
dans l'ouvrage que nous avons indiqué. On peut
voir aufli dans cette Encyclopédie l’article Les LE Y.
3*. Pour faire périr Marie Stuart avec quelque
apparence de juftice,on fuppofa qu’elle étoit entrée
dans une conjuration contre Elifabeth ; elle auroit
pu y entrer fans mériter de reproche, car elle avoit
fur la vie Elifabeth le même droit qu’Elifabeth avoit
fur fa liberté qu’elle lui enlevoit depuis 19 ans. Mais
premièrement, la réalité de la conjuration en
elle - même eft un grand problème; fecondement
il eft avéré que Marie n’y eut aucune part. On fe
bâta de faire périr tous ceux qu’on regarda ou
qu’on voulut regarder comme auteurs, fauteurs &
complices de cetfe conjuration prétendue, & on
publia en fuite qu’ils avoient accufé Marie de complicité.:
fi le fait eût été vrai » on fe feroit bien garde
de les exécuter fi promptement; on les auroit
confervés pour les confronter à Marie ; mais dans
la vérité, on n’avoit d’autre reflource que de faire
parler les morts. On arrêta deux fecrétaires de
Marie •; on prétendit avoir tiré d’eux l’aveu qu’ils
avoient entretenu avec les conjurés une corref-
pondance au nom & paries ordres de Marie; elle
demanda de leur être confrontée, elle ne put jamais
l'obtenir, & fes fecrétaires, remis en liberté après
fa mort, ont dit, ont écrit que bien loin d’avoir
fait la déclaration qu’on leur attribuoient,ils avoient
fait précifément la déclaration contraire. Marie ne
fe cachoit point d’avok agréé les fervices de
quiconque vouloit lui procurer la liberté; elle nioit
feulement d’aVoir approuvé aucun attentat contre
la perfonne de fa perfécutrice : j’aurois voulu, di-
foit-eUe, voir cefler les-maux des fidèles & les miens ;
mais j’aurois prié comme Eft ber , & n’autois point
agi comme Judith ! On peut l’en croire , fur-tout
"lôrfqu’écrivant au duc de Gui fe,fon coufin-germain
& fon ami, pour l’inftruire des manoeuvres de fes
ennemis •& de la dépofition quon difoit avoir été
faite par, fes fecrétaires, elle attribue cette dépofi-
îion ou à la torture, ou à la crainte de la torture.
Marie n’avoit aucun intérêt de déguifer fa penfée
au duc de Guife -; elle eût pu compter fur fon
approbation , même en avouant un complot contre
la vie d’une ennemie qui l’avoit traitée avec tant
tbinjuftice & de barbarie ; fi elle avoit eu des juges ,
elle auroit pu leur dire pour toute défenfe : » Reine
»> opprimée par mes fujets rebelles, je fuis venue
» ici fur la foi des traités & des liens du fang;
» j’ai demandé un afyle, pour tout afyle je n’ai eu
j> qu’une prifon ; j’ai réclamé les lo ix , leur appui
»> m’a été enlevé; j’ai vécu fous l’empire de la guerre
9} & de la force ; on eft venu m’offrir le fecours rie la
v force que je ne'demandois pas , je l’ai'accepté »,
Aucun juge rfauroit pu la .condamner. Mais dans
la vérité, voici quelle fut fa juftification : » Des
»-juges m’abfoijdroier.t, dit-elle, quand par l’in-
» térêt d’i ne juftedéfenfe, quand pour recouvrer
77 ma liberté , fur laquelle on n’avoit nul .droit,
77 j’aurois permis qu’on attentât à la vie de ma
» perfécutrice, dans l’état de guerre quelle avoit
» établi entre nous ; mais la vérité m’oblige de
» déclarer que je n’en ai rien fait, & que je défie
» mes ennemis de m’en convaincre. »
Ils ne la convainquirent pas, & ils lacondamr
nèrent.
Nous n’avons énoncé ici que le fommaire des
faits, nous avons indiqué le lieu où fe trouvent les
preuves. M. L. C. va continuer de parler. )
Tandis qu'Elifabeth. éreignoit dans le fang
de Marie la haine que cette fouveraine coupable
& malheureufe lui avoit infpirée, Charles IX & la
France, égarés par le fanatifme, offroient à l’Europe
étonnée le fpeéhcle du maflacre des proteftans
indignement trompés par Catherine de Médicis,
égorgés par leur prince & leurs concitoyens. Afin
d’attirer plus facilement les proteftans dans le
piège infernal que Catherine leur avoit préparé,
Charles IX affe&a de rechercher avec emprel-
fement l’alliance d’une reine proteftante, & il
porta fa noire diftimularion jufqnes à faire demander
la main d'Elifabeth pour le duc d’Alençon.
-Moins perfide que Charles, mais plus politique
encore, Elifabeth diffimula avec art, parut écouter
volontiers cette proportion* .& fournit en même
temps des fecours d’armes & d’argent aux proteftans
françois proferits & foulevési contre leur
prince par le. maflacre de leurs frères. Lorfqu’à
fon tour Elifabeth n’eut plus rien à craindre, foit
du côté de laFrance, foit du côté de l’Ecofle, ou relativement
à la reine Marie, elle termina parle refus le
plus, abfolu , la négociation entreprife pour fon
mariage avec le duc d’Alençon , & répondit qu’elle
vouloit vivre & mourir célibataire. Toutefois , ni
la mort de Marie, ni les troubles qui agitôient la
France,ni la foumiftion desEcoftbis,nelaïfîbient jouir
Elifabeth dune fécurité parfaite il lui reftoit à
craindre un ennemi puiflant, un rival d’autant plus
formidable, qu’à des forces fupérieures, à l’éclat
de fes victoires, il unifloit une profonde politique,
une habileté rare, une ambition outrée, & une
haine perfonnelle & implacable contre la reine
d’Angleterre : cet ennemi fi redoutable étoit
Philippe I I , qui, toujours enflammé du défir de
monter fur le trône d’Angleterre, en vertu des
droits (furannés & fubordonnés à tant d’autres)
que lui donnoit fa defcendance de la maifon de
Lancaftre, profita avec adrefletlu mécontentement
des catholiques , -& de l’impreflion qu’avoit faite
fur eux la mort tragique de Marie. Afin de s’aflurer
du fuccès de fes vaftes projets, Philippe demanda
& obtint de Sixte-Quint, qui remplifloit alors le
fiége pontifical, une bulle , par laquelle il excorr.f
munio.it la reine Elifabeth , ordonnoit aujc-Anglois
catholiques de fecouer le joug, de défarmer la
colère célefte, d’expier leurs pèches &. de s’aflùrer
le paradis , en fe baignant dans le fang de leurs
concitoyens attachés au proteftantifme-; & donnoit
à Philippe Pinveftiture du royame d’Aneleterrei
Dans tout aurre> temps, cette bulle eut opéré
ans doute les plus grandes révolutions : mais le
defpotifme oppreflüf du pouvoir pontifical avoit
éclairé les rois &les nations fur leurs vrais intérêts.
Elifabeth méprifa la bulle de Sixte-Quint, fe rit
de fes menaces, & ne s’attacha qu’aux moyens
d’éloigner des côtes Britanniques ' l'ambitieux
Philippe, qui, ne doutant point du fuccès de fes
projets d’invafion, avoit fait fortir de fes ports,
fous les ordres du duc de Medina-Celi, la flotte
la plus formidable qui eût encore paru fur l’Océan :
elle étoir compofée de 150 gros vaifleaux de guerre,
montés de 19000 hommes & de 1230 pièces de
canon : à cette armée navale devoit fe réunir une
flotte de Flandre, fur laquelle devoit s’embarquer
le duc de Parme avec une armée de 30000
hommes.
* Ces forces réunies, loi n de déconcerter Elifabeth,
ne firent au contraire qu’ajouter à fa vigilance &
à fon activité. Pour s’oppofer à la defeenre des
EfpagDols, elle avoit fur les côtes une armée de
8ocoo hommes, & la mer étoit gardée par une
petite flotte qui avoit pour amiral Howard duc
d’Eftingam, & pour vice-amiraux 'les fameux
Drack, Hawkin& Forbisher, officiers intrépides ,
& qui s’étoient déjà fignalés plufieurs fois- contre les
Efpagnols. L’amiral de Philippe entra librement
dans la Manche ; mais il ne • put y être joint,
comme il s’y attendoit , par la flotte du duc de
Parme ; & à peine fe fut-il engagé plus avant,
qu’il eut à combattre tout-à-la-fois contre les vents
qui devinrent contraires, contre les rochers où
fes vaifleaux alloient frapper, & contre les Anglois
qui, profitant habilement des cîrconftances, triomphèrent,
après quelques momens de combat , de
cette énorme flotte. Tous les -vaifleaux efpagnols
furent pris , coulés à fond ou brifés contre les
, rochers ;.en forte qu’il n’en échappa aux vainqueurs
que deux ou trois, qui eurent la plus grande peine
à arriver, & n’arrivèrent que défemparés, & hors
d’état de fervir davantage, dans les ports d’Ef-
pagne.
Cette vi&oire fut le premier aéle de vengeance
qui Elifabeth juûement irritée exerça contre Philippe
I I , dans les étais duquel ell^porta la guerre, tandis
que l’intrépide Drak & le chevalier de Nowis
furprenoient la Corogne, incendioient la ville
bafle , s’emparoient des vaifleaux qui étoient dans
le port, battoient la garnifon efpagnolfe, & alloient
fur le Tage fignàler leur valeur par les mêmes
exploits. Peu fatisfaite encore de ces fuccès,
Elifabeth, afin d’humilier davantage l’ennemi qui
l’avoit forcée de s’armer , fe ligua avec Henri IV ,
& détourna les coups que l’Efpàgne & Mayenne
fe flattoient de porter à la liberté françoife. Irrité
de la réfifiance que l’Angleterre oppofoit à fes
entreprifes, & ne pouvant foumettre par la force
la fière Elifabeth, Philippe eut recours à la plus
odieufe des voies ; il corrompit par fes ambafla-
deurs le premier médecin delà reine, que le traître,
ébloui par une prouiefle de 5.0000. écus, s’engagea
d’empoifonner. Mais le complot fut découvert
pen de temps avant fon exécution, & le perfide
médecin fu t, avec fes complices, attaché au
gibet.
( L’auteur auroit dû, fur un tel fait, citer fes
autorités ; il ne faut point accufer d’empoifonne-
menr, fans énoncer fes preuves.)*
La découverte de cette trame "honteufe, qui
eût dû décourager Philippe I I , ne fit que l’attacher
encore plus étroitement au projet qu’il avoit
formé de réduire l’Angleterre ; & pendant qu’il
faifoit les plus grands préparatifs pour une nouvelle
expédition , il fomenta en Irlande une révolte des
catholiques contre les proteftans, & contre la:
puiflance légitime d'Elifabeth. Tandis qu’encouragés
par le fecours de PEfpagne, les catholiques
Irlandois portoient de province en province le
feu de la rébellion , une énorme flotte efpagnol’e
s’avançoit vers les côtes Britanniques, & y rcuchort
déjà, lorfque les élémens, fervant Elisabeth plus
efficacement' que ne l’euflent fait fes armées y
ruinèrent totalement cette flotte, dont les vaifleaux
furent prefque tous brifés ou fubmergès. Ainfi le
le roi d’Efpagne ne retira de cette grande entre-
prife, que le regret & la honte de s’être vainement
donné en fpeâacle à l’Europe.
Il ne refloit plus .à l’heureufe Elifabeth que les
catholiques irlandois à foumettre; la reine confia
le commandement de l’armée qu’elle envoya contre
eux , au comte d’E flex, qui depuis quelque temps
avoit fupplanté le comte de Leicefter dans le cceiiT
de la reine. Qui ne connoîtroit le célèbre comte
d’Eflex que par le portrait impofant qu’en a fait'
Thomas Corneille , le regarderoit fans doute
comme l’un des plus habiles généraux qui aient
illuftré l’Angleterre, comme1 un homme ambitieux,
mais d’ailleurs refpe&âble par les plus rares qualités,
& fur-tout par le plus brillant héroï-fine r
mais il n’y eut jamais aucun trait de reflemblance
entre le véritable comte d’Eflex & le héros dé
fantaifie que Corneille imagina de montrer fur la
fcène françoife. Ce trop fameux comte d’Eflex
n’étok qu’un homme ingrat, un homme vain y
préfomprueux, plein de projets extravagans, violent
fans valeur, emporté fans courage, mauvais fol-
dat, général fans talens, perfide citoyen, indigne
des bontés d'Elifabeth, & plus indigne encore-
d’occuper un rang diftingué.. L ’armée qu’il con**
duifit en Irlande , étoit la plu&helle & la plus aguerrie
que l’on eut encore vue en Angleterre ; &
pour vaincre, il ne lui ma n quoi t .qu’un général
courageux & plus habile que le comte d’Eflex. Il;
n’eut que de foibles fuccès , dont il ne fut pas
pas même profiter. Cependant il étoit le favori
d’Elifabeth* La nation angloife fe plaignit haute*
ment de la complaifance de la’ rein e , & des fautes
multipliées du comte d’Eflex. Le inécontentemenr
devint fi général, qu'Elifabeth rappella le comte,
Celui -ci j,ne doutant point des fentimensC de la.