet allié foible & toujours chancelant,
fut contraint de lui céder la Pruffe ducale«
Il eut bientôt un ami plus puiffant dans George
Ragotzi , prince de Tranfilvanie , à qui il abandonna
la plupart des provinces de Pologne, à condition
que ce prince, qui fe flattoit de monter un
jour fur le trône , céderoit à la Suède toutes les
provinces maritimes. Charles alloit & venoit fans
ceffe de Pologne en Pruffe , cherchant par-tout
des occafions de fignaler fon courage , & ne trouvant
plus d’ennemis à combattre.
Mais bientôt le conquérant de tant d’états fut
contraint de fonger à la défenfe des fiens. La république
de Hollande avoit preffènti que le projet de
Charles étoit de l’exclure du commerce de la mer
Baltique. Elle avoit, par une politique adroite,
animé contre lui le roi de Danemarck, qui parta-
geoit avec la Suède l’empire de cette mer. La guerre
fut déclarée en 1657 : Charles entra dans le Holf*
tein; Wrangel pénétra dans le duché de Brême;
& tout fut fubjugué, Fredericfunde, place importante
& bien défendue, fut emportée d’affaut : une
viéfoire navale donna aux. armes de Charles un éclat
qui leur avoit manqué jufqu’alors : ce prince def-
Cendit dans l’île de Fuhnen, y maffacra fix mille
ennemis, paffa fur la glace dans l’île de Lange-
land, conquit de même celle deLaland, & parut
enfin furies côtes de Zélande. Le* roi de Danemarck
trembla pour la capitale de fes états. Il céda au roi
de Suède la Schoone, les provinces de Halland &
de Blekin, Lyfter & Hirwen, l’île de Bornholm,
Balms & Drontheim en Norwège. Charles, content
de ces conditions, figna ce traité conclu à
Rofchilds|
R'ofchïld. Il eut une entrevus avec le roi dè Dand*-
ißarck : les deux princes fe comblèrent de careffes,
qui ne trompèrent ni eux-mêmes ni leur ccmrtifans.
Il étoit temps qu’il fit fa paix avec le Danemarck.
L’empereur-méditoit une ligue avec la Pologne,
& l’éleâeur de Brandebourg paroiffoit difpofé à
y. entrer. Le roi de Danemarck fomentoit cette-
haine générale, réfolu de prendre les armes dès
que la ligue éclateroit. Charles foupçonna fes projets,
& le prévint. Il fit en 165 8 une irruption dans
le Danemarck. Les habitans de Copenhague fe repo-
foient fur la foi du traité. Malgré la furprife dont
ils furent frappés à la vue de l’armée Suédoife, ils
firent la plus vigoureufe réfiftance, foutinrent tous
les affauts avec une fermeté inébranlable, & donnèrent
aux Hollandois, leurs alliés, le temps d’envoyer
une flotte puiffante à leur fecours. Elle parut
en effet dans le détroit du Sund, paffa à travers le
feu des vaiffeaux Suédois & jeta du fecours dans
la ville afliégée. Charles, occupé du fuccès de cette
çntreprife, ne négligeoit pas les grands mouvemens
qui l’appelloient ailleurs. Il envoya des troupes pour
chaffer les Polonois, déjà maîtres de la Livonie, fit
enlever le duc de Courlande, qui obfervoit mal
la neutralité qu’il avoit promife, fournit Langeland,
Mone, Falfter, Nafcoii. Mais la fortune qui l’avoit
fi bien fervi dans toutes fes entreprifes fe démentit
tout d’un Coup. L’Angleterre fa ligua avec la Hollande
contre la Suède ; les généraux Suédois effuy è-
rent de violens échecs fur les frontières de laPolo-
gne : toute une armée fut taillée en pièces dans l’île
de Fuhnen; Charles rentra en Suède, pour réparer
tant de pertes, & prévenir les coups dont il étoit
menacé. Mais il y fut attaqué d’une fièvre épidémique.
Il brava la mort dans le li t , comme il avoit fait
dans les combats , ce qui prouve que fon courage
étoit réfléchi : il di&a fon tefiament, le figna d’une
main ferme, mourut le 23 février 1660, dans fa
trente-huitième année.
, Charles-Gußave étoit né avec les plus heureufes
difpofitions. Il avoit étudié , dans fes voyages , les
moeurs des nations & les intérêts des puiflànces.
Dès fon enfance, fon maintien étoit fi noble, que !
fon père lui même ne lui partait qu’avec refpeét.
I l étoit généreux, familier avec fes foldats, ennemi
des plaifirs. Mais tant de hautes qualités qui dévoient
faire le bonheur de la Suède, ne firent que la gloire
de ce royaume, & le malheur des contrées voi-
fines. Il eut toujours les armes à la main. Ce fut
un conquérant, & non pas un roi. Léonard Tor-
tenfon avoit été fon maître dans l’art de la guerre.
Il avoit voulu paffer par tous les grades, afin d’en
connoître les devoirs & les détails. Dès qu’il fut
monté fur le trône, le prêtre qui l’avoit baptifé fe
rappella , qu’en lui jetant l’eau fur la tête, il avoit vu
une flamme toute célefte envelopper la tête de cet
enfant, préfage infaillible, difoit-il, de fa grandeur
future. Il le foutint fans pudeur, & ne fut pas contredit,
fur-tout à la cour. (M. d e Sa c y.')
C harles XI {Hiß. de Suède.') fuccéda à Charles-,
Hijloire. Tom, I l, Première Part,
Gufiave, fon père; il n’avoit pas encore atteint
l’âge de régner par lui-même; les régens lui donnèrent
plutôt l’éducation d’un foldat que celle d’un
roi; on lui apprenoit l’art de dompter les chevaux
mais on lui'laiffoit ignorer celui de gouverner les
hommes & de fe gouverner lui-même. La nation
fit un crime aux regens de cette négligence politique
: leur but, en occupant le jeune prince des
exercices, qui lui plaifoient, étoit de l’écarter des
affaires & de perpétuer même au-delà de fa majorité
le befoin que l’état avoit d’eux ; ils lui infpi-
rèrent- pour le fénat, dont les yeux jaloux éclai-
roient leur conduite de trop près, une averfioit
qu’il conferva toute fa v ie ; ils peignirent ces mzgif-
trats comme des ennemis du bien public, qui, fous
prétexte de tenir la balance égale entre la nation
i & le roi, ne cherchoient qu’à s’agrandir aux dépens
du roi SL de la nation.
Malgré les efforts de fes courtifans & de fes man
très » Charles développa les talens que la nature lut
avoit donnés, prit en main les rênes du gouvernement,
fe forma un nouveau confeil, & choifit
pour guide, dans fes opérations politiques, Lindenf-
child, Suédois, qui avoit lu î’hiftoire & réfléchi
fur les intérêts de l’Europe. Ce mérite devenu vulgaire
, & qu’on eftime à peine dans les fociétés,
attiroit alors l’attention des monarques. La Suède ,
qui pendant tant de fiècles avoit eu peu d’influence
fur le refte de l’Europe , commençoit à y jouer
ün rôle important ; Chrifline en avoit été l’arbitre
au fameux traité de Munffer : la paix de Breday
fignée entre la Hollande & l’Angleterre, étoit l’ouvrage
de la régence. Le traité de la triple alliance
entre ces deux puiffances & la) Suède, mettoit les
Pays-Bas à l’abri .des irruptions des François ; mais
Charles X I changea d’alliés en changeant d’intérêts:
il conclut en 16 6 1, avec le roi de France, un traité
qui tendoit à maintenir celui de Munfter. Ce chan-
; gement fit naître des divifions dans le fénat; 0*
craignoit que le roi, par cette rupture avec l’Angleterre
& la Hollande, ne voulût fatisfaire le goût
qu’on lui avoit infpiré pour la guerre ; mais on
fut détrompé, lorfqn’on le vit offrir fa médiation
pour terminer les longs différends de la France 8c
de la Hollande. La paix conclue avec la Pologne,
par le traité d’O liva avec le Danemarck, par celui
de Copenhague avec la Mofcovie , par celui de
Sardis, acheva de diflâper les alarmes que des efprits
inquiets ne ceflbient de répandre parmi le peuple,
A travers ces opérations, il étoit aifé d’entrevoir
que Charles préféroit l’alliance de Louis XIV à celle
de tous les autres monarques de l’Europe; il avoit
renoncé à celle dé l’empereur, qui, par une violence
auffi contraire à fes propres intérêts qu’à ceux
de l’humanité, avoit troublé les conférences de Cologne
, où les miniftres de Suède travailloient à établir
une paix durable entre la France & la Hollande.
L’attachement du rot pour l’éleâeur de Brandebourg
ne dura que jufqu’à l’inftant où ce prince
feligua avec les ennemis de la France. Charles fit,c a
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