
la bataille dé Caftillon. Sa mort porta le dernier
coup à la puiffance des Anglois, qui furent bientôt
chaffés de toutes les pofleffions qu'ils avoient
envahies; la Normandie rentra fous la domination
de fes anciens maîtres. Cette riche province, depuis
la naifiance de l’empire François, avoit effuyéde
fréquentes révolutions : détachée de la France pour
être le domaine d’un peuple de brigands guerriers,
elle ne fut plus qu’une province de l’Angleterre,
dont la valeur de fes habitans avoit fait la conquête
fous Guillaume le Conquérant. Elle fut réunie
à la France fous. Jean fans Terre, & reprife
par les Anglois fous Charles V I , dont le fik eut
la gloire de la faire rentrer fous fa domination en
1448. Cette brillante conquête fut le prix de la
viéloire de Fonnigni, remportée fur les Anglois,
qui ne confervèrent en France que Calais, dont
Édouard s’etoit emparé en 1347; ils s’y maintinrent
jufqu'en 1558, quelle leur fut enlevée par le
duc de Guife. L’indocilité des Bordelois, familia-
rifés avec la douceur du gouvernement Anglois,
engagea lé roi à bâtir Château-Trompette pour les
contenir dans l’obéiffance.
Lorfque toute la France fut réunie fous fon légitime
maître, les loix reprirent leur vigueur, &
la licence de la foldatefque fut réprimée : la mé-
moir ede Jeanne d’A rc fut réhabilitée. Ce calme,dont
on avoit tant debefoin, fut encore troublé par la
révolte du dauphin. Ce prince fombre & farouche,
après un féjour de 15 ans en Dauphiné, fe retira
auprès du duc de Bourgogne pour allumer une nouvelle
guerre civile. Le père, qui n’avoit à fe reprocher
qu’un excès de tendreffe pour ce fils dénaturé,
tomba dans une langueur qui le conduifit à la mort
en 1461 ; il laiffa une mémoire fort équivoque. Les
merveilles opérées fous fon règne lui donnent une
place parmi les grands rois. S’il ne parut guère à
la tête de fes armées, il montra du moins beaucoup
de diicernement dans le choix de fes généraux.
La défiance qu’il eut de fes talens militaires
doit entrer dans fon éloge. Ce fut fous fon règne
que l’art de l’imprimerie prit naifiance; mais l’ef-
prit humain ne profita point de ce bienfait pour
étendre fes limites: les hommes guerriers, farouches,
mettoient plus de gloire à favoir détruire
leur efpèce qu’à l’éclairer. La milice de l’état avoit
été jufqu’alors aufli redoutable au citoyen qu’à l’ennemi.
On crut que pour réprimer ces brigandages,
il failoitlui affurer une paye qui fournît à fes befoins.
Cette charge néçeffaire pour rétablir la fûreté publique,
donna naifiance à l’impofition de la taille :
le peuple confentit avec joie à faire le facrifice d’une
portion de fes biens pour fe fouftraire à la violence
du foldat affamé. Ce fut encore fous ce règne que
fe tint le concile de Bâle, où l’on décida la fupé-
riorité du concile fur les décidons du fouverain
pontife. (Eneas Sylvius, qui en avoit été fecrétaire,
en défavoua les maximes lorfqu’il fut parvenu à la
papauté. Ce concile finit en 1443; Eugène IV en
convoqua lyi autre à Fçrrare, qu’il transféra enfuite
à Florence. Ce fut dans cette affemblée que fe fit
la réunion des Grecs avec l’églife latine. (T— A .)
C harles VIII ( Hifl. de France) n’avoit que
13 ans lorfqu’il parvint à la couronne de France,
en 1483. Louis X I , qui craignoit de lui donner des
talens dont il auroit pu un jour fe fervir contre
lui-même, n’avoit confié fon éducation qu a des
hommes fans mérite; mais les difpofitions heu-
reufes que la nature lui avoit données triomphèrent
de ces obftacles. La régence fut confiée à
madame de Beaujeu : Louis, duc d’Orléans, premier
prince du iang , qui monta depuis fur le
trône, fe plaignit de ce qu’on ne remettoit pas en
fes mains les rênes du gouvernement ; fes murmures
allumèrent une guerre civile : Louis fut
fait prifonnier à la bataille de Saint-- Aubin.
Le reffentiment de madame de Beaujeu prolongea
fa captivité; mais dès que Charles régna par
lui-même, il fe hâta de briier fes fers. Ce prince
étoit déjà connu par des aôes de clémence ;
il avoit rendu la liberté , les biens & l’honneur
aux reftes de la malheareufe maifon d’Armagnac.
Il époufa Anne de Bretagne en 149 1,
& cette heureufe union mit fin à toutes les
guerres civiles que ce duché avoit occafionnees.
La vigueur qu’il fit paroître dans fes démeles
avec le roi d’Angleterre & l’empereur, apprit a
ces princes à ne pas méprifer fa jeuneffe. La France
commençoit à fe relever de fes pertes; les fautes
de Louis XI étoierit réparées , quelques impôts
avoient été fupprimés; tout étoit calme, lorfque
la manie des conquêtes troubla le repos du roi,
du peuple , & d’une partie de l’Europe, Charles
d’Anjou avoit cédé à Louis XI fes prétentions fur
les royaumes de Naples & de Sicile; CharlesVIII
céda le Rouflillon oc la Sardaigne au roi d?Arra^
g o n , qui commençoit à l’inquiéter, & partit a
la tête de fon armée en 1494, pafla les Alpes
avec autant d’audace que de fatigue , traverfa
d’Italie d’un pas rapide, & entra dans Rome avec
l’appareil d’un, conquérant. Il y doiîna des loix,
& fit afficher fes ordonnances aux portes du palais
du pape. Ce fut là qu’André Paléologue lui céda
fes droits fur l’empire d’Orient. Heureufement il
ne longea point dans la fuite à les faire valoir, &
les fuites qu’eut la conquête de Naples lui firent
foupçonner celles qu’auroit eues la conquête de
Çonftantinople. Ferdinand, alors roi deNaples, s’enfuit
à l’approche de Charles : ce prince foumet
le royaume encourant, il eft reçu dans la capitale
prefque auffi facilement qu’il l’eut été dans Paris.
Déjà il fe prépare à revenir en France; mais le
pape, l’empereur, le roi d’Arragon, le roi d’Angleterre,
le duc de Milan & la république de
Venife fe liguent pour lui fermer le retour. On
Pattaque à Fornoue le 6 juillet 1495* Compagnons
, dit-il à fes foldats, les ennemis font dix
fois plus que nous ; maïs vous êtes des François.
Les alliés fe confient en leur multitude, nous , en notre
force, 6» vertu« On en vint aux mains : Charles,
ènveloppé par les ennemis, foutînt leur choc
pendant long tems ; il fut enfin fecouru, rétablit
le combat , & remporta la vi&oire. Il coucha
fans tente fur le champ de bataille, au milieu des
morts. Tandis qu’il rentroit glorieux en France,
les Napolitains fe foulevoient ; les garnifons fran-
çoifes furent maflacrées. La crainte avoit tout
fournis à Charles V I I I ; l’affeclion du peuple fournit
tout à Ferdinand. Charles VIII alloit repaffer
les monts pour châtier cette révolte, & faire une
nouvelle révolution, lorfquil mourut au château
d’Amboife, le 7 avril 1498 ,âgé de 27 ans. Deux
de fes officiers expirèrent de douleur en voyant
partir fon convoi. Ce trait fuffit à fon éloge.
(AL d e Sac y . )
C h a r l e s IX ( Hifl. de France. ) étoit fils de
Heni I I , & frère de François I I , rois de France.
Il fuccéda à ce dernier en 1560. Il n’y eut point
de régent ; mais la reine-mère, Catherine de Mé-
diçis, en eut toute l’autorité. C ’étoit une femme
impérieufe , cruelle, fanatique , fuperftitieufe ,
diflimulée. Antoine de Bourbon, roi de Navarre,
prit le titre de lieutenant-général du royaume,
mais il n’avoit ni aflèz de talens pour s’oppofer
aux projets de Catherine, ni aflez de méchanceté
pour agir de concert avec elle. On rendit la liberté
au prince de Condé, qui avoit été condamné à
: perdre la tête. Trois hommes puiffans fe liguèrent
pour envahir l’autorité ; c’étoient le maréchal de
| Saint - André, le duc de Guife & le connétable
de Montmorency : cette union fut appellée triumvirat.
L’édit de Saint-Germain ordonnoit aux deux
partis de vivte. en paix, tandis que ceux qui l’a-
voient diâé échauftoient la difeorde. On s’affem-
hla à Poifiy p‘our rapprocher les efprits, on difputa
• fans s’entendre, on ne ponclut rien, & l’on for-
tit de part & d’autre plus opiniâtres que jamais.
On vouloit détacher Condé du parti des Huguenots.
Le parlement fendit un arrêt qui le déclaroit
I innocent de la conjuration d’Amboife. Ce jugement
I ne put ni perfuader le peuple , ni attirer le prince : 1 des deux côtés on demandoit la paix, on defiroit la
guerre. Ce fut dans ces circonftancés que Marie
1 Stuart quitta la France, & partit pour la grande
Bretagne, où elle perdit la tête fur un échafaud :
k fon départ fut à peine .apperçu par la nation, 1 occupée de querelles théologiques. L’édit de
; janvier, publié en 1562, accorda aux Proteftans
S le libre exercice de leur religion ; mais bientôt
; le duc de Guife donna le fignal des aflaffi-
J nats par le ma fiacre de Vafiÿ. La guerre s’a lluma
aufli-tôt: le prince de Condé fe mit à la
B tête du parti hérétique : Orléans devint le centre
I de la révolte; Antoine de Bourbon, roi de Na-
I varre , périt au fxègede Rouen : prince foible, bon
| foldat, mauvais général, mal adroit négociateur,
1 ami peu fidèle,, & dont le plus beau titre eft
| d’avoir été père de Henri JV. Les armées s’ap-
g prochoient; on envoya demander à la reine s’il
fallok livrer bataille : « Demandez-le à la nourrice
» du r o i , dit-elle avec un fourire ironique ». La
bataille fe donna près de Dreux : les Huguenots
furent vaincus; le prince de Condé tomba entre
les mains des Catholiques, & le connétable entre
celles des Huguenots. Le maréchal de Saint-André
, qui avoit échappé aux coups des foldats ennemis,
tomba fous ceux d’un affaflin après la
bataille; François, duc de Guife, eut le même
fort à Orléans. Cet homme fingulier , grand
politique, grand général , maître de lui-mémo
comme des autres hommes, infinuant, brave,
ne laiffa d’autre héritage que 200 mille écus de
dettes, ce qui prouve que l’amour de la gloire
& de l’empire étoit fa feule pafliôn. Le roi marcha
vers le Havre, & enleva cette place aux
Anglois, que les Huguenots|avoient introduits en
France. Cette conquête futfuivie, en 1563 , d’un
édit de pacification qui fut peu refpefté par les
Proteftans, & violé lans pudeur par les Catholiques.
La majorité du roi fut déclarée à 13 ans;
mais Catherine demeura' toujours maîtreffe des
affaires. On fit la paix avec l’Angleterre : Charles
IX , inutile à fon peuple, à lui-même, fit
des voyages dans la province, , moins pour en
examiner la fituation que pour promener fon ennui.
Il eut, air?n que Catherine, une entrevue à Rayonné
avec le duc d’Albe & Ifabelle de France, époufe de
Philippe II. On prétend que ce fut là que la perte
des Huguenots fut jurée.
Les perfécutions rallumèrent la guerre ; on
! traita de rebelles ceux qui ne fe laiffoient pas
égorger; on leur fit un crime de défendre leur
v ie ; les Profeffans réfolus de fe perdre ou de réuf-
fir par un coup d’éclat, tentèrent d’enlever le
roi au château de Monceaux ; mais les Suiffes
le fauvêrent & le ramenèrent à Paris. Le peu
de fuccès de cette entreprife n’affoiblit point le
defir qu’ils avoient d’en venir à une action
décifive ; ce fut dans la plaine de Saint-Denis
qu’elle fe paffa, l’an 15(77. Le connétable , âgé de
7 4 ans, y commanda en habile général, y combattit
en foldat , & reçut fix bleffures ; il vouloir
mourir fur le champ de bataille : on l’emporta
malgré lui. Un cordelier s’approcha pour
l’exhorter à la mort : Penfes-tu, lui dit-il, qu’un
homme qui a vécu près de 80 ans avec gloire,
n’ait pas appris à mourir un quart-d’hetire ? Des
deux cotés on s’attribua la viétoire ; elle étoit
incertaine, mais l’honneur de cette journée doit
appartenir aux royaliftes , puifqu’ils étoic-nt les
plus foibles & qu’ils ne furent pas vaincus. Le
roi offrit l’épée de connétable à Vieilleville : le
maréchal s’immortalifa par un refus généreux, &
ce fut par fon confeil que le duc d’Anjou ( depuis
Henri III) fut nommé lieutenant-général du
royaume. Montluc ,aux pieds des Pyrénées , faifoit
alors la guerré aux Efpagnols & aux Proteftans :
c’eût été un grand homme, s’il s’étoit fouvenu que
la religion ne permet pas de maffacrer fans pitié