
Exiguaque toga Jîmulet textore Càtonem
Vîrtutemne reprefentet morefque Catonis ?
Mais duquel des deux Catons Horace parle-t-il,
lorfqu’il dit :
Narratur & prifci Catonis
Sape mero caluijje virtus.
Ce que Roufleau a rendu par ces vers ;
La vertu du vieux Caton ,
J Chez les Romains tant prônée, .
Etoit Couvent » nous dit-on »
De Falerne enluminée.
Le vieux Caton, prifcus Cato, Çatomajor, défi-
gne Caton le cenfeur ; mais on a vanté par tout
la tempérance 8c la fobriéré de ce premier Caton ; à
l’armée il ne buvoit que de l’eau avec un peu de
vinaigre pour en corriger la crudité, chez-lui il
tiivoit du même vin que fes efclaves ; Caton
cTUtique au contraire paflb'it quelquefois les nuits
à boire, 8c a été accufé d’un peu d’intempérance
à cet égard. M. Dacier croit que c’eft par cette
laifon-là même que l’exemple de Caton d’Ctique
ne valoit rien à citer ; celui de fon bifayeul étoit
d’un tout autre poids-par fit fobriété même, qui
ne l’empêchoit pas de goûter quelquefois, par extraordinaire,
avec fes amis, les plaiurs de la table,
plaifirs qu’il a même célébrés.
Quant à Caton d’Utique, Céfar, fon ennemi, lui
reprochoit d’avoir été trouvé ivre dans les rues
par des gens qui , reconnoiflant Caton, n’avoient
pu s’empêcher de rougir de pudeur, comme s’ils
avoient eux-mêmes été trouvés en faute par Caton,
grand éloge, dit Pline, que fait de cet homme
refpeôable l’ennemi qui veut l’avilir, ita reprehen-
dit ut laudei. Senèque va jufqu’à dire qu’il vaudroit
mieux excufer l ’ivrognerie que* de condamner
Caton. Faciliîis ejfciet , , , . hoc crimen. honejîum
quant turpem Catone m.
Les deux Catons avoient d’ailleurs, nonr-feule-
ment le même caraâère, mais les mêmes talens ;
tous deux étoient éloquens, vaillans, habiles 8c
exercés dans le commandement des armées , intrépides
8c dans les combats & dans les aflèmblées
«u fénat, zélateurs du bien public ? éclairés fur
les moyens de l’afîùrèr, ennemis du luxe, défen-
feurs ardens des loix & des moeurs ; la cenfure
du premier, la quefture du fécond furent également
célèbres par des réformes hardies & utiles.
Tous deux aimoient la pauvreté & la fimplicité
antiques. On peut voir dans Tite-Live, livre 3 4 ,
la fameufe harangue de Caton l’ancien, pour la
confervation de la loi Opienne, qui mettoit des
bornes au lqxe des femmes.
G’eft avec quelque peine qu’on voit un homme
guflî vertueux que Caton le Cenfeur ,jméconnoître
i? yçrtu dans Scipion l’africain, 8c s’unir à Fabius
pour le perfécuter avec un acharnement odieux;’
allatrare ejus magnitudinem folitus eratydit Tite-Live»
Comment Fabius & Caton étoient-ils ennemis de
Scipion ? L’envie entre-t-elle dans dépareilles âmes ?
C ’eft une tache à la cenfure, d’ailleurs fi mémorable
& fi glorieufe de Caton , d’avoir dégradé du
rang de chevalier , Scipion l’Afiatique, frère de
Scipion l’Africain. C’étoit Caton qui fe dégradoit
lui-même du rang de juge intègre & inaceflible
aux pallions.
C ’eft avec quelque peine encore qu’on voit un
fâge , tel que Caton le Cenfeur, ne pas croire ou
ne pas vouloir qu’une puiflance qui avoit ofé être
la rivale de Rome , p û t , après un tel crime ,
conferver le droit d’exifter ; c’eft avec peine qu’on
le voit donner à tous fes avis fur toute matière,
foit publique , foit particulière, cette formule finale
: & de plus, il faut détruire Carthage. L’amour
de la patrie étoit trop fouvent chez ces vertueux
Romains la haine des autres nations ; ce fentiment
n’étoit -ni jufte ni humain. Il n’eft pas même certain
qu’il fut bon en politique, ou plutôt il eft
certain qu’il étoit mauvais en politique, comme
violent, comme injufte, comme excitant la haine
8c privant Rome d’une rivale redoutable, mais
utile.
Nous avons vu aufli que Caton d’Utique n’étoit
pas entièrement exempt des foibleffes de l’huma-
manité , comme le dit Velleïus Paterculus.
Ce qu’il y a de remarquable , & ce qui prouve
combien la vertu étoit dominante dans l’ame des
Catonsy c’eft que ces deux hommes fi inflexibles,
ft intraitables quand il s’ agiftoit des intérêts de la
république & du maintien des moeurs, étoient,
fur tout ce qui n’intéreffoit qu’eux-mêmes*, d’unè
douceur 8c d’une modération qu’on citoit pour
modèles, ils ne connoiffoient point la colère, mais
aufli jamais ils ne s’écartoient de la juftiçe, 8t
l’ordre public étoit pour eux une chofe facrée.
Dès l’enfance, les fol licitations, les brigues, tout
ce qui paroiflbit tendre de près ou de loin à corrompre
ou affoiblir l’équité des jugemens , étoit
odieux à Caton d’Utique , qui dès-lors annonçoiç
l’inflexibilité qui devoit le câraâérifer. Le jeune
Çaton étoit élevé dans la maifo.n de Drufus, fon
oncle maternel; Pompedius Silo ayant une grâce
à demander à Drufus , demanda en badinant, à
Caton fa recommandation auprès de fon oncle;
l’enfant, par un filence opiniâtre 8c un air de mécontentement
marqué, exprimoit fon averfion pour
les recommandations, Pompedius infifte & n’ob-
tiçnt rien ; enfin , il prend l’enfant entre fes bras,
le fufpend à une fenêtre, 8c lui déclare qu’il va
le laifler tomber s’il ne promet d’intercéder pour
lui, L’enfant perfifte dans fon refus 8c dans fon fi-
• Içnce, 8c Pompédius, en le remettant dans la chambre
, s’écrie, quel bonheur que ce ne foit-là qu'un enfant
J mais quel homme ce fera un jour!
Lorfque le premier Caton briguoit la, cenfure,
c’étoit en gourmandant 8c en menaçant 3^es Ro«
h mains, tt Vous craignez, leur difoit-il, un cen-
V feur libre, ferme 8c courageux, parce que vous
» en avez befoin. » Il ne parloit que de déraciner
le luxe 8c la moleffe, que de rétablir l’ancienne
dïfcipline dans toute fon auftérité ; il étoit de race
plébéienne , il étoit ce qu’on appelloit alors à Rome
un homme nouveau y il avoit pour compétiteurs cinq
Patriciens, 8c à la gloire des Romains, il fut unanimement
élu.
On a remarqué, avec raifon, que les deux Catons
n’étoient pas de leurs fiècles, car c’étoit déjà des
fiècles de corruption ; cette circonftance a eu pour
eux des avantages 8c des défavantages;ils eurent plus
d’ennemis qu’ils n’en auroient eu du temps des
Fabricius j des Curius 8c des Gncinnatus , mais d un
autre côté ils furent plus remarqués.
On a pu dire des deux Catons y ce que Tite-Live
n’a dit que du premier , qu’ils avoient un efprit 8c
un corps de fer ,. ferreï prope corporis animique.
Caton le Cenfeur réfifta aux atteintes de la yieillefle
même : Quem ne feneélus quidem , quai folvit omnia}
fregerït. A foixante 8c dix ans il avoit appris le
grec; à quatre-vingt-fix ans il fut appellé en jugement
8c plaida lui-même fa caiife.il fut accufé quarante-
trois fois,„ 8c quarante-trois fois abfous. A quatre-
vingt-dix ans il ifëufa lui-même Servius Galba
devant le peuple.
Caton d’Utique prévint la vieillefle ; on fait comment
, vaincu par Céfar, 8c incapable de furvivre
à la liberté , il s’immola tranquillement après avoir
lu le traité de Platon fur l’immortalité de l’ame.
Manilius l’appelle:
Invidum dévida morte Catonem.
Cicéron juge que Caton, pour être fidèle à fon
cara&ère , devoit fe tuer dans les circonftances où
il fe tua.
Catoni. . . . curn incredibïlem tribuijjet natura gra-
vitatem , eamque ipfe perpétua confiantiâ roboravijfet,
femperque in propofto fufceptoque conflio perman-
fijfet, moriendum potïus y quàm tyranni vultus afpi-
ciendus fuit.
Brutus, dans la tragédie de la Mort de Céfar,n e
reproche à la mort de Caton qu’une chofe :
Si Caton m’avoit cru , plus jufte en fa furie,
Sur Céfar expirant il eût perdu la vie ;
Mais il tourna fur foi fes innocentes mains;
Sa mort fut inutile au bonheur des humains ,
Faifant tout pour la gloire , il ne fît rien pour Rome,
Et. c’eft la feule faute: où tomba ce grand homme.
Caton le Cenfeur avoit laifte des ouvrages , entre
autres celui des Origines que nous n’avons plus,
8c celui de Y Economie rurale ;il vivoit dans le fixième
8c le feptième fiècles de Rome , Caton d’Utique à
la fin du feptième 8c au commencement du huitième.
Le fils de ce dernier trouva grâce auprès de Céfar,
8c fut tué à la bataille dé Philippes.
Caton le Cenfeur eut la douleur de voir périr
fon fils , gendre de Paul Emile , 8c beau-frère du
fécond Scipion l’Africain.
On trouve encore dans l’hiftoire romaine quelques
autres Catons moins célèbres.
CATR O U ( F r a n ç o is ) ( Hiß. litt.^mod. )
jéfuite, auteun.d’une kifloire générale de Vempïre du.
Mogoly d’une hifloire du fanatifme des religions pro-
teflantes ; d’une traduâion de Virgile avec des notes
critiques 8c hiftoriques ; d’une immenfe hiftoire
romaine qu’il avoit compofée en fociété avec le
pere Rouillé, fon confrère, 8c qui eft accompagnée
de notes favantes. De ces ouvrages % les uns font
reftés obfcurs, les autres ont^ine célébrité mêlée
d’eftime 8c de mépris ; telle eft la tradnéfion de
Virgile ; telle eft lur-tout l’hiftoire romaine, ouvrage
refpeélable par fon poids 8c par les utiles
recherches qu’il contient, mais ridicule par le mélange
de pompe emphatique 8c de familiarité bafle
dans le ftyle. L’ouvrage étant refté imparfait, le
père Routh avoit entrepris de le continuer ; la difl*
folution de la fociété, puis la mort du père Routh
l’ont de nouveau fufpendu. Le père Catrou avoit
travaillé environ douze ans au journal de Trévoux
dans fa naiflance. Il étoit né à Paris en 1659, s’étoit
fait jéfuite en 1677. Il mourut en 1737. 1
C A T T H O ) ( A n g e l o ) ( Hiß. mod. ) , né à
Tarente, d’abord attaché au duc de Bourgogne
Charles-le-Téméraire, le quitta pour Louis X I ,
fon rival, lorfque la bataille de Morat eut paru annoncer
la décadence de Charles : Louis XI le fit
fon aumônier, puis archevêque de Vienne ; il étoit
de plus médecin 8c aftrologue du roi. Il avoit prédit
que Frédéric, fécond fils d’Alphonfe, roi d’Arra-
gon , monteroit fur le trône ; il avoit prédit à
Guillaume Briçonnet, alors marié, qu’il joueroit
un grand rôle dans l’eglife , 8c qu’il toucheroit
de bien près à la tiare; Briçonnet fut cardinal.
Enfin difant la méfié en préfence de Louis X I , le
5 Janvier 1477, jour de la bataille de Nanci, 8c
donnant au roi la patène à baifer, il lui dit ces
mots prophétiques : confummatum éfi, qu'il expliqua
en annonçant que le duc de Bourgogne venoit d’être
défait 8c tué devant Nanci. Philippe de Comines ,
ami d’Angelo Cattho, 8c qui comme lui avoit quitté
prudemment le duc de Bourgogne pour le roi de
France , Comines qui écrivôit les mémoires à la
prière d’Angelo Cattho, avoit entendu faire la plupart
de ces prédirions avant l ’évènement: il les
avoit vu s’accomplir. Dans ces temps d’aftrologie
8c de prêdiétion , c’étoit bien la moindre chofe qu’un
ami hiftorien pût faire pour un ami aftrologue, que
d’attefter fes prédiélions. Angelo Cattho avoit pour
devife : Ingenium fuperat vires , 8c il en étoit la
preuve.
Louis X I , mécontent d’un de fes aftrologues
(car il en avoit fept) lui dit un jour avec colere ?
Me dirU^vous bien quand-vous mourreTrois jours