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peut-être auffi q ue , par le moyen. 4tai -homme û
accrédité auprès du peuple, il pourroit le réconcilier
avec l’autorité royale. Il fe trompa. StrafFord
trop reconnoiflant, paffa d’un excès à l’autre, &
devint auffi violent royalifte qu’il avoit été républicain
outré. La haine nationale fut enflammée de
nouveau. Tout fe tournoit contre Charles ; il fut
accufé d’avoir corrompu l’intégrité de cet excellent
citoyen, ainfi s’expr imoient les Puritains, & StrafFord
expia, fur un échafaud, le crime d’avoir trop bien
fervi fon roi.
Tous ces préludes d’une guerre civile étoient
fomentés par la violence de Lawd, archevêque de
Cantorbery, par qui Charles te laiffoit gouverner,
parce que celui-ci fe montroit ardent défenfeur de
l’autorité abfolue, contre les principes de la confli-
tution angloife. Ce prélat bouillant exerçoit lui-
même un empire arbitraire fur les confciences. Une
chambre étoilée, efpèce d’inquifition, fervoit fon
zèle fanatique pour l’églife anglicane, & perfécu-
toit à outrance les Puritains. Le ro i, qui n’avoit
auprès de fa perfonne aucun homme fage qui lui
donnât de bons confeils, fuivoit trop bien le plan
de gouvernement dont Buckingham & fes pareils
l ’àvoient infatué. Il exigeoit d’anciennes impofitions
arbitraires, il en créoit de nouvelles, & la perception
s’en faifoit de la manière la plus dure.
L’Écoffe fe révolta, & un traité équivoque afFou-
pit cette révolte fans l’étoufFer. Les Irlandois pref-
que tous catholiques, réfolurent de fe délivrer des
Anglois proteftans, & ils en firent un maffacre
horrible à Kilkeni, dans la province de Leifler;
Ja cour fut encore chargée de ce forfait. '
Tout annonçoit une guerre ouverte entre le roi;
le parlement. La reine, que fon zèle pour le
catholicifme rendoit odieufe , quitta l’Angleterre &
fe retira en France. Charles avoit de la peine à lever
une armée. L’univerfité de Cambridge lui facrifia
fes tréfors, & il fut en état de combattre avec avantage
les troupes du parlement. Ce premier fuccès
fut le dernier. C romwel, deftiné à jouer le principal
rôle dans cette fcène fanglante, fe mit à la
..tête des indépendans ; ce qui fît dire à un membre
de la chambre-bafFe, par une efpèce de préfage :
Maintenant que Cromwel ejl indépendant, nous dépendrons
tous de lui.
La perte de la bataille de Naërby, en 1645 , laiffa
le roi fansrefFource. Défefpéré, il fe retira en Ecoffe.
Le parlement faifit cette occafion de regarder la retraite
de Charles, comme une rénonciation au trône ;
en confèquence, il fut déclaré à fon de trompe,
déchu de tous les droits qu’il pouvoit avoir à la couronne
d’Angleterre. Ce décret fut fuivi peu après,
d’un autre qui aboliffoit entièrement la royauté.
Le nom de roi fut effacé de tous les monumens
publics, fes ftatues furent abattues, & fes armes
ôtées de tous les endroits où elles étoient.
Fairfax, général de l ’armée du parlement, fe
démit de fa charge ; Cromwel fe la fit donner.
Cependant les EcofFois fe repentoient déjà d’avoir ]
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donné retraite au roi. Ils eurent la baffelfp de Je
livrer, ou plutôt de le vendre pour deux millions
au parlement. Charles, inftruit de cettp lâçhetp,
dit qu’il aimoit encore mieux être avec epux qui
l’avoient acheté fi chèrement, qu’avec ceux qui revoient
fi lâchement vendu. Ce prince ignoroit le
fort qui l’attendoit en Angleterre.
Il paroît qiie l’ambitieux Cromwel projetta , dès
ce moment, tout ce qu’il exécuta dans la fuite.Il
étoit adoré des foldats. Il s’en fervit pour porter
la terreur dans le parlement, & le réduire à line
obéiiTance fervile. Il traita cette afTemblép avec la
dernière hauteur; il en fit emprifonner plufieurs
membres. La plupart fe retirèrent chez eux , ne
pouvant fupporter un fi indigne traitement. Il ne
refia que des âmes bafFes, propres à féconder lps
defFeins de Cromwel. Ces gens formèrent lachaip-
bre des communes, à laquelle ce chef de l’armpe
joignit une chambre haute, compofée d’officiers à
fes ordres. Te l fut le prétendu confei) de la nation,
ui, le jour même de Noël de l’année 1648, nomma
es juges-commifFaires pour faire le procès au roi
Charles. On penfe bien que Cromwel & fon gendre
furent du nombre des juges. Jean Bradshaw, prp-
mier huiffier de la chambre baffe, fut préfident
de ce tribunal.
Charles comparut quatre fois devant cette cour
dejuftice que C romwel animoit de fon efprit. Quatre
fois il fut accufé « d’avoir voulu rendre fa puif-
fance arbitraire, contre le ferment qu’il avoit fait
à fon facre de gouverner félon les loix du royaume ,
d’avoir cherché à faire entrer des troupes étrangères
dans le.royaume pour y allumer le feu de la guerre
d’avoir réfolu de rétablir le papifme , & de détruire
la religion anglicane, d’avoir donné des commif*
fions pour faire mafFacrer lesproteflans en Irlande ÿ
d’avoir été la principale caufe du fang répandu en
Angleterre depuis dix ans par les guerres civiles
qu’il y avoit excitées ». Quatre fois Charles reeufa
le tribunal devant lequel on le contraignoit de com-
paroître, comme étant incompétent, & protefia
qu’il étoit innocent de tous les crimes dont on le
chargeoit. Quant à la compétence du tribunal, le
préfident Bradshaw eut l’impudence de lui-répon-
dre qu’il étoit établi par le peuple d’Angleterre,
de qui il tenoit lui-même fa couronne. Du refie,
quelques témoins dépofèrent en préfence de Charles,
l'avoir vu les armes à la main contre les troupes
du parlement ; & une foule de gens apoftés par
Cromwel, fuivant le rapport de plufieurs hifto-
riens, fe mirent à crier : ließ, coupable, il efl coupable,
quil meure ! La mort du roi étoit réfolue.
Cromwel le facrifioit à fon ambition, fous le beau
prétexte de venger la liberté publique & la religion
anglicane. Quelques-uns des juges, plus modérés
que les autres, étoient d’avis de condamner
Charles à une prifon perpétuelle, comme autrefois
Edouard II & Richard II. Cromwel n’auroit pas
pu achever de jouer fon rôle, f i , en ôtant la couronne
au roi, on lui eût laifFé la vie, Il opina fort#-
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ment à la mort, & fon avis prévalut. Le greffier
lut à haute voixla fentence qui portoit que « C h a r le s
Stuart ayant été accufé,par le peuple, de tyrannie
de trahifon, de meurtre, de malverfation,
& avant toujours refufé de répondre à ces accufa-
tions, étoit condamné à avoir la tête tranchée ».
On lui accorda un délai de trois jours, pendant
lenuël C h a r le s parut d’une humeur douce 8c tran-
atlilie Cette fermeté ne l’abandonna pas fur l échafaud.
Il falua civilement & fans affeâation les per-
fonnes qui étoient autour de lui, pardonna à les
«inemis, exhorta la nation à rentrer dans les voies
de la paix, retroulTa fes cheveux fous un bonnet
de nuit qu’on lui préfenta, pofa lui-même fa tête
fur le billot, & l’exécuteur, qui étoit mafque, la
lui trancha d’un feul coup.
Ainfi périt ce prince infortuné , qui eut des defauts
, qui fit des fautes, mais qui etoit loin, de
mériter ce traitement atroce, Bon ami, bon pere,
bon époux, il ne lui manqua, pour être bon ro i,
que de mieux coiindître l’étendue reelle du pouvoir
que la conftitution Angloife lui donnoit, &
de ne pas fuivre les confeils dangereux de fes fa-
V0(L ’auoeurde cet article n’eft pas auffi favorable
=. C h a r le s 1 que l’hiftoire l ’autonfoit a 1 être. En
parcourant la lifte des rois d’Angleterre depuis la
conquête de Guillaume-le-Batardjufquau Protectorat
de Cromwel & encore après, on trouve que
le meilleur de ces rois, le plus vertueux, le Plus
raifonnable, le plus fage, le plus inftruit desloix
du royaume, fut inconteftablement C h a r le s 1 , auffi
eft-ce celui que le Fanatifme a choifi pour le livra;
aux bourreaux, comme parmi nous il avoit choili
Henri IV pour l’égorger ; le Fanatifme hait par
préférence ce qui eft bon & aimable. )
P C harles I I , fils de Charles I , ne monta fur
le trône qu’après la mort de Cromwel. Pendant
tout le temps du proteftorat, il promena fes malheurs
dans différentes contrées de l’Europe, tourn
e u r accueilli & repouffè par les puiffances quil
intéreffa en fa faveur , faifant toujours de nouveaux
efforts pour remonter fur lei trône de fon
nère & trouvant toiqours des obftacles qui fem-
bloient l’en éloigner davantage. Enfin la mort du
proteâeur , & l’inhabileté de fon fils Richard, incapable
de pomer le poids de la grandeur que fon
père lui laiffoit, permirent à C h a r le s de concevoir
de nouvelles efpérances. Monk, général de 1 armée
d’Ecoffe, bon citoyen & fidele fujet, entreprit
de le rétablir , & y réuflit. Il fit figner au
prince une amniftie générale pour tous ceux qui,
dans quarante jours , à compter de celui de cette
publication , rentreroient fous fon obéifiance.
Monk, avec cette déclaration , lui réconcilia tous
les efprits. C ha rle s fut rappellè de Hollande ou il
étoit & fit fon entrée dans Londres le- 8 de juin
1660’, au milieu des acclamations du peuple. Ce
changement fut fi précipité, qu’on rm prit pas
même la précaution de régler les conditions aux-
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quelles on recevoir le nouveau monarque : ce qui
penfa replonger la nation dans les guerres civiles
qu’avoit occafionnées le prétexte de ta trop grande
autorité affeftée par le fouverain. En effet, Charles
I I avoit les défauts de fon pere, il en avoit
même davantage, fans avoir fes talens ni fes vertus.
Quelques traits de fageffe & de modération
fignalèrent le commencement de fon régné . il ht
publier la liberté de confcience, fufpendit les loix
pénales contre les non-conformiftes, fonda la 10-
ciété royale de Londres , éleva aux dignités quelques
citoyens vertueux. Mais bientôt ce monarque,
livré à fes maîtreffes auxquelles il prodigua tou.
l’argent que le parlement lui accordait .abandonna
les rênes de l’état au duc d’Y o rk fon frere, qui,,
ayant abjuré la religion proteftante , etoit fuipe«
au parlement. Le comte de Clarendon, m t - e t f e
le feul homme vertueux qu’il y eut alors a la cour,
en fut banni. Charles vendit Dunkerque a la France
pour quatre millions qui furent auffitot diffipes que
reçus plus jaloux encore que fon pere détendre
fon autorité abfolue, il négocia un traite fecret
avec Louis X IV , par lequel ils dévoient travailler
de concert à détruire la forme du gouvernement
& la religion anglicane, & introduire le catlioli-
cifme & le pouvoir arbitraire. Le roi n eut befoin
que du duc d’York pour étendre l«s b° r"£s
fon autorité : il trouva le moyen dabaifler la
puiffartee du parlement, ou plutôt il anéantit le
I parlement autant qu’il le put : car ayant caffe celui
qui voiiloit exclure le duc d’Y ork de la couronne,
il n’en affembla plus depuis. Il fit annuller les privilèges
& les frânehifes des differentes villes du
royaume. Londres lui remit fe,s Chartres ; fon
exemple fut fuivi par les autres , qui confentirent
à n’avoir plus d’autres privilèges que ceux quil
plairoit au roi de lui accorder. L’oubli de la liberté
& l’adulation furent portées à un tel point, que
la faciété des marchands de Londres lui érigerent
une ftatue de marbre , avec une infeription pom-
petife , qui annonçoit moins la grandeur du prmee,
que l’aviliffement des âmes. Ce prince aimable isc
d’un commerce aifé , fut apprivoifer les Anglois,
avec le goût des beaux arts, de l’élégance & des
-divertiffemens raffinés, & par ce mpyen fe concilia
un.empire fur des efprits quune humeur farouche
auroit révoltés. Ainfi Charles, fans lortir
du fein de l’indolence, de la molleffe 8c de la plus
coupable volupté, parvint prefque à ce pouvoir
arbitraire, dont l’ombre feule avoit tant alarme
les Anglois moins de quarante ans auparavant,
qu’ils avoient éprouvé toutes les horreurs des
guerres civiles pour s’y fouftraire , & lui avoient
enfin immolé un monarque fort au - deffus fie celui
fous lequel ils rampoient alors. Charles mourut
en 1685 , âgé de 55 ans, & laiffa à fon frère une
puiffance exorbitante , qui, manquant d une baie
folide , devoit l’entraîner dans fa chute. {r l.R . Y
C h a r l e s I (flï/L de Suède.), roi de Suede,
Il ne le fut qu’un, moment. Après la mort tra,. 1 ' L a