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Scipion., l’art 547. Naiflânce , richéfles, força de
corps , beauté , taittns ; éloquence, lumières, Tite-
Live lui accorde tout.-
î ° . Un autre Publius Licinius Crajfus, pareillement
conful & grand pontife & le premier grand
pontife auquel on ait donné un commandement
hors d'Italie, l’an de Rome sqo. Il alla faire la guerre
en Afie l’an i6 q , contre Ariftonicus, bâtard d’Eumè-
nés, roi de Pergame. On raconte de lui un trait de
fé véi itè qui eft bien dans les moeurs romaines.il avoit
chargé un ingénieur de lui envoyer le plus grand de
deux mâts qu’il avoit vus & qu’il lui defigna , il lut
déligna en même-temps l’ufage auquel J1 le def-
tinoit, il en vouloit faire un bélier. L ingénieur
envoya le plus petit, l’ayant jugé plus propre au
deffein du conful, Licinius, fans vouloir entendre
fes raifons, le fit battre de verges, difant qu’il lut
demandoit del’obèiffance, & non pas des confetls.
Etoit-ce juflice ou orgueil ? Ce feroit une grande
queftion de lavoir fi la difcipline , pouffée à cet
excès, feroit plus utile que nuifible. Licinius étoit,
dit Juflin, ïntentior attalicæ proedtz quant belhj il fut
battu & pris, & voulant éviter, la honte d’être livré
au vainqueur, il irrita un Thrace qui le gar-
d o it, en lui enfonçant dans l’oeil une baguette qu’il
avoit à la main; leThrace le tua.
•j" Un autre Publius Licinius Crajfus, conful,
qui fût battu parPerfèe fan 581 de Rome , & qui
lui refufa fièrement la paix. ;
40 Lucius Licinius Crajfus , l’orateur, fi vante
par Cicéron , fe fit connoître avantageufement à
vingt-un ans par i’accufatitm éclatante qu’il intenta
contre Carbon, & dans laquelle il reuffit. Sa timidité
penfa d’abord étouffer fes talens &fauverlac-
eufé- il- fe troubla, l’éloquence l’abandonna, &
il eût fuccombé avec honte, fi Quintus Maxmnis,
préfident dn tribunal, qui, à travers ion trouble ,
apperçut tout ce qu’il pouvoit devenir un jour , ne
fût venu à fon feconrs , en .remettant 1 audience.
Il lui relia de cette timidité une. inodeihe .interet
fente qui dîfpofoit favorablement pour lui l’auditoire,
mais jamais il ne fe préfenta pour parler en
public, fans pâlir & trembler. Sa conduite dans
cette accufation de Carbon, lui fit encore-plus
d’honneur que fon fuccês-. Un efclave de Carbon
vint apporter à Crajfus des papiers de~ fon maure
qui pouvoient fervir à fa convia.cn ; Crajfus,
indigné de cette trahifon, renvoya 1 efclave charge,
de chaînes à fon maître, avec le porte-feuille tout
fermé, & qu’ilne voulut jamais ouvrir. Il fut- con-
fnl l’an fix cent cinquante - fept de Rome; il eut
la foiblefle de demander les honneurs du triomphe
fans les avoir mérités, & le décrément de ne pou-
voir les obtenir.Gouverneur de la Gaule Ctfalptne,
il fit venir dans fon gouvernement, pour epter la
conduite, lé fils de ce Carbon,qu’il avoit fait condamner
; il lui affigna lui-même une place a coté
de lui fur fon tribunal, & ne voulut prononcer
ûu* aucune affaire qu?e a fa, préfençe. fous fes
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veux. Cenfeur, l’an 660 de Rome, il rendit avec
fon collègue Cn, Domitius Ænobarbus , contre 1 é-
tabliftement des écoles latines, une ordonnance
bien peu réfléchis, & dont 11 rapporte dans Cicéron
des raifons bien foibles. On lui a reproché un
luxe qu’on remarquoit encore alors. Il 'finit par une
harangue pleine, félon Cicéron, d’éloquence &
de courage contre le conful Philippe qui infultoit
le fénat. I l ia ta n q u àm cy cn ea fu i t d iv im h om in i s v o x
S- o ra tio . Il mourut pêu de jours après, fan de
Rome 661.
5°. P. C ra jfu s 8c fon fils aîné moururent viâi-
mes des fureurs de Marius, Le père aya'nt vu immoler
fon fils, fe perça lui même de fon épée.
6°. Le fécond fils échappa ; il fut non pas le plus
grand peut-être, mais le plus fameux de tous les
C r a j f u s , & c’eft le feul que ce feul nom de C ra jfu s
indique fans autre défignation. Il eft célébré premièrement
par fa richefie énorme & mal acquife :
Un Crajfus étonné de fa propre richelTe.
dit Catilina dans R om e fa u v é e . Cette richeffe étoit
telle, qu’il donna fans s’incommoder, un feftin
bublic au- peuple romain , 8c qu’il fit diftribuer à
chaque citoyen autant de bled que chacun pouvoit
en confommer en trois mois ; il ne regar-
doit comme riches que ceux qui l’étoient affez
pour pouvoir entretenir une armée de cent milia
hommes. Nous avons dit que cette richeffe étoit
mal acquife, elle provenoit en effet d’un commerce
d’efclaves & de la confifcation des prof-
crits, deux fources, l’une impure, l’autre odieufe.
Secondement, par fon triumvirat avec Cefat
& Pompée, où il ne joua pas un rôle beaucoup
plus avantageux pour la puiuance 8c pour la gloire,
que Lépidus dans le fécond, triumvirat, où il avoit
pour affociés Augufle & Antoine.
Troifiémement, par la guerre contre Spartacus
& les efclaves, où il fut toujours vainqueur dans
les combats qu’il livra en perfonne , quoique fes
lieutenahs aient été vaincus quelquefois ; il termina
heureufement cette guerre par mie bataille oùSpartacus
fut déiait & tué ; on ne lui décerna que
Y eva tion , parce que les vaincus n étoient que des
efclaves, mais ces efclaves avoient combattu en
hommes libres, & C r a jfu s avoit mérité le triom-
'phe; aufli mêla-t-on cette ovation de quelques
circonftances propres au triomphe ( an de Rome
: 681 ). te ëkUhmmt ,
Quatrièmement, enfin C ra jfu s en fur-tout ceie-
bre par la guerre malheureufe qu’il fit aux Partîtes ,
& dans laquelle il périt par trahifon, fan de Rome,
60Q ( V o y e { l’article A teius ; v o y t t j aufli l’article
Su r e n a , & l'article A ndromaQUE. ) U etoit
âgé lorfqu’il partit pour cette guerre ; en paffant
par la Galatie il vit le roi Déjotarus.. 3111, dans
une extrême vieilleffe , s’amufoit à bâtir: mi d e s
G a la t e s , lui d it- il, v o u s commence^ à b â tir l o r f q u i l
v o u s refie i p e in e u n e heure de j o u r y m a ts v o u s -
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prime, lut répondît Déjotarus, vous ne vous êtes pas
levé de trop bon matin pour porter la guerre cheç les
Parthes ; il ne J’y portoit encore que trop tôt.
La deftinée de Crajfus dans les' commencemens
de fa v ie , a de la reftemblance avec celle qu’é-
.p.ronva depuis le fameux maréchal-de la fo r c e ,
.échappé prefque miraculeufcment dans fon enfance
au maffacre de la faint Barthélemi, où avoient
péri fon. père & fon frère. Crajfus. avoit échappé
de même aux cruautés de Marius qui lui avoient
enlevé fon père & fon frère ; il s’étott enfuite fauve
en Efpagne, où fon père avoit autrefois commandé.
Le nom de Marius , plus redouté encore dans ce
pays qu’err aucun autre, l’obligea de fe cacher Huit
mois dans une caverne ; elle étoit fituéé dans les
domaines d’un ami de fon père, nommé Vibius; il
rifqua.de fe faire connoître à; lu i, il envoya un efclave
lui révéler le lieu de fa retraite, & lui demander
des vivres. Vibius , pour ne point l’expo fer,
s’abftint de l’aller trouver , mais il chargea un efclave
de porter tous les jours feerettement des vivres
dans un endroit qu’il lui indiqua , & de fe
retirer aufii-tôt lans.regarder ce qui arrive roi t. S’il
étoit exacl à obferver ces ordres, la liberté en feroit
le prix. Une prompte mort devoir être la peine
de la curiofité , de l’indiferétion ou de l’infidélité.
L’efelave fut fidèle ; Crajfus le voyoit de fa caverne
apporter ces vivres , il attendoit pour fortir & venir
les prendre , que Tefclave fe .fût retiré. Il ne
quitta.cette retraite que iorfque des cpnjcnâures.
plus, favorables le lui permirent. Sa vie fur un mélange
de malheurs & de profpérités, & fon caractère
un mélange dé grandes qualités & de foi.-
blefiès honteufes*
I! eut deux fils , Publius Crajfus qui périt avant
lui dans la guerre contre les Parthés , & Marcus
Crajfus qui fit la guerre avecfuecès aux peuples
voifins du Danube , & tua de fa i^in un roi des
Bafiarnes ; tous deux avoient ferviious Céfar , le
premier dans la guerre des Gaules , le fécond dans
la guerre civile.
CRATÈRE ( Hijl.. Grecq. 'J, un- des favoris &
des principaux capitaines d’Alexandre. En quel fens-
faut-il entendre ce que ciifoit ce prince :. Ephefiion
aime en moi Alexandre', Cratère aime le Roi Ü Ce
mot, dans un fens a fiez naturel,, pourroit confondre
Cratère dans la foule des conrtifans qui n’aiment
que le Roi, ceft-à-dire le maître qui peut les enrichir
& les élever, & qui fe fondent fort peu de
fa perfonne. Alexandre efiimoit trop Cratère pour
penfer ainfi. Il entendoit qu'Ephefiion l’aimoit
plus d’égal à égal, & Cratère plus de l’inférieur au
Supérieur, du Ai jet au Roi ;. qu’Epheflion étoit plus
attaché à fa pêifonne, Cratère plus jaloux dé fa
grandeur, plus zèle pour fa gloire; qu’Ephdtion
deüroit avant tout, que fon ami fût heureux,
Cratèret qu’Alexandre fut grand; c’étoit là en effet
le caraéfère de Cratère., toujours élevé, toujours’
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majeflueux comme fa taille & fon air. Après la
mort d’Aléxandre, il fut tué dans un combat con»
tre Eumenés.
Un Athénien nomme Cratère, avoit recueilli les
décrets de fes concitoyens, mais ce recueil n’eft
pas venu jufqu’à nous.
CRATÈS ( Hiß. Grecq. ), philofophe cynique,dif-
eiple de Diogène. Cette fecie prêtoit à la fingularité,
i &les caraéîères finguliers la choififibient par préfé-
: rence. Il fenible d’abord qu’elle demandoit un grand
courage, il en faut toujours pour renoncer aux commodités
de la vie & embraffer volontairement la
pauvreté; cependnnr ce.ne fc«t pas les privations
1 qui rendent la pauvreté fi difficile à fupporter, c’eft
l’humiliation qu’elle entraîne. Juvenal l’a bien v a ;
Hil habet infehx paupe'rtas düiius in fe
Quant' qued ridicules hoa.ines feeît.
Il eft, dur de devenir un objet de ridicule & de
mépris, fans l’avoir mgrité par aucune faute. C ’eft
donc dans le monde , au milieu de [’opulence, qu’il
étale & qu’il preferit, ou dent il preferit du moins
lapparencé jufqu’à un certain peint; c’eft-là-, qu’il
eft affreux, d’êire confronté avec toute fa miƒère,,
c’eft là qu’il faut du courage pour fupporter la pauvreté
, toujours méprifée ,. toujours imultée, même
fans intention ; mais quand cette bonté, qu’elle;
infpire naturellement,, fe' change en faftet, & ea
vanité
Quand ee.s hai-ltens , dépouilles délabrées ,
De l’indigence exéer-ables livrées ,
deviennent une affiche & une eiïfeigne, qnf attire
les regards des Rois & les refpe&s du peuple, ce
n’eft plus la pauvreté, c’eft une difpenfe heureufe
d’être riche, une difpenfe commode d’être eommej
les autres, e’eft une exception flarteufe, une dif-
tinélion honorable, un titre de gloire. Diogène
.pouvoit ne demander autre chofe à Aléxandre que
de n’être pas troublé dans la joviifiance du foleil „
toute autre jouifiance eût diminué fa confideration „
il pouvoit fouler aux pieds le fafte de Platon par
un fafte plus grand. Je vois ton orgueil à travers les
trous de ton manteau, difoît à un philofophe cynique,
un philofophe plus modefte. Quiconque exagère
veut être remarqué.. Ne nous étonnons donc:
pas que Ç ra te spour fe livrer tout entier à la phi-
îofophie cynique & n’être pas diftraît par des foins;
économiques , ait commencé par vendre fes biens;
& en diftribuér le prix à fes concitoyens , ©h qù’ifi
ait dépofé ce prix chez un banquier, aves ordre
de le-remettre à fesenfans, s’ils étoient infenfes*
c’eft-à-dii-e s’ils négligoient l’étude & la pratique de
îa philofophie, ou au public, s’ils étoient philofo-
phes , parce qu’alprs ils n’auroient belbin db rien»
Obfervons feulement, en palTanr, que cette difpofi-
tion prouve encore ce qui eft: connu cl’aiilearâ^