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foeur de Philippe & mère d'Elifabeth , & par l’empereur
fon père chez qui elle s’étoit retirée; Elisabeth
fut infléxible : fi ce fait eft vrai , Philippe II
avoit du goût pour époufer les deux foeurs ; Car,
après la mort de Marie d’Angleterre fa fécondé
femme,il avoit auffi propofé ^.Elifabeth d’Angleterre,
foeur de Marie , de l’époufer; il en avoit'auffi'été
refufé.Il paroît que ces deux faits n’en forment qu’un;
le fécond paffe pour confiant', & l’équivoque du
nom d Elifabeth aura pu donner lieu d’imaginer le
premier par un fouvenir confus du fécond ; le
premier fa it , c’eft-à-dire la proposition faite à
Elifabeth d’Autriche, eft rapporté par M, le préfident
Hénault, d’après Brantôme, qui le trompe fuuvent,
& quifûrement fe trompe dans quelques circonf-
tances de fon récit ; par exemple, lorfqu’il dit que
l ’empereur, père & Elifabeth, la preffa d’accepter
la proportion de Philippe II ; cet empereur étoit
mort en 157 6 , & Philippe II ne fut veuf d’Anne
d’Autriche qu’en 1^80: déplus, Elifabeth & Anne
étoient les nièce: de Philippe II ; il avoit fallu des
difpenfes à Philippe II pour époufer Anne; comment
à cette première difficulté auroit-il ajouté celle
d’époufer les deux foeurs, après avoir eu plusieurs
enfans d é la première ? le cas étoit bien différent
à l’égard à’Elifabeth d’Angleterre.Philippe II n’avoit
point d’enfaris de la reine Marie, & n’en avoit point
eu, & peut-être l’intérêt d’attirer à la fois catholique
Elifabeth 8c l’Angleterre, eût-il prévalu fur les loix
& les bienféances, & du moins il n’y auroit eu
qu’une difficulté; Elifabeth d’Autriche mourut en
1592 ; elle avoit été mariée en 1570: la plus célèbre
des Elifabeth eft la reine d’Angleterre, fille de Henri
VIII & d’Anne de Boulen.
6°. Elisabeth. (Hijl. (TAngleterre.') Les rares
qualités de cette illuftre fouveraine ont enrichi les
fades de l’hiftoire , & les éloges mérités qu’on
lit dans les écrits de fes apologiftes-, ne me laiffent
plus que le foin de juftifier par le récit des faits
qui l’ont immortâlifée, l’enthoufiafme & l’orgueil
que le fouvenir de fon règne infpire encore à la
nation angloife.
Au jugement des âmes tendres & fenfibles,
des amis de l’humanité, la gloire d’Anne éclipfe
celle d Elifabeth*: mais pour ceux qui préfèrent
l’éclat de la viâoire aux vertus pacifiques, la pompe
faftueufe des conquérans à la bienfaifance des rois
Pages & modérés, l’Angleterre n’a point eu de
foüverain qui puifle entrer en parallèle avec Elifabeth,
elle a réuni aux talens des héros les vaffes
connoiffances qui font les légiflatenrs : ce qui doit
encore ajouter à l’admiration de la poftérité, ce
font les circonstances où fe trouvoît le royaume
lors de fon avènement au trône, c’eûlafituation
violente & .pénible de la nation lors de la mort
de la Sanguinaire Marie. Que l’on fe repréfente
l’Angleterre énervée, épuiféepar les follesdépenfes
& les caprices tyranniques de Henri VIII ; agitée,
déchirée par le choc des faétions fous le malheureux
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Edouard ; opprimée , défolée, flétrie par les prof**
1 criptions & l’inflexibilité dè Marie. Que l’on fe
repréfente la gloire du fceptre ternie pàr la perte
de plufieurs villes qui étoient rentrées fous la
domination françoife, & par le fuccès. éclatant
des Ecoffois, qui, fournis & tremblans autrefois,
avaient brifé le joug, & à leur tour étoient devenus
redoutables en s’alliant avec la France. Enfin, que
l’on fe repréfente l’Angleterre preffée dans le même
temps, au dehors par fes ennemis, au dedans par
l’abus de la puiffance royale qui tendoit au defpo-
tifme le plus oppreffif, par les fureurs & les excès
les plus monftrueux de l’intolérance ; foible, accablée,
fans appui , & l’on verra qu’il ne pouvoir
y avoir qu’un génie élevé, un efprit vafte & fécond
en reffources, une fermeté inébranlable, & fupé-
rieure aux obftacles en apparence les plus infur-
montables ; en un mot, qu’il n’y avoit qu’une ams
au-deffus du commun, qui pût arrêter les fléaux
qui menaçoient la patrie , réparer fes difgraeçs
paflees, diffiper les malheurs a&uels, & s’oppofer
à ceux qui fembloient annoncer fa ruine prochaine.
Ces talens fupérieurs formoient le caraéîère d’is/i-
fabeth, qui, forcée de fe contraindre pendant la
trop longue durée du dernier règne, avoit couvert
du voile de l’indifférence le fenfible intérêt qu’elle
prenoit à l’oppreffion des peuples, dont elle-avoit
juré de faite le bonheur.
Fille de Henri VIII & de l’infortunée Arme de
Boulen , Elisabeth, née le 8 Septembre 15-33-, avoit
d’abod reçu, par les foins & fous les yeux de
Henri V I I I , l’éducation la plus brillante : l’étude
des belles-lettres, avoit rempli fes premières années j
& le goût qu’elle prit pour la littérature, la confola
pendanr fa jeuneffe de la dureté de l’efpèce de
prifon où la jaloufe vigilance de Marie fa foeur la
retint jufqu’au dernier jour de fon règne. Les.
rigueurs outrées de Marie, & fon intolérance
toujours prête à porter des arrêts de mort j à
profcrire, à envoyer les proteftans fur l’échafaud,
avoient depuis long-temps ulcéré l’ame compatifi*
fante d Elifabeth, qui, attribuant par erreur le fana-
tifme de Marie aux dogmes du catholicifme^_avoit
abjuré en fecret la religion dominante, & embraffé
les dogmes du proteftantifme : mais la crainte
d’irriter la dévotion de fa foeur , lui avoit fait
diffimuler fes véritables fentiméns ; & elle étoit
reftée catholique en apparence, jufques à ce que,
raffurée par la mort de Marie, elle leva le mafque,
en montant fur le trône, le 1 7 Novembre 1558»
& fe déclara hautement proteftante décidée. Les
premiers foins qui l’occupèrent, furent très-embar-
raffans, par les grandes difficultés qu’elle eut à
furmonter. Elle avoit en même temps à prendre
des mefures contre Henri II, roi de France, qui
avoit fait déclarer roi d’Angleterre le dauphin fon
fils, en vertu du mariage qu’il avoit contra&é
avec Marie Stuart, reine d’Ecoffe ; & à écarter
les prétentions de Philippe I I , roi d’Efpagne, qui
paroiffoit déterminé à foutenir fes droits, en
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qualité d’époux de Marie, dernière reine de la
Grande-Bretagne. Mais l’objet-le plus important
étoit de commencer par affermir fa puiffance ; &
dans cette vue elle fe rendit à Londres, où en
fe faifant couronner folemnellement par l’archevêque
d’Y orck, elle promit de défendre la religion
catholique, & de conferver les privilèges des
églifes ; ferment que les circonftances la forcèrent
de prononcer, comme le célèbre Guftave Va fa
promettoit , à-pêu-près dans le même temps,
devant les états de Suède, de refpe&er les privilèges
abufifs des évêques qui bleffoient l’autorité
royale , & qu’il fe propofoit d’anéantir auffi-tôt
que le temps, l’oceafion, & fur-tour fes fujets plus
dociles, pourroient le lui permettre.
Elifabeth penfant comme Vafa, fe conduifitavec
avec autant de diffimulation, & fe promit en fecret
de violer fes fermens auffi-tôt que les circonftances
lui laifferoient la liberté d’opérer les grands chan-,
gemens qu’elle fe propofoit de faire dans toutes les „
parties de i’adminiftration.
Cependant Philippe I I , ambitieux de réunir
le fceptre anglois à la couronne d’Efpagne, fit
demander la main dEUJabeth par le comte de
Féria, fon ambaffadeur à Londres. Cette propcfi-
tion étoit odieufe à la reine, foit par la haine
infiirmontable ou’elle avoit pour Philippe, foit à
caufe de la différence de religion qui rendoit cet te
union incompatible : mais fafituation ne lui permet-
toit point de dévoiler fes fentimens : .1 amitié de
Philippe étoit alors po.ur elle d’autant plus importante,
qu’elle ne pouvoir attendre la reftiiutior» de
Calais , que du zèle & de la fermeté que montre-.
roient les plénipotentiaires efpagnols dans le
congrès de Cateau Cambrefis : elle diffimula, donna
une réponfe vague, prétexta des fcrupules fur les
liens de parenté qu’il y avoit entre eux : elle montra
des craintes fur les difficultés que feroit la cour de
Rome, qui ne confemiroir jamais que le roi d'Efpagne
épousât fucceffivemcnt les deux foeurs. Les
vrais motifs de ces détours n’échappèrent pointa
Philippe, qui, offenfé du refus, abandonna les
intérêts de l’Angleterre , & fit fa paix avec la
France, fans infifter; comme il l’avoit fait juf-
qu’alors, fur la reftitutiori de Calais & de Guines.
Elifabeth peu fen fible à cet te m a rq u e de reffe n ti me n t,
ne tarda point auffi à faire avec la France une paix
avantageufe. Dans le traité que fes miniftres conclurent
avec ceux de Henrill, Llflit ftipulé que pendant
huit années Calaisrefteroit aux François, quiremet-
troient alors cette place à l’Angleterre, à moins
que pour en conferver la poffeffion, la France
n’aimât mieux payer la fomme de cinq cents mille
écus : traité qui, violé trois ans après par l’emre-
prife des Anglois fur le Havre de Grâce, affura
pour jamais à la France la poffeffion de Calais.
Raffurée contre les projets des puiffances étrangères
, Elifabeth fe livra toute entière aux foins du
gouvernement, & fur-tout aux moyens d’achever
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& de rendre ftatle i’établiffement de la réformation.
Afin que rien ne s’opposât à cette grande
innovation, elle crut que les plus fages mefures
qu’elle eût à prendre contre l’Ecoffe, gouvernée
par les princes de Guife fous le nom de laiégente
leur foeur, étoient d’allumer , en accordant fa
sproteâion aux proteftans écoffois, le feu de la
difcorde, q u i, divifant entre eux leshabitans de ce
royaume , les mettroit dans l’impuiffance de s’oppofer
à l’éxecution du plan de la réformation. La
nouvelle doctrine fit des progrès auffi rapides en
Anglèterte qu’en Ecoffe.Dansce dernier royaume ,
la régente s’oppofa au changement qui s’opéroit :
mais , malgré le fecours d’un corps de troupes
ft ançoifes que les princes de Guife lui fournirent,
la réformation s’établit par les foins d Elifabeth,
qui, s’en étant déclarée proteélriçe , fcutint par fes
armes la caufe des proteftans. Mais,' tandis que
par les confells d’une adroite & prévoyante politique,
elle faifoit tourner contre l’Ecoffe même
l’orage qui eût pu s’y préparer contre fa fureté, il
. s’en formoit de plus confidérables & de plus dan-
' gereux en France, en Efpagne, à Rome, en Irlande,
& jufques dans le fein de l’Angleterre même. Marie
Stuart, qui avoit époufé le dauphin François I I ,
avoit arboré les armes d’Angleterre, annonçant par
! cette démarche le deffein où elle étoit de remonter
fur le trône de fes pères. Irritée contre fa rivale,
Elifabeth fe ligue fecrètement avec les proteftans
de France, comme elle s’étoit liguée avec les
proteftans d’Ecoffe ; & , par cette prudente confédération
, elle mit Marie & fon époux hors d’état de
lui nuire. Ce n’éroit point affez d’avoir pris des
, mefures contre l’Ecoffe & la France, il reftoit
encore à fe défendre contre un redoutable ennemi,
contre Philippe I I , qui, moins formidable encore
par fes forces de terre & de mer, qu’il n’étoit
dangereux par les infidieufes reffources de fa politique,
ne pouvoir pardonner à la reine d’Angleterre
le refus qu’elle avoit fait de fes propofitions.
Plein de l’ambitieux projet d’occuper leul un trône
qu’on n’avoit pas voulu partager avec lu i , il
n’attendoit qu’une réponfe favorable de la cour de
Rome, perfuadé qu’?uffi-tôt qu’il l’auroit obtenue,
tous les catholiques s’emprefferoient de fe déclarer
"en fa faveur, & l’Irlande fur-tout, qui, violemment
agitée par l’efprit de fanatifme & de rébellion,
1 refufoit obftinément de reconnoître la fouveraineté
! de la reine d’Angleterre.
Au milieu de tant de dangers , Elifabeth inébranlable
& fupérieure aux complots & aux ligues
des puiffances ennemies & des fadions intérieures,
eut recours à un moyen q u i, pour être de la plus
facile exécution & du fuccès le plus infaillible, n’en
eft pas pour cela plus fou vent adopté par la plupart
des fouverains’ : ce moyen fut de fe concilier la
confiance des citoyens par fa douceur, fa bienfai-
fance, & principalement par fon attention à fup-
primer d’anciens impôts, & à ne pas permettre
qu’on en établît de nouveaux. Afin de foutenir ce
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