
( 1734 ) leur fuffit pour mettre fous leur puiflance
la Mirandole & la principauté de Piombino. En
une année , la maifon d’Autriche perdit les royau*
mes de Naples & de Sicile, & toutes fes principautés
d’Italie. Les fuccès étoient moins rapides en
Allemagne, ce qui ne doit pas étonner , puifque
le prince Eugene y commandoit les troupes de
l’empire ; il ne put cependant empêcher que les
François ne priuent Trê v e s , & ne miflent à contribution
toutes les places de cet éleétorat ;.celui
de Mayence ne fut pas'moins maltraité, ainfi que
tout le pays fitué entre le Rhin , la Sarre, & la
Mofelle. Le comte de Belle-Ifle fe rendit maître de
Traerbac, & le mâfquis d’Asfeld de Philisbourg,
fous les yeux du prince Eugene. Ce fiege fut fameux
par la mort du maréchal de Bervick qui e n .
dirigeoit les opérations avant le marquis qui emporta
la place. Ces fuccès glorieux, d’une guerre
entreprife pour Staniflas , ne purent cependant l’affermir
fur le trône de Pologne, où les voeux d’un
peuple, dont il auroit aflùrè le bonheur, l’appel-
loient pour la fécondé fois. Afliégé dans Dantzick
par les Saxons & les Mofcovites. alliés de Char»
les VI , il dut regarder fon évafion comme un
coup du ciel. Frédéric-Augufie III y entra triomphant
après l’en avoir chafle ; ce prince & Philippe
V retirèrent tout le fruit de la guerre. La campagne
de 1735 fe fit avec langueur, principalement
fur le Rhin; & dès-lors les négociations fuccédè-
rent aux hoftilités. Le comte de Neuvied fit les
premières ouvertures de la paix ; M. de la Beaume
eut la gloire d’y mettre la dernière main à Vienne:
quoique dans le traité tout fût avantageux à l’Efi
pagne, Philippe le rejetta d’abord , mais enfin il
fut obligé d’y accéder. L’infant don Carlos s’étoit
fait couronner à Païenne, & proclamer roi des
Deux Siciles. Ce droit de fa conquête lui fut
confirmé. Le roi de Sardaigne eut Tortone ,
Novarre avec la fouveraineté de Langhes.
L’empereur recouvra fes premiers droits fur Milan
& fur les états de Parme & de Plaifance
que le roi d’Efpagne eût bien voulu conferver.
Staniflas abdiqua la couronne de Pologne qu’il
avoit reçue de Charles X I I , comme un témoignage
de la haute eflime de ce héros ; & pour
prix de ce facrifice , il fut mis en pofleflion des
duchés de Lorraine & de Bar; la maifon de Lorraine
qui cédoit ces provinces, eut le grand duêhé
de Tofcane. Cette paix qui ôtoit plufieurs royaumes
à la maifon d’Autriche , fut reçue comme un bienfait
à la cour de Vienne. La mort du prince Eugene
, qui .fuivit de près la conclufion de ce traité,
lurpaflbit toutes les pertes que l’empereur avoit
effuyées. Les Allemands , jant qu’il vécut, le regardèrent
avec raifon comme le génie tutélaire
de l'Empire : leurs profpérités diminuèrent infen-
fiblement & s’enfevelirent avec lui. Charles VI
n’éprouva plus que des revers, fans aucun mélange
de fuccès ; obligé de fe déclarer contre les
Turcs en faveur des Rufles , il perdit Temefwar,
Belgrade & Orfava ; tout le pays entre le Danube
& la Save palfa aux Ottomans, & le fruit des
conquêtes du prince Eugene fût perdu fans efpoir
de retour. L’empereur, dit M. de Voltaire, n’eut
que la reffource de mettre en prifon les généraux
malheureux , de faire couper la tête aux officiers
qui avoient rendu des villes , & de punir ceux qui
fe hâtèrent de faire , lùivant fes ordres, une paix
néceflaire. Charles VI mourut peu de temps après
la guerre contre les Turcs. Il ne laifla point d’enfant
mâle de l’impératrice Elifabeth-Chrifline de
Brunfvik-Blankenbourg, il en avoit eu un fils,
nommé Léopold, qui mourut dans l’année même
de fa naiflance ; de trois princefles fes filles, l’âu-
gufte Marie-Thérèfe, depuis long-temps l’émule
des plus grands rois, fut la feule qui lui furvécût ;
il fut le dernier prince de la maifon d’Autriche,
qui pour être tombée au pouvoir d’une femme,
n’en a pas moins confervé tout fon éclat. C e tte .
maifon illuflre & puiflante avoit gouverné l’A llemagne
, & avoit fait fon bonheur peiidant plus
de trois cens ans. Ce qui fait fa principale gloire,
c’eft que dans ce haut dégré de fortune, où ell'e .
parut fous plufieurs de fes princes, elle fut toujours
refpe&er les droits & les privilèges de l’Empire
qui lui doit fa conftitution. Avant Rodolphe de
Habsbourg qui fut le premier de cette célèbre famille
, la liberté dont feflattoit l’Allemagne , n’étoit
qu’une trifle anarchie. ( M— Y. ) v
CHARLES V I I , électeur de Bavière* ( ffifî,
cCAl. ) ' li . empereur d’Allemagne depuis Con-
rand I , né l’an 1698, couronné empereur le 22
février 1742,, mort le 20 janvier 1745,
> Ce prince dut le fceptre impérial à la cour de
France, dont il étoit l’allié; mais pendant les trois
années qu’il le porta, il ne le tint que d’une main
foible. Ce fut lui qui donna naiflance à la guerre
de 1740, contre Taugufte Marie-Thérèfe ; une
faufîe interprétation du teflament de Ferdinand
I , lui fournit un prétexte pour revendiquer
les royaumes de Hongiie & de Bohême , comme
des portions du patrimoine de fes ancêtres : il
prétendoit que ce fameux teflament donnoit à
fa maifon la pofleflion de ces deux royaumes,
au défaijt d'hoirs males dans celle d’Autriche, dont
la ligne mafculine vénoit de s’éteindre dans la
perfonne de Charles VI. Le teflament au contraire
portoit au défaut d'hoirs légitimes my d’ailleurs celui
de Charles V I aflùroit la fncceflion d’Autriche
aux archiduchefles, dans les termes les pins po-
fitifs: » Nous avons déclaré ( c ’eft ainfi que s’ex-
« plique ce prince dans ce teflament, érigé en
» forme de pragmatique-fanélion, en 1720 ) en
» des termes intelligibles & exprès , qu’au dé-
» faut de mâles y la fuccefîion échoira en premier
» lieu, aux archiduchefles ; nos filles ; en fécond
» lieui, aux archiduchefles nos nièces, en troifième
. » lieu , aux archiduchefles nos fceurs , enfin, à tous
» les héritiers de l’un & l’autre fexe Cé tef-
taraent fut publié en forme d’édit, de la manière
la plus folemnelle, & reconnu par toutes les pniflati- J
ces pour pragmatique-fandion. C ’étoit un titre in-
conteftable pour Marie-Thérèfe l’éle&eur de Bavière
n’en foutint pas moins fes prétentions, les pro-
teftations de Frédéric-Augufte III, roi de Pologne ,
fuivirent de près. Il alléguoit les mêmes titres, & les
mêmes raifonnemens que ceux de l'électeur. L’Ef- •
pagne réclama de fon côté, avec des droits en-
core moins plaufibles. Marie-Thérèfe avoit un ennemi
plus redoutable que ceux que nous venons j
de nommer. Cet ennemi etoit d autant plus dangereux
, qu’il couvroit fes defleins d’un voile impénétrable.
C’étoit Frédéric de Brandebourg : ce
prince avoit envahi la Siléfie dont il prétendoit
que fes ancêtres avoient été injuftement dépouillés.
La cour de Vienne le regardoit encore comme
fon allié. L’éle&eur de Bavière parvint à décider
en fa faveur, outre le roi de P ru fle c e u x
de France, d’Efpagne, de Sardaigne & même celui
d’Angleterre. Ce dernier avoit d’abord formé
la réfolution d’embrafler de préférence l’alliance
de Marie-Thérèfe; mais la crainte qu’il eut de
voir dèvafter fes états d’Hanovre , lui fit changer
de réfolution , quoiqu’il eût déjà arme trente
mille hommes dans l’efpoir de les employer en faveur
de la maifon d’Autriche. Des alliés aufli
puiflans étoient bien propres à donner la fupério-
ritê à l’éleéteur de Bavière. Ses premières tentatives
furent couronnées par les plus grands, fuccès
: après s’être rendu maître de Paflau St de
Lintz, il jetta l’alarme dans Vienne où Marie-
Thérèfe ne fe crut point en sûreté. Il entra dans
la Bohême qu’il réduifit prefque toute entière
fous fon obéiflance: il prit même la couronne de
ce royaume & fut complimenté par le fameux
maréchal de Saxe , qui avoit beaucoup de part
à ces grands événemens. Il doutoit cependant de la
durée de fes conquêtes ; comme le maréchal le fé-
licitoit fur fon couronnement, oui certes, lui dit-il,
me voici roi de Bohême comme vous êtes duc
de Courlande. Cependant cette fortune qui
l’avoit jufqu’alors favorifé, mais qui devoir bientôt
l’abandonner, lui préparoit le trône de l’empire,
il y monta du confentement des éle&eurs
( le 22 février 17 4 2 ) , que l’or de la fiance 8c
les négociations du maréchal de Belle-Ifle réunirent
en fa faveur. La confiance de Marie-Thérèfe
ne l’abandonna pas au milieu de fos revers ;
elle trouvoit dans l ’amour de fes fujets des ref-
fources inépuifables : cependant elle fentit l’im-
pofifibilité de réfifter à tant d’ennemis ; elle éteignit
les reflentimens pour attacher à fon parti le
roi de Prufle , dont elle avoit le plus à fe plaindre.
Ce prince mèttoit une condition bien pénible
à fa-réunion avec la reine : il exigeoit qu’elle
lui abandonnât la Siléfie en pleine fouveraineté
avec le comté de Glatz. Elle fentoit la plus grande
répugnance à démembrer l’héritage de fes pères,
mais enfin elle céda à la néceffité* Les affaires des
alliés furent dès-lors ruinées ; ils éprouvèrent les
Hi(ioire. Tome IL Première paru
mêmes . revers qu’ils avoient fait éprouver à la
reine : ils furent forcés d’évacuer la Bohême*
après avoir efliiyé des pertes considérables^ La
Bavière fut envahie par les Autrichiens, & 1 empereur
qui craiguoit de plus grands malheurs,
négocia auprès de la cour de Vienne pour tâcher
d’en obtenir la paix; il faifoit âflùrer Marie-Thérèfe
, que content de la-, couronne impériale,
qu’il tenoit du furfrage unanime des éledeurs, il
renonçoit à toutes fes prétentions fur les états
héréditaires de la maifon d’Autriche. Il prioit la
reine de lui rendre la Bavière , & d’en retirer fes
troupes. Le roi de France qui jugeoit cette paix
iiéceflaire, ne voulut point en troubler les pre-.
liminaires ; fes généraux en Allemagne eurent
ordre de ramener jes armées fur les bords du
Rhin, & il leur interdit toute efpèce d’hoftihtés.
On blâme le cardinal de Fleuri ; mais fi 1 on
avoit fuivi fon av is , la France fe feroit contentée
de mettre Charles VII fur le trône impérial
, c’e n . auroit >été affez pour fa gloire. Ce
plan auroit prévenu une guerre ruineufe. La reine
qui chaque jour remportoit de nouveaux avantages *
refufa de figner le traité,& continua la guerre. Charles^
n’y joua point un rôle fort brillant ; il n’y parut ni
comme empereur, ni comme général ; il mourut
dans le temps où elle, étoit le plus allumée;
il fuccomba fous le poids de fes infirmités , de
fes chagrins & de fes revers; ne jouiflant prefque
plus d’aucune confédération, prefque dépouillé de
fes états , l’argent feul de la France le déroba
aux befoins que peut éprouver un particulier
malheureux. On le blâme furtout, de ne s’être
point mis à la tête, de fes troupes, ,au moment
qu’il réunit la couronne de Bohême à celle de
l’empire, lorfque la moitié de l’europe combat-
toit pour fes intérêts. La fortune qui le mit fur
un trône a pu feule lui donner un rang diflinguè
: dans l’hiftoiré. ( M—Y. ) %
C h a r l e s , furnommé M a r t e l , (Hijl. defrance.)
troifième prince ou 'duc d’Auftraue , naquit Part
704, de Pépin le Gros & d’Alpaïde fa concubine.
Sa naiflance caufa une v iv e jaloufie à Pleârude ,
femme légitime de Pépin, & peu s’en fallut qu’il
n’en fût la victime. Cette femme ambitieufe prétendit
d’abord l’exclure de la fucceffion paternelle.
La bâtardife n’imprimoit encore aucune tache*
Les François , quoique convertis au chriflianifme ,
s’embarrafloient peu que la religion imprimât fon
facré caractère fur leur alliance. Tous les enfans,
n’importe quel fût l’état de leur mère , étoient
indiftinélement admis au partage de la fucceflion.
Cet ufage , préjudiciable au bon ordre , dura tant
que régna la famille des Mérovingiens. N’ayant
pu réuflir par la voie de la perfuafion, Pleârude
* ufa de violence ; & dès que Pépin fut mort, elle
fit enfermer Charles à Cologne dans une étroite
prifon. Charles donna dès-lors une idée de fes grands
talens. Abandonné à lui feul , & fans autre refi
‘ fource que fon génie , il échappe à la vigilance