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s’avance armé de toutes pièces, & met hors de fou
cafque fa barbe longue & blanche pour être reconnu
des Tiens pendant la charge. Le combat
fut long & opiniâtre ; Jl’ufurpateur périt d’un
coup de lance que lui porta le roi, ou, félon
d’autres, d’un coup de fabre que le comte Fulbert
lui déchargea fur la têfie. La mort du chef
donna une nouvelle ardeur aux rebelles. Hugues
, fbn fils, fe met à leur tête, défait & taille
en pièces l’armée royale. Charles, accablé par
tant de revers , recourut à la négociation ; mais
Hugues, qui en craignoit les fuites , en ‘interrompît
le cours, & fit procéder à une nouvelle élection.
Ce comte, qui eût mérité le nom de Grand que
lui défera fon fiècle, s'il eût combattu pour une
meilleure caufe, parut plus jaloux de difpofer de
la couronne que de la porter. Il envoya demander
à E mine, fa foeur, femme de Raoul, duc
de Bourgogne, lequel elle aimoit mieux voir roi
de lui ou de fon mari ? & fur ce quelle répond
it, qu’elle aimoit mieux embraffer les genoux
d’un époux que d’un frère , Raoul fut couronné
& facré dans l’églife de S. Médard de Soiffons.
Le roi paffa aufli-tôt la Meufe ; il fe retiroit en
Aquitaine, lorfqu’un traître vint lui porter le dernier
coup. Herbert, tel étoit le nom du perfide,
lui députa quelques feigneurs, & lui fit dire qu’il
pou voit encore lui faire rendre la couronne. Il le
prioit de venir à Saint-Quentin dans le Verman-
dois. Charles avoit été trahi tant de fois , qu’on
eut peine à le perfuader; mais réduit à ce point
où la mort lui fembloit un bienfait , il fe laiffa
conduire par-tout où on jugea à propos de le mener.
Herbert ne l’eut pas plutôt en fa puiffance,
qu’il feignit de lui rendre tous les devoirs de
fujet. Il fe jette à fes pieds, embrafle fes gertoux;
& fur ce que fon fils recevoit debout le baifer
du r o i, il lui donne un grand coup far l’épaule ;
Apprenez lui dit-il , que ce ri'e fi pas ainfe que Von
reçoit le baifer de fon fouverain , de fon feigneur.
Ces témoignages de refpeâ firent renaître l’efpé-
rance dans le- coeur du roi. Herbert n’en uloit
de la forte que pour l’engager à renvoyer fes
gardes ; Charles y confentit volontiers ; mais au
lieu d’un royaume, on ne lui donna qu’une pri-
fon. Le traître le conduifit au Château-Thierry,
d’où il ne fortit dans la fuite que pour confirmer l’u-
furpation du duc de Bourgogne. Raoul, qui vouloit
un titre plus légitime que le fuffrage des feigneurs,
l’engagea à renoncer à tous fes droits en fa fav
eu r , & lui donna, par une condition du traité,
le bourg d’Attigny en échange de la couronne.
Flodoart ne fait aucune mention de ce traité.
Suivant cet auteur, le foi ne fortit de fa prifon
que par un mécontentement de Herbert, & y
rentra prefque auffi-tôt, l’ufurpateur ayant défariné
le comte en lui donnant la ville de Laon. Il
eft peu important de favoir lequel dés deux fen-
timens eft préférable. Le fort du monarque n’en
fut pas plus heureux, ni le procédé des feigneurs
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plus excufable. Il mourut l’année 93'd, là cinquantième
de fon âge ^ la vingtième de fon règne.
Il fut inhumé à Péronne, dans l’églife de Saint-
Fourci. Il eut le fort des rois détrônés par les
tyrans : perfécuté pendant fa v ie , il fut calomnié
après fa mort : fa fermeté , fa confiance,
fes foins pour le bien de l’état, fa valeur, qui lui
fit défier Robert , fa tendreffe pour fes fujet-s ,
qu’il eiribraffoit dans le temps qu’il en étoit trahi
, fembloient lui mériter un titre , finon glorieux
, au moins plus décent que celui de fîm-
ple, que l’injufte poftêrité ne fe laffe pas de lui
donner. Une chronique lui donne le nom de
faint : fa bonté, fa juftice,• fa patience dans le malheur
, lé lui ont effeéfvvement mérité- Il eut trois
femmes: la première , dont le nom efi ignoré,
donna le jour à Gifelle, mariée au due de Nor-
• mandie, qui la traita moins en roi qu’en tyran ;
Fréderune , la fécondé , mourut fans enfans ;
Ogine, la troifième, eut Louis, que fon fang &
fes malheurs appelloient au trône de France. (T—A .)
( Quoi qu'en dife M. Turpin , Charles-le-Simple
paroît avoir mérité ce titre.)
C h a r l e s V ( Hifl. de Fr. ) , fils & fucceffeùr du
roi Jean, étoitVâgé de vingt-fept ans lorfqu’il parvint
à la couronne. Le fur nom de fage, qui lui fut
donné par fes fujets , lui a été confirmé par la
pofiérité , qui feule a droit de juger les rois. Il efi:
le premier des fils de France qui ait pris le titre
de dauphin. Le commencement de fon règne fut
agité par la guerre qu’il eut à foutenir contre Charles-
le-Mauvais, roi de Navarre , qui formoit des prétentions
fur la Bourgogne , la Champagne & la
Brie. Cette querelle fut décidée par la bataille dé
Cocherel, entre Evreux & Vernon. Le captai de
Buch, général de l’armée Navarroife, fut défait &
pris prifon nier par le célèbre du Guefclin, le plus
grand capitaine de fon fiècle. Cet échec força le
roi de Navarre à foufcrire aux conditions qui lui
furent impofées. Il renonça jà toutes fes prétentions ;
on ne lui laiffa que le comté d’Evreux, qui étoit fon
patrimoine, & même on en détacha Mante & Meu-
lan; on lui donna pour dédommagement Montpellier
avec fes dépendances. La France étoit alors ravagée
par une foldatefque licentieufe , plus à redouter
dans la paix que dans la guerre. C ’étoient
les grandes compagnies qui, mal payées du tréfor
public , s’en dédommageoient fur le cultivateur.
Du Guefclin, pour en purger l’état, les conduifit
en Efpagne, où il dépouilla du royaume deCaftille
Pierre-le-Gruel pour le donner a Henri de Tranfia-
mare, frère bâtard de ce prince fanguinaire. Du
Guefclin, qui faifoit les rois, fut élevé à la dignité
de connétable de Cafiille.
Le prince de Galles fe déclara le protecteur du
roi détrôné qui s’étoit réfugié en Guyenne : il le
rétablit dans fes états ; mais Pierre, accoutumé à
violer les droits les plus facrés , fut bientôt ingrat
envers fon bienfaiteur,dont il fut abandonné. Henri,
foutenu de la France, rentre dans la Cafiille, dont
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il fait la conquête, & tue de fa propre mato Rerre-
le-Cruel. La révolte de la Guyenne donna naiffance
à une guerre. Les peuples de cette province ge-
midpntVous le fardeau des impôts, appellerent au
parlementdeParis, oùEdouard, comme vaffal dela
couronne, fut cité. Ce prince, trop fier pour compromettre
fa dignité, re&fa de comparons, & fur
ce refus, tout ce qu’il poffédoit en France fut déclaré
confifqué. Ce n’étoit point jiar des édits qu on
devoit efpèrer de fotimettre un prince qui avoit des
armées. D u Guefclin, plus puiffant que les menaces
ftériles d’un tribunal pacifique, eptra dans la Guyenne,
le Poitou, la Saintonge, le Rouergue, le Périgord
& le Limoufm, qu’il enleva aux Anglois. Cette
rapide conquête lui mérita l’épée de connétable de
France. Leduc de Bretagne , qui avoit embrafle la
caufe d’Edouard, fut déclaré rebelle par arrêt du
Parlement- Ces arrêts impuiffans étoient toujours
les premières armes qu’ on employoït; mais elles
ne frappoient que le plus foible, & leur pointe s é-
mouffoit contre le plus fort. Une treve conclue
■ avec l’Angleterre rendit à la France tout ce qu elle
avoit perdu fous le roi Jean. Les Anglois firent une
plus grande perte en perdant le prince de Galles,
Fefpéraftce de fa nation. La mort 1 enleva a l âge de
quarante-fix ans. E fe rendit à jamais célébré fous
le nom du prince noir: ce ne fut point la couleur
de fon teint qui le fit ainfi appeller, mais c eft qu il
lortoit des armes noires pour pàroître plus terrible.
mort du roi d’Angleterre facilita à Charles les
moyens d’achever la conquête de la Guyenne. Le
r o i, après avoir fait prononcer la confifcation de
la Bretagne, la réunit à la couronne pour crime
de félonie ; mais la France avoit trop d’embarras ,
& le duc étoit trop puiffant pour qu’on put reali-
fer cette réunion. La mort priva l’état de fon plus
brave défenfeur. Du Guefclin, dont la vie n avoit
été qu’une continuité de victoires, mourut âgé de
foixante-fix ans. La jufie reconnoiffance de fon
maître fit placer fes cendres à Saint-Denis, dans le
tombeau des rois. Sa mémoire fut refpeCteè des
ennemis qui avoient éprouvé fa valeur. Les capH
taines qui avoient appris à vaincre fous lui refila
fèrent l’épée de connétable, comme n’étant pas
dignes de la porter après un fi grand homme: il
fallut faire violence à Olivier de Cliffon, fon emule
de gloire, pour l ’engager à l’accepter, s
Charles V ne furvécut pas long-temps au héros
qui avoit fait fa gloire. Il avoit été empoifonne,
n’étant encore que dauphin, par le roi de Navarre,
Les médecins avoient arrêté les progrès du mal,
. fans en tarir la fonrce \ fa plaie fe referma, & (entant
fa fin approcher, il donna plufieurs édits pour
fupprimer quelques impôts dont le peuple étoit
fiirchargé. C’étoit faifir trop tard le moment de
(aire des heureux; mais on abandonne fans regret
le bien dont on ne peut plus jouir. Charles mourut
en 1380, laiffant une mémoire précieufe.
Ce prince, lent dans fes délibérations, ne prit jamais
de parti ayant d’ayojr çonfulté ceux qui pou-
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voient l’üclairer.' Mais trop inflruit lui-même pour
fe laiflêr gouverner, il pefoit les confeits, & ce
n’étoit qu’après un fëvère examen qu’il fe décidoit.
Quoique fon règne fut un règne de guerre, il ne
parut jamais à la tête de fes armées. Appréciateur
de fes propres talens, il eut le courage derecon-
noître la fupériorité de du Guefclin & de Cliffon
dans l’art de la guerre. E crut qu’il étoit aufli glorieux
de favoir choifir fes généraux que de remporter
foi-même des viftoires. Les différentes
guerres qu’il eut à foutenir contre les Anglois
fui firent fentir la néceffité de créer une marine.’
Le Seigneur de Couci fut le premier amiral qu’on
vit en France. Mais cet établiffement tomba dans
le dépèriffement fous les règnes fuivans, & ne fut
renouvellè-que fous le miniftère de Richelieu. Ce
fut Charles V qui fonda cette famcufe bibliothèque
du roi qui a reçu tant d’accroiffemens fous les rois
fes fucceffeurs, & fur-tout fous Louis XIV & Louis
X V . Le roi Jean n’avoit laiffé qu’une vingtaine de
volumes, & fôn fils en raffembla jufqu’à neuf cents.’
II eft vrai qu’ils étoient plus propres à arrêter les
progrès de l’efprit qu’à les étendre. La plupart trai-
toient de l’aftrologie, de prétendus fecrets magiques
& d’hiftoires fabuleufes & romanefques. Les écrivains
du fiècle d’Augufte & des beaux jours de la
Grèce n’étoient point encore tirés de l’oubli. Ce
fut Charles V qui donna l’ordonnance qui déclare
les rois majeurs à quatorze ans. Ce réglement
avoit befoin d’interprétation. Le chancelier de
l’Hôpital, fous le règne de Charles IX , prononça
que l’efprit de la loi étoit de ne point attendre
que les quatorze ans fuffent accomplis , & qu’il
fuffifoit qu’ils fuffent commencés. Cette décifion
a été refpeftée & a force de loi. Ce fut encore
fous oe règne qu’Aubriot, prévôt des marchands,
jetta les fondemens de la Baftijle. ( T—JV).
C h a r l e s V I ( Hiß, de Fr. ) , roi de France ,
naquit l’an 1367, de Charles V , fon prédèceffeur,
& de Jeanne, fille de Pierre I du nom, duc de
Bourbon. Il n’étoit âgé que de douze ans & neuf
mois lorfqu’il parvint au trône. Sa minorité fut
orageufe. Après bien des conteftations pour la régence
entre les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne
& de Bourbon, fes oncles, il fut décidé
par des arbitres, que la régence & la préfidence
feroient déférées au duc d’A n jou, & que les ducs
de Bourgogne & de Bourbon feroient chargés de
l’éducation du roi & de la furintendance de fa mai-
fon. Ce partage de l’autorité les rendit tous mé-
contens ; & lorfque la paix étoit dans l’état, U
maifon royale étoit en proie à une efpèce de guerre
civile: les exaftions du duc d’Anjou le rendoient
l’objet de l’exécration publique ; fa chût« fembloit
inévitable lorfou’il partit pour Naples, où il alloit
prendre poffelîton des états de la reine Jeanne, qui
l’avoit adopté. . .
Le premier événement qu offre 1 hiftoire militaire
de ce règne fut la fameufe viftoire de Rofebeclc
! fur les Flamands, qui s’étoient révoltés : on la di£