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fi une neige abondante, qui rendoit les chemins
prefque impratiquables, n’eût obligé le pape, à peine
forti de Saint - Félix , de retourner fur Tes pas.
Bayard défefpéré de voir qu’il lui échappoit,le pour-
fuivit jufqu’à Saint-Félix: « fur le point qu’il arri-
» voit à Saint-Félix, dit l’hiftorien du chevalier
Bayard, » le pape ne faifoit qu’entrer dedans le
ai château, lequel, au cri qu’il ou yt, euft telle
» frayeur, que fubitement & fans aide, fortit de
» la litière & lui mefme aida à lever le pont, qui
t> feuft d’homme de bon efprit ; car s’il euft autant
»> demeuré qu’on meéfroit à dire un Pater nojler,
« il étoit croqué ” ,
Échappé à ce nouveau danger, il n’en prelTa»que
plus vivement le fiège de la Mirandole ; on le voyoit
plein d’une ardeur infatigable, accélérer les travaux
, drelfer les batteries, animer les foldats par
descarefles, par des menaces , partager avec eux
les peines & les périls ; il n’étoit pas loin alors de
quatre-vingts ans. La Mirandole, attaquée avec tant
d’impétuoüté, fut forcée de fe rendre. Chaumont
tomba malade, & fe voyant près de mourir, il
fentit quelque remords d’avoir fait la guerre au
pape , & lui en fit demander l’abfolution.
Le brave Buffy d’Amboife, dont nous avons rapporté
la fin tragique à l’article A njou, page320,
étoit de cette maifon d’Ambpife , mais d’une branche
diftinguée parle nom de B u s s y , comme celle du
cardinal & du maréchal l’étoit par le nom de Ch a v -
MONT.
CHAUSSÉE (Pier r e -Cl a u d e N iv e l l e d e l à )
[Hifl. litt. moi, ) , auteur d’un genre de comédies
qu’on a cru nouveau, & qui l’eft jufqu’à un certain
point, quoiqu’on en trouve des traces antérieurement,
& chez les anciens, & chez les modernes.
Les gens à préjugés, qui ne veulent voir que
ce qu’ils ont toujours vu , les ennemis des nouveautés
& des progrès de l’art & de la raifon, ont
cru décrier beaucoup ce genre, en l’appellant le
Comique larmoyant, & en obfervant que ce n’eft
pas le genre de Molière. Eh non ! ce n’eft pas celui
de Molière, e’eft un genre nouveau, c’eft une acqui-
fition dont la (cène s’enrichit, Tout genre, a dit M.
de Voltaire, eft bon hors le genre ennuyeux ; les
comédies de la Chauffée n’ennuient point, elles
touchent & elles ipftruifent, Mélanide, le Préjugé
À. la mode, VEcole des mères, l’Ecole des amis» la
Gouvernante, &c. font des pièces morales & touchantes
, aufli intéreffantes qu’eftimables, & qu’il
eft très-glorieux d’avoir faites. Il eft même glorieux
de les aimer beaucoup, c’eft une preuve de fenfibi-
lité, d’honnêteté , dont on fe fait g r é ,& on peut
«ire qu’au moins en morale^
C’eft avoir profité que de favoir s’ y plaire.
M. de la Chauffée ne manquoit pas non plus de
difpcfition pour le çomîque plaifant ; on en trouve
des traits fort heureux dans fes comédies même tou-
jphajitçs, npus ne devons pas dédaigner d’obe
h a
ferrer que la plus plaifante, fans comparatfofl, de
toutes les pièces des étrennes de la Saint-Jean, les
Mémoires du préjîdent Guillerin font de la Chauffée,
Nous ne diflimulerons pas non plus une chofe qui
doit faire bien de la peine à tous les honnêtes gens*
Des éditeurs indifcrets Ont mis dans le recueil de
fes oeuvres une pièce, un monument de baffeffe 8t
de cruauté, où l’auteur ne rougit pas d’infulter à
la mifère des citoyens ruinés par les révolutions
à jamais déplorables du fyftême. Il trouve que c’eft
fort Bien fait d’avoir pris à ces malheureux tout leur
bien. Jamais on n’a vu un tel fcandale dans nos
lettres françoifes; jamais les plus vils infeâes de
la littérature ne fe font pas permis une adulation
fi monftrueufe. A quoi donc fervent l’efprit & les
talens, s’ils ne nous enfeignent pas à détefter l’in*
juftice, à plaindre le malheur, à refpeâer l’innocence
opprimée ? Croyons que l’auteur de tant de
pièces touchantes & vertueules ne s’eft point fouillé
d’un pareil opprobre, & que cette oeuvre de ténèbres
a mal-à-propos été inférée parmi fes oeuvres*
Reçu à l’académie françoife en 1736, mort eu
Ï754.
CHAZELLES (Je an -Ma th ie u d e) {Hifl. litt.
moi. ) , profeffeur d’hydrographie à Marfeille : il
étoit de l’académie des fciencesde Paris, & Fon*
tenelle a fait fon éloge. Ce qui le diftingue, ce font
fes voyages dans la Grèce dans l’Egypte , les
obfervations qu’il y a faites, les lumières qu’il en
a rapportées, la mefure qu’il a prife des pyramides,
fes remarques fur l’expofition des quatre cotés de
ces vaftes monumens aux quatre points cardinaux
du monde. Ce fut lui encore qui eut la gloire d’imaginer
qu’on pourroit fe fervir de galères fur l’océan ,
pour remorquer les vaiffeaux quand le vent leur
manqueroit ou leur feroit contraire, En 1690 £
quinze galères parties de Rochefort donnèrent ce
nouveau fpeâacle fur l’océan. Elles allèrent jufqu’à
Torbay, en Angleterre, & fervirent à la def-
cente qu’onüt à Tingmouth ; Chamelles y fit les fonctions
d’ingénieur, & eut le plaifir de fervir à-la-fois
en qualité de favant & en qualité d’homme de
guerre. L’ufage qu’il enfeignoit alors à faire des
galères dans l’océan étoit nouveau, mais l’intro-
du&ion de ces navires dans cette mer n’étoit pas
une chofe nouvelle. Dès l’an 15 13 , Prégent de
Bidoux, général des galères fous le règne de Louis
X II, avoit introduit des galères de la Méditerannée
dans l’océan, où on n’avoit pas cru jufqu«s-là qu’il
fût pofiible d’en introduire. Soiïs François I , elles
, furent plus d’une fois employées fur l’océan, & i l
y en avoit au combat naval de 1545 , contre les
Anglois.
On doit à M de Chamelles la plupart des cartes
qui çompofent les deux volumes du Neptune fa n -
cois; il a fervi aux progrès de l’aftronpmie, delà
géographie, de la navigation. Né en 1657, mort
en 1710 àLyon.
CHEFFONTAINES ( C h r ist o ph e ) à capite
fontium, 55e. général des eordeliers; nous n’en par-
C H E
ldns ici que pour obferver qu’il eft l’auteur d’un
livre françois, imprimé en 1579, fous ce titre:
Chrétienne Cotifutation du point £ honneur, fur lequel
la nobleffé fonde fes monomachies & fes querelles. Mais
comme on lifoit peu le françois alors, il le traduisit
en latin. Il fit quelques autres ouvrages de
fon état, & peu connus. Mort en 1595.
CHEMINAIS ( T im o l e o n ) {Hiß. litt, mod,),
jéfuite. Ses fermons ont la réputation d’être tou*-
chans ; on ne les lit plus guère depuis que Mafe
fillon a paru , & Bourdaloue lui-même ne fe fondent
plus que par la différence du genre. On le dit toujours
le premier des prédicateurs, comme Corneille le
premier des poètes tragiques, mais c’eft par l’habitude
de le dire, on ne le croit plus; c’eft Maf*
fillon qui obtient tous les fuffrages, & l’abbé Poulie
les entraîne. Le Père Cheminais mourut en 1689,
à trente-huit ans.
CHEMNITZ, Chemnitius (M a r t in ) {Hiß. litt,
mod.) , difciple de Melanchton , eft connu par fon
examen concilii Tridentini. Mort en 1586.
Bogeflas-Philippe C h em n it z , fon petit-fils , eft
auteur-d’une hiftoire en deux volumes in-folio, de
là guerre des Suédois en Allemagne fous Guftave-
Adolphe. Chriftine, fille de Guftave, en fut fi contente
, qu’elle annoblit l’auteur, & lui donna la terre
de Holftedt en Suède, où il mourut en 1678.
CHENU (Je a n ) {Hiß. litt, mod.'), avocat à Bourges
, puis à Paris , auteur des antiquités de Bourges,
& de la chronologie des archevêques de cette ville.
Mort en 1627.
CHEOPS ou C hem in s {Hiß. des Egyptiens),
fut le premier roi de la vingt-unième dynaftie: ce
prince, fans frein dans fes defirs, & fans pudeur
dans fes aétions, fut également l’ennemi des dieux
& des hommes. Tyran des peuples, il fe rendit
encore plus odieux par fes impiétés que par fes
vexations. Il ne vit dans fes fujets que les inftru-
mens de fes caprices & de fes extravagances ; il
leur fut défendu de travailler pour d’autres que
lui : il les employoit dans les carrières de l’Arabie
pour en tirer les pierres qui fervirent à bâtir une-
des pyramides, dont ont voit encore les débris dans
le défert d’Afrique, fur la pointe d’un rocher. Son
élévation étoit environ de cent pieds au-deffus du
niveau de la plaine : les Egyptiens furent moins
offenfés des travaux auxquels il furent affujettis,,
que des outrages faits à leurs dieux. Cheops ordonna
de fermer leurs temples, & tous les facrifices furent
abolis : ce fcandale auroit dû Soulever un peuple
fuperftitieux, mais les Egyptiens étoient trop avilis
pour punir l’auteur de leur dégradation : ce prince
facrilège, après avoir vécu abhorré , mourut tranquillement
fur le trône dont il avoit fouillé la ma-
jefté. ( T— N ).
CHEREBERT. Voye^ Ca r ib e r t .
CHERILE, C h er ilu s {Hiß. litt. anc.). Il y a eu
plufieurs poètes grecs de ce nom, entre autres deux,
l’un eftimé, l’autre décrié. Le premier étoit ami
d’Hérodote, Il célébra la vi&oire remportée fur
C H E n i
XerceS pâr les Grecs à Salamine. Les vainqueurs
en furent fi flattés, qu’ils donnèrent à l’auteur du
poème une pièce d’or pour chaque vers (le poëmO
apparemment n’étoit pas long) ; mais laiffons l ’or,-
& ne fongeons qu’à l’honneur, ils ordonnèrent qué
fes poéfies feroient récitées avec cèlles d’Homère.
Il refte des fragmens de ce poète dans Ariftote, dans
Strabon, dans l’ouvrage de Jofephe contre Apion.
Lyfander, général des Lacédémoniens, vouloir toujours
avoir avec lui Chérilus pour qu’il chantât fes
grandes allions, c’étoit s’impofer la néceftité d’en
faire.
L ’autre Chérilus n’eft que trop connu par le jugement
qu’en a porté Horace. Il eft pour lui le modèle
du mauvais ; il trouve qu’Alexandre déshonoroit fon
goût par le cas qu’il faifoit de ce poète, par le prix
qu’il attachoit à fes vers, & même qu’il en don-,
noit, car il les payoit très-cher.
S ic m ih i qui mu ltùm cejfat , f i t C h ctrilus ille ,
Q u is bis terve bonum cum rifu m iro r , & idem.
In d ig n o r.
G ra tiis A le x a n d ro re g i m agno f u it ille
Ch c trilu s , in c u ltis qui verfibus & m ale n a tis
R e t t u lit acceptos , regale numïfma , P h ilip p o t>
Idem rex il le , po'éma
Q u i tam rid icu lum tam c a r i p rod igu s émit
E d ic lô v e tu it , ne quis fe preeter A p e llem
P in g e re t , a u t a liu s L y fip p o duceret a r a
F o r t is A le x a n d r i v u ltum J îm u la n tia . Q u b d fi
Ju d ie ium fu b tile v iden dis attibu s 3 illu d
A d hbros & ad h a c m u f irum dona v o ca rts ,
B a o tum in crajfo jurares acre natum.
CHERON ( E l is a b e th - So ph ie ) ( Hifl. litt.
mod.), femme célèbre comme peintre & comme
poète. Madame Deshoulières, dont elle avoit fait
le portrait, a dit:
La lavante Chéron , par fon divin pinceau ,
Me redonne un éclat nouveau.
Sa réputation de peintre eft reftée plus entière que
celle de poète. On a d’elle des odes, dont plufieurs
ont été mifes dans le recueil des Poéfies chrétiennes
de le Fort. Une ode fur le jugement dernier, qui a fait
tant de bruit dans le temps, eft attribuée,par les uns,
à mademoifelle Chéron, par les autres, au Père Cam-
piftron, jéfuite. On a imprimé en 1 7 1 7 , avec la
Batracomyomachie d’Homère, traduite en vers par
M. Boivin le cadet, une petite pièce de mademoifelle
Chéron, qui a pour titre : Les Cérifes renverjées.
On dit que le célèbre Rouffeau ( Jean-Baptifte )
faifoit cas de ce petit ouvrage. Mademoifelle Chéron
avoit époufé un ingénieur du roi, nommé Le H a y ;
née proteftante , elle avoit abjuré. Elle avoit un
frère, Louis Chéron, bon graveur & bon peintre.
CHÉRUBIN (le Père C h é r u b in d’O r l é an s )
{Hifl ü t t , mod. ) , capucin, auteur de la Dioptriqus