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» manderez plus, dît-il, ces légions que vous avez
» laide enfermer ; allez apprendre dans un rang
» inférieur à mériter un jour un confulat plus heu-
» reux; & vous, foldats, qui alliez être la proie
» des Eques, vous n’aurez point part au butin
» des vainqueurs ». On fe foumet avec refpeâ à
fes decifions rigoureufes ; l’armée lui décerne une
couronne d’or & le faille patron & protecteur : il
reçoit a Rome les honneurs du plus beau triomphe,
ayant debellé en moins de feizè jours de diétature
un ennemi vainqueur , prêt à -palier les Romains
fous le joug.
. Ppur comble de bonheur, pendant fa dictature,
l’innocence de Célbn fut reconnue, Y alibi prouvé
pour le jour du meurtre prétendu, la calomnie démontrée
& avouée, le calomniateur banni, Cé-
fon rappellé. Alors Cincinnatus abdiqua au bout de
feize jours la diétature qui lui avoit été déférée
pour fix mois, & rentra plein de gloire & de bonheur
dans fa retraite chérie, après s’être encore
refufé à de nouvelles offres de fortune. Le travail,
la pauvreté , la frugalité, toutes les vertus champêtres
prolongèrent fa carrière | & vingt ans encore
après, Rome l’honora encore de la même ma-
giltrature pour l’oppofer non plus à des ennemis
étrangers , mais à un ennemi domeffique plus dam
gerenx , Sp. Melius, qui, en féduifant le peuple par
des diftributions de bled , n’afpiroit pas à moins
qu’à la royauté : il fut convaincu & puni, & Cin-
cinn'atus fit voir que fon âg e , dont il avoit craint
la foibleffe, & qui lui avoit fait refufer cette fécondé
diétature qu’on le força d’accepter , n’avoit
rien, diminué de fa vigilance ni de fa fermeté ; il
avoit alors plus de quatre-vingts ans. II mourut laif-
fant Rome libre S£ heureufe ; fon petit champ,
converti depuis en prairies, retint long-temps le
nom de prairies de Quintius. Son furnom de Cin-
çinnatus venoit fans doute de ce qu’il avoit les cheveux
naturellement bouclés, cariln’eftpas à croire
qu’un pareil homme perdît du temps à les frifer.
C ’eft de lui & de fes pareils ( car il en eut dans
les premiers temps delà République) que Pline a
dit : gaudmte terra vomere laureato & triumphali ara-
tore; ce que M. de Voltaire a parodié dans ces
deux vers :
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taire l'an 3 29, & q u i, comme Céfon Ton frère £
fut accufé & abfous , l’an 332 de Rome.
CINEAS ( Hiß. Rom. } , homme de confiance
de Pyrrhus, roi d’Epire, & qui répondit à cette
confiance en lui difant toujours la vérité. Lorfque
Pyrrhus fe laiffa engager par les Tarentins à porter
la guerre en Italie contre les Romains, on fait par
quelles fages refléxions Cineas lui prouva qu’il pou*
voit des ce moment jouir du bonheur & de la tranquillité
qu il fe propofoit pour terme & pour dernier
prix de fes conquêtes : cette converfation eft
fameufe, & Boileau l’a bien rendue.
Pourquoi ces éléph.ans , ces armes, ce bagage,
Ec ces yaiffeaux tout prêts à quitter le rivage ?
Difoit au roi Pyrrhus un fage confident ^
Coafeiller très -fenfé d'un roi très «imprudent.
Je vais, lui dit ce prince , à Rome où l’on m’appelle-—*
Quoi faire? l’afliéger.—v I/entreprife eft fort belle,
Et digne feulement d’Alexandre ou de vous.
Mais Rome prife enfin , feigneur , où courons-nous ?
Pu refte des latins la conquête eft facile • —*
Sans doute on les peut vaincre. Eft-ce tout ? La Sicile
De là nous tend les bras , & bien-tôt fans effort
Syraeufe reçoit nos vaifleaux dans fon port—.
Bornez-vous là vos pas ? rrDès que nous l’aurons prife,
Il ne faut qu’un bon vent, & Carthage eft conquife.
Les chemins font ouverts : qui peut nous arrêter ? —
Je vous entends, feigneur , nous allons tout dompter $
Nous allons traverfer les fables de Lybie ,
Ailervir en paffant l’Egypte , l’Arabie ,
Courir de là le Gange en de nouveaux pays,
Faire trembler le Scythe aux bords du Tanaïs ,
Et ranger fous nos loix tout ce vafte hémifphère,
M^is de retour enfin que prétendez-vous faire ? r--
Alors, cher C in e a s viftorieux , contens ,
Nons pourrons rire à l’aife j & prendre du bon temps
Hé » feigneur , dès ce jour , fans fortir de l’Epire,
Du matin jufqu’au foir qui vous défend de rire ?
L’avis étoit trop fort pour Pyrrhus & pour le
temps, Pyrrhus eut le malheur de vaincre les Ro?
mains ; s’il eût été vaincu il auroit pu en obtenir
la paix. Rome fe gouvernoit déjà par cette maxime :
Et que les bleds tenoîent à grand honneur
D’être fem'és par la main d’un vainqueur.
Rome ne traite plus
Avec fes ennemis que lorfqu’ils font vaincus.
C e qui n’empêçhe pas que la penfée originale ne
foit bien belle & bien romaine.
Le confulat de Cincinnatus efl de l’an de Rome
294. Sa première di&ature, de l’an 296; fa dernière
diétature , de l’an 316.
Outre Céfon , Cincinnatus avoit deux autres fils ,
Quintius Cincinnatus , qu’il vit créer tribun milir
taire l’an 316 de Rome, & qui l ’an 318 fut général
de la cavalerie, fous le chélateur Mamercus Emilius,
& Titus Quintius Cincinnatus, qui fut deux fois con-
fu l? l an 4? Rome 324 & l’an 327, tribun
Et la réponfe que fait Valérius Publicola, dans
Brutus, aux propofitions de Tarquin, eft précifé-
ment celle que Rome fit à Pyrrhus vainqueur,
qui, par l’-avis de Cineas, offrit la paix en renvoyant
les prifonniers fans rançon:
Que Tarquin fatisfafie aux ordres du fénat ;
Exilé par noé loix , qu’il forte de l’ état ;
De fon coupable afpeétqu’il purge nos frontières}
Et nous pourrons enfuite écouter fes prières.
Pyrrhus, qui rendoit à Cineas le témoignage qu\l
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ëVoit gagné plus de villes par Véloquence de ce fage
tninijlre, que par fes propres armes, l’avoit envoyé à
Rome traiter de la paix : fon éloquence y échoua
contre la fierté romaine ; mais il fentit le prix de
cette fierté : il vit ce quec’étoit qu’un peuple libre,
& lorfqu’à fon retour Pyrrhus lui demanda ce qu’il
penfoit de Rome & du fénat, il répondit que la
ville lui avoit paru un temple, & le fénat une affem-
blée de rois : i.î n’oublia rien pour engager Pyrrhus
à quitter l’Italie, & il lui donna, du terrible ennemi
que fon imprudence s’étoit fait, la même
idée qu’Annibal en donne dans Horace, & à-peu-
près dans les mêmes termes:
Cervi luporüm proeda rapaclum
SeBamur u ltrb , quos opimus
F a lle r e & effugere eft triumphus . . * • i
P e r damna r per coedes , ab ipfo
D u c it opes animumque fe rro ,
Plo n hydra fe ë o corpore firm io r
V in c i dolentem crevit in Herculem ,
Mon ftom ve fummifere C ru lch i
M a ju s j Echionïceye Thebce.
Idtrfe s profundo j p u lc h rïo r eyenit j
L u c ie n m u ltâ prom et in tegium
Cum lande viBorem geretque
P r a l i a conjugibus loquenda.
î/expédition de Pyrrhus & l’ambaffade de Cineas
font de l’an de Rome 472.
C IN N A {Hijl. Rom.} Ce nom a été porté à
Rome par plufieurs perfonnages fameux.
i®. Le plus fameux & le plus odieux eft Lucius
Cornélius Cinna. Il étoit comme le lieutenant de
Marius, & le miniftre de fes fureurs : il fut quatre
fois conful, c’eft-à-dire, qu’il ufurpa quatre fois le
confulat ; la première , en jurant à Sylla de ne rien
faire contre fes intérêts, & ie faifant enfuite accu-
fer par un tribun , afin de l’obliger à fortir.de l’Italie
, puis en confervant ce premier confulat, quoiqu’il
eût été dépofé juridiquement; enfuite, en fe
donnant à lui-même les trois autres confulats. Sylla
prêt à revenir vainqueur, aUoit punir par des fup-
plices fes infidélités & fes cruautés : il fut prévenu
par un centurion de l’armée même de Cinna , qui,
dans une fédition pourfuivit celui-ci l’épée à la
main & l’atteignit: Cinna fe jette à genoux,demande
la vie , offre au centurion une bague de prix. Je ne
fuis point venu ic i, dit le centurion , pour faire un
marché, mais pour délivrer la république du plus
cruel & du plus injufte de tous les tyrans. En même-
temps il le renverfe mort à fes pieds, l’an de Rome
668,
z°. Le prêteur Cornélius Cinna, un des affaf-
ftns de Céfar ,, déclama violemment contre la mémoire
de ce didateur devant le peuple qui en fut
indigné.
3®. Et le tribun Helvius Cinna, ami de Céfar,
fe trouvant à fes obfèques , & quelqu’un l’ayant
*out haut de ce nom de Cinna > le peuple,
C I N III
qui ne le connoiffoit pas, le prit pour le préteur
Cornélius Cinna, &dans l’ardeur de venger Céfar,
mit Helvius en pièces, quoiqu’il proteftât qu’il n’avoit
que le furnom de commun avec l’ennemi de
Céfar.
4°. Cinna, poëte latin, eftimé de Virgile:
N am neque adhuc V a ro videor nec dicere C in n â
D ig n a .
50. Cneïus Cornélius Cinna^ arrière petit-fils du
grand Pompée, fi connu par la clémence d’Au-
gufte & par la tragédie de Corneille. M. de Voltaire
doute de la réalité du trait hiftorique qui fait
le fujet de cette tragédie , c’eft-à-dire de la con£
piration de Cinna & du pardon d’Augufte, parce
que les hiftoriens proprement dits n’en ont point
parlé. Tacite n’en dit rien : mais où en auroit - il
parlé l II commence fes annales à Tibère : le filence
de Suétone fignifîe davantage , mais ce n’eft qu’un
filence; & Sénèque, dans fon traité de Inclémence,
rapporte cette hiftoire avec tant de circonftances ,
qu’on n’a aucune raifon décifive de la révoquer
en doute. Dion, qui n’en parle, dit-on , que d’après
Sénèque, met la fcène à Rome, & Sénèque la
place dans les Gaules : c’eft une preuve qu’il ne
parle pas uniquement d’après Sénèque, & qu’il
avoitpuifédans d’autres fources. Quoiqu’il en foit,
Sénèque a fourni non-feulement le fujet, mais en--
core plufreurs des plus belles fcènes de la tragédie
de Corneille, entre autres celle où Augufte con^
fond Cinna, & celle où il lui pardonne,
CINNAMES ( Hiß. litt, du Bas-Empire } , hifto-
rien grec du douzième fiècle, a écrit l’iiiftoire de
Jean & de Manuel Comnène. Elle eft imprimée
au Louvre, en grec & en latin , avec de favantes
obfervations de Ducange, qui a préfidé à l’édition,
C I N Q - A R B R E S ( J e an ) ( Hiß. litt. mod. )
Quinquarboreus, profèffeur royal en langue hébraïque
& fyriaque en, 13 54. On a de lui une grammaire
hébraïque, plufieurs fois imprimée. Il a traduit
plufieurs ouvrages d’Avicènne. Il mourut en
■ M* 7 -
CINQ-MARS, ( Voyeç E f f i a t ).
CINUS ou CINO {Hiß. litt. med.} , jnrîfcon*
fuite de Piftoie, a fait des commentaires fur le
code & fur le digefte ; mais c’eft comme poëttf
qu’il eft le plus avantageufement connu : c’étoit le
plus agréable poëte lyrique de l’Italie avant Pétrarque,
Il mourut à Bologne en 13.36,
CIPIÈRE ou CYPIÈRE ( Ph il ib e r t d e M a r -
CILLY, feigneur de ) ( Hiß, de Fr. ) L’hiftoire, qui
n’a pas affez fouvent à louer les inftituteurs des?
rois, parce qu’ils ne font pas affez fouvent nommés
par la voix publique, rend au brave Cipière le té-
moignage qu’il avoit donné une excellente éducation
à ce Charles IX , qui depuis. . . . mais en for—
tant des mains de Cipière & d’Am y o t, il étoit
vertueux & ami des lettres. Cipière étoit un gentilhomme
mâconnois, diftingué par fa valeur