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partie de l’A f ie , & menaçoit les chrétiens d’une
deftruélion entière. C’étoit Bondocdar, dont il
eft parlé dans la cinquième Croifade, & qui fut
la première caufé de la défaite de la Maffoure. Ses
talens & Tes crimes l’avoient élevé au commandement
fuprême, & il .fut ranger à - la-fois fous fa
puiffance l’E gypte, la Paleftine, l’Arabie & la
Syrie. Ses fuccès affligèrent Saint-Louis qui réfolut
de s’y oppofer , & fe prépara à une nouvelle Croi-
fade.
Toutfaifoit croire que ce prince pafferoit dans la
Syrie ou dans la Paleftine, qui étoit toujours le théâtre
du brigandage , & dont la confervation étoit
d’ailleurs l’objet ou le prétexte de ces faintes expéditions
( i) . Mais il fut décidé qu’on iroit en Barbarie
pour faire le fiége de Tunis , dont Saint-
Louis , difoit-on , vouloir convertir le roi. L’armée
s’embarqua encore à Aigues-Mortes, & , après une
navigation qui ne fut pas exempte de dangers, la
flotte arriva à quelques milles de l’ancienne Carthage,
vis-à-vis du Gôlphe>de Tunis. Les chrétiens
firent la defcente fans oppofition de la part des Sar-
razins, & ils prirent pofieffion du pays , au nom de
Jefus’ Çhrifl & du roi de France, fon ferviteur. Le
château & la ville de Carthage ( Afrique ) furent
d’abord la conquête des Croifès, qui de-là paffèrent
au fiége de Tunis. Mais une chaleur dévorante, la
foif & les maladies vinrent bientôt les défoler. Le
faint roi tombe malade & meurt. Charles fon frère
arr ive, trouve l’armée dans la confternation.
Cependant on remporte plufieurs viâoires, & le
roi de Tunis eft réduit à demander la paix; Elle fe
Conclut à des conditions avantageufes, & les Croisés
fe féparent en s’engageant à fe croifer dans quatre
ans pour délivrer la Paleftine.
Te l fut le dernier accès de cet enthoufiafme qui
avoit faifi prefque toute l’Europe chrétienne. On
ne peut foutenir le fpeâacle des guerres malheu-
reufes qu’il produifit, fans gémir fur l’aveuglement
& la fuperftition de ces temps, qui fo n t, pour ainfi
dire , l’opprobre de la raifon & de l’humanité. La
prife de Ptolémaïde en 12.91, acheva de calmer
cette manie ; & fi dans la fuite on conçut quelques
projets, ils relièrent fans exécution, car il
ne faut pas mettre au nombre des Crolfades l’expédition
des princes chrétiens en Afrique en 1390,
cette expédition n’ayant eu pour objet que de fe-
courir les Génois contre les Barbares de Tunis.
( Article fourni. )
( 1 ) Ce n’efl point ici lç lieu d’esaminer fi c’eft avec
raifon que M. Velly accufe Voltaire d’avoir préfenté fous
un faux jour cette expédition d’Afrique. On remarquera
feulement que tout ce qu’il dit à cette occafion eft formellement
démenti par ion récit même , .ce qui prouve
combien il faut être en garde contre ces fortes de reproches
, qui dans d’autres écrivains que M. Velly, ont fou-
vent moins la vérité pour objet, que le defir de rabaiiTer
un grand homme f ou de fe faire remarquer en luttant con-
tf<r lui.
I CROISET ( Je an ) ( Hiß. mod. ) , jéfuite, au-
| teur cfune année chrétienne qu’on vouloit oppofer
B à celle de M. le Tourneux , d’une Vie des Saints
I S 1 I qu’on vouloit oppofer à celle de Baillet, & d’autres
livres de piété qui n’ont guères eu de réputation
que dans le parti des jéfuites. CROIX ( d e l a ) ( Hiß. lin. ). C ’eft le nom de
plufieurs gens de lettres connus.
i ° . De François Petis de la Croix, interprète du
roi pour les langues orientales , & profeffeur d’arabe
au collège ro y a l, traduéleur des Mille & un
I jours , contes perfans ; d’une Hifloire de Qengiskan ,
S & d'une de Tamcrlan ; celle-ci traduite du perfan ,
K l’autre faite d’après des auteurs orientaux; d’uo
! Etat de l'Empire Ottoman, avec an abrégé des vies des
! empereurs turcs, traduit du turc ; il traduifit aufli
S du frsnçois en perfan , l’hiftoire de Louis X IV ,
I par les médailles; il fut employé dans les affaires
! que la France eut en Afrique fous ce règne , il fut
J l’interprète des conditions de la paix que Louis XIV;
j accorda aux Algériens. Les Tripolitains , obligés
* par le traité à rembourfer une certaine fomme
lui en offrirent une confidérable s’il vouloit mettre
payable en écus de Tripoli au lieu d’écus de
France, ce qui faifoit une différence de plus de
cent mille livres, dont, par les çirconftances, on ne
fe feroit pas apperçu. Il fut incorruptible. Il mourut
en 1713. Son fils Alexandre-Louis-IHarie eut
fa chaire d’arabe au collège royal. Il a traduit le
Canon de SolimanII pour l’inßruftion de Mçurad IV 4
Il eft mort en 175^,
Louis - Antoine - Nicolle de la Croix , plus
connu par fa Géographie moderne y réimprimée &
augmentée par M. Barbeau de la Bruyère, & par
fon Abrégé de géographie à lufage des jeunes perfonnes
que par fa Méthode d'étüdier, tirée des ouvrages de
faint Augußin, traduite de l’italien de Ballerinià
(_ Voye^ ce nom ). Mort le 14 feptembre 1760.
30. Saint-Jean de la Croix, réformateur des Carmes
& des Carmélites, auteur de la Montée au
Mont-Carmel; de là Nuit obfcure. de l'ame; de la
Flamme vive de l'amour: de plus, grand ami de
fainte Thérèfe, étoit d’une famille noble d’Efpagne^
Mort le 14 décembre 1591»
CROMWEL ( O l iv ie r ) ( Hiß. d'Anglet.). On
a remarqué que Cromwel étoit né le jour de la mort
de la reine Èlifabeth ( le 3 avril 16 0 3 ) , comme
fi ce deftruâeur de la royauté n’avoit pu vivre
fous une reine abfolue. On a remarqué encore qu’à
l’âge de trois ans, ayant vu parmi plufieurs portraits
celui du petit prince Charles , qui fut depuis
Charles premier, ce portrait lui déplut, & qu*ii
le jettaaufeu. Il mourut le 13 feptembre 1658,’
& l’on a remarqué que ce jour il y eut un grand
orage ;
Le ciel a fignalé ce jour par des tempêtes
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St la voix du tonnerre éclatant fur nos têtes »
Vient d’annoncer fa mort.
Cet homme , dit Pôpë, ejl condamné à une renom-
filée éternelle. Élevé de la pouffière de l’école juf-
qu’au trône , il fit trancher la tête à fon rot, régna
lui-même avec gloire , & mourut dans fon lit.
Il eft d’un bon exemple dans l’hiftoire, & d’une
moralité utile , que ce tyran, plein de grandeur &
«le génie, ait été malheureux au milieu de fes
fuccès & de fa gloire ; il éprouvoit toute la réaction
du machiavellifme, l’efprit d’enthoufiafme &.
«le fanatifme qu’il avoit fait fervir à fon élévation
fe tournoit contre lu i, le torrent des feéies l’en-
traînoit; le jargon myftique , les révélations, les
«xtafes étoient devenues les armes de fes ennemis
après avoir été les fiennes; il reconnoiflbit enfin
que la folie & la perverfiré retombent fur ceux
qui les emploient, & qu’il n’y a que la raifon dont
«n n’ait rien à craindre ; les affaffins s’élevoient
de toutes parts; à une entrée triomphante que
Cromwel faifoit dans Londres , une jeune fille
nommée Greenvill, dont il avoit tué l’amant, lui
tira d’une fenêtre un coup de piftolet: le coup alla
bleffer le cheval du fécond fils de C romwel, nommé
Henri, qui marchoit à côté de lui. Cette fille
parut ënfuite fur le balcon, fon piftolet à la main ;
« c’eft moi, dit-elle , qui ai faii ou plutôt qui ai
» manqué le coup : j’ai voulu tuer un tigre, & je
s> n’ai bleffè qu’un cheval ».
Les intérêts de Charles II donnoientlieu ou ùr-
voient de prétexte à des e mplois; Cromwel lui
même s’éxagé. oit fes dangers, parce qu’il fe repro- ,
choit de fe les être attirés. Condamné parfaconf- I
ci nce, cet homme intrépide dans les combats 1
craignoit tout dans fa cour ; nul tyran n’a porté ;
plus loin ces précautions effrayantes qui annon- ■
cent l’effroi de celui qui les prend. C ’eft d’après
ces détails de défiance, qu’une tradition récente '
rehdoit préfens alors, que Fénelon paroît avoir j
tracé le fombre portrait de Pygmalion dans Télé- ;
maque.
Les crimes de Cromwel avoient épouvanté fit pro- !
pre famille. Richard Cromwel, homme de paix au- .
tant qu’Olivier étoit homme de fan g , s’étoit jette |
aux pieds de ce père cruel, il l’avoir conjuré , les •
larmes aux y eu x , de ne pas imprimer à fon nom ■
la tache du régicide , & de ne pas expofer fa fa- j
mi de aux vengeances terribles qu’un pareil atten- î
tar pouvoit amener. CromwoX perdit celle de fes I
filles qu’il aimoit le plus , & elle ne lui cacha point I
qu’elle mouroit ce . l’horreur d’avoir un pèïe fi ;
coupable.
Si Cwmwel eût feulement épargné le fan g de (on j
maître, le vice de fon ufurpation eût pu être l
couvert par l’éclat de fon règne; c’eft fur tout l
pour avoir donné ce fpeâacle unique dans les an- •;
nales du monde, d’un roi traîné à l’échafaiid par
fes fujets, que le nom de Cromwel fera toujours I
jen horreur. I
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Î1 mourut dans fon li t , c’eft-à-dire, qu’il prit
des mefures ou juftes ou heureufes, pour éloigner
de lui le fer & le poifon, dont il fut continuellement
menacé , mais le poifon du chagrin , du
remords & de la crainte le confumoit lentement,
& l’homm.e le plus robufte de l’Angleterre fuccom-
ba dès cinquante-huit ans aux embarras toujours
renaiffans du trône qu’il avoit ufurpé.
Ce qui diftingue Cromwel des ufurpateurs ordinaires,
c’eft qu’il n’eut jamais recours à l’empoi-
fonnement ni à l’affafflnat ; fon arme contre tous
fes ennemis fut le fanatifme patriotique & religieux
; il entreprit de faire périr fon roi fur un
échafaud, parce qu’il jugea que le fanatifme national
pouvoit aller jufques-là; mais faire juger un
roi par un tribunal incompétent, par fes ennemis ,
par des gens déterminés à le condamner , ce n’eft
quel’affafflner avec plus d’infolence & de fcandale.
Boffuet n’a employé, pour peindre Cromwel,
que les grands traits qui convencient à fon fujet
& à fon genre ; il le fait refpeéler en le rendant
odieux. Le fanatifme barbare de Cromwel, fa théologie
puritaine , fon jargon obfcur & prophétique ,
fourniroient d’autres traits pour le peindre moins
j noblement, & fes manières grolfières, fes baffes
! plaifanteries, fa familiarité indécente , refles de fa
| première éducation, acheveroient de le dégrader.
En fignant un papier dans une féance du parlement,
il barbouilla d’encre le vifage d’un homme
qui fe trouvoit à côté de lu i , & qui lui rendit fa
■ plaifanterie. Quel étoit le papier qu’il fignoit? l’arrêt
de mort de Charles premier.
Dans une affembJée des chefs de là république
& de l’armée, où l’on délibéroit fur les droits
refpeâifs de l’autorité & de la liberté , Cromwel
jette , en badinant , un couffin à la tête d’un officier
, qui le lui rejette, court fur lui & le chaffe de
fon fauteuil.
Quelquefois Cromwel invitoit du monde à dîner,
& , aufli-tôt qu’on s’étoit mis à table, des foldats
venoient enlevèr tous les plats ; fa cour étoit fans
éclat & fans dignité, la nobleffe dédaignoit ou
craignoit peut être de la fréquenter ; mais dans
cette cour fauvage & guerrière, ori vôyoit régner
l’economie qui vaut mieux que l’éclat, & qifi eft la
véritable dignité.
Cromwel raffemble tous les contraftes. On trouve
à la fois chez lui les vifions d’un illuminé, lesfour-
berieS d’un hypocrite, les ridicules d’ .n pédant,
les élans d'une ame forte & fu t lime , l’éloquence,
tantôt d’un homme d’é tat, tantôt d’un fanatique *
la valeur d’un foldat enthoufiaffe, Les talens d’un
général, la gloire d’un héros , les violences d’un
ulurpateur , les vices d’un tyran , les qualités d’un
roi.
On peut être curieux de favoir fi un homme 1
tel que Cromwel., fut capable d’amour & d’amitié!
Quant aux amis > on a remarqué qu’il n’en avpit