
12$ C H I
tila ordonna l’expulfion totale des Juifs de fes
états, & cela , parce qu’il veut que tous Tes fujets
profeffent le catholicifme. Les auteurs de Y Hifoire
univerfelle, depuis Vorigine du monde jufqiià nos
jours, tome X X V I I I 9pag. $2, difent que l’on ignore
ii le* Juifs avoient donné lieu par quelque aétion
particulière à cette rigueur. Il nous femble que
cette obfervation n’eft pas bien réfléchie ;. car il
eft évident que fi les Juifs s’étoient attiré ce châtiment
par quelque aélion particulière, Chintila
auroit eu grand foin d’en faire mention dans fon
édit, puifque dans tous les temps on n’a jamais
manqué à juftifier les mauvais traitemens exercés
contre cette nation , par les crimes vrais ou faux
qu’on leur a imputés. D’ailleurs, Chintila annonçant
, par fon édit, qu’il n’expulfe les Juifs de
fes états, que parce qu’il veut que tous fes fujets
profeffent la religion chrétienne, il eft évident
que cette expulfion fut uniquement l’effet du zèle
outré du prince & de fon fanatifme. Cet édit fut
rigoureufement exécuté ; & quand il ne refta plus
de Juifs dans le royaume des Vifigoths , il y eut
à Tolède un nouveau concile, q ui, à la fuite de
quelques réglemens concernant lès affaires de l’état,
finit par faire des remerciemens au roi fur fa
conduite édifiante , & fur fa pieufe rigueur envers
lçs Juifs : les évêques affemblés lui rendirent
grâces au nom de toute la hiérarchie eccléfiaffique,
& le recommandèrent à la proteâiqn divine. Chintila
continua, dit-on, de gouverner encore quelque
temps, avec autant de modération que d’équité
, & il mourut vers le commencement de
l ’année 640 , au grand regret des Vifigoths, qui,
Tous fon règne, avoient joui d’une profonde paix.
w g
CHIRAC ( Pier r e ) ( Hift. mod. ) , un des plus
grands hommes dans la médecine, précepteur,
puis beau-père de M. Chicoyneau , eut fon élève
& fon gendre pour fucceueur dans la place de
premier médecin du ro i, qu’il avoir remplie après
M. Dodart, mort en-1730. En 172.8, il a voit obtenu
des lettres de nobleffe. M. Chirac étoit né
en 1650, à Conques en Rouergue , d’une famille
pauvre: il mourut riche, premier médecin du roi,
premier médecin de fon fiècle, & ayant eu la
fatisfaôion de tranfmettre fa fortune au fils de celui
qui en étoit l’auteur. Il avoit regardé comme une
reffource d’entrer dans l’état eccléfiafiique, & de
confacrer fes foins à l’éducation de M. Chicoyneau.
Le père de fon élève démêla le vrai talent
de Chirac ; il le détermina , par fes confeils, à
l’étude & à l’exercice de la médecine ; il fit ce
préfent au genre humain : idque pulcherrimum do-
num generi mortalium dédit. T a c . Il s’acquitta,. en
donnant fa fille au fils de fon bienfaiteur , & en
mettant fon gendre à portée de fuccéder à fa place
comme à fes biens.
M. Chirac fit révolution dans la médecine : il
introduifit l’ufage de la faignée du pied dans la
petite-vérole, ayant remarqué que dans ceux qui
c H o
} étoient morts de Cette maladie , il y avoit ihfiam.
! mation de cerveau, & que fi la faignée avoit fou-
vent cté fuivie de la mort, c’eft qu’on y avoit
toujours recours trop tard.
Il régla aufli la manière de traiter une autre
maladie du même nom. M. Silva difoit qu’il ap-
partenoit à M. Chirac d’être légiflateur en médecine.
M. le duc d’Orléans, bleffé dangereufement au
poignet à ce défaffreux fiège de Turin, étoit
fur le point de perdre le bras : M. Chirac imagina
de lui faire mettre le bras dans des eaux de Ra-
laruc, ce qui produifit une guérifon prompte, parfaite
& prefque miraculeufe.
M. Chirac & M. Chicoyneau (V o ir l’article
C hicoyneau ) , étoient perfuadés que la pefte
n’étoit pas contagieufe, idée qui fut très-utile aux
malheureux habitans de Marfeille, que M. Chicoyneau
alla traiter avec une confiance fondée
fur cette théorie. Quoi qu’il en foit, dit M. de
Fontenelle, « de cette opinion fi paradoxe, il fett
roit difficile quelle fut plus dangereufe & plus
» funefte aux peuples que l’opinion commune ».
M. Chirac réuffit à Paris à force de mérite , &
avec tout ce qu’il falloit pour ne pas réuflir. Il
parloit peu, féchement & fans agrément . . . . «il
» préfentoit aux malades , dans les occafions,
» l’idée défobligeante,quoique vraie, qu’il y avoit
» de la fantaifie & de la vifion dans leurs infirmi-
» tés ; il leur nioit fans détour jufqu’à leur fen»;
» timent même ; & combien les femmes, princt-s
v paiement, en devoient-elles être choquées 1 ....
» On n’arrachoit jamais de lui aucune complai-
» fance , aucune modification à fes décifions la-
» coniques. Heureux les malades , quand il avoit
» pris le bon chemin » !
Il avoit fuccédé, én 17 18 , à M. Fagon, dans
la furintendance du jardin du roi. Il mourut le 1
mars 1732..
CHIVERNI. Voyei Hurau l t.
CHOQUET ( Louis ) ( Hiß. litt. mod. ) ,
poète françois du feizième fiècle , auteur d’un
Myß'ere à perfbnnages & en v e r s , des aéles des
apôtres & de l’apocalypfe de faint Jean , repré-
fenté & imprimé en 1541 , ouvrage très-fingulier,
& dont Bayle donne un extrait plaifant dans fon
diâionnaire, à cet article Choquet.
CHOIN (M a x ie -Emilie Jo l y d e ) , d’une
famille noble, originaire de Savoie, établie en
Breffe : elle fut placée , vers la fin du dernier
fiècle, auprès de madame la prvnceffe de Conty :
elle vécut intimement avec le dauphin, fils de
Louis XIV. M. de la Baumelle dit qu’elle l’avoit
époufé fecrétement ; M. de Voltaire demande la
preuve de ce fait. Elle eft morte en 1744.
Un de fes parens du même nom , Louis-Albert
Joly de C hoin , évêque de Toulon , mort le 17
avril 1759 » a laiffé dans fon diocèfe une mémoire
honorée. On a de lui des Inßrutfions fur le rituel,
C H Ô
ouvrage utile pour les eccléfiaftiques, réimprimé j
à Lyon , 1778 , en trois vol. in-49.
CHOISEUL (Hift. de F r .) , grande & illuftre
maifon de Champagne , qui tire fon nom de la
terre de Choifeul en Bafiigny. Son origine eft le
fujet d’une difpute entre les- favans, ce qui n’arrive
qu’aux maifons dont l’origine fe perd dans
la nuit des temps. Le pèreVignier, jéfuite, croit
cette maifon defcendue de Hugues , comte de
Bafligny & de Bologne-fur-Mame , qui vivoit vers
l’an 937. Le Laboureur la croit fortie des anciens
comtes de Langres. il y a des raifons en faveur
de ces deux opinions ; d’un côté, le cri de guerre
des feigneurs de Choifeul étoit Bafjîgny ; de l’autre ,
les feigneurs de Choifeul étoient les premiers vaf-
fiiux du comté de Langres, & anciennement les
principaux fiefs des provinces étoient des démem-
bremens des comtés , donnés en partage aux enfans
puînés des comtes, qui les tenoient en fief de leurs
aînés..
Quoi qu’il eh fo it, les donations confidérables
faites dès le milieu du onzième fiècle,par Raynier ou
Regnier de Choifeul,& pendant le cours de ce même
fièele & des deux fuivans, par lès héritiers &
fucceffeurs 1 à l’églife de Langres & à diverfes abbayes
célèbres, en même-temps qu’elles établiffent
la filiation des feigneurs de Choifeul, montrent
quelles étoient dans les temps les plus reculés la
grandeur & la puiffance de cette maifon. Nullum
( genus) in Camp unis aut-antiquius, auï bellicofius,
aut illujlrius, dit l’épitaphe de l’évêque de Tour-
nay.
Mais de plus nobles avantages diftinguent encore
plus glorieufement cette maifon ; il en eft
deux fur-tout que 1 hiftoire doit remarquer :T’un
eft qu’aucune maifon françoife ne pourroit citer un
plus grand nombre de vidimes illuftres immolées
pour la patrie; on en compte jufqu’à vingt - huit
fous le règne de Louis XIV ; l’autre eft que dans
les difcordes civiles, qui en divers temps ont
affligé le royaume , on n’a jamais vu la maifon de
Choifeul être d’un autre parti ni avoir d’autres amis
ou d’autres enneinis que ceux de fes rois , avantage
dont peu de maifons peuvent fe vanter.
Nous ne parlons point des fervices récens rendus
dans les armées, dans les négociations & dan le mi-
niftère,par les chefs aéhiellement vivans de deux
branches de la maifon de Choijeul ; ces fervices
font préfens à tou; les efprits, difons mieux, à
tous les coeurs, & l’envie même ne nous accu-
feroit pas de flatterie, fi nous cédions au paifir
fi naturel de nous en entretenir ; mais l’hiftoire
n’aime à parler que des morts, c’eft fon domaine
favori ; une forte de pudeur & de fierté lui fait
craindre de paroitre , en louant les vV/ans, def-
cendre jufqu’au panégyrique ; nous ne ferons donc
ici qu’une réfléxion : les.miniftres qui ont fait de
grandes chofes, & qui ne font plus en place ,
peuvent jouir à-la-fois de leur vie & de leur mé-
C H O 127
moire, ils afliftent, pour ainfi dire, au jugement
de la poftérité.
Par le mariage de Rainard I IÏ,fire de Choifeul,
avec Alix de Dreux, petite-fille de Robert, tige
de la maifon de Dreux , fils puîné du roi Louis-
le-Gros & d’A lix ou Adélaïde de Savoie, la maifon
de Choifeul a l’honneur de compter parmi fes aïeux
ce même roi Louis-le-Gros, & tous les rois Capétiens
fes prédéceffeurs, & d’avoir , avec Louis
X V I , une origine commune & une parenté du
dix-huitième au vingt-unième degré. Regii quippè
Capetiorum fanguinis affinitate décoratum, dit l’épitaphe
de l’évêque de Tournay.
La feule énumération des feigneurs des diverfes
branches de la maifoq de Choijeul, qui ont bien
fervi l’état dans de grands emplois, qui ont même
verfé leur fang pour la patrie, donneroit à cet
article une trop grande étendue. Bornons-nous à
ceux que leurs fervices ont élevé ^ux honneurs
fuprêmes de la guerre.
Cette maifon avoit eu, avant ces derniers temps,
trois maréchaux de France; M. de Stainville ,
frère de M.'le duc de Choifeul, eft le quatrième.
Charles de C h o is e u l fut maréchal de France
fous Louis XIII.
Céfar & Claude fous Louis X IV.
Charles, & Céfar fon neveu, étoient de la
branche dé du Pleffis-Praflin.
Claude étoit de celle de Choifeul-Beaupré.
Nicolas de C h o is e u l , aïeul de Charles, fut
le premier de fa maifon qui porta le nom de du
Pleflis-Praflin. F erry, fils de Nicolas, & père de
Charles, fut tué à la bataille de Jarnac en 1569,
Ce fut au milieu des troubles civils que Charles
trouva d’abord l’occafion de fignaler fon courage ;
on le voit paroitre , pour la première fois, fous le
régné de Henri III , dans l’armée du maréchal de
Matignon, qui faifoit le fiège de la Fère en
Ifif!
La conduite de Prafîin , au milieu des troubles
de la ligue , fut celle d’un fiïjet utile & d’un fage.
Fidèle à fon .prince , à fa religion , à l’humanité ,
il vit avec horreur les injuftices, les violences ,
les perfidies employées à défendre une bonne
caufe ; il s’attacha toujours à maintenir l’ordre,
à calmer les efprits par-tciit où il exerça quelque
partie de l’autofité ; il marcha d’un pas égal &
toujours ferme entre la tyrannie & la révolte,
entre la rage des perfécuteurs & le fanatifme des
perfécutés. A ia mort de Henri I I I , il fe rangea
parmi ceux qui reconnurent Henri IV fans con*
m M fans reftri&ions ; i l courut le fervir contre
les ligueurs, en Bourgogne , fous le duc d’Au-
mont ; en Champagne , fous le duc de Nevers ;
il préferva long-temp? ceïte dernière province des
calamités qui affligèrent le refte du royaume.
Henri IV lui confia le gouvernement de la ville
d eT ro y e s , où la chaleur des partis oppofés ren-
doit la prudence néceffaire. Il lui confia bien plus:
ce roi qui, marchant environné de .traîtres &