
çonné lui-même d’avoir empoifonné Colombule ÿ
maîtrefîe du r o i, il fut mis en prifon & traîné
devant le tribunal des fénateurs. C eu x -c i eurent
le courage de le trouver innocent, & de déplaire
au roi, qui avoit juré fa perte : ce prince appella
un ramas de payfans, qu’il paya pour être aufli
cruels que lu i, & qui ecndam nèrent T oberu à mort;
en vain la reine & toutes les dames de la cour fe
jettèrent aux pieds du roi pour obtenir fa grâce;
ce prince fut infléxible, l’arrêt fut exécuté, 8c la
nation , témoin de ce fpe&acle, trembla pour
l’avenir, 8c fe repentit d’avoir couronné Chrif-
tiem.
La haine du peuple parut peu l’inquiéter ; il ofa
même braver le clergé , s’emparer de quelques domaines
de l’églife,. faire arrêter l’évêque d'Oden-
fé e , 8c attirer des doéteurs évangéliques dans fes
états pour y prêcher la religion réformée. De nouveaux
impôts aigrirent les efprits ; Chrifiiern les
irrita davantage encore, en nommant fon barbier
à l’archevêché de Landen. Il n’eut pas plutôt placé
fa vile créature fur ce fiège fi refpeâé dans le Nord,
que , de concert avec le prélat, il s’empara de quelques
domaines du chapitre. Efclave de Sigebrite, il
commit toutes les violences que cette femme au-
dacieufe lui diéloit ; il lui en laiffa tout le fruit, &
ne s’en réferva pour luhmême que la honte. Les
efprits étoient tellement indifpofés, que Chrifiiern
auroit dû fentir qu’il s’expofoit à perdre le Danemarck
, s’il le quittoit pour conquérir la Suède. Ses
troupes entrèrent dans la Scanie; elles y portèrent
le ravage & la mort; avant de-faccager.une ville,
on faifoit afficher la bulle du pape qui autorifoit
ces horreurs , comme fi Chrifiiern n’eût été que le
miniftre des fureurs de là cour de Rome. •
Bientôt il pafla lui-même en Suède, alîiégea la
ville de Stockholm-, 8c força la veuve de l’adminif-
trateur à capituler. Cette femme, au-defîiis de fon
fexe par fon courage , avoit mieux défendu fa place
que les plus vieux généraux , & jamais Chrifiiern
ne s’en fût rendu maître , fi tous les habitans l’a-
voient fécondée; il entra donc dans Stockholm ,
y fut couro'nné, repaffa enDanemarck. Ce fut-là
que dans un calme fombre 8c terrible il médita fa
vengeance. Les perfides confeils de fes lâches favoris
échauffèrent fon reffentiment par degrés ; il
partit enfin l’an. 1 520, 8c reparut à Stockholm ,
cachant fous un air ouvert & affable le projet '
odieux qu’il rouloit dans fon ame. D’abord on veut
lui pa; 1er des fautes qu’avoit commifes l’archevêque
d’Upfal : il répond, avec une modeftie affectée
, qu’il ne veut point porter un regard audacieux
lur les affaires de l’églife , & que c’eft aux
çommiffaires nommés par le .pape à juger ce
prélat. .
Cependant il invite la veuve, de l’adminiftra-
teur & tous les fénateurs à une fête pompeufe :
ils y courent en foule; Chrifiiern les careffe ; mais j
au milieu des tranfports de joie où toute l’affemblée j
fe livre, le vifage dp roi change .de couleur, fes »
yeux s’allument, fon ame féroce fe montre fans
voile, il fait arrêter les-fénateurs, on les traîne à
l’échafaud, plus de foixante 8c dix magiftrats périrent;
bientôt les confuls eurent le fort des fénateurs
; les foldats devenus bourreaux, fe répandirent
dans les rues, pillant, brûlant, maffacrant,
8c firent de la ville un champ de bataille. La
veuve devoit être noyée, mais l’avare Chrifiiern
efpéra qu’elle racheteroit fa vie en lui découvrant
les tréfors que fon époux avoit laiffés, il la condamna
à une prifon perpétuelle ; tous les Suédois
frémiffoient, 8c les Danois étoient faifis d’horreur;
l’Europe étoit indignée; on prétend que la cour
de Rome- approuva tout ce que Chrifiiern avoit
fait.
Il retourna en Danemarck, amenant avec luî
Guffave Eric-Son, que fa fureur avoit épargné.
Sur fon chemin, il fit noyer des religieux qui
avoient caché leurs provifions pour les dérober
à l’avidité des foldats. La mère 8c la foeur de
. Guftave furent traitées avec barbarie ; tout trem-
bloit autour du roi ; il porta en Zélande la terreur
qui.l’accompagnoit. La crife étoit trop violente
1 pour durer long-temps, 8c l’inftant où la fervitude
d’un peuple devient plus dure, eft quelquefois celui
où il touche au moment de recouvrer fa liberté:
Chrifiiern affembla les états pour leur communiquer
les projets de guerre qu’il méditoit ; mais l’affemblée,
au lieu de s’occuper de l’exécution de fes ordres,
lui déclara qu’elle renonçoit à. l’obéiffance qu’elle:
lui avoit jurée; que par fes cruautés accumulées
il avoit: perdu tous fes droits au trôn e , &
que le Danemarck alloit fe choifir un nouveau
maître. Le -plus, furieux des hommes; devint alors
1 le plus foible. En horreur à fon peuple,.abandonné
par fes favoris, menacé par fes gardes mêmes,
il fe hâta de piller le tréfor roy al, & s’enfuit
avec fa famille; il effuya une tempête, & après
avoir .long-tems lutté contre les vents, aborda
dans les Pays-Bas l’an 1523, au mois d^avril; il
traverfa l’Allemagne .& alla chercher un afyle à la
cour de l’empereur fon beau-frère.
Si Chrifiiern n’eût été .que .malheureux, toute
l’Europe fe feroit intéreffeè en fa faveur; mais,
il étoit coupable, 8c il ne trouva que des proteâëurs
politiques qui cherchoient à lui rendre fes états
pour les partager avec lui. L’éleéteur de Brande-,
bourg fut de ce nombre ; il fit de grands, préparatifs
qui n’eurent que de foibles effets. Chrifiiern offrit
à Guftave de lui céder le trône de Suède, s’il
vouloit lui aid.er à remonter fur celui de Danemarck;.
mais Guftave .s’étoit déjà ligué avec Frédéric,
fucceffeur de Chrifiiern, contre cet ; ennemi commun.
L ’empereur fon beau-frère, qui d’abord avoit -
5 paru, époufer fa querelle avec beaucoup de chaleur,
s’étoit refroidi tour-à-coup, parce qu’il crai-?
gnoit d’attirer dans l’Empire toutes les forces du
Nord. La gouvernante des Pays-B^s • paroiflbit
feule fenfible aux malheurs. d,e.ce prince;, elle lui
prêta trçnte yaiffeaux; il mit .à la voile; mais-il
fembloit;
fembloit deftiné à être le jouet des vents. Un
orage engloutit dix de fes vaiffeaux 8c difperfa
le refte; il fut trop heureux d’aborder dans le port
de Bahus: cependant il trouva un parti en Nor-
wège, Sc fit quelques conquêtes. Les Dalécarliens
l’appelloient dans leur province; mais la nature,
toujours obftinée à lé perfécuter, lui oppofa des
neiges fur fon paffage ; il ne put y pénétrer, 8c
crut s’en dédommager par la prife d’Aggherus,
mais il fut contraint de lever le fiège de cette,
place. I
Turéjohanfon s’étoit attaché à la mauvaife fortune
de ce prince, parce qu’il n’en pouvoit trouver
une meilleure. Odieux à Guftave, qui laccu-
foit d’avoir trahi fes intérêts, fa conduite donna
les mêmes foupçons à Chrifiiern. Les malheureux
font toujours défians. Bientôt on accufa Chrifiiern
lui même de l’avoir fait affafliner. Si ce crime
eflr réel, ce fut du moins le dernier qu’il commit ;
abandonné par fes foldats, il fe livra de lui-même
aux généraux Danois : conduit à Copenhague par
l’évêque d’Odenfée, il y fut arrêté & renferme
dans le château de Sunderbourg, 1 an 1532.
Sa prifon fut long-temps étroite & rigoureufe.
La nation ne l’y oublia point; quelques provinces
fe foulevèrent en fa faveur : on vit même fe former
une ligue de plufieurs princes voifins; mais
la prudence de Chriftiern 111, qui avoit fuccédé
à Frédéric, fut difîiper tous ces orages. Il força
Chrifiiern à renoncer à tous fes droits fur le Danemarck
, la Suède 8c tous fes anciens domaines .*
alors il le fit transférer à Callembourg ; il lui laifla
dans cette retraite une ombre de liberté, & vint
même l’y voir., Chrifiiern y mourut 1 an 1558,
âgé de 70 ans. Le furnom de cruel qu’on lui donna
eût été peut-être un fupplice affez grand pour fes
crimes, fi la mort ne lui eût pas épargné 1 horreur
de s’entendre nommer ainfi. (Af. DE Sa c y . )
CHRISTIERN III ( Hifl. de Danemarck. ) , roi
de Danemarck. Les états généraux avoient promis
à Frédéric I de placer fa couronne fur la tete de
l’un de fes enfans; mais il leur avoit laiffe le choix
de fon fucceffeur dans fa famille, foit qu’il voulut
par cette conduite exciter les jeunes princes à fe
rendre tous dignes des fuffrages de la nation, foit
qu’il n’ofât exiger qu’elle réglât fon penchant fur
le fien. Cette difpofition fi fage en apparence,
alluma la difeorde dans la famille royale 8c dans
- l’état. Le roi laiffoit deux enfans de fon premier
mariage, Chrifiiern 8c Dorothée I ; & du fécond
trois flls & trois filles, Jean, Adolphe & Frédéric,
Elifabeth, Anne & Dorothée II. De tous ces princes,
Chrifiiern- 111 étoit feul dans l’âge de régner. Il
avoit déjà gouverné avec fageffe les duchés de
Slefwigh 8c de Holftein; Qn vantoit par-tout fa
biénfaifance & fon courage; l’expérience avoit en
lui devancé les années; mais il avoit protégé le
hithéranifme qui commençoit à faire res progrès
rapides dans le royaume. Le clergé fe déclara
çontre lui ; une partie des évêques fe rangea du
Hifipire. Tome. II. Première Partie,
parti de Jean, enfant de huit ans; l’autreappelJoit
au trône Chriftiern II, tyran détrôné, quMan-
guiflbit dans les fers, 8c dont le coeur n etom
point changé, même par la mauvaife fortune. Tels
furent les concurrens qui partagèrent les fuffrages
des états-généraux affemblés à Copenhague en
1533. La nobleffe, dont le crédit, à la faveur des
nouvelles opinions, commençoit à balancer celui
du clergé, formoit en faveur du duc Chrifiiern
un parti puiffant. L’éleâion avoit été differee
jufqu’à l’année fuivante, parce que la ville de
Lubec, qui afpiroit à l’empire de la mer Baltique ,
8c qui méditoit la chûte de Guftave , roi deSuede ,
avoit affocié à fes deffeins ambitieux plufieurs
provinces du Danemarck. Le duc qui
à fe faire de Guftave un proteéleur contre Chril-
tiern II, afliégea la ville de Lubec. Ce fut pendant
ce fiège que les états de Jutland, de Holftein
8c de Fionie proclamèrent Chrifiiern III. Il vint
recevoir la couronne à Horfens. Il promit de con-
facrer au bonheur 8c à la gloire de l’etat fon
repos, fes richeffes 8c fon fang, de conferver les
î privilèges de tous les ordres de l’état, 8c de maintenir
avec autant de zèle les poffeffions de fes
fujets que les fiennes ; il députa enfuite vers Guftave
pour l’engager dans fes intérêts;.tout con-
couroit à affurer le fuccès de cette négociation,
la haine trop jufte que Guftave portoit à Chriftiern
I I , fon perfécuteur, que Chriftophe, comte d O ldenbourg,
vouloit rétablir fur le trône, 8c fes reffen»
timens contre la république de Lubec qui avoit
juré fa perte. Guftave arma en faveur de Chrifiiern
I II: la reine Marie, gouvernante des Pays-Bas,
fit aufli de grands préparatifs contre la ville de
Lubec, dont le commerce balançoit celui de la
Hollande. Cette ligue engagea le comte d’O ldenbourg,
la ville de Lubec 8c le clergé de Danemarck
à confirmer, par de nouveaux fermens,
celle qu'ils avoient formée contre Chrifiiern I I I .
Le comte avoit déjà fournis la Zélande, il étoit
entré dans Rofchild fans coup férir, l’archevêque
d’Upfal avoit reçu de fes mains l’évêché de cette
ville, les portes de Copenhague lui avoient été
ouvertes après un fiège peu meurtrier ; fes bienfaits
lui avoient conquis la ville de Malnioe,
8c la Fionie trembleit fous fes loix; fes fuccès
effrayèrent le nouveau roi : pour avoir un ennemi
de moins à combattre, il ménagea une trêve entre
la république de Lubec 8c les habitans du Holftein;
la fortune changea, le Jutland fe fournit,
Albourg fut emporté d’affaut,le comte d’Oldenbourg,
qui étoit trop fage pour ne pas fe défier
de la rapidité de fes propres fuccès, demanda
une entrevue : elle fut fans effet, parce que Chrifiiern
I I I ne vouloit rien céder à Chriftiern I I , 8c que
le comte ne vouloit laiffer à Chrifiiern I I I que le
Holftein 8c le Jutland.
On ne fongea donc plus qu’à pouffer la guerre
avec plus de chaleur. Le parti de Chrifiiern étoit
peu nombreux; mais il étoit plutôt compofé d’amis