
davantage pour lui faire beaucoup d’ennemis dans
le clergé : auffi l’archevêque de Rheims, le TelLier ,
lui dit-il naïvement : vous alle% nous perdre.
Quant à fes ouvrages , nous avons parlé des
deux qui ont fait événement dans fa vie. Les
plus célèbres, après ceux-là, font le Traité de
l'Education des Filles. Les Dialogues des Morts. Le
traité de l ’Exigence de Dieu , établie pardes preuves
tirées de la nature. Les Dire étions pour la confidence
d'un roi , compofées pour l'infini âion de
M. le duc de Bourgogne ; des Dialogues fur l'éloquence
en général , & fur celle de la chaire en particulier
, Sic. Un homme du caraélere de M. de
Fénèlon ne de voit pas être favorable à la doctrine
desjanfénifles. Il écrivit contre eux : il trou-
v o i t , difoit-il, leur do&rine impitoyable & défef-
pérante. Dieu n'ejl pour eux que l’Etre terrible ; il
n’ejl pour moi que l'Etre bon : je ne puis me réfoudre
à en faire un tyran qui nous ordonne de
iharcher en nous mettant aux fers , & qui nous -
punit fi nous ne marchons pas.
Mais on peut croire qu’il étoit ferme fur l’article
de la tolérance ; il détefloit la perfécution
dont ces mêmes janféntftes étoient alors l’objet.
Soyons à leur égard , difoit-il , ce qu'ils ne veulent
pas que Dieu fait à l’ égard des autres , pleins de
miféricorde & a indulgence. On lui repréfentoit un
jour qu’ils étoient fes ennemis les plus acharnée:
c'ejl une raifon de plus , répondit-il, pour les tolérer
& leur pardonner.
Le charme le plus touchant de fes ouvrages ,
dit M. d’Alembert , » efl ce fenciment de quié-
n tude & de paix qu’il fait goûter a fon leéleur;
& c’eft un ami qui s’approche de vous, & dont
h l’ame fe répand dans la vôtre.’ «
Quant à fes ouvrages de littérature , quand
le Télémaque ne prouveroit pas à quel point
il étoit nourri des anciens , & combien la grande
manière d’Homère & la belle poéfie grecque lui
étoient familières, fa lettre à l’académie frân-
eoife fur l’éloquence fuffiroit feule pour dépofer
de fon goût & de fa fenfibilité. ( Vo y e z , à l’article
Démojlhène , comment il peint cet orateur
dans fes Dialogues fur l’éloquence.)
* FERDINAND I , roi de Caflille & de Léon,
{ Hift. d-Efpagne. ) troisième fils de don Sanche,
roi de Navarre, monta fur le trône de Caflille ,
en vertu du teftament de fon père , en 1035.
On crut, au commencement de fon règne, que
ce prince vivroit fans gloire , & rfauroit ni le
courage, ni la mâle fermeté de don Sanche. Le
roi de Léon , fon beau-frère, qui en. avoit cette
idée peu avantageufe, entra en Caflille à la tête
d’une armée formidable. Ferdinand , quoiqu’avec
des forces inférieures à celles de fon ennemi ,
montra qu’il favoit non - feulement défendre fes
■ états, mais encore conquérir ceux d’un prince
ambitieux. Le roi de Léon fut tué dans un ComM
bat , & perdant la viéloire avec la vie , fon
royaume devint une province de Caflille en 1038.
Ferdinand tourna enfuire fes armes contre les
Maures , qu’il vouloit chaffer de toute l’Efpagne.
Il leur enleva beaucoup de villes, Si pouffa fes
conquêtes jufqu’au milieu du Portugal. Il les auroit
pouffées plus loin , fi la mésintelligence que mirent
entre lui Si don Garcie , roi de Navarre , des
courtilàns perfides, vils & lâches adulateurs, nés
pour le malheur des rois & des peuples, n’eût
porté ces deux frères à tourner contre eux-mêmes
des armes qu’ils avoient rendues fi redoutables aux
infidèles. Ferdinand eut tout l’avantage de cette
guerre, & Garcie y perdit la vie. Sur la fin de
fon règne , il fut contraint de reprendre les armes
contre les Maures qui failpient des incurfions dans
fes états ; mais fes finances étoient épuifées par les
guerres précédentes , & il ne vo jloit pas charger
fes fujets de nouveaux impôts II engagea la reine
à facrifier fes pierreries fk les biens qu’elle polTé-s
doit en propre ,' au falut de la patrie. Avec ces
fecours , le roi leva une armée , tailla les Maures
en pièces dans plufieurs rencontres, & revint
chargé de gloire & de riches dépouilles, arrive à
Léon la veille de Noël , & meurt trois jours
après en 1065. Il avoir régné trente ans fur la
Caflille. L’année qui précéda celle de fa mort a
il avoit fait fon teflament, par lequel, contre
l’avis de fon confeil , il partageoit fes états entre
trois fils & deux filles qu’il avoit. Il donna la
Caflille à Sanche fon aîné, le royaume de Léoi*
& des Afluries à Alphonfe, la Galice & le Portugal
à Garcie; il afîùra à Urraque, l’aînée de
fes filles, Zamora avec fes dépendances ; & à
El vire fa cadette, Toro & le territoire qui en
dépendoit. ( L. C. )
F e r d in a n d I I , fils puîné d’Alphonfe VIII
e u t, dans le partage que le roi fon père fit de fes
états entre fes enfans, en 1145, le royaume de
Lé,on & la Galice ; mais il ne quitta la cour de
Caflille pour aller s’affeoir fur le trône de Léon ,
qu’à la mort d’Alphonfe , arrivée en i i «>7. Nè
avec un caraélère bienfaifant, généreux Si ami
de la juflice, il eût été un bon roi, s’il n’eût pas
eu la foibleffe de fe laiffer prévenir trop légèrement
par iesimprefîionsque lui donnoient lescour-
tifans qui l’entouroient. La modération dont il
ufa envers le roi de Portugal, fon beau - père *
devenu fon prifonnier , mérite de fervir d’exemple
à tous les princes qui fe trouvent dans les mêmes
circonflances. Le roi de Portugal étoit l’agreffeur :
fans avoir reçu aucun fujet de mécontentement
de fon gendre, il fit une inçurfion dans la Galice
, où il s’empara de plufieurs places. Ferdinand
vola au fecours de fes provinces , affiéga fort
beau-père dans Badajoz. Celui-ci fut bleffé & fait
prifonnier dans une fortie. Ferdinand le traita avec
avec les égards les plus diflingués, lui offrit 1»
paix , & ne demanda pour condition que la
reflitution des places envahies. Il mourut en
1188.
F e r d in a n d III , fils d’Alphonfe IX & de
Bérengère , infante de Caflille, & foeur du roi
Henri I , monta fur le trône de Caflille par l’abdication
volontaire de fa mère en 12 17 , & fur
celui de Léon par la mort de fon père en 1230.
Coufin - germain de S. Louis , roi de France, fon
zèle pour la religion & fes autres vertus chrétiennes
l’ont fait mettre, comme lui , au rang
des faints , quoique le bref de Clément X , qui le
canonifa, ne permette qu’aux fujets de l’Efpagne
d’en faire la fête. Les fages loix qu’il fit, le code
dans lequel il raiîembla celles de fes prédéceffeurs,
la fermeté avec laquelle il réprima la tyrannie
des grands qui opprimoient les petits, fon amour
pour la juflice, l’établifîement du confeil fouve-
rain de Caflille, fes états purgés des brigands &
des voleurs qui y commettoient toutes fortes de
crimes,TEfpagne entière prenant une nouvelle
face par fes foins bienfaifans*, lui affirent une
place parmi les bons rois. Ses états accrus de
rès de deux tiers annoncent encore un héros,
lais le titre de conquérant n’ajoute point à la
gloire d’un roi chrétien & bienfaifant. Ferdinand II I
mourut en 1252 , lorfquil fe difpofoit à conquérir
le royaume de Maroc. ( L. C. )
F e r d in a n d IV, furnommé l’Ajourné, n’avoir
que dix ans lorfque le roi Sanche, furnommé
le Brave, fon père, mourut, & lui tranfmit la
couronne en 1295 » fous tutèle & la régence
de la reine dona Marie de Molina. Il fe ligua j
a vec le roi d’Aragon , pour s’emparer du royaume !
de Grenade, à la faveur des troubles qui l’agi—
toient. Lorfqu’il prit Gibraltar aux Maures, un
vieux officier farrafin lui dit : a Ferdinand , votre
« glorieux bifaïeul me chaffa autrefois de Séville ; ■
»> Alphonfe, votre aïeul, de Xérès; Sanche, votre
n père de Tariffe : vous me chafïez de Gibraltar.
» f e .m’en vais chercher en Afrique , dans ma
« vieillerie, un repos que perfonne ne troublera. ?>
Paroles pleines de feus qui font voir que les rois,
deflinesà faire le bonheur du monde, en troublent
fouvent la tranquillité par leur folle ambition.
Ferdinand I F etoit un prince violent, emporté ,
clefpotiquei. Alphonfe de Benavidès avoir été tué
a Palence , prefqu à la porte du palais du roi, d’où
il fortoit. Deux frères, nommés don Pèdre &
don Juan de Carvajal, furent foupçonnés de ce
meurtre, & arrêté? à Manos par ordre du roi,
qui, avant que de s’affurer de là vérité de ce crime,
les condamna à être précipités du haut d’un rocher
efcarpé. Ils eurent beau protefler dé leur innocence
, fe jeter aux pieds de Ferdinand, & lui
demander qu’il leur permît de fe jufiifier : le r o i ,
refufant de les entendre, ordonna que la fentence
nk executée fur-le-champ. Alors les deux frères 1
: fe relevant avec cette fierté affinée que donne
l’innocence, citèrent ce prince implacable à com-
paroître dans trente jours au tribunal du fouveraiti
juge des rois, pour y répondre de la mort injufie
à laquelle il les condamnoit. Ce fiècle étoit celui
des ajournemens, & le peuple y ajoutoit foi. Le
pape Clément V & le roi Philippe-le-Bel avoient
été aiflfi ajournés par le grand-n.aitre des templiers.
Quoi qu’il en foit , le trentième jour après la
citatioh des deux frères Carvajal, Ferdinand s’étant
endormi après fon dîner , fut trouvé mort lorf-
qu’on voulut l’éveiller , foit que fa mort fût
naturelle , foit que dans une coin remplie de
fadieux, de mécontens & de cônfpirateurs, quelqu’un
ofât profiter d'une erreur populaire pour
fe défaire du roi par lé poifon. Cette mort fubite
arriva le 17 de feptembre de l’année 1312. Ce
prince avoit vingt-fept ans. ( L. C. )
F e r d i n a n d V , dit le Catholique, fils de Jean II
roi d’Aragon , époufa , en 1469 , Ifabelle de Caf?
tille , foeur de Henri IV , dit VImpuiffdnt. Par ce
mariage il réunit la couronne de Caflille, dontïfa-
belie étoit héritière , au trône d’Aragon , fur lequel
il monta à la mort de fon pere : la réunion de ces
deux états forma une puifTance telle que l’Efpagne
n’en avoit point encore vue; & cependant trop
foible pour fatisfaire les vafles defirsde Ferdinand9
dont l ’ambition s’accrut toujours avec les conquêtes.
Alphonfe , roi de Portugal , prétendoit
difputer la Caflille à Ferdinand, ou plutôt à Ifà-
belle. La guerre décida cette querelle. Le roi de
Portugal , battu à Toro en 1476, fut obligé d’accéder
aux conditions d’un traité avantageux à
fon riv.il Huit ans de guerre mirent Ferdinand
en poffeffion du royaume de Grenade. Cette
conquête fut fuivie de celle d’une partie du royaume
de Naples & de la Navarre entière. Mais ces ufur-
pations remirent la gloire de fon règne aux yeux
de 1 équitable poftérirè. Ferdinand , ajoutant à tant
d états les cotes d’Afrique & un nouveau monde
découvert, fous fes aufpices , par Chriftophe Co-
lomb , elt moins grand à nos yeux que lorfqu’il
rend la force aux loix , punit les magiflrats prévaricateurs
, diminue les impôts, réprime l’br«uetl
indolent des grands , réforme le clergé &°cor-
rtge par de fages ordonnances les abus qui s’é-
rotent ghffés dans plufieurs parties de l’adminiftra-
tton. Il chaffa les Juifs d’Efpagne, en quoi fon zèle
trompa fa politique ; ce banniffement eut des
luttes fundtës. Ferdinand, appellé le Sage & le
Prudent en Efpagne , le Pieux &' le Catholique à
Kome, neut que le titre d'ambitieux & de perfide
en France & en Angleterre ; & un prince italien ,
Ion contemporain , difoit de ce monarque : « Avant
» que de compter fur fes promeffes, je voudrois
» qu il jurât par un dieu en qui il crût » On
ne-peut nier que fes bonnes & fes mauvaifes qualités
n’aient donné lieu à ces jugemens cUfférens.
Il mourut en 1516, *