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Ces droits avoient été la matière de quelques
contefiations entre cette princefTe & fes oncles,
Philippe le Long & Charles-le-Bèl. Ces princes
gardèrent la Champagne 8c la Brie -dont ils donnèrent
quelles les favans s’exercent & fe divifent. Les
pairs de France avoient leurs pairs particuliers qui <
étoient leurs vaffaux directs oc arrière-vaffaux de
la couronne, & par lesquels ils faifôient tenir^ les
états de leurs pays : les pairs de Champagne étoient
fept comtes , favoir : les comtés de Joigny, dé
Réthel, de Brienne, de Roucy, de Braine», de
Grand-Pré, de Bàr-fur-Seine. ' . '
Le fameux Thibault, comte de Champagne, fi
connu par fes chanfons & par Ton amour pour i la
reine Blanche, nié par M. l’évêque de la Ravalière,
îhérita du royaume de Navarre à la mort du roi •
Sanche V I I , fon oncle maternel,' dit tEnfermé ; ce
royaume ne valoit pas fon comté, mais fon comte
fervit à le faire valoir; il tranfporta dans la Navarre
de bons laboureurs de Brie & - 4 e Champagne,
qui le fei tiiifèrent & le peuplèrent. Jeanne,
fa petite fille, époufa Philippe-le-Bel, & lui porta
en mariage la Navarre, la Champagne & la Brie.
Edouard I I I , roi d’Angleterre, qui réclamoit la.
couronne de France, comme petit-fils de Philipe-
le-Bel par Ifabelle de France, réclama aufîi la Navarre
au même titre. Les états de Navarre déclarèrent
que cette Couronne apparténoit à Jeanne de .
France, fille de Louis Hutin, l’aîné des trois fils
de .Philippe-le-Bel & de Jeanne de Navarre ': jugement
jufte & qui fut exécuté.
Edouard ayant réclamé la Champagne & la Brie,
comme la Navarre , en fut exclus comme de la
Navarre, 8c par les mêmes raifons. |
Après l’extin&ion de la race mafculine de Philippe
le-Bel, la France avoit reftituè la Navarre,
c’eft-à-dire,l’a voit laiffée paffer à la fille de Louis Hutin;
mais la reftitutïon de la Champagne & de la Brie
tiq paroiffoit pas fi indifpenfâble: c’étoient incontef-
tablement des provinces françoifes foumifes dans
l ’origine à la loi falique, 8c que la réunion fem-
bloit avoir fait rentrer fous l’empire de cette loi.
Il eft même à remarquer que la France les avoit
déclarés fiefs mafcuüns par le jugement que Blanche
de Caftilte 8t Saint-Louis avoient prononcé entre
Thibault & A lix ,, fa coufine.
Henri I , comte de Champagne 8c de Brie, avoit
eu deux fils , Henri II & Thibaut V . Henri II
n’ayant laiffé que des filles dont Alix etoit l’ainee,
Thibaut V recueillit la fucceflion à leur préjudice-;
U fut père de Thibault V I , le chanfonnier , celui
qui hérita, comme nous l’avons d it, de la couronne
de Navarre. Alix redemanda la Champagne
& k Brie à ce dernier ; elles furent adjugées- à
Thibaut V I , moyennant une fomme qu’il fut obligé
de payer à fa coufine. Ce fut, comme nous l’avons
dit encore, la fille de Thibaut V I , qui porta -ces
provinces en mariage à Philippe-le-Bel. En vertu
de ce dernier exempte contraire à la loi falique ,
on jugea qu’elles dévoient revenir à la fille de Louis
Hutin. Elle porta fes droits en mariage à Philippe,
comte d’Evreux, petit fils du roi Philippe le Hardi,
• 8c les trapfmit à Charles le Mauvais, roi de Na*
yarre, fon fils.
à leur nièce tel dédommagement qu’ils voulurent.
Philippe de Valois, plus jufte,tranfigea pour
ces comtés qu’il eût peut-être été encore plus jufte,
mais moins politique, dereftfiuef. La fituation de j
h , Champagne qui la rend frontière du côté de VA llemagne,
8c celle de la Brie qui ferre de trop près
la capitale, faifôient de l’acquifition de ces deux
provinces, un objet important de la politique de
nos rois. Philippe offrit un échange & le fit accepter;
il donna au roi & à la reine de Navarre,
outre des rentes dont ils fe contentèrent, les comtés
d’Angoulême & de Mortain, puis au lieu d’An-
goulême, les domaines de Pontoife , de Beaumont-
iur-Oyfe &? d’Afnières. Le traité eft du 14 mars
1335 : ainfi futconfommée la réunion de la Champagne
à la couronne, qui fut encore confirmée en
1361 par le roi Jean.
CHAMP CLOS {Hiß. mod.), ètçAt anciennement
un lieu clos ou fermé.de barrières, deftiné
aux joutes 8c aux tournois, divertiffemens que pre-
noient les fouveraïns & qu’ils donnoiént à leur
-cour. Mais~on fa aufîi. attribué à des combats fin-
guliers qui étoient quelquefois ou permis ou ordonnés
par les fouvèrains , pour la vengeance des
injures, & pour maintenir l’honneur des chevaliers,
ou même celui des dames de la cour. Alors on
fe battoit en champ clos , 8c ces combats avoient
leurs lois & leurs juges. (A . i?.)
“CHAMP-DIVERS ( O d e t te de ) ( Hiß. de Fr,
fille d’un marchand de chevaux, avoit de.la beauté,
de l’efprit, de la bonté, de la douceur. Charles V I ,
dans fa démence même , eut 1e bon efprit op le
bonheur de l’aimer ; elle preno.it fur lui un foüve-
rain empiré', & n’en ufoit que pour l’avantage du
prince. On l’appelloit la petite ' reine. La véritable
reine , Ifabelle de Bavière , qui ne voulolt que
régner avec le duc d’Orléans, ' fon amant & fon
beau-frère , & à qui la perfonne de fon mari étoit
. fort indifférente* fut la première à lui procurer
cet amufement. Le roi dans fes accès étoit violent,
, il vouloit frapper ceux qui l’approchoient. Odette
l paroiffoit: Retirez-vous , difoit-elle , l e roi e flle
maître , mais , ajoutoit-elle , je n aimerai, plus mon
? ami, puifqu’il ne confient pas à ce qu’on lui demande
1 pour fon bien. Le roi aufîi-tôt « confentoit à tout,
i Auparavant, on n’imaginoit pas d’autre moyen de
; le réduire, que de faire entrer brufquement dans
ï fa chambre dix ou douze hommes mafqués, vêtus
i de noir & d’un afpeéî hideux, qui arrachoient de
,■ lu i, par l’effroi qu’ils lui infpiroient, ce qu’ Odette
s en obtenoit par douceur & par amitié. Ce prince
, qui, lorfqu’il fentoit revenir les accès dé fon .mal,
, fe jeitoit à genoux en fondant en larmes, 8c prioit
dieu en difant que fi c’étoit fa volonté de l’éprouver
encore par ces humiliations douloureufes , il les
acceptoiî
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acceptait eti expiation de fes fautes; mais que du I
moins ce dieu de bonté ne permît pas que la folie I
d’un malheureux roi fît le moindre mal à fon peuple I
ni à aucun de fes fujets, un tel prince méritoit bien ,
qu’on n’ajoutât pas à la rigueur de fon fort par la
dureté des traitemens. On ignore quelle fut la
durée de la vie d’Odette, & fi Charles VI jouit
long-temps de la douceur de fon empire : on fajt
ftulement qu’il en eut une fille.
CHAMPEAUX ( G u il l a um e d e ) {Hiß. litt,
mod.) , archidiacre* de Paris au douzième fiècle ,
fondateur des chanoines réguliers de faint-Vi&or,
puis évêque de' Châlons-fur-Marne , mourut religieux
de Cîteaux en n a i . On a de lui un traité
de l’origine de Famé dans le thefaurus anecdotorum,
de dom Martène. Il eft moins connu par cet ouvrage
que par fes démêlés avec Abailard. ( Voyez
A b AIL A rd ).
' CH A MPIER ( S YMPHORIEN ) ( Hißt. litt. mod. j ,
lyonnois , premier médecin d’Antoine , duc de
Lorraine, écrivain obfcur & fécond dont on cite
quelquefois la vie du chevalier Bayard, qu’il faut
bien diftinguer de celle qui fut écrite’ par le fe-
crétaire de ce héros, 8c qui plaît tant dans fa piquante
naïveté; 8c les grandes chroniques des ducs
& princes de Savoye. Le refte de fes ouvrages ne
vaut pas l’honneur d’être nommé.
C l a u d e , fon fils , eft auteur d’un ouvrage in-
tule, Singularités dés Gaules, qu’il fit à l’âge de
dix-huit ans.
Je an B r u y r e n C h a m p ie r , neveu du premier,
coufin du fécond, médecin à L y on , eft auteur d’un
traité de re cibariâ, 8c traduéteur du traité d’A v icenne
de corde ejufque facUltatibus, Tous trois vi-
voient vers le milieu du feizième fiècle.
CHAMPION f. m. {Hiß. mod.), fignifie proprement
une perfonne qui entreprend un combat pour
,un autre, quoiqu’on applique auffi ce nom à celui
qui combat pour fa propre caufe.
Hottoman définit le Champion : Certator pro alio
datus in duelio, à campo diélus, qpi circus erat,
decertantibus definitus : de-là vient aufîi le mot de
champ de bataille.
Ducange obferve que les champions , dans la
Planification propre, étoient ceux qui fe battoient
pour d’autres ; lefquels étant obligés, félon la coutume
, d’accepter le duel, avoient pourtant une
excufe légitime pour s’en difpenfer, comme de caducité
, de jeuneffe ou d’infirmité : il ajoute que
c’étoit le plus fouvent des mercenaires qu’on louoit
:à prix d’argent „ & qui dès-lors pafîoient pour
infâmes. ,
Quelquefois le vaffal, en vertu de fon fief &
des conditions de l'hommage, devenoit Champion
de fon feigneur,. dès que ce feigneur le demandoit.
Des auteurs fputiennent que toutes perfonnes
étoient-reçues à fervir de Champions, excepté des
parrjcides 6c ceux qui étoient accufés de crimes
très-odieux. Les clercs , les chanoines, les reü-
Hißoire. Tom. I I. Première' Part.
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gieux, les femmes mêmes étoient obligés de fournir
des Champions pour prouver leur innocence*
Cette coutume de décider les différends par un
combat, eft venue originairement du nord ; elle
paffa de4 à en Allemagne, les Saxons la portèrent
en Angleterre, & elle s’établit infenfiblement dans
le refte de l’Europe, fur-tout chez les nations militaires
, & qui faifôient leur principale occupation
des armes,
Lorfqu’on avoit choifi deux Champions pour décider
de la vérité ou de la fauffeté d’une accufa-
tion, il falloit, avant qu’ils en vinffent aux mains,
qu’il intervînt une fentence pour autorîfer le combat.
Quand le juge l’avoit prononcée , l’accufé
jettoit un gage (d'ordinaire ç’étoit un gant’) ; ce
| gage de bataille étoit relevé par l’accufateur : après
quoi on les mettoit l’un & l’autre fous une gardé
fuie jufqu’âu jour marqué pour le combat.
Si dans l’intervalle l’un des deux prenoit la fuite,
il étoit déclaré infâme, & convaincu d’avoir, commis
le crime qu’On lui imputoit ; l’accufè , non plus
que l’accufateur, n’obtenoit la permifîion de s’en
tenir-là, qu’en fatisfaifant le feigneur pour la con-
fifcation qu’il auroit dû avoir des effets du vaincu ,
fi le combat avoit eu lieu.
Avant que les Champions entraffent dans la lice;
on leur rafoit la tête, & ils faifôient ferment qu’ils
croyoient que les perfonnes dont ils fo’utenoient
la caufe, avoientraifon, & qu’ils les défendroient
de toutes leurs forces. Leurs armes étoient une
épée 8c un bouclier. Quelques-uns difent qu’en
Angleterre c’étoit le bâton 8c le bouclier. Lorfque
les combats fe faifôient à cheval, on armoit les
combattans de toutes pièces ; les armes étoient
bénites par un prêtre avec beaucoup de cérémonies
; chacun des combattans juroit qu’il n’avoit
' point de charmes fur lui; pour s’animer, on com-
mençoit l’aéîion par des injures réciproques , puis
les Champions en venoient aux mains au fon des
trompettes : après qu’ils s’étoient donnés le nombre
de coups marqués dans le cartel , les juges du
combat jettoient une baguette pour avertir les
Champions que le combat étoit fini : s’il duroit
jufqu’à la nuit, ou qu’il finît avec un avantage
égal des deux côtés , l’accufé étoit alors réputé
vainqueur ; la peine du vaincu étoit celle que les
loix portoient contre le crime dont il étoit queftion :
fi le crime méritoit la mort, le vaincu étoit défar-
mé, traîné hors du camp & exécuté aufli-tôt, ainfi
que la partie dont il foutenoit la caufe : s’i^ avoit
combattu pour une femme, on la brûloit. (G .) (<*)
C ’eft un fpe&acle curieux, dit l’illuftre auteur de
l'Efprit des lois, de voir ce mônftrueux ufage du
combat judiciaire réduit en pratique, & de trouver
le corps d’une jurifprudence fi fingulière. Les hommes
, dans le. fond raifonnables, foumettoient à des
règles leurs préjugés mêmes. Rien n’étoit plus contraire
au rbon fens que. le combat judiciaire; mais
ce point une fois pofé, l’exécution s’en fit avec une
certaine prudence. L’auteur célèbre que nous ve