
même raifon qu’il fut ordonné à Jofué (/ƒ. 6. )
de faire couper les jarrets aux chevaux des Chana-
uéens ; ce qu’il exécuta après la défaite de Jabin ,
roi d’A zor (vers l’an du monde 2.559, avant
J. 0.-1445. ; David (//. Reg. V III. 4 .) en fit
autant à ceux qu’il prît fur Adavefer ; il n’en réfer va
que cent.
Quoi qu’il en foit du fentiment d’O rigène, la
dèfenfe portée au dix-feptième chapitre du Deutéronome,
le vingtième chapitre du même livre ( 1 ) ,
8c le quinzième de l’Exode, ( equum £* afcenforem
dejecit in mare ) font autant de preuves certaines
que du temps de Moïfe l’art de 1'équitation 8c
l ’ufage de la cavalerie dans les armées n etoient
pas regardés comme une nouveauté.
Le premier endroit où ce légiflateur en ait parlé
avec une forte de détail, eft au quatorzième
chapitre de l’Exode, où il décrit le paffage de la
mer Rouge par les Ifraélites. (an du monde 2513 ,
avant J. C. 14 9 1 , félon M. Boflùet.) Pharaon,
qui les pourfuivoit, fut englouti par les eaux avec
les chariots de guerre , fes~ cavaliers , & toutes
les troupes qu’il avoit pu raffembler. Son armée,
fuivant JofepTie, étoit compofée de 200 mille
hommes de pied, 50 mille cavaliers & 600 chars. (2)
Si les livres du Pentateuque n’offrent point de
preuve plus ancienne de l’ufage de Ta cavalerie
dans les armées, c’ eft que, conformément au plan
que Moïfe s’étoit tracé , il n’a pas dû nous inffruire
des guerres que les Egyptiens avoient eues contre
leurs voifins avant la délivrance des Juifs, &
qu’il s’eft borné feulement à raconter les faits
effentiellement liés avec l’hiftoire du peuple de
Dieu.
Mais, outre qu’il feroit abfurde de prétendre
établir en Egypte l’époque de l'équitation par une
cavalerie fi nombreufe, qu’elle égale ce que les
plus grandes puiffances de l’Europe peuvent en
entretenir aujourd’hui, on doit encore obferver
que les chevaux ont toujours fait une des principales
richefTes des Egyptiens (3). D’ailleurs le livre
de Job (4 ) , probablement écrit avant ceux de
Moïfe, parle de 1*équitation 8c de chevaux employés
à la guerre, comme de chofes généralement
connues. 1 *4
(1) S i vos s allez au combat contre vos ennemis, &
qu’ ils aient un plus grand nombre de chevaux & de chariots,
&' plus de troupes que vous, ne les craignez pas , & c. v. 1.
( i ) L ’Exode dit de même, Sx cents chars, Le nombre de
l ’infanterie & de la cavalerie n’y eft point fpécifié.
(5) 11 y a apparence que du temps du patriarche Jofeph ,
les rois d’Egypte avoient des gardes à che va l, & que ce
font eux qui courent après Benjamin, & qui l ’arrêtent.
I lïj i. des Juifs par Jofephe , liy. 1.
(4) On peut en conclure que les chars font poftérieurs
à la fimple cavalerie : Job ne parle que de celle-ci , cap.
X X X I V , v. tS t tÿ Ce fuiv. Au ver/. 18 il eft dît que Pau-
truche fe moque du cheval & de celui qui le monte r les
verfets fuivans contiennent la belle description du cheval
Su’on a vue ci-devant^
L ’hiftoire profane eft fur ce point entièrement
conforme à l’Ecriture-fainte. Les premiers faits
qu’elle allègue, 8c qui ont rapport à l'équitation,
fuppofent tous à cet art une antiquité beaucoup
plus grande : difons mieux, on ne découvre en
nul endroit les premières traces de fon origine.
„ On v o y o it, félon Diodore de Sicile, liv. I. gravée
fur delà pierre, dans le tombeau d’Ofiman-
dué, l’hîftoire de la guerre que ce roi d’Egypte
avoit faite aux peuples révoltés de la Baôriane : il
avoit mené contre eux, difoit-on, quatre cents mille
hommes d’infanterie , & vingt mille chevaux (5).
Entre cet Ofimandué & Séfoftris , qui vivoit longtemps
avant la guerre de Troy e , & avant l’expédition
des Argonautes, Diodore compte vingt-
cinq générations : voilà donc la cavalerie admife
dans les armées bien peu de fiècles après le
déluge.
Séfoftris, le plus grand & le plus puiflant des
rois d’Egypte, ayant formé le deuein de conquérir
toute la terre, affembla, dit le même biftorten,
(Diodore de Sicile, /. I. ) une armée proportionnée
à la grandeur de l’entreprife qu’il méditoit ?..
elle étoit compolée de fix cents mille hommes de
pied, vingt-quatre m$e chevaux 8c vingt-fept mille
chariots de guerre. Avec ce nombre prodigieux
de troupes de terre, 8c une flotte de quatre cents
navires, ce prince fournit les Ethiopiens, fe rendit
maître de toutes les provinces maritimes, & de
toutes les îles de la mer Rouge, pénétra dans les
Indes , où il porta fes armes plus loin que ne fit
depuis Alexandre: revenant fur fes pas, il conquit
la Scythie, fubjugua tout le refte de l’A fie 8c la
plupart des Cyclades * j>afîa en Europe ; & après
avoir parcouru la Thrace, où fon armée manqua
de périr, il retourna au bout de neuf ans dans
fes Etats, avec une réputation fupérieure à celle
des rois fes prédéceffeurs.
Ce prince avoit fait dreffer dans les lieux qu’il
avoit fournis , des colonnes avec l’infcription Suivante
en cara&ères égyptiens (6) : Séfoflris , roi desrois
, a conquis cette province par fes armes. Quelques-
unes de ces colonnes s’étoient confervées. jufqu’au
{5) Le fenriment deMarsham & <îe Newton, quiafuivi le
premier, eft infoutenable , fuivant M. Fréret même. Ce*
deux Anglois font Séfoftris p’oftérieur à ta guerre de Troye 5.
mais il eft évident, par tous les anciens que ce roi
d’Egypte a vécu long-temps avant le fiége de Troye 8c
l’expédition des Argonautes. Mém. de lit t. de l’acad. des:
Infer, t. V I I j p» 24s. De cette expédition à la guerre de
T ro y e , i l y a au moins foixante-dix ans d’intervalle. En
fuppofant Séfoftris antérieur aux Argonautes d'u même-
nombre d’années ; & en comptant trois générations par
fiècle , i l n’y auroit qu’ un petit nombre de fiècles d’intervalle
entre le déluge & Ofimandué.
(6) In cippis Mis pudendum v ir i, apïid gentes quid'ein
Jlrenuas & pugnaces , apud ignavas autem & t'vmidas ,fémincé ,
expreffit : ex prcecipuo hominis membra, anima rum in Jingulis
afftelionem > pojleris eyidenùjfxmam fore rat us, Diod, lib. I a
apud Ritodanusa»
temps d’Hérodote, & cethiftofien (/. //.} ajoute
qu’il y avoit encore alors fur les frontières de
l’Ionie deux ftatues en pierre de Séfoftris, l’une
fur le chemin d’Ephèfe à Phocée, l’autre fur celui
de Sardis à Smyrne. Un rouleau portant une inf-
Cription , f a i conquis cette terre avec mes épaules,
peu différente de celle qu’en vient de lire, traverfoit
la poitrine de ces ftatues.
Ninus, roi des Aftyriens, fit tttie première entre-
prife contre la Baétriane, qui ne lui réuflït pas.
Il réfolut quelques années après d’en tenter une
fécondé ; mais connoiffant le nombre & le courage
des habitans de ce p a y s , que la nature avoit
d’ailleurs rendu inaccefîible en plufieurs endroits,
il tâcha de s’en affurer le fuccès en mettant fur
pied une armée à laquelle rien, ne pûtréfifter : elle
montoit, ,pourfuit Diodore, félon le dénombrement
qu’en a fait Ctéfias dans fon hiftoire, à dix-
lèpt cents mille hommes d’infanterie, deux cents
dix mille de cavalerie , 8c près de dix mille fix cents
chariots armés de faux.
Le règne de Ninus, en fuivant la fupputation
d’Hérodote, que l’on croit la plus exaéle, 6c qui
rapproche beaucoup de nous la fondation du premier
empire des Aftyriens, doit fe rencontrer avec
le gouvernement de la prophéteffe Débora, 514
ans avant Rome, 12.67 ans avant Jéfus-Chrift,
-ç’eft-à-dire qu’il eft antérieur à la ruine de T ro y e ,
au moins de 80 (1 ) ans. L’on conviendra aifément
qu’une fi grande quantité de cavalerie en fuppofé
l’ufage établi chez les Aftyriens plufieurs fiècles
auparavant.
Tout ce qui nous refte dans les auteurs fur
l’hiftoire des différens peuples d’Afie, démontre
l ’ancienneté del’équitation : elle étoit ( dit Hérodote,
l . IV f ) connue chez les Scolothes » nation Scythe,
qui comptoient mille ans depuis leur premier
roi, jufqu’au temps où Darius porta la guerre
contre eux.
Par un ufage aufli ancien que leur monarchie,
le roi fe rendoit tous les ans dans l,e lieu où l’on
confervoit une charrue, un joug , une hache &
un v a fe , le tout d’or maflif, 6c que l’on difoit
être tombés du ciel ; 8c il fe faifoit en cet endroit
de grands facrifices. Le Scythe à qui pour ce jour
la garde du tréfor étoit confiée, ne voyoit jamais,
difoit-on, la fin*de l’année : en récompenfe on
affuroit à fa famille autant de terre qu’il en pou-
yoit parcourir dans un jour, monté fur un cheval.
Que ce fait foit véritable ou non, il eft certain
que les Scythes en général, eux qui fous des noms
différens occupoient en Afie 6c en Europe une
étendue immenfe de pays, qui firent plufieurs
irruptions dans l’Afie mineure, 6c qui dominèrent
pendant 28 ans fur 'toute cette fécondé partie du
monde, ont nourri de tout temps une prodigieufe
, ( 0 M. Bofïuet, qui fuit cette chronologie, place le fiége
de Troye l ’an 1184 avant J, C*
quantité de chevaux, 6c qu’ils faîfoient du lait de
leurs jumens leur boiffon ordinaire. Il fercitdone
ridicule de penfer qu’ils euffent ignoré l’art de
monter à cheval (2). Cela ne fouffre aucune difficulté
, quand on lit ce qu’Hérodote raconte des
Amazones , femmes guerrières qui defeendoient
des anciens Scythes.
Les Grecs (Hérodote, ibid.") les ayant vaincues
en bataille rangée fur les bords du Thermodon ,
firent plufieurs prifonnières , qu’ils mirent fur
trois vaifleaux, 8c reprirent le chemin de leur
patrie.
Quand on fut en pleine mer, nos héroïnes
faïfiftant un moment favorable , fe jetèrent fur
les hommes, les défarmèrent 6c leur coupèrent
la tête. Comme elles ignoroient l’art de la navigation
, elles furent obligées de s’abandonner "à
la merci des vents 8c des vagues, qui les portèrent
enfin fur un rivage des Palus-Méotides, où étant
defeendues à terre, elles montèrent fur les premiers
chevaux qu’elles purent trouver, §c coururent ainfi
tout le pays.
. Ce fait s’accorde parfaitement avec ceq u e l’abrè-
viateur de Trogue Pompée (Juftin , /. /ƒ.) rapporte
de l’éducation des Amazones : « elles né
» paffoient pas, dit-il, leur temps dans l’oifiveté
» ou à filer; elles s’exerçoient continuellement au
n méfier des armes, à monter à cheval 8c à
» chaffer ». Strabon , /. II. d’après Métrodore,. 8cc.
dit encore que les plus robuftes des Amazones al-
loient à la chaffe, 6c faifoient la guerre montées
fur des chevaux. Le temps de leur célébrité eft
antérieur à la guerre de Troye : une partie de
l’A fie 6c de l’Europe fentit le poids de leurs arme s;
elles bâtirent dans l’Afie mineure plufieurs villes
( Juftin, /. II. ) x entre autres Ephèfe , où il y a
apparence qu’elles inftituèrent le culte de Diane.
Théfée étoit avec Hercule, lorfque ce héros à
la tête aes Grecs remporta fur elles la viéfoire du
Thermodon. Réfolues de tirer une vengeance éclatante
decet affront, elles fe fortifièrent de l’alliance de
Sigillus, roi des Scythes, qui envoya à leur fecours
une nombreufe cavalerie commandée par fon fils;
Marchant tout de fuite contre les Athéniens , qui
obéiffoient à Théfée, elles leur livrèrent bataille
jufques dans les murs d’Athènes , avec plus de
courage que de prudence. Un différend furvecu
entre elles 8c les Scythes empêcha ceux-ci de combattre
: auffi furent elles vaincues ; 6c cette cavalerie
ne fervit qu’à favorifer leur retraite 6c leur
retour.
(a) Il y avoit au nord-eft des Palus-Méotides, des Scythes
nommés Iyrces, qui ne vivoient que du produit de leur
chafie ; & voici comment ils la pratiquoient. Cachés parmi
les arbres qui étoient là en grand nombre, & ayant près
d’eux un chien & un petit cheval couché fur le ventre , ils
riroient fur la bête à fon paffage , & montoient tout de fuite
à cheval pour courir à la pourfuite avec leur chien, Hérod
ote , liv, IV%