
rivaux, d’attirer dans Ton parti les efprits îndif-
férens , d’enchaîner fes ennemis. Le grand moteur"
de tout dans la diète étoit l’argent. Il fut prodigué,
& les Saxons s’épuisèrent pour acheter à leur
prince une couronne, qui fit leurs malheurs &
les fie ns. Le palatin Potoski, qui srétoit déclaré
françois avec fa cabale, devint faxon, moyennant
trente mille écus. Mais malgré les largeffes de
l ’éleélenr-, l’abbé de Polignac trouva encore des
amis. Le prince Jacques , fils du feu ro i, le prince
deConti, Frédéric Augufle furent proclamés chacun
par leur fadion ; on négocia-, on fe tendit des
pièges , on cabala, on fut prêt à prendre les armes,
la nation rioit des efforts des prétendans , & faifoit
des chanfons, au lieu de fe choifir un maître.
Enfin le parti dlAugufle devint dominant : ce prince
promit de remettre la Pologne dans l’état de fplen-
deur où Jean Sobieski l’avoit laiffée, de payer la
iolde des troupes , & de reprendre fur les-Tartares
tout ce qu’ils avoient enlevé à la faveur des troubles
de la diète. Tout fe fournit, & dès l’an 1698, il
n’a voit plus de concurrens à fupplanter.
T l crut juftifier les hautes efpérances qu’il avoit'
données aux Polonois , en portant la guerre au feiri
de la Livonie qui étoit tombée fous la domination
fuédoife. Il méprifa la jeuneffe de Charles
X I I , qu’il,voyoit menacé à la fois par les Danois,
& les Mofcovites; il fe ligua avec eux pour l’accabler
, & cette conduite peu généreufe fut dans
la fuite la caufe de fa perte. Le jeune héros força
le roi de Danemarck à lui demander la paix, tourna
fes armes contre les Mofcovites, les tailla en pièces
fous les murs de Narva qu’ils afiiégeoient. Augufle
n’abandonna point le czar. Il refferra par un nouveau
traité l’alliance qui les unifient, marcha vers ;
la Livonie, fut vaincu , & vit les Suédois cori- j
quérir d’un pas rapide la Courlande & la Lithuanie.
La nobleffe polonoife avoit làiffé Augufle s’engager
dans cette guerre, réfolue de partager avec lui le
fruit de fes vi&oires , & de lui laiffer porter feul
le fardeau de fes difgraces. Il n’a voit combattu
qu’avec fes Saxons, & la république lui avoit
refùfé des troupes. Dès qu’on le vit malheureux
& vaincu, on déclara que cette guerre étoit étrangère
aux intérêts de la république ; qu’il falloir
fermer aux Saxons l’entrée de la Pologne ; & on
députa vers Charles XII , pour l’affurer que la
nation ne partageoit point l’animofité du roi contre
lui. Le jeune roi, qui nourriffoif contre Augujîe un
reffentîînent qui ne s’effaça jamais de fon coeur,
déclara qu’ri ne donneroit la paix à la république ,
qu’après la chute de fon ennemi, & que les Polonois
n’avoient qu’à détrôner leur roi, ou le défendre.
La nobleffe offrit en vain fa médiation ; l’empereur
ne fut pas plus écouté. Charles voiiloit dif-
pofer de la couronne, & faire la loi dans l’Europe.
Les plus profonds politiques ne pouvoient concevoir
cette prétention dans un prince à peine âgé
de vingt ans. Augufle tenoit des diètes, & décla-
zoit rebelles tous fes ennemis. Charles gagnoit des
batailles, prenoit des villes t 8c ne répondotf
qu’avec fon artillerie aux manifefles d'Augufte. Ce
prince fit cependant un coup d’état, ce fut d’enlever
les princes Jacques & Conffantin Sobieski, qu’il
fonpçonnoit de prétendre à la couronne. Alexandre
Sobieski lui donnoit encore de l’ombrage. Le refus
qu H fit de monter au trône ;diffipa ces alarmes ;
mais Charles y plaça Staniflas Leckzinski, palatin
de Pofnanie, qui fut élu l’an 1704.
Augujle affemblaun grandconfeil à Kamin, &
déclara Staniflas rebelle , tandis que le général
■ Lewenhaupt battoir les Saxons fur les bords de la-
Duna. Bientôt Charles parut à la tête de fon armée 5.
Augujle s enfuit à Warfovie , où on le reçut avec
cette pitié infultante , plus dure à fupporter que
le^ malheur même. Cependant Charles emporta
Leopold d’âflaùt, & Tarchevêqile de cette ville
fàcra le nouveau roi en 1705. La Lithuanie le
reconnut ; d’autrès provinces, par affeâion pour fa
perfonne, par la crainte de Charles XII, ou par
d’autres intérêts, fe fournirent à lui. Augufie affem-
bloit toujours des diètes, & prenoit toujours dans
fes manifefles le titre de roi, le feul bien qui Int
reftât en Pologne. Charles entra en- Saxe; Augufle-
députa vers lui pour lui demander la paix; le roi
de Suède exigea qu’il renonçât à la couronne'de
Pologne, & qu’il lui livrât le Livonien Patkul,
fon plus zele partifanr Augujle figna fon abdication ;;
Charles exigea: qu’il félicitât Staniflas fur fon avènement
au trône, & le malheureux prince obéit*.
Après s’être facrifié lui-même, il ne lui reftoie
plus qu’à facrifier fon ami. Patkul fut livré, &
alla mourir en Suède au milieu des fupplic es^Augiifle
fe renferma donc dans fes états ; mai»il ne perdit
nil’efpérance de'remonter fur le trône , nilecourage
deletenter. Charles s’achemina vers iaMofcovie , il
paffoit à quelques lieues de Drefde , & vint prefque
feul rendre vifite au prince qu’il avoit détrôné*!
Augufle n’ofa fe faifir de fa perfonne ; il implora-
même fa.clémence, & l’inflexible Charles lui fit
la loi jtifques dans fon palais. Charles pourfuivit
fa route , la bataille de Pultava fut l’écueil de fa
fortune ; il s’enfuit en Turquie. Augufle rentra
alors en Pologne ; il ne lui en coûta pas plus pour
renverfer Staniflas, qu’il n’en avoit coûté à
Charles XII pour le renverfer lui-même. Il, fut
reconnu & proclamé de nouveau par l’affemblée
de Thorn en 1709.
Le palatin de Kiovie voulut faire un effort en
faveur de Staniflas. Mais des débris d’un parti dif-:
fipé furent aifément écrafés. Staniflas, -prince phi-
lo fo p h e q u i avoit accepté la couronne fans la
defirer, ne voulut point être le fléau de fa patrie.'
Il engagea lui-même fes partifans à fe ranger
fous les drapeaux de fon ennemi, & alla en Turquie
pour preffer Charles XII d’abandonner le projet
de détrôner de nouveau fon concurrent. La mort
de Charles X I I , èn 17 18 , acheva de difliper les
inquiétudes que donnoit à Augufle la haine de’ce
jeune prince. Il ne fe croyoit point affuré dij
trône, tant qlie fon ennemi refpireroit. Staniflas
avoit renoncé à la couronne, mais Charles pouvoir
la placer fur une autre tête. Augufle fe hâta de
faire alliance avec la Suède , il fut reconnu par la
reine Ulrique , laiffa à Staniflas les honneurs & le
titre de ro i r e n d it aux partifans de ce prince leurs
biens & leurs charges; après la mort du primat,
il décora de cette dignité l’évêque de Warmie , 8c
lui dit : « vous favez quelle puiffance eft attachée
» à cette place , fervez-vous-en pour le bien de
« l’état, & ne faites rien pour mes intérêts qui
» foit contraire à ceux de la république. »
Malgré la foumiflion apparente des efprits,
'Augufle eut la douleur de voir la république refu-
fer fon ftiffrage au comte Maurice de Saxe, fon
fils naturel, élu duc de Courlande par les états du
pays. Ce prince voulut maintenir fon élection par
la force des armes ; 8c fon père, par complaifance
pour là nobleffe, fut contraint de fe fervir de
toute fon autorité contre un fils qu’il adoroir. Un
nouveau fujet de chagrin pour lui, fut la mort de
Jacques-Henri Flamming, le plus fidèle de fes
amis, fon confeil, fon guide , oc fon maître. Enfin
il mourut lui-même l’an 1733. Digne rival de
Staniflas, ce fut un prince doux, humain, fans,
fafte dans les fuccès , fans baffeffe dans Tadverflté,
courageux, mais peu aftif, plus fait pour. gouv
ern er des.états que pour les conquérir; fes peuples
auroient été heureux s’il l’eût été lui-même ; il pardonna
à fes ennemis, & même à Staniflas. Il fit ceffer
les perfécutions que le zèle intolérant du primat
faifoit effuyer aux proteftans. « Moniteur, dit-il an
primat, « je fuis le père de tous mes fujets; Dieu
» m’a fait roi pour les protéger, & je ne dois
m-point diftinguer les proteftans des catholiques.
» Je faurai maintenir leurs privilèges. C ’eft par
» notre charité qu’il faut leur prouver l’excellence
» de notre culte. » Un voyage qu’il fit au milieu
des rigueurs de l’hiver pour régler des affaires d’état,
accéléra fa mort. On voulut l’en détourner ; on lui
parla du péril où il expofoitfavie. «Je fais, répondit-
« il que la mort m’arrêtera peut-être en chemin ;
» mais entre l’intérêt de mes jours & celui de l’état,
» je ne dois point balancer. » (M. d e Sa c y ,')
FRÉDÉRIC I , dit Barberoujfe 8c le pere de la
patrie. ( Hifl. d’Allemagne') treizième roi ou empereur
dé Germanie ou d’Allemagne, (ce dernier
■ nom commençoit à fortir des limites de la Suabe)
depuis Corirad I , vingtième empereur d’Occident
depuis Charlemagne ; naît l’an 1 1 2 1 , d e Frédéric t
duc de Suabe, & de Judith Guelphe, fille de
Henri le noir, duc de Bavière ; fuccède à fon
père l’an 1147 ; eft élu empereur , le 4 mars 1152,,
après la mort de Conrad I I I ; meurt en 1190.
L’Empire, qui s’éroit affaiffé fous Lothaire I I
& fous Conrad I I I , fe releva tout-à-coup fous
Frédéric I. Jamais règne n’eut des commencemens
plus brillans 8c plus fortunés: il fut à peine monté
fu r ‘ le trône, que trois princes danois, Waldemar,
Canut (k Suénon, qui fe difputoient la
couronne, le choifirent pour l’arbitre de leur
deftinée. Suénon obtint la préférence : il mit fon
royaume fous la prore&ion de l’empereur & en
reçut l’inveftiture par l’épée, fuivant l’ufage de
la conférer aux rois : les ducs la recevoieht par
l’étendard , & les.évêques par le feeptre, depuis
le concordat de Henri V & de Califte II. Suénon,
après les cérémonies de l’inveftiture, porta l’épée,
de Frédéric, regardant comme un honneur de
faire les fondions de vaffal. L’empereur, jaloux
de conferver fes droits fur Rome, ou plutôt de*
reprendre ceux que fes derniers prédéceffeurs
jfembloient avoir perdus, y envoya des embaffàr-
deurs pour recevoir en fon nom la couronne
impériale. Ce fait, rapporté par Heifs, étoit une
innovation : on ne voit pas qu’aucun empereur
d’occident eut été couronné, par ambaffadeur : il
étoit occupé à pacifier l’Allemagne, troublée par
Henri-le-Lion, lorfqu’il apprit que plu fleurs villes
de Lombardie avoient formé une affôciation pour
fecouer le joug de fon obéiffance. Cette nouvelle
redoubla fon aélivité 8c lui donna des ailes : il
paffe les A lp e s , prend & rafe Tortone, fait
prendre treize officiers municipaux de Vérone,
pour avoir ofé lui fermer leurs portes ; allège,
Milan dont il brûle les faubourgs, 8c va à
Pavie où il fe fait couronner roi des Lombards.
Rome étoit toujours partagée en deux faâions
qui fe divifoient encore en plufieurs partis diffé-
rens, & fer voient d’ali mens aux difeordes des
villes & des familles. Adrien IV, voulant écrafer
la fjaâion qui lui étoit contraire, l ’appelle à fon
fecours, 8c va le recevoir à Sutrin. Le cérémonial
introduit par Lothaire I Im an q u a d’être un
obftacle à leur union ; mais Frédéric s’y fournit,
dans la crainte de révolter les efprits qui croyoienc
la religion intéreffée à avilir les empereurs. Les
Romains tremblans à fon approche lui envoient
une députation nombreufe , croyant faire leur
courI ils lui difoient qu’ils l’a voient fait leur
citoyen & leur prince, d*étranger qu’il étoit. Choqué
de ce compliment, il leur impofe filence par
cette fiêre réponfe : Charlemagne & Oihon vous
ont conquis , je juis votre maître. Adrien l’ayant
facrê & couronné dans l’églife de faint Pierre.
( 18 ou 28 juin 1 155, ) A revient en Allemagne,
& réprime les inalverfations exercées pendant
fon abfence. Le comte Palatin du Rhin 8c l’archevêque
de Mayence furent condamnés à la
peine de cynéphorie, pour s’être fait la guerre :
le Palatin fubit l’arrêt, mais l’archevêque obtint
gt-ace. Il obligea le duc de Pologne à lui livrer
fon frère en otage, & à payer le tribut de 500
marcs d’argent, auqueLfon duché étoit àffujettir.
L ’empereur fe rendit enfuire en Bourgogne; il
poffédoit. cette province du chef de Béatrix de
Bourgogne, qu’il avoit époulée l’année précédente
( i i j 6 ; ) des légats vinrent l’y trouver 6c
le prièrent de faire rendre la liberté à l’archevêque