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un bouquet de fleurs les plus belles à la reine :
les autres en offrirent à toutes les dames de la
cour, Il y a voit autour du berceau un grand nombre
de tables de gazon, fur lefquelles on voyoit des
corbeille s dorées , remplies de toutes fortes de
fleurs , & dont tout le monde avoit la liberté
de fe parer.
On pafla d’allée en allée jufqu’au carrefour ; on
y trouva, fur un banc élevé en forme de théâtre,
deux femmes qui paroifloient en grande querelle.
Une fymphonie affez longue pour donner à la
cour le temps de s’approcher, finit lorfqu’on eut fait
un grand demi-cercle autour de ce banc où elles
etoient placées : on connut bientôt à leurs difcou.rs
que l’une étoit la flatterie, & l’autre la critique.
Celle - c i, après quelques courtes difeuffions, qui
avoient pour objet le bien qu’on avoit à dire d’une
brillante cour, fit Convenir la flatterie qu’on
« avoit que faire d’elle pour célébrer les vertus
d une reine adorée , qui comptoit tous fes moy
ens par quelque nouvelle marque de bonté.
Cette feene fut interrompue par une efpèce
d allemand, qui perça la foule pour dire, à demi ,
lvre * Çue c etoit bien la peine de tant dépenfer
en lumière pour ne faire voir que de l’eau. Un
gafeon, qui paffa d’un autre côté , dit : hé! fandisl
je meurs de faim , on vit donc de l*air à la cour
des rois de France? A ces deux originaux, en
fuccédèrent quelques autres. Ils s’unirent tous à
la fin pour chanter leurs plaintes, & ce choeur
comique finit d’une manière plaifante cette partie
de la fête.
La reine & la cour arrivèrent dans la grande
allée qui fé pare le labyrinthe de Y île d!amour : on
y avoit forme une falle de fpeâacle de toute la
largeur de l’a llee, & d’une longueur proportionnée.
La falle & le théâtre étoient ornés avec
autant de magnificence que de goût. Les comédiens
françois y reprefentèrent une pièce en cinq aéfes :
elle avoit été compofée par feii C oypel, qui eft
mort premier peintre du roi , & qui a laiffé .
apres lui la réputation la plus defirâble pour les
hommes qui, comme lu i , ont conflamment aimé
la vertu.
Cette pièce, dont je n’ai pu trouver ni le fujet
ni titre, fut ornée de cinq intermèdes de danfe ,
qui furent exécutés par les meilleurs danfeurs de
l’opéra. . . .
La reine, après la comédie , rentra dans le
labyrinthe , & le parcourut par des routes nour
v elles, qu’elles trouva coupées par de jolis amphithéâtres
, occupés par des orchefires brillans.
Elle fe rendit enfuite à l’orangerie , qu’on avoit ”
ornée pour un bal paré : il commença & dura
jufqu’à l’heure du feftin, qui fut donné chez ma-
demoifelle de Clermont, avec toute l’élégance
«qui lui étoii naturelle. Toute la cour y aflifta.
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Les tablés , cachées par de riches rideaux , parurent
tout-à-coup dans toutes les falles ; elles fembloient
fe multiplier, comme la multitude des plaifirs
dont on avoit joui dans la fête.
Croiroit-on que tous ces aprêts, l’idée , la conduite,
l’enchaînement des diverfes parties de cette
fête, furent l’ouvrage de trois jours ? C ’eft un fait
certain qui, vérifié dans.le temps , fit donner à tous
ces amufemens le nom d’impromptu du labyrinthe,
La reine ignoroit] tout ce qui devoit l’amufer
pendant cette agréable foirée ; la cour n’étoit pas
mieux inftruite : hors le feftin chez mademoifelle
de Clermont, qui avoit été annoncé fans myf-
tère, tout le refte demeura caché , & fut fuccef-
fivement embelli du charme de la furprife.
Les courtifans louèrent beaucoup l’invention ,
la conduite, l’exécution de cette fête ingénieufe,
& toute la cour s’intrigua pour en découvrir
l’inventeur. Après bien des propos, des contradictions
, des conjeâures , les foup’çons & les
voeux fe réunirent fur M. le duc de Sainte
Aignan.
Le caraClère des hommes fe peint prefque
toujours dans les traits faillans de leurs ouvrage^
Ce fecret profond, gardé par tant de monde; la
prévoyance, toujours fi rare dans la diftribution
des différens emplois,, le choix & l’inftruCtion des
artiftes ;*l’enchaînement ingénieux des plaifirs ,
déceloient , malgré fa modeftie , l’efprit fage &
délicat qui avoit fait tous ces arrangemens.
Ces jeux légers , qu’une imagination aufli réglée
que riante répandoit fur les pas de la reine
la plus refpeCtable , n’étoient que les prémices de
ce que M-. le duc de Saint-Aignan devoit faire
un jour pour fervir l’état & pour plaire à fon
roi.
M. de Blamont, chevalier de l’ordre de Saint-
Michel, & fur - intehdant de la mufique de fa-
majefté, compofa toutes les fymphonies &les chants
de cette fête. Il étoit déjà depuis long-temps en
poflefiion de la bienveillance dé la cou r, que
fa conduite & fes talens lui ont toujours con—
fervée. ( i ? )
FETFA , f. m. ( Hiß. mod. ) nom que les
Turcs donnent aux jugemens ou décifions que le
muphti rend par écrit. Ce m o t, en langage turc ,
lignifie fentence , & en arabe , la réponfe ou le
jugement d!un homme fage ; & ils appellent ainfi
par excellence les jugemens du muphti. ( G )
FÉTICHE f. f. ( Hiß. mod. ) nom que les
peuples de Guinée en Afrique donnent à leurs divinités.
Ils ont une fétiche pour toute une province*
& d es fétiches particulières pour chaque famille.
Cette idole eft un arbre, une tête de finge, un
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oifeau , ou quélque chofe de femblàble, fuivant
leur fantaifie. Dapper, defcripùott de l'Afrique.
( G )
FEU-ARDENT, ( François ) ( Hiß. de Fr. )
cordelier , ligueur violent, connu par fes déclamations
contre Henri III & Henri IV. L’Étoile,
dit de lui que, fur la fin de fes jours , il fut aufß
ardent à la concorde qu il Vavoit été à la difeordé.
Il eft auteur de quelques traités de controverfe.
Morten 1610 à Rayeux.
Feu G régeois , ( Hiß. du moyen âge ) efpèce
de feu d’artifice qui étoit compofé de naphte, de
poix , de réfine, de bitupie, & autres corps inflammables.
Feu grégeois fignifiefeu grec , parce qu’ancienne-
ment nous nommions les Grecs Grégeois ; que
ce furent eux qui s’en fervirent les premiers,
vers! ’an 660, au rapport de Nicétas, Théophane,
Cédrenus & autres ; & qu’enfin ils furent en pof-
feflion pendant trois fiècles, de brûler par le
fecret de ,ce fe ît, les flottes de leurs ennemis.
L’inventeur du feu grégeois, fuivant les hiftoriens
dn temps, fut un ingénieur d’Hëliopolis en Syrie,
nommé Callinicus, qui l’employa pour la première
fois dans le combat naval que Gonftantin Pogonat
livra contre les Sarrafins , proche de Cizique fur
l’Hellefpont. Son effet fut fi terrible, ajoutent les
■ mêmes écrivains, qu’il brûla toute la flotte compofée
d’une trentaine de mille hommes.
Il eft vrai que quelques modernes , & Scaliger
eiitr’autres , donnent une date plus ancienne à .
cette découverte, & l’attribuent à Marcus-Grac- '
chus : mais les paffages des auteurs grecs & latins
<ju’on cite pour favorifer cette opinion , n’en
prouvent point la vérité.
Ce qu’on fait plus pofitivement, c’eft que les
fucceffeurs de Gonftantin fe fervirent du feu grégeois
en différentes occasions, prefqu’avec autant
de fuccès que lui ; & ce qu’il y a de remarquable,
c’eft qu’ils eurent le bonheur de garder pour eux
feuls-le fecret de cette compofition , jufques vers
le milieu du dixième fiècle, temps auquel il paroît
qu’aucun autre peuple ne le favoit encore.
Aufli le feu grégeois fut mis au rang des fccrets
de 1’ état par Conftantin Porphyrogenete; en confé-
quence, dans fon ouvrage dédié à Romain fon fils,
fur l’adininiftration de l’empire , il l’avertit que
lorfque les barbares lui demanderont du feu grégeois
, il doit répondre qu’il ne lui eft pas permis
de leur en donner, parce qu’un ange qui l’apporta
à l’eînpereur Conftantin , défendit de le
communiquer aux autres nations, & que ceux
qui avoient ofé le faire, avoient été dévorés par
le feu du ciel , dès qu’ils étoient entrés dans
J’églife.
Cependant, malgré les précautions de Conftantin
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Porphyrogenete, la compofition du feu grégeois
vint à être connue ou découverte-, par les ennemis.
Le P. Daniel, dans fon hiftoire du fiége
de Damiette èn 1249, fous Saint-Louis, rapporte
que les Turcs en fiient alors un terrible ufage.
Ils le lançoient, dit i l , avec une efpèce de mortie
r , !& quelquefois avec une forte d’arba.lête
fingülière , qui étoit tendue fortement par le
moyen d’une machine , fupérieure en force à
celle des bras & des mains. Celui fqu’on tiroit
avec-une efpèce de mortier, paroiffoit quelquefois
en l ’air de la groffeuf d'un tonneau, jetant
une longue queue, & faifant un bruit femblàble
à celui du tonnerre. Mais voici les propres paroles
de Joinville, qui étoit préfent. « Les Turcs em-
» menèrent un engin, qu’ils appelaient la perrièrei
n un terrible engin à mal-faire, & les mifdrent
» vis-à-vis des chats chatéils, que mefîire Gaultier,
» de Curel & moi , guettions de nuit; par lequel
» engin ils nous jettèrent le feu grégeois a. planté ,
« qui étoit la plus terrible chofe que onques
» jamais je veiffe. r> Au refte , M. Ducange a
fait une ample note fur cet endroit, dans laquelle
il explique la compofition & l’ufage de ce feu ;
j’y renvoie le leâeur pour abréger.
On croit communément que le feu grégeois
brûloit dans l’eau, & même avec plus de violence
que dehors , opinion qui eft hors de toute vrai-
femblance. Il eft vrai qu’Albert d’A ix ( liv. V i f
ch. v. ) , a écrit qu’on ne pouvoir point éteindre
ce feu avec de l’eau ; mais en accordant même
qu’il ne s’eft pas trompé, fes paroles ne veulent
point dire que le feu grégeois brûlât dans l’eau.
Encore moins faut-il penfer que ce feu fût inextinguible
; puifque, félon Matthieu Paris, en l’an
12 19 , on pouvôit l ’éteindre avec du vinaigre &
du fable.. Les françois y parvinrent plufieurs fois
en l’étouffant avec adreffe, & en empêchant la
communication de l’air extérieur, par des peaux
humides‘d’animaux nouvellement écorchés , qu’on
jettoit deffus. aufli lit-011 dans la même hiftoire
de Joinville. « Et incontinent fut éteint le feu
»> grégeois par cinq hommes que avions propres
» à ce faire. »
Enfin l’invention du feu grégeois s’eft perdue au
moyen de la poudre à canon qui lui a fuccédé ,
& qui fait, par le fecours de l’artillerie , bien
d’autres ravages que ceux que produifoit le feu
grégeois par le fouffle dans des tuyaux de cuivre,
par des arbalètes-à-tour , ou autres machines à
reffort. Repofons-nous-en fur les hommes policés;
ils ne manqueront jamais des arts les plus propres
à fe détruire, & à joncher la face de la terre de
morts & de mourans. Article de M. le chevalier
DE Ja UCOURT.
FEUILLADE. ( La } ( voyez Aubujfon ).