
47« E R I
Eric V I I , fils de Chriftophe I I , fut affocié par ;
fon père au trône de Danemarck fan 1 322. Chriftophe,
accablé d’infirmités, vouloit rejeter fur ce
prince le fardeau entier du gouvernement; mais
celui-ci,étoit à peine en état de le partager ; c’éroit
plutôt un foldat qu’un roi; il étoit moins miniftre
que citoyen ; il défendit fon père avec beaucoup
découragé contre fes fujets révoltés; il fut pris,
porta fes fers avec une noble fierté , & fe montra
plus grand dans fa prifon que fur le trône ; il combattit
avec bravoure à la bataille de Lohède;
mais toute fon armée ayant été taillée en pièces,
il fuivit la déroute générale : maiheureufement
pour fa gloire , ce fut dans fa fuite qu’il tomba de
cheval , il mourut de cette chute l’an 1332.
( M. de Sacy. )
Eric VIII de Poméranie , roi de Danemarck. Il
fe nommoit d’abord Henri ; il étoit fils de W :ratifias
VII , duc de Poméranie , & de Marie de
Meklenbourg ; celle-ci étoit née du mariage de
Henri de Meklenbourg avec Ingeburge , foeur de
Marguerite., reine de Danemarck. Cette princeffe,
qii avoit réuni fur fa tête les trois couronnes de
Suède , de Danemarck & de N orwége, ayant con-
fulté la nation Suédoife fur le choix de fon fuccef-
feu r , on lui laiiïa la liberté de difpofer de fa
couronne en faveur de celui des enfans de W ratifias
qui lui paroîtroii le plus digne de la porter. Elle
défigna le jeune Henri, dont.le nom fut changé
en celui d'Eric. Ce prince, époufa , l’an 1406, Philippine
, fille de Henri IV , roi d’Angleterre, &
fut couronné roi de Suède l’an 1411. Il aimoit la
guerre , & ignoroit l’art de la faire ; à peine fut-il
fur le trône , qu’il prit les armes contre fa bienfaitrice
; le duché de Slefwick étoit l’objet de Cette
querelle. Les troupes "d’Eric furent battues ; Ulric
de Meklenbourg fut l’arbitre de ce différent ; il
jugea que la ville de Flensbourg devoit relier en
dépôt entre les mains de la reine, jufqu’à ce qu’on
eût pefé plus férieufement les raifons des deux
partis. Cet examen devint inutile par la mort de
la reine : Eric fuccéda à fes trois couronnes. Les premiers
jours de fon règne proinettoient un gouvernement
doux & modéré; mais ces efpérancess’évanouirent
bientôt. Le roi fit affembler les Etats-généraux
, & déclara que les comte«» de Holftein
étoient déchus de tous leurs droits fur le duché
de Slefwick , parce qu’ils avoient porté les armes
contre la reine Marguerite, & qu’ils avoient ap-
pellé l’étranger dans le Danemarck. Il les condamna
à reftituer à la couronne tous les frais de
la guerre. Le duc de Brunfwich étoit tuteur des
comtes de Holftein ; il foutint avec fi-rmeté les
intérêts de fes pupilles. Déjà l’armée danoife étoit
dans le duché de Slefwick; mais elle ne donna pas un
combat fans être vaincue, n’inveftitpas une ville'
fans être forcée d’en lever le fiége. Contraint à
offrir la paix , Eric effuÿa la honte d’un refus ;
fa fureur s’affouvit fur les malheureux habitans de
n ie de Femeren, qui furent maffacrés fur les
E R I
ruines de leurs villages & fur les cendres de leurs '
moiffons. Eric fe repentit bientôt de cette vengeance
atroce ; niais fes remords impuiffans ne
réparoi nt point les maux que les foldats avoient
commis. Un traité d’alliance qu’il conclut avec la
Pologne n’effraya point fes ennemis. Il leur livra
une nouvelle bataille; ce fut pour eux un nouveau
triomphe. Il courut ênfuitel’Allemagne, importunant
toutes les cours de fes plaintes; il parut à celle de
l’empereur, pourfuivit fa route jufqu’en Paleftine,
& revint pour être la viélime de tous les défordres
que fon abfence avoit caufés. Il fallut reprendre
les armes & effuyer de nouvelles difgraces dans le
duché de Slefwick. Eric, défefpéré de ne pouvoir
faire par lui-même à fes ennemis tout le mal qu’il
leur préparoit, fouleva les habitans des villes de
Vandalie contre leurs magiftrats, renouvella fon
alliance avec l’Angleterre, & tenta en vain d’engager
cette puiffance dans fa querelle. Cependant
l’efprit de révolte fermento.it en Suède; on reprochoit
au roi des fautes qu’il avoit commifes; on
lui en cherchoit d’autres dont il étoit innocent ; la
domination danoife devenoit chaque jour plus
odieufe ; les remontrances du peuple étoient fières,
lès rèponfes du roi étoient dures : tout fe fouleva.
Eric voulut paffer en Suède, il fit naufrage ; revenu
en Danemarck, ce prince tenta de nouveaux efforts
pour châtier les Suédois rebelles. Les Danois com-
mençoient aulli à fe laffer de fon joug ; il voulut
défigner pour fon fucceffeur Bogilas-fon neveu,
duc de Poméranie. Ce choix irrita la nation ; Eric
part, s’enfuit en Pruffe, veut revenir en Suède ,
éprouve encore les caprices de la mer, eft rejette
en Danemarck , fe hâte de raffembler toutes fes
richeffes, s’enfuit dans i’île de Gothland. On le
rappelle en Suède, il y reparoît & on le chafle ;
les trois royaumes renoncent à l’obéiftance qu’ils
lui avoient jurée. Il eft contraint d’aller dans 1 île
de Gothland cacher fon défefpoir & fon infortuné.
Ses tréfors le confoloient de tout : ce fut avec
cette arme qu’il eau fa dans la Scanie & dans là
Fionie quelques révoltes momentanées ; il employa
encore fes richeffes à armer des corfaires, qui
allèrent ravager les côtes, écumer les mers &
porter la terreur jufqu’au centre des Etats fur lef-
; quels il avoit régné. Ce fut dans fa retraite qu’il
; compofa une hiftoire chronologique des rois de
; Danemarck..
Cependant Chriftophe de Bavière avoit réuni
fur fà tête les trois couronnes que les nations
foulevées avoient arrachées au malheureux Eric.
On ne le laiffa pas tranquille dans le Gothland ;
il fallut.l’y attaquer pour rendre la liberté au commerce
& détruire les pirates qu’il envoyoit
fur les mers; il fut affiégé dans Wisby; fon courage
fe ranima: il fit voir que fi la nature lui avoit
refufé les talens d’un ro i, elle lui avoit au moins
donné là bravoure d’un foldat. La ville fut emportée
d’affaut; il fe retira dans la citadelle ; le
fiége continua & fut terminé par une capitulation*
E R I
Forcé de fortir de l ’îlede Gothland, il s’embarqua
fur la flotte danoife; on lui offrit dans le Dane-
marck un-féjour agréable, fi toutefois il en eft
pour un fouverain détrôné ; il le rejetta, & ne
voulut point être témoin de la gloire de fon ennemi
, ni demeurer parmi fes fujets qui l’avoient
perfécuté ; Eric retourna en Poméranie, où il vécut
dix ans encore; il ne lui manqua plus pour être
heureux que de perdre le fouvenir de fa grandeur
paflée. Il mourut l’an 1459, * l’âge de 77 ans. Ce
prince étoit plus foible que méchant, plus furieux
qu’opiniâtre. Le repentir fuivoit de près les effets
de fa colère ; brave, maïs ignorant l’art, de conduire
une - armée, connoiffaqt les intérêts des
puiffances, mais n’ayant pas étudié le coeur humain
, fait pour régner fur un peuple tranquille,
le fardeau de trois couronnes étoit au-defliis de fes
forces. Son voyage en Paleftine fut fa plus grande
faute & l’époque de tous fes malheurs. Peu s’en
fallut même que le retour ne lui fût fermé pour
jamais. Il étoit à Bude : un fyrien le fit peindre,
envoya fon portrait dans fa patrie , & avertit fes
amis que cet homme, déguifé fous l’habit de pèlerin
, étoit le plus puiffant roi du Nord. Il fut
arrêté dès qu’il parut en Syrie , on alloit le
traîner devant le fultan. Mais il favoit que dans
l ’O rient, comme dans le Nord , le pins farouche
fatellite. n’eft pas infenfible à l’appât de l’o r ; il
racheta fa liberté par fes largeffes. ( A4. de Sacy. ) '
ERIC I I I , furnomrné le Sage, ( Hiß. de Suède.).
roi de Suède , defeendoit d’une famille illuftré en
Norwége. Gother, roi de cette contrée, qui afpi-
roit non-feulement à s’affranchir du tribut qu’il
payoit au Danemarck, mais même à s’emparer de
cette couronne, l’envoya à la cour de Frothon III
vers le commencement de l’ère chrétienne. Il devoit
examiner les fortereffes du royaume, parcourir les
côtes, épier les lieux propres à la defeente, féduire
les courtifans & former, un parti pour fon maître
dans le palais même de fon ennemi. Eric étoit
infinuant, avoit l ’extérieur doux , un langage emmiellé
, une figure intéreffante; fon air de franchife
commençoit la perfuafion, fon éloquence faifoit
le refte. « Il venoit, difoit-il, à la cour de Danemarck
» pour admirer le jeune roi, profiter des lumières
» de fes miniflres, étudier les progrès des arts &
» enrichir fa patrie des connoifTances qu’il püiferoit
» parmi les Danois. » Frothon fut bientôt pris
à l’appât de fes louanges, & lui donna fa confiance.
Les courtifans ne l’eurent pas plutôt vu qu’ils l’efti-
mèrent & jurèrent fa perte. Grepa offrit au roi
de l’affaflîner; le.prince rejeta cette offre avec horreur.
Eric y pour fe venger, accufa.ce miniftre d’un
commerce criminel avec la reine. On ordonna un
duel : Eric fut vainqueur ; mais fi fa vi&oire.étoit la
feule preuve des défordres de la reine, cette accu-
fation pouvoit bien être une calomnie. D ’autres
guerriers prirent la défenfe de la reine; Eric combattit
& triompha encore. Frothon fe crut trop
E Pv I E '472
heureux de pdfféder à fa cour un tel homme; il en
fit fon miniftre. Eric aima mieuxi régner en Danemarck
fous le nom de ce jeune prince, que d’être
confondu en Norwége dans la foule des courtifans.
Il rétablit l’ordre dans les finances,donna aux loix une
vigueur nouvelle, rendit aux armes danoifes leur
premier luftre ; Frothon paya tant de fervices en
lui faifantépoufer fa foeur, & le députa versGother,
pour demander, en fon nom, Alvide, fille de ce
prince. Gother conçut tout-à-coup dans fon coeur
une paflion violente pour Gonnara ; c’étoit ainfi que
fe nommoit l’époufe d’E ric, qui l’avoit fuivi dans
fon ambaflade. Gother fit à ce miniftre une propo-
fition qui peint bien les moeurs barbares de ce fiècle:
« Cède-moi ta femme, lui dit-il, & je te donnerai
« en échange pour toi-même cette Alvide, que tu
» viens demander pour ton maître. » Eric promit
de lui rendre fa réponfe dans peu de jours; il profita
de ce délai pour enlever Alvide, & l’amena en
Danemarck. Quelque temps après,les Huns vinrent
avec une flotte nombreufe attaquer celle des Danois;
Eric difperfa, prit ou brûla leurs vaiffeaux, &
ramena prifonnier Olimar, leur amiral. De-là il
paffa en Suède, appella le roi Alric en duel, fut
bleffé du premier coup,tua fon ennemi du fécond, &
pour prix de cette viâoire, reçut des mains de Frothon
la couronne de Suède. Il ne fut point ingrat, il
fecourut ce prince contre les Norwégiens, & lui
fit remporter une viéloire éclatante, lui donna les
confeils les plus fages, & du fein de fes états, gouverna
encore ceux de fon bienfaiteur. Il avoit un
frère nommé Roller. Celui-ci donnoit des efpérances
affez belles", mais inférieures à celles qu'Eric avoit
déjà remplies. Frothon entreprit de le placer fur le
trône de Norwége, & réuflit ; mais bientôtfes fujets
fe foulevèrent. Frothon marcha à fon fecours
avec une armée navale, engagea une aélion générale:
la victoire balança long- temps ; ellepenchoit
vers les Norwégiens lorfqu’E/ic parut avec quelques
vaiffeaux, & mit les Norwégiens en fuite.
Cependant Frothon mourut, & Eric n’eut pas pour
les fuccefleurs de ce prince tout le refpeél qu’il
avoit eu pour lui-même: fous Harald II il fit une
irruption dans le Danemarck, conquit ce royaume
en peu de jours, & le perdit plus rapidement encore;
il reparut, tomba dans une embufeade, fut
pris les armes à la main. Le vainqueur offrit de lux
laiffer la vie & de lui rendre fes états s’il vouloir
lui payer tribut, & fe reconnoître vaffal de fa couronne.
Eric préféra la mort à l’ignominie; Harald
le fit expofer dans un bois aux bêtes féroces, qui
le dévorèrent. Telle fut la fin de cet homme étonnant,
dont l’hiftoire eft trop reculée dans les fiècles
de barbarie, pour que tant d’aventures fingulières
puiffent mériter une croyance aveugle. (A / , de Sacy.}
Er ic IV, roi de Suède, étoit fils d’Agnius ; il lui
fuccéda l’an 188 de l’ère chrétienne ; s’il eût été feul
fur le trône , il pouvoit être un grand prince; mais,
il fut forcé de partager le pouvoir fuprême avec