
f<3ans toutes les langues, parce qu’il y avoit des
jéfuites de toute langue ; le titre étoit : Entretiens
de Cléanthe & d'Eudoxefur les lettres au provincial.
-Il écrivit enfin une foule de brochures contre les
lianféniftes; il étoit ami du P. le Tellier fon con-
ifrère, il étoit-de Rouen & le P. le Tellier de Vire:;
;il étoit membre de ce que les janféniftesappelloient
la cabale des normands.. Les deux fetils ouvrages par
lefquels le .P. Daniel foit aujourd’hui connu avan-
jtageufement, font r° . fa Milice françoife, traité
«curieux'-& utile , & qui fuppofe dans fon auteur ,
tainfi que l’hiftoire de France, une forte de connoif-
dance de l’art militaire., & un goût pour cet art
;a{TeZ'inutile dans un religieux. 2°. Cette hiftoire de
.France. Avant de publier ce grand ouvrage , il
commença., félon la coutume, par décrier celle de
•M ézeray, qui paffe cependant encore aujourd’hui
jiour.être bien aufii exaéle que la fienne, & beaucoup
moins infipide.; cependant, à tout prendre ,
i l y a plus d’ipftru&jpn à tirer de celle du P. Daniel
, fur-tout de l’édition du P. Griffer, dont les
inotes & les differtations ajoutent beaucoup à ce
smérite d’exaélitude. Le comte de Boulainvillers
idifoit q uil étoit ptefque impojjible qu un jèjuiie écrivît
jbien V Hiftoire de France. O n en fent" les raifons ;
anais elles ne font pas les feules qui aient empêché
le P. Daniel de la bien écrire, & le défaut de talent
a bien fait autant de tort à fou ouvrage que,
le s opinions jé'fuitiques; d’un autre côté, il y a
ides obftacles à bien écrire l’hiftoi. e de F rance.,,
{qui ne proviennent ni du défaut de talen , ni du
•régime jéfuitique, .& qui pourroient empêcher un
•écrivain même éloquent, philosophe & fenfible.,
jd’exécuter cet ouvrage aufli bien qu’il en feroit
•capable. Indépendamment de tous les.intérêts particuliers
qui-ont des branches innombrables , nous
Ævons des préjugés nationaux de tout genre ,nOus
,-en avons de gouvernement, nous en avons même
-de littéraires ., & ce qu’il y a defingulier , :c’eft qu’ils
{font contraires à la.pratique confiante des anciens.
£,es favans parmi nous fe font emparés de l’hiftqire.,
■ ils y ont porté l’efprit de difouflion qui leur eft
propre, ils ont négligé les reffources de l’éloquence.
Thucydide & Xenophon chez les Grecs, Tite-Live,
‘Sallufte, Tacite, Quinte-Curcechez les Romains,
•sfont tous diverfement éloquens--: ils font fur l’ame
jdes impreffioiis profondes.;- on n’oübliera jamais
un fait qu’on alu dans leurs écrits,; ils peignent
|es hommes & les événemens en traits ineffaça-
Ibles ; ils peignent & nous racontons ,à peine ^ ils
peignent & nous difcutons. Ils écrivent l’hiftoire
^en philofophes^ en orateurs. quelquefois même
aen poètes, nous l’écrivons en critiques. Si nous
v li’ayons point encore d’hifioire générale qui
& vaille .celle de Tite-Live..... j ’ofe dire que ce
» ji’eft pas tant la faute de la lar.gue que celle des
*> •hifforiens,,. fi .tel4 fiue je.connois, avoit entrepris
*> «récrire l-hifioire de France.,... peut-être que
fc nous égalerions les anciens & que flous au-
p ;ziens .cotre Tite-Li v.e
Voila ce qü’écrivoit en ^.671 le P. Boühomts ,*
dans fes entretiens d’Arifte .& cCEugène, entretien 2«
Depuis ce temps., on a certainement fait des progrès
en France dans l’art d’écrire l’hiftoire ; on a
fenti quil.falloit la rendre impofante par le fiyle
.& utile .par les réflexions ; qu’il falloit l’animer
par des peintures qui la gravaffent dans l’imagination
; qu’il falloit en faire la leçon éternelle des
rois & des peuples , :& non l’a mu fe ment ou l’ennui
’des leâeurs oififs. 'De bons efprits ont fenti tout
cela , & quelques hommes éloquens l’ont exécuté»
Mais ils font en petit nombre ; leur gloire» n’étant
pas confacrée par le temps., ceft encore conteftée$
-&11 on peut dire que jufqu’à prélêm les modernes.,
qui ont égalé ou furpaffé les anciens dans plufieurs
genres de littérature, font teftés.audeffous d’eux
dans celui-ci,
•Les favans & les •‘beaux efprits /s'accordent à
faire, de grands reproches à l’hiftoire de France du
P. Daniel ; le comte de Boulainvilliers y trouvoit
près de dix mille erreurs, c’eft beaucoup d’erreurs ,
& M. de Boulainvilliers, qui ne haïffoit pas les
paradoxes, regardoit fans doute comme.erreur tout
ce qui n’étoit pas conforme à fes -opinions particulières.
Le favant abbé de Longuerue ne trouvoit
pas non plus que le P. jDaniel eût affez travaillé
fon hiftoire, & quand le P. Daniel parle de
vingt ans employés à cet ouvrage , l’abbé de Longue
rue en demande vingt autres, & lui reproche
les excurfions faites pendant ces vingt ans dans des
genres étrangers.
:« On ;a reproché k cet hifiorien, dit M. de
Voltaire , que fa diélion n’eft pas toujours affeas
-pure ; que fon fiyle efi trop foible; qu’il n’intéreffe
pas ; qu’il n’efi pas peintre ; qu’il ri’a pas ..affez fait
co: noître les ufages ,les moeurs, les loix ; que foa
hiftoire eft un long détail des opérations de guerre
dans lefquelles un hifiorien de fon état fe trompe
prefquè toujours'».
« En lifant fon hiftoire de Henri I V , dit le
même auteur, on eft tout étonné de ne pas le
trouver un grijnd homme •: des manoeuvres de
guerre fèchement racontées, de longs difcours au
parlement en faveur des jèfuites, & enfin la vie
du P. Cotton , forment dans Daniel le règne de
ce grand prince. -On y voit à peine fon caraélère.,
très-peu de ces belles réponfes qui font l’image de
fon âme, rien.de ce .difcours digne de l’immortalité
, qu’il tint à l’affemblée des notables -de Rouen 9
aucun détail de tout le bien qu’il fit à la patrie»*
Le P. Daniel naquit en 1649, pti* l’habit ife
jéfuite en 1667, mourut en 172%.
■ DANOIS (-impôt ) ( Hift. modt, J j ,0'étoit une
taxe annuelle impofée anciennement fur les An-
glois, laquelle ri’étoit d’abcçrd que d’un fchelin, &
enfuite de deux , par chaque mefure de 40 arpens
;de terre par tout le royaume,, po,ur cntc.ete.îûr les
forces qu’on employoit à nettoyer les mers dès
piràtes D a n o i s , qui.- défoloient les côtes d’Angleterre.
Ce fuBfide fut d’abord impofé comme une taxe
annuelle fur toute la nation , fotis le roi Ethelred ,
l’an 991 :« Ce prince, clittCambden y in B t i t a n n i â ,
étant réduit à de grandes extrémités par les in-
»1 vafions continuelles àesD a n o i s , voulut fe pro-
» curer la paix, & fut; obligé de charger fon
» peuple de ces taxes appellées im p ô t s d a n o is . Il
» paya d’abord 10000 livres, enfuite 16000., après
m. 24000, puis 36000, & enfin 48000 ».
t Edouard le confeffeur remit aux peuples cette taxe ;
lès rois Guillaume I &. II la continuèrent. Sous le
règne d’Henri I , on mit cet impôt au nombre
des revenus fixes du royaume ; mais le roi Etienne
le fupprima entièrement le jour de fon couronnement
».
Les biens d’églifë ne payoient rien de cet impô’t ;
parce que le peuple d’Angleterre, comme on le
voit dans une ancienne loi Saxonne, avoit plus
de confiance aux prières de l’églife, qu’à la force
des armes. V o y ..c i -d e v a n t JD A V E -G e l t .- ( A . R . )
( Le dane-gelt & l’impôt danois paroiffent être
là même, chofe diverfement. vue par les. auteurs
de ces deux articles-.)
DAN TE ( ALiGHiÉRi).;Parmi les refianrateurs
des lettres en Italie,.il en efi peu d’auflî célébrés
que 1 g D a n t e . Il naquit à Florence en 1265, d’une,
famille noble & difiinguée. Cacciaguida, fon tri*
fay eul, époufa une Aldighiéri de la ville de Fer1-
rare , de-là le nom - d’Aldighiéri ou Alighiéri donné
aux en fans. & aux petits-enfans , & qui fut particulier
ànotre illufire poète. Le D a n t e fut l’élève
de Brunetto Latini ( V o y e^ B r u n e t to ) qui eut
au fil quelque part à la renaiffance des lettres
mais dont le plus beau titre de gloire eft d’avoir
formé un tel difciple.
Le D a n t e a lui - même célébré fes premières
amours y il les appelle f a v i e n o u v e l le , v i ta h u o v a .
II. n’avôit que neuf ans, lorfqu’il s’enflamma pour
Beatrix, fille deFolco Portinari, citoyen de Florence
y ce fentiment prématuré s’explique par l’àr-
deur du climat, qui peut accélérer en Italie dans-
quelques perfonnes le développement des pafîions.
Le D a n t e exprime ainfi l’impreffion- que fit fur-
fon ame le premier regard de fa maîtreffe : « ce
u regard me parut le dernier terme de la félicité;
» J’étois tellement pénétré de fentimens doux, que
»» mon plus cruel ennemi, dans ce moment, n’au-
» roit pu me déplaire. Rien de pénible, rien de
n douloureux ne pouvoit entrer dans mon ame
Ses amis, frappés des. divers changemens qu’ils
appercevoient en lu i, en demandoient la caufe;
c’èft l’amour , difoittil, avec naïveté. Sien lui de-
mandoit le nom de celle qu’il aimoit, je les
regardois>. dit - i l ,J e foupirois ÔC- ne répondois
den»!
Il penfa mourir de douleur de la perte de cette;
femme , qui fut emportée à vingt - quatre ans»-.
« Quand je penfe à la mort, dit-il à ce fujet, il’
» m’en vient un defirfi doux , qu il fe peint malgré;
» moi fur mon vifage ».
On crut le confoler en le mariant-', on ne' ük
que le rendre plus malheureux ; ce lien fut pour
lui une fpurce de contrariétés ; il fut obligé de fe;
féparer $e fa femme. Elle fe nommoit Gemma &
elle étoit- de la famille des Donati» depuis, longtemps
illufire à Florence. .
Le Dante fe trouva-placé au milieu des;troubles>
dont les divifions des Guelphes & des Gibelins;
rempliffoient l’Italie.-Sa naiffance & fes talens lui!
donnoient des droits aux premières places de lai
république. En 1300 il fut nommé prieur, c’efi—
a diré, un des principaux magifirats" de Florence».
! Il paroît qu’il avoit d’abord été du parti des G ue l-
. phes, il n’en fut dans la fuite que plus ardent Gi-*
! belin ; la querelle des blancs & des noirs, née dans«
Pifioie, vint fe joindre dans Florence à celle, des»
Guelphes & des Gibelins. Charles de Valois, appelle
par le pape, vint à Florence il accabla les;
Gibelins & les Blancs leurs alliés : le Dante perdit
tous fes biens, il erra dans plufieurs villes d’Italie,
il trouva quelque .emps'Hin afyle chez Albuin dé;
l’Efcale,. prince, de Vérone. AIbuin avoit un. fou;
à fa cour;, « comment fe fait-il, dit-il un jour au;
» Dante , .que cet homme fe faffe- aimer ici plus-
» que vous ?.C ’eft, répondit.le Dante,qu’il y trouve'
» plus que moi des hommes qui lui reffemblent
Quelque-temps-avant fa difgrace, les Florentins;
l’ayant député vers Je pape pour les affaires de;
leur v ille , fi je vais à Rome, dit i l , qui me remplacera
ici ?. Si je demeure,- qui enverrez-vous ài
Romel?:On voit que le mérite n’eft pas toujours;
modefte, mais pourquoi ne lui pardonneroit^on pas;
de fe rendre- quelquefois juftice ?;
En 1304 , les bannis de Florence^, dïi nombre;
defquels«étoit le Dante, firent une tentative pouir
furprendre cette ville , & furent repouffés ;41s engagèrent
dans la fuite l’em pereur Hènri de Luxembourg
à former en règle le fiége de Florence qui;
ne réunit pas ; le Dante retrouva dans Guido des ■
Polenta, fonverain de Raven n e, un ami plu-sconf-
tanr; un bienfaiteur plus généreux que ne l’a voit été”;
le prince de Vérone. Les Vénitiens menaçoient:
l’état de Vérone,-le Dante alla négocier àVenife;
en faveur de fon ami, & mourut à fon retour en;
13 2 1 , de douleur , à ce qu’on a cru, de n’avoir pu;
le fèrvir avec fuccès dans cette ©ccafion impor--
tante. O11 rendit de grands honneurs à fa mémoire,'-
Si'le mariage du Dante avoit été malheureux
il n’avoit pas été ftérile; le Dante eut quatre fils -,,
dont l’aîné, nommé Pierre,, fit un commemaircï
fur les ouvrages de fon père..
Le Dante eft le vrai créateur dé la poèiiè ita-*-
lienne ; d’après l’efprit général du fiècle où ilyivoi»^