
joug, ne penfoiettt qu’aux moyens de s’en affranchir,
& de fe venger du roi de Mercie qui les avoit
forcés de fe foumettre. Les Northumbres éprouvant
depuis quelques années les horrenrs de l’anarchie,
bien loin de feeourir leurs voifins, ou même de
penfer à fe précautionner contre les ennemis du
dehors, n’étoient occupés qu’à chercher les moyens
de s’entre-détruire, Egbert laiffa aux Northumbres
le foin de lui préparer eux-memes, en saftoiblif-
fant de plus en plus, la conquête de leur pays,
il ne s’attacha qu’à entretenir la difcorde que la
haine avoit allumée entre les Merciens 8c les
Eftangles : dans cette vue, il fit propofer aux
derniers de lever l’étendard de la rébellion contre
les Merciens, 8c leur fit efpérer des fecours. Encouragés
1 du fort que la plus foible réfiftance leur feroît.
éprouver, implorèrent la clémence du conquérant,
I & acceptèrent avec reconnoiffance, la paix qu’il
1 leur offrit aux mêmes conditions qu’il avoit impo-
fées aux Merciens 8c aux Eftangles.
par ces promettes, & d’ailleurs excités par
le defir de la vengeance, les Eftangles prirent les
a rm e s, & Bernulphe ignorant qu’ils étoient fou-
tenus, crut qu’il n’auroit quà paroître pour les
faire rentrer fous fon obeiffance : ^ trop Rempli de
confiance, il marcha contre eux a la tète dune
petite troupe ; mais il n’eut pas meme le temps
de fe repentir de fon imprudence : les Eftangles
fe jetèrent fur fa petite armée, l’exterminèrent,
& Bernulphe demeura au nombre des morts. Les
Merciens connurent, mais trop tard, que c’étoit
beaucoup moins les Eftangles qu’ils avoient à
redouter, que le prince ambitieux, qui navoit
animé les Eftangles, qu’afin de s’emparer plus
aifément de la Mercie. Ces idées ne les découragèrent
point, ils fe déterminèrent à oppüfer à
Egbert la plus forte réfiftance ; mais cette géné-
reufe réfolution éteit tardive, & il n’y avoit
point de barrière affez forte pour arrêter un tel
conquérant dans fa courfe. Egbert ceffent de fe
contraindre, fe déclara ouvertement pour les
Eftangles, battit les Merciens, pourfuivit fa yiétoire,
& finit par fe rendre maître de la Mercie, qu’il
fut tenté de réunir à fes états ; mais qu aux pref-
fantes follicitations de Siward, abbé deCroyland,
il confentit de laitter à Witglaph, à condition qu’il
feroit hommage au vainqueur, 8c fe déclareroit
fon tributaire.
Jufqu’alors les Eftangles s’êtoleni flattés qn'Egbert
i f avoit embratté leur défçnfe que pour les délivrer
d’un joug qui leur étoit infuppprtable : mais bientôt
àls reconnurent leur erreur , & fe crurent heureux
d’être reçus fous la proteâion du vainqueur, aux
mêmes conditions qu’ils avoient trouvées fi dures
de la pari du roi de Mercie; en forte que tout
l ’avantage qu’ils tirèrent de cette guerre, fut de
changer de maître.
__ Il ne reftoit plus à Egbert que le Northumber-
landà conquérir, & les Northtimbres, par leurs
Vivifions & la continuité de la guerre civile qui les
avoit épuifés, avoient fait tout ce qui dépendon
d’eux pour lui faciliter cette conquête : aufli lori-
ou Egbert fe préfenta fur les frontières du Nor-
ihumberland, Andred & les fujets, épouvantes
Ainfi finit, après une durée de 243 ans, l’heptar-
chie Saxonne, par la ré du dion entière des fept
royaumes qui la compofoient, à la domination du
roi de Weffex.
Egbert mit fin à fes conquêtes & à fes ufurpa-
tions dans la vingtième année de fon règne fur le
Weffex, après treize ans de guerre, ou pour parler
avec plus de jufteffe, après treize ans d’injuftice.
& de brigandage. Avant que d’attaquer les fou-
verains de l’heptarchie, nous avous vu qu’il avoir
effayé fon bonheur 8c fes forces fur les Bretons.
Il livra plus de combats qu’aucun des conquérons
dont il foit parlé dans l’hiftoire, 8c jamais il.
n’éprouva l’inconftance de la fortune * c eft d apres
la foumiflion des Northumbres qu’on lui donn©
le titre de roi des Anglois, qui cependant obéif-
foient à leurs propres fouverains : car la domination
d'Egbert étoit compofée 'des quatre royaumes
de Weffex, de Suffex, de Kent 8c d’Effex, qui
étoit peuplé de Saxons ; & il avoit laiffé les trois
autrës royaumes, hâbités par les Anglois, fous le
gouvernement de leurs rois particuliers, fes vaffaux
& fes tributaires, fur lefquels il ne s’étoit réferyé
que la fouveraineté.
Tranquille au fein Je la viftoîre, Egbert jouiffoit
glorieufoment du fruit de fes travaux ; il goûtoit,
fans remords, les avantages que fes ufurpations
1 lui avoient procurés, lorfqu’il apprit qu’une flotte
1 de pirates Danois, forte de trente-cinq vaiffeaux,
, avoir abordé au port de Charmouth. A cette
nouvelle, Egbert comptant fur le bonheur qui nç
l’avoit jamais abandonné , raffembla promptement
les troupes qu’il put réunir, 8c vola vers Charmouth
; mais la fermeté des Danois qui l’attendoient
de pied ferme 8c qui le reçurent avec une valeur
à laquelle il ne s?attendoit point, lui firent çon-
noître enfin les viciflitudes du fort des armes :
il attaqua courageufement les Danois ; mais après
un combat long 8c fanglant, la viaoire fe déclara
pour eux ; l’armée Angloife fut battue , difperfée ,
8c Egbert lui-même fut contraint, pour la première
fois de fa v ie, de fuir devant les ennemis. Cependant
les Danois, qui n’avoient point formé des
projets de conquête, ni d’établiffement, contens
d’avoir ravagé la campagne 8c d’avoir fait un
immenfe butin, remonièrent fur leurs vaiffeaux.
Animés par l’éclat de ce fuccès, les Danois,
deux ans après, informes que les habitans de Cornouailles
bruloient d’impatience de fecouer le joug
des Anglais, revinrent en plus grand nombre
encore ci:e la première fois : ils defcendirent fur
les côtes" Britanniques, 8c allèrent dans la province
de Cornouailles, où ils furent reçus comme
ffes libérateurs. Après s’êire fortifiés par le nombre jj
confidérable des rebe'les qui fe joignirent; à leur
armée, ils fe mirent en marche pour aller combattre
Egbert, qu’ils craignoient d’autant moins,,
qu’ils fe reffouvenoient de la vi&oire qu’ils avoient
remportée fur lui. Mais la célérité du monarque
anglois qu’ils croyoient furprendre, affoiblit leur
confiance ; Egbert vint au-devant d’eux avec toutes
fes forces, les rencontra, 8c leur livrant bataille
auprès de Hengift Dun,dans le pays de Cornouaille,
il effaça par une vi&ôire complette la honte
de la défaire qu’ il avoit éprouvée à Charmouth,
deux ans auparavant. Ce fuccès, terminant les
exploits héroïques d’Egbert, délivra pendantle refte
de fon règne fes états 8c l’Angleterre entière des
invafions des Danois. Comme fi Egbert, en ceffant
de combattre , eût ceffé d’exifter, les hiftoriens ne
rapportent plus rien de ce prince ; quelques-uns
dilent feulement que ce fut peu de temps après
la retraite des Danois , qu 'Egbert, par un édit
approuvé par l’affemblée générale de la nation,
voulut qu’à l’avenir, on donnât le nom d’Angleterre
à cette partie de la Grande-Bretagne qui avoit
jadis été conquife par les Anglo-Saxons, 5c dont
ils avoient formé fept royaumes. Rapin.-Thoiras
foutient, 8c, je pente, avec raifon, que ce fait
«’eft ni vraisemblable, ni vrai : il le croit invrai-
lemblable, parce qu?il lui paroît hors de toute apparence,
i°. opdEgjbert, Saxon lui-même, 8c poffef-
üeur d’un royaume dont toutes les provinces
étoient habitées par des Saxons, ait donné à ces
fept royaumes le nom $ Angleterre ; 2,0. parce que
les neyaumes d’Eftanglie, de Mercie 8c de Northum-
berland, habités par les Anglois, étant fes tributaires,
on ne peut fuppofer qu 'Egbert, vainqueur
de ees-royaumes, ait fongé à contraindre fes fujets
victorieux à prendre le nom des peuples qu’ils
venoient de Subjuguer. D ’ailleurs, il eft prouvé
que long-temps avant ce conquérant, on appelloit
indifféremment les trois peuples qui s’étoient établis
dans la Grande-Bretagne, du nom $ Anglois, comme
l’a fait Bede, dans fon Hißoire eccléfiaflique de la
nation angloife écrite fort long-temps avant la
difiolution de l’heptarchie. Mais c’eft le fujet d’une
chffertation -, 8c ce n’eft point ici le lieu de differter.
Egbert, couvert de gloire, mourut après 37 ans
de règne, 20 ans comme roi de Weffex, 7 revêtu
de la*dignité de cheffuprême, 8c 10 comme fou-
verain de toute l’Angleterre : il ne laiffa de Red-
burge fon époufe, qu’un fils, Ethelwolph qui lui
fuceéda, mais qui n’eut aucune de fes grandes
qualités, 8c qui, par cela même, fut moins funefte
à fes contemporains. (L . C.)
EGINARD ou EGINHARD, (Hiß. de Fr. &
d’Allem.') après avoir été fecretairedé Charlemagne,
fur élevé par lui à la dignité de chancelier ; il eut
aufli une place qui répond à celle de forintendant
des bâtimens ; il fut encore dans, la fuite gouverneur
de l’empereur Lothaire, fils aîné de Louis le
Hißoire, Tome I I . Seconde part.
débonnaire; peut-être eut-il l’honneur d être gendre
de Charlemagne : vorci comment on raconte cette
hiftoire. Eginard ayant paffé une nuit dans l’appartement
de la princeffe Imma ou Emma , fille de
Charlemagne, mais dont la mère eft inconnue, &
voulant fe retirer avant le jour, trouva la terre
couverte de neige ; il craignit que la trace de fes
pas ne trahît le myftère -de fes a moût s ; il fit part
de fon inquiétude à Emma qui, prenant fon parti
d’après les circonftances, le porta for fes épaulés
jufqu’au-delà de la neige. Cepen dam files pas d’un
homme, fortant de l’appartement d x^mma, étoient
un indice de leur commerce, les pas d’une femme
allant de l’appartement de la princeffe à celui
d’Eginard ne pou voient-ils pas aufli être fofpeâs ?
Il faut fans doute fuppofer qu’elle le porta dans
un lieu où les pas d’une femme pouvoient s’adreffer
fans faire naître aucun foupçon, à la chapelle par
exemple, 8cd’ou Eginard pouvoir en fuite fe retirer
fans inconvénient. Mais Charlemagne, qui fe levoit
fouvent au milieu de la nuit pour oWerver les affres,
vit ce ftratagême de l’amour, il reconnut fa fille
courbée fous fon fardeau & marchant avec peine ,
il reconnut aufli Eginard. Il fit d’abord la démarché
affez peu prudente, ce femble, d’affembler fon
confeil & de le confulter fur cette matière, qui
n’étoit pas de fon reffort v c’étoit d’ailleurs un peu
trop compter for la diferétion des confeillers. Le
confeil fe montra plus fage que le prince, Ü ne
décida rien, 8c s’en rapporta entièrement à la
prudence de Charlemagne. Celui-ci fit venir Eginard
8c Emma, 8c après leur avoir fait quelques plaifaii-
teries qui les déconcertèrent beaucoup, en leur
annonçant qu’ils étoient découverts, il fe hâta de
les marier. Cette hiftoire, rapportée dans la chronique
de Lauresheim, a fervi de modèle à quelques
hiftoires femblables, (voyez-en une du même genre
à l’article A nne IwANOwa , page 338 , col. prem.)
8c de fujet à quelques contes. La plupart des critiques
la rejettent, en fe fondant furie iilence d’Eginard.
On pourroit même alléguer fon témoignage
formel; car Eginard dit expreffément que Charlemagne
ne maria aucune de fes filles. Les raifons
qui peuvent établir la vérité de l’anecdote, 8c
celles qui la combattent, font prefque toutes raf-
femblées dans la préface que M. Schmincke a mife
à la tête d’une'bonne édition qu’il a donnée delà
vie de Charlemagne par Eginard.
Les Romanciers qui ont tant embelli 8c défiguré
l’hiftoire de Charlemagne 8c de tout ce qui s’y
rapporte, ont ajouté quelques cireonftances au récit
de la chronique de Lauresheim; ils ont fait Emma
fille légitime de Charlemagne 8c d’Hildegarde ; ils
ont aum relevé la naiffance d’Eginard, en le fuppo-
fant fils d’un feigneur auftrafien , nommé Ingiln.er,
tué dans les guerres de Charlemagne contre les
Saxons. Eginard eft préfenté à l’âge de cinq ans,
par Alpaide fa mère’ à Charlemagne, qui jure de
lui fervir de père 8c qui fait Alpaide gouvernante
des en fans qu’il avoit eus de la reine Hildegarde.