
Par un autre artifice, i’auteur de la lettre ha-
farde lur un endroit de l’ode une ou deux critiques
évidemment injuftes, auxquelles le journalise
n’a pas de peine à répondre.
Voici maintenant le mot de l’énigme. L ’ ode e j l
m a i i v a i f e , & e l le e j l d e l ’ a b b é D e s fo n ta in e s
La fraude fut connue , & l e public ne fit qu’en
rire, l’abbé D e s fo r ,ta ïn e s l’avoit fait à fon badinage.
Il mourut en 1746.
■ On lui a fait des reproches plus graves que ceux
que nous lui faifons ic i, mais l’hiftoire ne doit
point fe charger fans preuve de ces accufations.
L’abbé D e s fo n ta in e s étoit fils d’un confeiller au
parlement de Rouen, il avoit été long temps jé-
fuite ; il travailla quelque temps-au journal des
'favans.
DESFORGES MAILLARD ( Hijl. litt. mod.).
-Paul D e s fo r g e s M a i l la r d , poète médioère, & pro-
fateur de mauvais goût, a dû fa réputation à l’heureux
déguifemeotoù il prit le nom de mademoifelle
Malcrais de la V ign e , pour donner le change au
chevalier de la Roque, auteur du mercure, avec
Iequel.il étoit brouillé & qui avoit juré de ne donner
place, dans le mercure, à aucun de fes ouvrages.
La Roque en fut entièrement la d u p e g o û ta les
ouyrages de mademoifelle Malcrais de la Vigne,
& les inféra dans,le mercure avec de grands éloges
, ce qui a fait dire à l’auteur de la métromanie t
Ma Mufe en tapinois
Se fait dans le mercure applaudir tous les mois.. . r
Et le iriafque femelle agaçant le leéteur,
D e tel qui m’a raillé , fait mon adorateur.. . . .
J’ai bien à vos dépens , jufqu’ici plaifanté »
Quand fous le mafque heureux qui vous dennoii lé
change,
Je vous faifois chanter des vers à ma louange.
Voilà de ^os arrêts , melïieurs les gens de goût !
L ’ouvrage eft peu de chofe , & le feu 1 nom fait tout*
Le chevalier de la Roque ne s’en tint pas aux
éloges il écrivit à mademoifelle Malcrais de la
Vigne des lettres galantes & paffionnéefr, une entre
autres , où étoient ces termes : J e v o u s a im e , ma
chè re bretonne , p a rd o n n eç m o i c e t a v e u ; m a is le mot
e j l l â c h é } & c . Le fameux Néricault des Touches,
en dit autant, & fe rendit garant de,1a beauté de
mademoifelle Malcrais*
D e fes beaux yeux le feu charmant
Pénètre jufqu’ au fond: de l'ame r
Qui la v o i t , l’entend un moment *-
Relient la pins ardente flâmeV
E t fait en foi-même ferment
De l’aimer éternellement*
1 M. *de Voltaire du moins borna fes éloges ex*
ceffi-fs aux talens de la demoifelle, qui n’étoient
pas beaucoup plus réels que fa beauté, il lui èn-
voya l’Hijloire de Charles X l l & la Henriade avec
une épître en vers qui commençoit ainfi :
T o i , dont la voix brillante a volé fur nos r iv e s .
T o i , qui tiens dans Paris nos Mufes attentives r
Qui fais fi bien aflocier
Et la fcience & l’art de plaire »-
Et les talens de Deshoulière ,
Et les études de Dacier ,
J’ofe envoyer aux pieds de ta Mufe divine
Quelques foibles écrits , enfans de mon repos»
Charles fut feulement l’objet de mes travaux;
Henri quatre fut mon héros ».
Et tu feras mon héroïne.
Cette épître eft imprimée dans les oeuvres de
M. de Voltaire , avec cette adreffe : à une damey
ou foi - difant telle. Au lieu du début qu’on Viens?
de voir, on trouve celui-ci :
Tu commences par me louer,
Tu veux finir par me connoîtré **
Tu me loueras bien moins , &c.
C ’étoitlui qui avoit commencé par la louer avan?
de la cdnnortre , & qui ceffa de la louer , quand
il fut défabufé. Aufïi,'aux agaceries, aux persécutions
éternelles dont M. de Voltaire eft l’objet
dans les ouvrages de M. Desforges Maillard, à les-
louanges étalées avec unè affeâation perfide, &
empoifonnées par le fiel de 1’iropie ou par l’atner-
tume de la plainte, on croit Voir mademoifelle
Malcrais de la Vigne regrettant des hommages qui*
flattoient fa: vanité, & fe vengeant de les avoir
perdus*
Dans le récit que nous fait M* Desforges Maillard
des amours de M. le chevalier de la Roque
& de mademoifelle Malcrais dé la Vigne, il nous
fournit un exemple d’un parfaitement mauvais
ton.
n Pendant que M. de la Roque s’enivroit des
» douceurs d’un fi tendre commerce, un quidam
» s’avifa d’attaquer mademoifelle de Malcrais dans-
» une lettre critique. C’étoit un de ces hommes
n privilégiés , qui croient qiiune longue Vejle à menus
n d é ta ils , avec Un livre à pages quotidiennement
» ordonnées, a la force de répandre fu r leurs individus-
» l’univerfaiité des talens.' Mademoifelle de Mal-
n crais écrivit à Ion-amant lé lujet dè fa mélan-
n colie. Aufîi-.tôt voilà le champion , le pot en
y* tête, couvert de fon antique cuirafte. Il^defcend'
» fur l’arène & défie au combat le géantorgueil-
» leux dont l’audace s ’ étoit élevée ju fq u ’à vouloir
» abaijfer le mérite & la vertu de la maîtreffe de
w fon ame, de là dame de fes penfées, de la fou- '
» veraine de Ton coeur , &c. »
M. Desforges Maillard a lui-même publié fes
ceuvrés en deux volumes in-i2,°. en 1759. Tout
ce recueil ne nous offre rien de plus fimple & de
plus ingénieux que cette épigramme anacréonti-
que , dont la 'fin eft encore un peu trop allongée.
Sylvie , au fond d’un bocage ,
Me faifoit de deux moineaux t
Remarquer le badinage
Sous les feuillages nouveaux.
L ’un d’eux quitta la partie.
Ah ! dit l’aimable Sylvie
Avec un air défolé', •
Regarde un peu . je te prie j
C ’eft le mâle , je parie ,
C ’eft lui qui s’eft envolé.
Il eft certain que ce vers :
Regarde un peu , je te prie »
eft d’une inutilité défagréable, qui ne fait qu’é-
mouffer la pointe du madrigal.
On'a donné'quelques éloges aux idylles des hirondelles
, & des tourterelles, il ne leur en eft dû
que bien peu.
M. Desforges Maillard eft mort en 1772.. Mais
mademoifelle Malcrais de la Vigne , ( Mériadec
de Kerfic ) ne mourra jamais ; grâce à la métromanie.
DESGODETS ( A n to in e ) ( Hijl. litt. mod.J),
archite&e du ro i, né à Paris en 1653 ; envoyé à
Rome par M. Colbert en 1674, & faifant la route
par mer, fut pris par des corfaires, algériens,
& refta 16 mois en captivité ; devenu libre, il alla
à Rome, félon fa première deftination. Son livre
des Edifices antiques de Rome, dejjinés & mefurés
très-exaftement eft le fruit de fon féjour dans cette
capitale -, où il refta trois ans ; on a imprimé de
puis fa mort, fur fes leçons, les loix des bâtimens &
le Traité du toifé; on a trouvé parmi fes papiers
quelques autres ouvrages manufcrits, tous relatifs
à l’architeéhire. Mort en 172,8.
DESGROUAIS ( Hijl. litt, mod. ) , né à Thiais
près Choify le-Roi en 1703 ; on lui attribue un
ouvrage intitulé r ies Gafconifmes corrigés. Il avoit
1 fait une mauvaife critique delà mauvaife traduction
de Virgile de l’abbé Desfontaines, qui s’en étoit
vengé dans fes: f. uilles, & qui avoit trouvé bien
plaifant de répéter à chaque objeâion de M. Defi
grouais : que je plains le petit troupeau de M. le Brun !
G e M. le Brun étoit un maître de penfion affez
célèbre, chez lequel Defgroiiàis étoit précepteur;
Pefpvuais fentit tout le tort que les lourdes plaifanteries
de l’abbé Desfontaines pourroient lui fait®
auprès des pédans, feules gens dont il fût connu ,
il s’humilia devant l’abbé Desfontaines, qui voulu'
bien le recevoir en grâce, & comme il avoit affuré
l’abbé Desfontaines qu’il faifoit lire des morceaux
choifis de fatradu&ion aux élèves de M. le Brun,
l’abbé Desfontaines, fuivant toujours fon heureufe
allégorie du petit troupeau, dé cl are (toujours dans
fes feuilles ) qu’il ne ne le plaint plus tant, & que
cé font là de bons pâturages. Voilà ce critique fin
& délicat que les ariti-Voltairiens tâchoient d’admirer
& qu’ils ont tant prôné en haine de M. de
Voltaire. ( Voye^ l’article Desfont.aines. )
DESHOULIÈRES ( A n t o in e t t e d u L ic ie r
de l a G a r d e , femme de Guillaume de Lafon ,
de Bois - Guérin ^ feigneur Deshoullères') ( Hijl.
litt. mod. f Si on veut voir l’emploi différent que.
font de la même idée un pédant & une femme
fenfible , madame Deshoullères a aufli (v o ir l’article
précédent ) une allégorie de troupeaux & de
pâturages très-foutenue & qui eft très- intéreffante,
c’eft une mère tendre q u i, fous cet emblème , recommande
à la protection de Louis XIV fa famille,
dont elle n’a pu.affurer le bonheur & pour
‘ laquelle elle craint l’avenir.
Dans ces prés fleuris
Qu’arrofe la Seine , fcc.
La pièce eft également touchante & poétique.'
En général, les poéfies de madame Deshoullères
font recommandables par une mélancolie philofo-
phique, dont le charme n’eft pas faifi par-tout le
monde, mais qui ne plaît pas médiocrement à ceux
qui font capables de S’en pénétrer ; elle les attendrit
& les fait rêver. Tel eft le caractère des
idylles des moutons , des fleurs, des oifeaux, de
F hiver 9 du ruijfeau, du tombeau, de la foliiude-, de
l’idylle ou élégie fur la mort de M. le duc de
Montaufier ; tel eft même celui d’une multitude
d’opufcules érotiques fous le nom de ftances,
de madrigaux , de chanfons , d'airs , &c. Madame
Deshoullères étoit née à Paris vers l’an 1633 ou
163^4. Melchior du Ligier, fon père, feigneur de
la Garde, avoit été maître - d’hôtel de la reine
Marie de Médicis, & le fut de la reine Anne
d’Autriche. Elle époufa en 1651 M. Deshoullères,
gentilhomme du Poitou, dont le grand oncle paternel
( Bois -Guérin ) gouverneur de Loudun,
avoit refufé le bâton de maréchal de France que
lui offroit Henri IV , à condition qu'il quitteroit
comme lui la religion réformée.
Madame Deshoullères étoit très-belle & d’une
taille parfaite. Elle compta, dit-on , parmi fes conquêtes
le grand'Condé, à la perfbnne duq. el fon
mari étoit attaché. Mais, dit l’auteur de l’éloge
hiftorique de madame Deshoullères qu’on trouve
à la tête de fes oeuvres, toujours attachée à fes
p devoirs, elle aima mieux mériter l’eftime de ce
V v x