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CONRART (Valentin) {Hif!, litt, siodf).
J'imite de Conrart le fllence prudent»
fl dit Boileau. Ce vers a beaucoup pins de fens
que le poëte n’a prétendu en mettre, il n’a voulu
que plaifanter fur la ftérilité de Conrart, qui,
étant fecrétaire de l’académie, n’avoit prefque point
é crit, & n’avoit pas même publié fous ion nom
le peu qu’il avoit fait. Ce vers devient un bien
grand éloge de Conrart, quand on fait que c’étoit
le plus fûr comme le plus fidèle des amis, & que
les fecrets de fes amis étoient mieux cachés dans '
fon fein que dans le leur. Diftingué par un grand
nfage du monde, jamais il ne fe permit une légèreté.
Tous le confultoient, tous lui confioient
tou t, tous trouvoient en lui des refTources utiles,
& un fecret inviolable. Il fut le premier fecrétaire
perpétuel de l’académie françoife, & il doit irre
regardé comme le père de cette compagnie. Conrart
étoit parent du fameux Godeau , depuis évêque
de Graffe & de Vence. .Quand Godeau venoit à
Paris, il demeuroit chez Conrart, & celui-ci af-
fembloit fes amis , tous gens de lettres & gens
de goût, pour entendre 8c juger les vers de l’ab-
ké Godeau. Voilà l’origine de l’académie ; c’eft
-cbez Conrart, c’eft parmi fes amis que le cardinal
de Richelieu alla la prendre pour en faire un
corps dans [l’état 8c répandre fur elle les grâces
du gouvernement , 8c l’hiftorien obferve -.
que les premiers académiciens, au milieu de cet
éclat nouveau, dont la faveur déclarée d’un mi-
niftre tout-puiffant les faifoit briller, regrettoient
ce temps où ils s’afTembloient volontairement chez
leur ami, par le feul attrait de la liberté & de
l’amitié, fans aucune chaîne de devoir ni de re-
connoifîànce.
Puifque i’occafion s’en préfente, nous nous permettrons
ici une réflexion affez importante. On
lit dans cette même hiftoire de l’académie, que
le cardinal de Richelieu offrit aux premiers académiciens
des lettres de nobleffe pour eux & leurs
fucceffeurs à perpétuité, & qu’ils les refufèrent,
parce qu’ils prétendirent être tous nobles, 8c qu’ils
craignirent qu’on ne les crût tous ennoblis dans j
cette occafion. S’ils étoient tous nobles, c’étoit
l ’effet d’un hafard affez fingulier, car la nobleffe
ne s’étoit pas piquée jufques-là d’être l’ordre du
royaume le plus ftudieux & le plus lettré. Le
cardinal de Richelieu avoit très-bien vu qu’une
Compagnie qui alloit être l’élite des écrivains de
la nation, Sc devenir la récompenfedes plus grands
talens par Tadmiflion feule qu’elle en feroit, qui
d’ailleurs feroit fans ceftè occupée de tout ce que
les beaux arts ont de plus noble & de plus libéral
, étoit effentiellement aufîi noble que libre,
8c que cette nobleffe littéraire devoit être reconnue
dans toute la nation ; les académiciens au contraire
ne virent que leur petit intérêt individuel,
celui d'uns vanité perfonnslle que chacun d’eux
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pouvôît fatisfaîre en montrant fes titres, & " î î i
facrifièrent, autant qu’il étoit en eux , l’intérêt
éternel de leur poftérité académique. On ne fait
ce qui doit étonner le plus, ou que cette fottife
ait été faite , ou qu’elle ait été foufferte, & qu’ellé
ne foit pas encore réparée; que parmi tant de
miniftres, bienfaiteurs des lettres, à commencer
par M. Colbert, il ne s’en foit pas trouvé un
qui ait achevé fur ce point l’ouvrage du cardinal
de Richelieu. Les événemens poftérieurs ont rendu
cette grâce encore plus néceffaire & plus convenable
à la première académie du royaume. Un
corps qui a le roi lui-même pour feul proteâeur
immédiat, qui traite directement de fes affaires avec
fa majefté & en prend les ordres fans l’entre-
mife des miniftres, un corps qui a eu pour membre
un prince du fang, qui a continuellement pour
membres, 8c pour membres réputés tous égaux,
les premières perfonnes de l’état, qui attire à fes
affemblées, tant publiques que particulières, tous
les fouverains étrangers , qui partage avec les cours
fouveraines le privilège de haranguer le roi dans
les événemens publics, un tel corps doit-il avoir
8c eft-il décent qu’il ait des membres qui ne puif-
fent pas fortir de Paris fans être confondus parmi
le peuple ? Ajoutons que jamais grâce ne tirerci*
moins à conféquence oc n’augnaenteroit le nombre
des privilégiés d’une manière plus infeotible.
Revenons à Conrart. Ses ouvrages, peu nombreux
& peu célèbres , doivent tependant être
nommés.-Ce font des Lettres a Félihien; un Traité
de taElion de l'orateur, imprimé en i<86, fous
le nom de Michel le Faucheur ; des 'Extraits de Mar*
tial. Il mourut en 1675.
CONRINGIUS (Hermannus) (H i f i j i t t . mod.'),
profeffeur en droit à Helmftadt, homme favant
dans Thiftoirè 8c le droit public germanique, &
fort confulté de fon temps fur ces matières, qui
font celles fur lefquclles il a écrit. Ses ouvrages
ont été recueillis en fept volumes in-fol. à Brunes
wick, 1730.
CONSTANCE - CHLORE {Hifi. du Bas-Emp],
fils d’Eutrope & de Claudia , étoit petit-neveu*
par fa mère , de l’empereur Claude-Nle-Gothique,
On le furnomma Chlorus à caufe de la couleur
vermeille & fleurie de fon teint. Il fit fon appren-
tiffage d’armes dans les gardes du prince , qui, juge
8c témoin de fa valeur 8c de fa capacité , le nomma
tribun, &_lui donna bientôt après le gouvernement
de la -Dalmatie. On prétend que Carus ,
charmé de fon défintéreffement & de la douceur
de fes moeurs ,-eut une forte tentation de le dé-
figner fon fucceffeur, au préjudice de Carin fon
fils, dont il déteftoit les débauches. Dioclétien ,
qui l’avoit employé avec fuccès , le créa Céfar
conjointement avec Galère ou Galérius. Quoique
les deux nouveaux Céfars euffent été nommés le
même jo u r , Confiance eut toujours l’honneur du
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fcas, 8c fon nom eft le premier dans tous les mo-
«umens publics. On crut devoir cet égard à fon
privilège d’aînefTe & à l’éclat de fa naiffance. Sa
nouvelle fortune ne changea point fon caraélère
doux & bienfaifant. Il confèrva fa première fim-
plicité. Ses largefTes le rendirent pauvre, fi on
peut l’être quand on n’éprouve point de befoins.
Il regardoit l’amour des peuples comme le tréfor
inépuifable des rois. Quoiqu’économe , excepté
dans la diftribution des récompenfes, il foutint la
majeffé du trône, 8c flatta le goût du peuple par
des jeux 8c des fpeéfacles. Ce fut par le retranchement
des fuperfluités qu’il fournit à toutes ces
dépenfes , fans accabler les, provinces d’impôts.
Après la mort de Dioclétien & de Maximien, il
fe contenta des provinces qu’il avoit gouvernées
en qualité de Céfar. Par une défiance modefte
de fes forces, il refufe le département de l’A frique
8c de l'Italie, difant qu’on devoit mefurer
fofi ambition à fes talens. Sa domination fut ref-
lërrée dans les Gaules 8c l’Efpagne , dont il rendit
les peuples heureux , en leur faifant oublier qu’ils
avoient un maître. Galérius, qui h’avoit rien à
redouter d’un prince fans ambition, fe regardoit
comme le maître abfolu de l’empire. Ce collègue
impérieux ne le laiffoit vivre que parce qu’il
étoit convaincu de fa modération ; mais il ne
pouvoit lui pardonner d’être fon émule. Sa jalou-
fie , inquiète fans motif, s’étoit affurée.de fa fidélité
, en retenant, comme otage auprès de lu i,
fon fils Conftantin, qui donnoit les plus hautes
efpérances. Les maladies fréquentés dont Confiance
étoit attaqué difoenfèrent Galérius d’employer
le fer 8c le poifon pour jouir du pouvoir fans
partage. Son efpoir fut rempli» Confiance, jaloux
d’étendre les limites de l’empire, porta fes armes
dans la Grande-Bretagne , qui étoit déjà fous la
domination des Romains : mais fes anciens habi-
tans , appellés Piêles 8c Calédoniens, s’étoient réfugiés
dans la partie feptentrion^le, connue aujourd’hui
fous le nom d'Ecofie, où ils vivoient dans
une entière indépendance. Il remporta fur eux.
une pleine viâoire, dont fa mort, caufée par fes
fatigues, l’empêcha de tirer avantage. Il mourut
à Yorck en 306. Il avoit été nommé Augufte
une année 8c trois mois auparavant. En mourant,
il déclara Céfar fon fils Conffantin , q u i, dans la
fuite, fut furnommé le Grand. Il l’a voit eu d’Helène
fa première femme. Maximien l’avoit obligé de
]& répudier pour époufer Théodora fa fille. Quoique
ce prince fît profeffion du paganifme, il neper-
fécuta jamais les chrétiens, au contraire il les combla
de bienfaits, 8c les éleva par préférence aux premières
dignités. Il avoit en horreur les apoffats, difant
que ceux qui facrifioient leur dieu à leur fortune ,
étoient toujours difpofésà trahirleur prince. ( T-n )
C o n s t a n c e ( F l a v iu s -Ju l iu s ) , fils du grand
Conftantin , fut défigné fon fucceffeur pour régner
conjointement avec fes deux frères. Son père ,
par fon teftament, leur avoit encore affocié fes
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deux neveux ; mais le peuple , Tannée 8c le
fénat refufèrent de fouferire à fes dernières volontés.
Les neveux , dont les moeurs 8c les talens
donnoient les plus hautes efpérances, qui pro-
mettoient de rendre les peuples heureux, furent
inhumainement maffacrés par les foldats, qui ne
vouloient d’autres maîtres que les fils de Conftantin.
Les amis de ces deux princes innocens furent,
enveloppés dans leur ruine , 8c on laiffa leurs corps
fans fépulture. Les affafiTns exigèrent avec tant
d’infolence de Confiance le falaire de leur crime ,
qu’on le foupçonna d’être l’auteur de ce carnage.
Quoiqu’il y eût plufieurs empereurs , l ’empire n’a-
voit point encore été divifé. Les enfans de Conftantin
partagèrent le pouvoir, 8c fe rendirent in-
dépendans les uns des autres. Confiance eut la
Grèce , l ’Afie 8c l’Egypte. Les erreurs d’Arius
avoient rempli la capitale & les provinces de
diffentions civiles. Quoique Confiance favorifât
ouvertementles partifansde cet héréfiarque , il rap-
pella dans leur fiège tous les évêques éxilés. Atha-
nafe fut rétabli dans l’églife d’Aléxandrie , 8c Paul
dans celle de Conftantinople. Tandis qu’il calmoit
les fureurs religieufes, les Perfes-, après avoir paffé
le Tigre, s’étoient rendus maîtres de l’Arménie ,
dont ils avoient chaffé le roi , allié 8c ami des
Romains. Confiance marcha contre eux ; 8c quoique
fon armée eût fecoué le joug de l’obéiffance ,
iî obligea Sapor à rentrer dans fes états , où il
eut bientôt réparé fes pertes. Deux ans après, il
reparut avec des forces fupérieures dans les provinces
de l’empire. Vainqueur dans ces combats f
il feroit refté le dominateur de l’Orient, fi les
barbares, voifins de fes états, ne Peuffent rap-
pellé pour les défendre. L’Occident étoit également
ébranlé par des tempères. Magnence, qui de
fimple foldat étoit parvenu au commandement des
armées, profita de l’amour des foldats pour fe faire
déclarer empereur. Vitranion fut proclamé le même
jour par les légions de Pannonie. Conftans 8c le
jeune Conftantin furent dépouillés de leurs états.
Leur frère Confiance quitta l’Orient pour venir à
leur fecours. Vitranion, trahi par fes foldats, fe
fournit à la clémence de fes maîtres offenfés. Confia
tance eut la générofité de lui pardonner ; il lui
afligna même un revenu fuffifant pour fubfifter
honorablement. Le vainqueur tourna enfuite fes
armes contre Magnence, qui fut vaincu en Efpagne.
Il leva une nouvelle armée dans les Gaules, où
il effuya une fécondé défaite. Alors craignant ude
tomber au pouvoir de Confiance, il fe donna la
mort. L’empire, qui avoit été divifé , fut réuni
fur une feule-tête. Confiance fe tranfporta à Rome
pour y recevoir les honneurs du triomphe. Quoiqu’il
y témoignât beaucoup d’égards pour les ha-
bitans , il aigrit les efprits par fa complaifance
pour les adorateurs des faux dieux. Il permit qu’on
relevât dans la falle du fénat l’autel de la viâoire.
Les privilèges des veftales furent maintenus dan*
leur intégrité. Il revêtit du facerdoceles païens le»