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^in, & fembloit croire que les intérêts de la gloire
de fon maître ,8c de fou ami lui étoient confiés.
M. de Voltaire avoit fait en paflant, fur Fhiftoire ancienne
de M. Rollin;, quelques légères obfervations
Qu objeéfions qui prouvoient fon eft-me pour cet
écrivain , M. Crevier entreprit de lui répondre ,
ce qu’il fit du ton capahle & contraint d’un homme
de collège qui parle à un homme du monde 8c qui
met une vanité gauche à paroître poli. Ces deux
hommes différent trop dans leurs principes de
goût, d’hiftoire, de philofophie 8c de critique, pour
pouvoir , je ne dis pas s’accorder, mais difputer
enfemble ; il n’y avoit entr’eux ni rapport ni proportion
; plus ils étoient contraires, moins il y avoit
matière à difpute , c’étoient deux étrangers qui
avoient rai fon chacun chez eux & dans leur langue
, auflx la difpute finit-elle par ce trait que le
fatyrique léger lança contre le rhéteur Polémique.
Le lourd Crevier, pédant crafïeux & vain,
Prend hardiment la robe de Rollin ,
Comme un valet prend l’habit de fon maître*
M. Paliffot, dans fa jeuneffe , avoit fait une
hiftoire raifonnée des premiers fiècles de Rome;
on en rendit compte dans le journal des favans,
& on oublia de le gronder du ton un peu léger
dont il avoit avoit parlé de M. Rollin dans cet
ouvrage. M. Crevier écrivit à Paffemblée du journal
des favans pour fe plaindre de cette modération
des journaliftes. Quoi ! difoit-il, fi j’étois
m o r t, il ne fe feroit donc pas élevé uneieule voix
pour la défenfe de M. Rollin ! M. Rollin n’avoit
pas befoin de voix qui s’élevafient pour fa défenfe
; tous les coeurs de fes leâeurs étoient pour
lu i, il infpiroit à tous i° . de la confiance en fes
écrits. 2°. Une vénération tendre pour fa perfonne;
il n’y a aucun de fes détraéleurs ni de fes défendeurs
auquel on ne pût fouhaiter un pareil avantage.
M. Crevier auroit dû peut-être fe borner à
écrire en latin , il y écrivoit bien , 8c il avoit
même de l’efprit dans cette langue. Son édition
de Tite-Live eft un ouvrage eftimé des favans ; il
y a de lui des difcours latins , prononcés dans Tu-
niverfité , qui lui ont fait honneur, & ç’étoit un
homme dtftingué dans ce corps , mais il a trop
écrit en François ; outre fa continuation de l ’hifr
toire de la République Romaine, 8cfpn hiftoire des
empereurs julques & compris Conftantin , on a de
lui une hiftoire de Vuniverfitè de Paris , qui n’efi
pas un fimple abrégé de Duboulay, & qui pour
les recherches & l’ordre eft au rang des bons ouvrages
d’érudition ; on n’en peut pas vanter le ftyle;
cependant, comme l ’obferve un auteur, M. Crevier
étoit plus propre à écrirç Fhiftoire de l’uni-
verfité que Fhiltoire romaine. Il y a de lui encore
une Rhétorique Frqnçoife , dont la réputation n’efi
as fortie de l’enceinte de l’univerfité ; on lui attri-
ue auflj des obfervations _furIéfprit des loix, dans
kfqueiles i l avoit le même tort, 6c le même dé-
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favantage que dans fa difpute contre M. de Voltaire.
Ne futor ultra crepidam. Né à Paris en 1693.
Mort en 1765.
C R I L L O N ( L o u is - barbe berton d e ) ,.
( Hift. de Fr. ) , furnommé le brave, d’une ancienne
maifonde Provence.
Du Guefclin, Bayard, {voy. ces 2 art. ) & Crillon ;
voilà peut-être les trois plus beaux modèles de valeur
& de vertu que préfente Fhiftoire de France.
Le premier, fut l'ami 8c le héros de Charles-le-
Sage ; le fécond de Louis XII & de Francois I , le
troifième de Henri IV ; mais fi on confidère dans
quels temps difficiles le brave Crillon ne s’écarta
jamais des loix de l’honneur & du devoir ; dans
quelles cours il fut confiamment vertueux ; à quels
rois, (Francois I I , Charles IX , Henri I I I ) ; à
ueile reine ( Catherine de médicis ) il fut toujours
dèle fans les flatter; fervant toujours leurs intérêts,
jamais leurs pallions ; s’expofant à tout pour
leur fauver tantôt la v ie , tantôt la couronne,
tantôt des crimes; catholique inébranlable, combattant
la ligue 8c abhorrant la Sàint-Barthelemi;
ami zélé des Guifes fidèles , ennemi redoutable du
duc Guife rebelle , lui faifant feul baifler les
yeux d’un regard , offrant de fe battre contre lui,
refufant, au péril de fa v ie , de l’afiaffiner, & pro-
pofant qu’on lui fît fon procès , enfin fi l’on confia
dère la vie entière de Crillon, on ne le jugera point
inférieur à fes modèles, & peut-être trouvera-t-on
que fa vertu fut encore plus éprouvée que la
leur, puifqu’il eut à fervir des princes vicieux. Le
ciel lui devoit' enfin un maître tel que Henri IV
pour le récompenfer de fa fidélité envers les autres.
Nous ne le fuivrons point dans toutes fes
expéditions militaires où la vidoire fut fi fouvent
payée de fon fang ; il faudroit rappeller toutes les
batailles 8c tous les fiéges de fon temps; s’il lui
efi arrivé de manquer quelquesrunes de ces expé-
dirions, ou il fervoit plus utilement ailleurs, on
il étoit retenu par fes bleflùres. Nous ne rapport
terons que quelques traits moins généralement
connus que les autres,
A la bataille de Dreux en 1562, Crillçn qui, de
l’aveu du duc de Guife, contribua beaucoup à
la v iâ o ir e , voyant le prince de Condé renverfé
de cheval, ne voulut pas le faire prifonnier, il
apperçoit Dam ville ,, fils du connétable de Mont?
morenci ( le connétable venoit d’être fait prifonn
ie r ) , avance Damville, lui dit-il, en tendant fe
main au prince de Condé pour l’aider à fe relev
e r ; c'eft à toi d’échanger ton pere contre le prince ,
à moi de refpefier le fang de nos rois.
En 1592 l’amiral de Villars , encore ennemi de
Henri I V , ayant invefii Quilleboeuf, Crillon y
entra lui troisième, en hatteau , 6c lorfque les af-
fiégeans fommeren: la garnifon de fe rendre, il
ne répondit que ce peu de mots : Crillon eft dedans
6» l’ennemi dehors, Tout lç monde feit le billet
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que Henri IV lui écrivit après le combat d’Ar-
qu*. s où Crillon n’avoit pu fe trouver: pends-toi,
brave Crillon , &c. on en a plufieurs autres de Henri
III 8c de Henri IV au même Crillon, qui prouvent
l’amitié, l’eftime, le refpeél même, on peut
le dire, de ces rois pour fa' perfonne.
Peu de leâeurs fayentque Crillon, quoique laïc,
poftedoit l’archevêché d’A r le s , les évêchés de
Fréjus-, de Toulon , de Sénez , de St. Papoul,
& l’abbaye de l’Iile- Barbe. Tels étoient les ufa-
ges du temps, relativement à la difpenfation des
Bénéfices. On les accumuloit, & on en faifoit
la récompenfe du foldat. Ovide eût dit:
Romule , diviïibus feifti dare commoda folus.
Le brave Crillon mourut le 2 décembre 1615,
dans fa foixante 8c quatorzième année. Un Jé-
fuite, ( le pere François Bening), fit fon éloge
funèbre, qui fut imprimé en 1615 à Avignon,
fous le titre de- boucher d’honneur. On a publié fa
vie à Paris en 17 8 1 , peu de temps après que
la prife de Màhon eut ajouté un nouveau laurier
à la gloire du nom de Crillon.
Il efi toujours utile à la gloire des plus grands
noms d’être célébrés dans les poèmes fameux ;
le brave Crillon l’efi dans^ deux poèmes de M. de
Voltaire qui ne périront point.
Dans la henriade :
Sully , Nangîs , Crillon , ces ennemis du crime ,
Que la Ligue dételle 3 & que la Ligue eftime.
Dans lepoème de Fontenoy :
Tel étoit ce Crillon , chargé d’honneurs fuprcines,
Nommé brave autrefois par les braves eux-mêmes.
CRINITUS ( Pe t r u s ) ou P ier r e le ch e v e lu ,
ou Pie t r o R i c c io ,{Hift. lit. mod.), difciple 8c fuc-
cefieur d’Ange Politien dans fön école à Florence.
L’hiftoirelui fait, fur les moeurs, le plus grand reproche
qu’on puifie faire à un inftituteur public. On
a de lui des vies des poètes latins 8c d’autres ouvrages.
Mort vers l’an 1505.
CRISPE, {Hift. Sac.'), chef de la fynagogue de
Corinthe, converti & baptifé par St. Paul (Act. ap,
'c . 18, v. 8. Premiere aux Corinthiens ,c . i l v. 14.
C r isp e , ( Hiß. Rom.) F a v iu s Ju l iu s C r is p u s ,
fils de l’empereur Conftantin & de Minervine.
Il acquit de la gloire & fon pere le nomma Céfar.
Faufta, fa marâtre, qui l’aimoit, n’ayant pu le fé-
duire, l’accu fa auprès de Conftantin, comme Phèdre
accu fa Hyppolite auprès de Théfée, Confiantin
crut Faufta 8c empoifonna fon fils, il reconnut fon
innocence, 8c fit périr Faufta : trifte refiource.
Crifpe périt l’an 324 de l’ère chrétienne.
CRISPUS ou CRISPO ( Hift. lit. mod. ) , théologien
& poète napolitain, mort en 1595, eft
connu par une vie de Sannafar 8c par un traité :
de Ethnicis philofophïs cautè legendis.
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' C R IT IAS , le premier des trente tyrans d’Athe"
nés, chafle par Thrafybule; il fut tué dans cette
révolution, arrivée environ quatre fiècles avant
J. C .’: difciple de Socrate, il avoit été injufte &
cruel ; tyran, il avoit fait des vers dont on a des
fragmens.
CRITOGN ATE {Hift. anc.), [feigneur auver-
gnac, défendit la liberté de fon pays contre Céfar,
& fuivit la fortune de Vercingentorix. Enfermé
dans Alefia, 8c préffé par la famine, plutôt que
de fe rendre, il fit décider qu’on immoleroit ceux
qui n’étoient pas en état de combattre & qu’on fe
nourriroit de leur chair,* exemple qu’avoient déjà
donné les anciens Gaulois afiiégés par les Cimbres
& les Teutons. L’intérêt même de la liberté ne
peut exeufer une réfolution fi monftrueufe. Le courage
de céder à un vainqueur vaut mieux que celui
de lui réfifter en outrageant la nature ; d’ailleurs
les Gaulois n’en furent pas moins domptés.
CRITOLAUS {Hift. Grecq.). Plutarque, ou du
moins l’auteur des parallèles d’hiftoires Grecques
6- Romaines , rapporte de ce Critolaüs & de fes
deux frères, citoyens de Thégée en Arcadie, &
de Damoftrate & de fes deux frères, citoyens de
Phénée, autre ville d’A rcadie, exactement la même
hiftoire que Tite-Live raconte des Horaces & des
Curiaces, c’eft Critolaüs qui eft l’Horace vainqueur ,
& il tue de même fa foeur, & par la même raifon,
& eft abfous de même par le peuple ou du moins
par fa mère. Il fut enfuite général des Achéens
contre les Romains. Battu par Cec. Metellus au
pafîàge des Thermopyles, l’an 146 avant J. C . ,
il s’empoifonna, dit-on , de chagrin. On fent combien
cette conformité parfaite entre Fhiftoire Grecque
8c Fhiftoire Romaine les rend toutes deux
fufpe&es.
CRITON {Hift. a nc.), difciple de Socrate,
dont un des dialogues de Platon porte le nom ; il
avoir en effet compofé des dialogues, mais on ne
les a pas.
C R I T O N ( Hift. mod. ). Cri ton ou Cliton étoit
le furnom de Guillaume, fils & unique héritier dii
Prince Robert, d it, G a m b a r o n ou C o u k t e s -
jam b e s , fils aîné de Guillaume le conquérant. Il
avoit par fa naiffance des droits incpnteftables à la
couronne d’Angleterre, mais cette couronne avoit
été envahie par fon oncle Henri I. & il eut le
malheur de tomber entre les mains de l’ufurpateur.
Heureufement les tyrans de ce temps-là ne favoient
pas même être conféquens dans le crime ; Henri
qui, après avoir ôté lavue au malheureux Robert
en lui faifant paffer fur les yeux un baflin de cuivre
ardent, le laiffa languir vingt-huit ans dans
les fers, laiffoit la liberté à Caton, fis de Robert;
il lui avoit même donné pour gouverneur un hom •
me vertueux, ce que la tyrannie ne fait guêres en
pareil cas; fon intention étoit vraifemblablement