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» d’Efaü, qui revenoit chargé des dépouilles de
« Samarie, après avoir brûlé fur leurs propres
» autels les dieux des nations étrangères? Cet
» homme, que Dieu avoit mis autour d’Ifraël ,
» comme un mur d’airain où fe brisèrent tant de
jj fois toutes les forces de FA fie ; & qui, après
jj avoir défait de nombreufes armées, déconcerté
» les plus fiers & les plus habiles généraux des
i> rois de S y r ie , venoit tous les ans, comme le
» moindre des Ifraëlites, réparer avec fes mains
v triomphantes les ruines du San&uaire , & ne
» vouloit d'autre récompenfe des fervices qu’il
?> rendoit à fa patrie, que l’honneur de l’avoir
» fervie ?
j j ' Ce vaillant homme, pouffant enfio avec un
» courage invincible les ennemis qu’il avoit
i» réduits à une fuite honteufe , reçut le coup
jj mortel, & demeura comme enfeveli dans fon
« triomphe. Au premier bruit de ce funefte ac-
» cident, toutes les villes de Judée furent émues,
» des ruiffeaux de larmes coulèrent des yeux de
tous leurs habitans. Us furent quelque temps
jj faifis, muets, immobiles. Un effort de dou-
» leur, rompant enfin ce long 8c mqrne.filençe,
jj d’une voix entrecoupée de fanglots, que for-
3j moient dans leurs coeurs la trifteffe , la pitié ,
jj la crainte, ils s’écrièrent : Comment ejl mort cet
j> homme puifia/ft, qui fauvoit le peuple d’Ifraèl?
v A ces cris, Jérufalem redoubla fes pleurs, les
jj voûtes du temple s’ébranlèrent, le Jourdain fe
jj troubla , & tous fes rivages retentirent du fon
>j de ces lugubres paroles : Comment ejl mort cet
» homme puifiant, qui fauvqit tout le peuple d’Ifraël ?
Fléchier craignoit fur-tout que quelqu’un des
orateurs , qui avoit â louer Turenne avant lui ,
ne lui enlevât fon texte, heureufement on le lui
laiffa. D’autres orateurs avoient comparé d’autres
héros à Judas Machabée, mais aucun n’avoit fait
un emploi fi jufte & fi éloquent de ce parallèle ,
& celui-là eft l’inventeur, qui fait f^iré jouir de
l’invention. Quand M. Mafcaron , évêque de
T u lle , eut prononcé , avant Fléchier> l’or ai fon funèbre
de M. de Turenne, madame de Sévigné'
écrivit ( lettre du i© novembre 1675 ) : « on ne
sj parle que de cette admirable orailon funèbre
3J de M. de Tulle ; il n’y a qu’un cri d’admira-
jj tion fur cette aélion ; fon texte étoit : Domine
m prabafti me & cognovifii me, & cela fut traité
sj divinement; j’ai bien envie de la voir imprimée.
Elle la vit imprimée, & dans fa lettre du premier
janvier 1676 , elle dit : « il me femble
sj n’avoir jamais rien vu de f i beau que cette pièce
jj d’éloquence. On dit que l’abbé Fléchier veut la
jj furpaffer ; niais je Ven défie ; il pourra parler d’un
>j héros, mais ce ne fera pas de M. de Turenne;
y & voilà ce que M. de Tulle a fait divinement
» à mon gré. La peinture de fon coeur eft un chet-
3» d’oe uvre, & cette droiture, cette naïveté cette
V yérîté dont il eft paitri, cette folide modeftie ,
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» enfin tout. Je vous avoue qiie j’en fuis charmée,’
jj & fi les critiques ne l’eftiment plus depuis
jj qu’elle eft imprimée,
Je rends grâces' aux dieux de n’être pas romain.
Il étoit beau de triompher de cette difpofition ;
enfin Fléchier parut (lettre 'du 2.8 mars 1676).
« Madame de Lavardin me parla de l’oraifon fu-
jj nèbre de Fléchier. Nous la fîmes lire , & je
j> demande mille 8c mille pardons à M. de Tulle ,
jj mais il me parut que celle-ci étoit au - deffus de
» la fienne ; je la trouve plus également belle par-
jj tout • je l’écoutai avec étonnement, ne croyant
jj pas qu’il fût polfible de dire les mêmes chofes
jj d’une manière toute nouvelle : en un root, j’en
jj fus çharmée,
C ’eft dans cette même orajfon funèbre de
Fléchier , qu’eft ce paftage fi juftement critiqué
par M. de Voltaire, comme contenant un parallèle
peu convenable entre l’intérêt d’un particulier 8c
les intérêts des grandes puiffances , & des voeux
moins convenables encore pour la mort des princes
ennemis de la France : « puiffances ennemies de
jj la France,. y pu s vive?;, & l’efprit de la cha-
jj rité chrétienne m’interdit de faire aucun fouhait
>> pour votre mort-......., vous v ive z , & je plains
jj en cette chaire un fage & vertueux capitaine ,
jj dont les intentions étoient pures , & dont la
jj vertu fembloit mériter une vie plus longue &
jj plus étendue.
Fléchier fut reçu à l’académie françoife le 12
janvier 16 73 , à la place de Godeau, évêque de
Vence. Il fut reçu en même temps que l’abbé Gallois
& Racine ; celui des trois qui réufiït le mieux dans
fon difçours fut fléchier, celui qui réuffit le moins
fut Racine. Il n’y- a rien à conclure de ces fuccès
de circonftances.
Le roi nomma Fléchier çti 1685 , à l’évêché
de Lavaur, & en 1687 , à Févêché de Nîmes. En
lui donnant le premier de ces évêchés , il lufdit :
je vous ai fait un peu attendre une place que vous
méritieç depuis long-temps , mais je ne voulois pas me
priver Ji-tôt du plaifir de vous entendre. Il fut évêque
auffi exemplaire, qu’oràteûr éloquent. Grâce à fa
douceur & à fa bonté naturelle , fa conduite à
l’égard des proteftans de fon diocèfe fut auffi
tolérante qu’elle pouvait l’être avec les principes
intolérans, qui étoient alors ceux de tout le
clergé. 11 ne Combattoit pas avec moins de zèle
la füperftition que le fanatifme; il empêcha i’éta-
bliffement d’une confrairie de pénitens blancs , dont
il appelioit les proceffions de pieufes mafearades. Si
je vois qu lfraél devienne idolâtre , je briferai le ferpent
d!airain , difoit-il au fujet d’une prétendue croix
miraculeufe.
On connoît la rigueur de la juftice clauftralô^
on en rapporte des traits qui font frémir,
Fléchier eut le bonheur de délivrer «une des y-ifs
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times de cette juftice barbare. Une malheureufe,
condamnée au cloître par fes parens, avoit eu
une foibleffe dont les fuites avoient éclaté. La
fupérieure l’avoit fait enfermer dans un cachot ;
où, couchée fur un peu de paille, elle attendoit
& invoquoit la mort. L’évêque de Nîmes, inf-
truit de cette cruauté, arrive dans fon cachot;
dès qu’elle l’apperçut, elle lui tendit les bras
comme à fon libérateur. « Le prélat, jettant fur
jj la fupérieure un regard d’horreur & d’indigna-
>j tion : jj Je devrois, lui dit-il, vous faire
jj mettre à la place de cette infortunée; mais le
» Dieii de clémence, dont je fuis le miniftre,
>j m’ordonne d’ufer, même envers vous, de l’indul-
y gence que vous n’avez pas eue pour elle. Allez,
jj & pour votre pénitence, lifez tous les jours
jj dans l’Evangile le chapitre de la femme adul-
>j tère.jj II fit prendre foin de lareligieufecoupable; |
mais le coup étoit porté, il ne put la rendre à
la vie : elle mourut après quelques mois de 1
langueur, en béniffant du moins fon évêque, le1
feul être en qui elle eût trouvé de l’humanité. Les
pauvres le béniffoient auffi, & c’étoit fa jouifi-
iancela plus pure ; quels cantiques, difoit-il, valent
les bénédictions du pauvre, 6» quel fpetiacle que les
larmes de V indigent ejfuyées par les mini fîtes de la
religion ! — fommes-nous évêques pour rien ? difoit-
il ., quand on lui propofoit de mettre des bornes
à fon zèle 8c à fes charités.
• Fléchier avoit naturellement le ton doux & le
propos obligeant; il avoit déplu par-là d’abord
au févère Montaufier, homme dont on pou voit
dire plus juftement que d’Augufte:
Cui male fi palpere , rècalcïtrat undique tutus.
Il n’avoit répondu aux premières honnêtetés
de Fléchier , qu’en s’écriant; voilà de mes flatteurs:
dans la fuite il l’ayoit mieux connu & ,avoit
fini par l’aimer & le refpeâer. Fléchier étoit
modefte, mais, comme dit fort bien M.d’Alembert,
la vraie modeftie eft comme la vraie bravoure,
qui jamais n’outrage perfonne , mais qui fait
repouffer l’outrage. Un évêque gentilhomme,
étonné; qu’on eût fait un roturier évêque , lui en
témoignoit naïvement fa furprife, en lui rappel-
lant‘groffièrement le fabriquant de chandelles:
avec cette manière de penfer, répondit Fléchier, je
crains bien que fi vous étie% né ce que je fuis ne\
vous n eujfis[ fait toute votre vie des chandelles. Le
maréchal de la Feuillade , auffi délicat que l’évêque
gentilhomme, dit un jour à Fléchier: votre père
feroit bien étonné de vous voir ce que vous êtes !
mais pas tant, reprit Fléchier , il verrou bien que
ce ne fl, pas le fils de mon père, mais moi quon
a fait évêque. Il mourut le 16 février 1710. On
a de lui, outre fes oraifons funèbres, des panégyriques
, des fermons, des lettres, Vhifloire de
Théodofe, la vie du cardinal Ximenès. On reproche
tn général à Fléchier le luxe de l’efprit, la recherche
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de l’élégance, l’abus de l’antithèfe. M. Ménard,
de l’académie des belles-lettres, qui n’avoit point
ces défauts-là , commençoit à nous donner la col-
leétion complettè des auvres de Fléchier, quand
la mort a interrompu cette édition après le premier
volume in-40.
F LE TW O O D ( G u il l a u m e ) né en 1656,
chanoine de Windfor en 1702, évêque deSaint-
Afaphen 1708, puisd’E ly en 17 14 , mort en 1723',
a laiffé des fermons & des ouvrages de piété
& d’érudition eftimés.
FLETCHER ( J e a n ) , Poète tragique Anglois
mort en 1625 : on fait fur lui le conte qu’on a
fait fur plufienrs autres, que récitant tout haut,
& fes fenêtres ouvertes, une tragédie dont le
fujet étoit une conjuration , des paffans qui
l’entendirent, le firent arrêter comme criminel
d’Etat.
FLEUR ANGES ( Voye^ M a r c k ) ( l a )
FLEURY. ( Hïflde Fr.) Deux hommes célèbres
de ce nom, ont été employés à former le roi
Louis X V : l’un eft l’abbé Fleury ( Claude) qui
fut fon confêffeur, après avoir été fous-précepteur
de M. le duc de Bourgogne, père de Louis X V ,
| & des ducs d’Anjou & de B erry, frères du duc
§ de Bourgogne ; c’eft le célèbre & vertueux auteur
§ de l’Hiftoire Lccléfiaftique , & des difçours fur
3 cette hiftoire, qui valent mieux quel’hiftoire même,
§ des Moeurs des Ifidélités 8c des Moeurs des Chrétiens y
de VInflitution au droit eccléfiafiique ; du Traité du.
choix & de la méthode des études ; du Catkéchifinie
Hifiorique 8c de plufieurs autres bons ouvrages. 11
étoit de l’académie françoife , quoique fon mérite
| littéraire ne fût pas précifément dans le genre de
! cette académie : il eût été mieux placé, ce femble,
à celle des belles-lettres : mort en 5723. L’autre
Fleury (André Hercule) eft le célèbre cardinal,
évêque de Fréjus, précepteur de Louis V ; miniftre
du royaume , qui, par modeftie , ne prit point le
titre de premier miniftre , que le cardinal Dubois
venoit de fouiller. Il fut en p.olitiquece que Fabius
Maxim us avoit été à la guerre :
Unus q u i nobis cu n c tan d » reftituit rem,
Il n’eut point d’éclat, mais fa patience & fa
fage économie réparèrent les maux qo’avoient
. produits l’éclat funefte du règne de l ouis ÎV , &
les défordres plus funeftes de la régence. C ’eft au
miniftère du cardinal de Fleury que M. l’abbé de
Boifmont a fait cette heureufe application d’un
paffage d’E zéchjel, qui peint fi bien le mal & le
remède : infu fila fvper interfetios iflos ut revivifi
cant............. & accefierunt ofia ad ofia 5 unum quodque
ad junfluram fuam: « fouffiez fur ces morts,
» afin qu’ils revivent . . . . tout-a-coup un efpric