
nir des hommes, combien les hommes redeviennent
facilement des barbares ; c’eft ce qu’on ver. oit
dans une hiftoire des deux premières races, faite
philofophiquement. Cordemoi la fit favamment; il
fit des recherches profondes, il débrouilla, dit
M. de Voltaire, le chaos des deux premières races;
il prit un mauvais parti fur Brunehaut ( voye^
l’article B o c a c e ) , celui de la juftifier d’apres Ma-
riana. Adrien de Valois avoit fait à Mariana l’honneur:
de le réfuter, mais feulement en paflant,&
fans defcendre dans le détail des faits : cependant
fa réponfe , quoique générale, eft fi forte, que
M. de Cordemoi, qui avoit contre Adrien de Valois
tous les avantages qu’on a quand on réplique,
& qui a tout difcuté dans le plus grand détail,
n’a pu parvenir à l’ébranler.
Un autre avantage qu’a M. de Valois fur M.
de Cordemoi, eft qu’il n’a jamais l’air de chercher
à décrier Brunehaut ; il examine tout, à charge
& à décharge ; il ne diflimule ni les bonnes actions
ni fes bonnes qualités, il l’abfout de plufieurs
crimes; on fent qu’il ne cherche que la vérité,
& il en a toujours le ton. M. de Cordemoi au contraire
annonce trop le projet formé de trouver
Brunehaut innocente; avant de difcuterles faits,
il les prépare dans fa narration avec un art fuf-
p e â , il ne les difeute que pour juflifier le parti
qu’il a pris , au lieu que M. de Valois paroît prendre
le fien par le réfultat même de la difeufiion.
Cordemoi fut de l’académie françoife ; c’eft de
l'académie des belles lettres qu’il auroit dû être.
Il mourut en 1684. On a de lui encore divers traités
de métaphyfique , d’hiftoire , de politique &
de philofophie morale , réimprimés in-40 en 1704,
fous le titre d’oeuvres de f.u M. de Cordemoi.
Louis Geraud, fon fils , continua d’abord fon
hiftoire par ordre du roi, depuis Hugues Capet juf-
qu’à la mort de' Henri I , en 1060 , mais cette
fuite eft reliée manuferite. Il étoit eccléfiaftique ,
& fe livra tout entier à la controvtrfe ; il écrivit
contre les iconoclaftes , les luthériens & les foci-
nkns. Mort en 1722.
CORDES ( D enys de ) , confeiller au châtelet,
juge intègre, dont Godeau a écrit la vie.il eut
part à l’établiflement de la maifôn de Saint Lazare.
On raconte qu’un homme- condamné à mort par
le châtelet, voulant en appellerau parlement,
fe fournit en apprenant que’ Cordes avoit été un
de fes juges. Il faut, dit-il, que je mérite la mort,
puifque Cordes m’a condamné. Cette hiftoire eft
sûrement mal contée ; on doit favoir qu’il n’cft
pas au pouvoir de l’accufé de laiffer une fentence
criminelle fans appel ; il y a toujours appel à
minimâ de la part du procureur du roi. De plus,
un accufé lait toujours bien dans fon ame s’il
mérite la mort-ou non; il n’y a que deux faits,
à favoir pour cela; l’un s’il a commis le crime
dont on l’accufe, & perfonne ne le fait mieux que
lu i; 1’autre, fi 1% loi prononce la peine de mort
pour ce crime, & c’eft ce que les coupables lavent
ordinairementaftezbien,par l’intérêt qu’ils ont de
le favoir. Si le cas étoit douteux , on avoit eu
grand tort de le condamner à mort, & le mot
du coupable étoit un grand hommage, mais un
hommage trop aveugle qu’il rendoit à l’intégrité
de de Cordes. Enfin on ne fait pas ou on ne doit
pas1 favoir quel a été l’avis de tel ou tel juge,
fur-tout en matière criminelle ; ce qui n’empêche
pas cependant qu’on n’ait pu dire à l’accufé que
l’avis de de Cordes lui avoit été contraire, & qu’il
n’ait pu faire cette réponfe fi flatteufe pour de
Cordes : celui-ci mourut en 1642.
Un de fes parens, Jean de Cordes , chanoine
de Limoges, a traduit l’hiftoire des differens du
pape Paul V & de la république de V én ie , par
Fra Paolo. L’hiftoire des troubles du royaume de
Naples, fous Ferdinand Ier par Camillo Portio, &
quelques autres ouvrages.
CORDOUE. Voyeç G onsalve.
j CORDUS (C r em u t iu s ) {Hifi. rom. ) , auteur
d’une hiftoire romaine où Brutus & Caflius étoient
appellés les derniers Romains, ce qui fit brûler fon
ouvrage dans les temps d’adulation & de baflefle,
où il parut; c’étoit tous Tibère; fur quoi Tacite
fait cette belle réflexion : Socordiam eorum invi-
dere libet qui preefienti potemiâ credunt ex tin gui pojje
etiam fequentis ctvi memoriam. Nam contra punitis
ingeniïs, glifeit aufloritas : neque aliud extemi reges,
aut qui eâdem fiotvuïâ ujî Junt, ni f i dedecus fibi B
atqîre illis gloriam peperere. «Il eft bien ridicule de
» s’imaginer que l’autorjté préfente puiffe étein-
» dre jufqu’au fouvenir des fiècles futurs. Au eon-
» traire, l’éclat du châtiment donne du poids aux
» écrivains, & quand on a févi contre eux , foit
» chez les étrangers , foit ailleurs, on n’a fait
n que les rendre célébrés & fe déshonorer».
C o r d ü s ( E u R i c m s ) e ft aufli le n om d’un
m éd e c in & poète a llem a n d d u feizièrhe fiècle 9
m ais d o n t les poéfie s fo n t la tin es.
Et C o r d u s (V à l e r iu s ) eft le nom de fon
fil«, auteur de plufieurs ouvrages de botanique &
de pharmacie , & de remarques fur Diofcoride.
Mort à vingt-neuf-ans, en 1544.
CGRÉ. Voyei A s ir o n .
CORINNE {Hifi. ïitt. anc.) , fille d*Achéîodore
& de Procratie, étoit de Tanagre , ville de Béotie*
dans lé voifinage de Thèbes. Elle étoit élève de
Myrtis, femme diftinguée par le talent de la poéfie.
Corinne étudia fous elle avec Pindare ; fa gloire
eft d’avoir vaincu ce grand poète jufqu’à cinq
fois $ avantage que Paufanias attribue principalement
à fa beauté , qui féduifit fes juges. Pindare
s’en vengea en infultant & les juges & Corinne,»
21 ne refte aujourd’hui que des fragmens de poè»
fie de Corinne. Elle vivoit environ cîhq fiècles :
avant J. C.
Suidas parle de deux autres Corinnes moins J
célèbres. La Corinne d’Ovide n’éroit qu’un nom
fuppofé, fous lequel il .cachoit le vrai nom de j
fa maîtrefte, que plufieurs croient avoir, été Julie,
fille d’Augufte.
CORIO (Bernardin) (Hifi. litt. mod.) , d’une
famille illuftre de Milan, fut chargé par le duc
Ludovic Sforce, dit le More , d’écrire l’hiftoire
de fa patrie. On a cette hiftoire. L’hiftorien mourut
en 15 co, de douleur de voir fon pays & fon
maître tombés au pouvoir des François.
On a de fon neveu, Charles Corio, une deferip-
tion de la ville de Milan.
CORIOLAN (C aïus Ma rtius) { f lf i - rom.).
Tout lé monde fait comment Véturie, fa mère,
& Volumnie, fa femme, triomphèrent du v if ref-
fentiment qui l’avoit armé en faveur des Volfques
contre Rome fa patrie, & comment Aâius Tullius,
général des Volfques, fon collègue dans le
commandement, jaloux de fa gloire & de fes fuc-
cès , profita de cette occafion pour ïe rendre fufpeâ:
aux Volfques, &?caufer fa mort, quoique, fi l’on
en croit Fabius P iâ o r , dont Tite - Live ne s’éloigne
pas d’adopter le fentiment, ce héros mourut
de vieillefle dans fon éxil. Il n’y a pas un bon
W M de rhétorique à qui ce fujet n’ait donné
lidée d’une tragédie, & n’ait fourni au moins une
ou deux fcènes.
Nota magis nulli demus efi fua.
Mais les efprits ordinaires n’y voient qu’une ou
deux fcènes, & rempliffent le refte comme ils
peuvent_par des épifodes plus ou moins adaptés
aux événemens principaux j aufli ce fujet, mille
fois traité au théâtre François , a - t- il toujours été
manqué. M. de la Harpe eft le feul qui l’ait fait
réuffir, parce qu’il a donné plus d’étendue &
de duréç à l’aâion, en la faifant commencer à
Rome & en fe permettant au troifième a&e de
tranfporter la fcène de Rome au camp des Volfques
, mais fur-tout en animant le perfonnage de
Coriolan par la haine vigoiîreufe & le reflentiment
profond qu’il lui donne; car voilà le point eften-
t ie l, c’eft de faire pafler dans l’ame des fpeâa-
teurs les fentimens qu’on prête aux perfonnages
dramatiques.
Obfervons que le fuccès de M. de la Harpe paroît
décider à l’avantage de M. de la Motte une
queftion qui s’eft élevée autrefois entre cet écrivain
& M. de Voltaire.
* Je ne ferois pas étonné, difoit M. de la
» Motte , qu’une nation fenfée, mais moins amie
» des règles, s’accommodât de voir Coriolan c on-
» damné à Rome au premier a ô e , reçu chez les
» Volfques au troifième, & afliégant Rome au
» quatrième.» M. de Voltaire répondit; i°. « Je
» ne co; çois point qu’un peuple fenfé & éclai*
» ré ne fût pas ami de règles toutes puifées dans
» le bon fens & toutes faites pour fon plaifir.
» 20. Qui ne voit que voilà trois tragédies, &
» qu’un pareil projet, fût-il exécuté même en beaux
» vers , ne feroit jamais qu’une pièce de Jodelle
» ou de H ardy, verfifiée par un moderne ha-
» bile ».
CORIPPUS ( F l a v iu s C r e s c o n iu s ) [Hifi.
rom.) , poète africain , auteur d’un poème latin en
4 livres, à la louange de l’empereur Juftin-le-jeune,
dont on peut croire qu’il étoit contemporain &
fujet. Il y a peu de princes à la louange desquels
on doive faire des poèmes, & il n’y en a
point à la louange defquels il faille faire des poèmes
en quatre livres.
CORISANDE D’ANDOUINS , comtefle de
Guiche. Voyei G ü ic h e 6* G r a m m o n t .
CORMIER ( T h o m a s ) {Hifi. mod.), hiftorien
& jurifconfulte ; fils d’un médecin de Henri II
d’A lb ret, roi de Navarre. La femme de Thomas,
au bout de quatorze ans de mariage, en demanda
la diflolution pour caufe d’impuiflance ; une
fentence de l’officialité cafta en effet le mariage.
Thomas s’étant fait proteftant, fe remaria & eut
: cinq enfans. Les collatéraux voulurent les fair»
i déclarer bâtards. Leur mère prit leur défenfe, &
par un arrêt rendu au parlement de Rouen, dans
la chambre de l’édit, le 24 août 1682, ils furent
déclarés légitimes. Il y a de Thomas Cormierunc
hiftoire de Henri II imprimée ; celles des princes
fes fils font' reftées manuferites. On a aufli de lui
le code de Henri IV.
CORNARO ( L o u is ) {Hifi. mod.), étoit de
l’illuftre maifon des Cornaro de Venife, qui a produit
dans le quinziéme fiècle une reine de Chypre
(Catherine Cornaro) , laquelle, en mourant, laifla
ton royaume aux Vénitiens. Louis Cornaro, mort
à Padoue en 1566, eft fur-tout célèbre par fa
longue vie qui fut de plus de cent ans fans aucunes
infirmités, & par l’extrême fobriété qui la
lui procura. Il en a rendu compte dans un livre
où il traite des avantages de la vie fobre, & qui
a été traduit en françois fous ce titre : Confeils
pour vivre long-temps. Comme il n’y a rien fur quoi
on ne difpute, on a fait l’Anti-Cornaro 9 ou remarques
critiques fur le traité de la vie fobre de'
Louis Cornaro. Lucretia Helena Ccrnnro-Pifcopia,
de la même maifon, fut un des prodiges du dix-
feptième fiècle par fes connoiflances dans les langues
anciennes & modernes : on voulut la recevoir
doéîeur en théologie dans l’univerfité de
j Padoue. Le cardinal Barbarigo, évêque de cette
i ville, s’y oppofa. On lui donna du moins le bon»