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3*. on verra même que certains détails du morceau
françois l’emportent fur le latin. Par exemple
ce feul vers :
Qui favez tout braver , tout ofer & tout feindre* .
exprime avec autant de précifion que d’énergie tous
les traits luivans : Animus audax ,fubdolus , varius,
cujuslibet rei Jîmulator ac dijjîmulator........... Paflus \
animus immoderata , incredibilia , nimis alta femper
cupiebat.
Ce grand criminel ne fut jamais vil. On put dire
de lui :
Et le traître
Meurt encore en romain , quoiqu'indigne de l’être.
Voyant la conjuration découverte & prévenue
par les foins vigilans de Cicéron , il fe fit tuer dans
le combat, qu’il eut le courage forcené de livrer
aux Romains.
Catilina , terrible au milieu du carnage,
Entouré d’ennemis immolés à fa rage ,
Sanglant , couvert de traits, & combattant toujours
Dans nos rangs éclaircis, a terminé fes jours.
Sur des morts entalTés l’effroi de Rome expire:
Romain , je le condamne , & foldat, je l’admire.
Catilina mourut, & Rome fut fauvéè par Cicéron
, l’an 62 avant J. C.
C A T IN A T , (N ico la s ) {Hifl. mod.) maréchal
de France, & l’un des plus habiles généraux du
règne de Louis X IV , naquit le premier décembre
16 3 7,-de Pierre Catinat, mort doyen du parlement
de Paris, & de Françoi£ Poifle, dame de Saint-
Gratien. Il étoit le onzième de feize enfans nés de
ce mariage. Deftiné à la robe par fa naiffance &
par l’exemple de fes pères , il fut d’abord avocat,
plaida une caiife qu’il jugeoit excellente, la perdit,
& fe dégoûta de la profeflion ; il entra dans le
fervice en 1660 , & rut d’abord fimple lieutenant
de Cavalerie. Une belle aâion qu’il fit au fiège de
L ille,en 1667, fous les yeux du r o i, fut remarquée
& lui valut une lieutenance dans le régiment
des Gardes. Capitaine aux Gardes en 1670 , il fe
diftingua en 1672 au paffage du Rhin, & fut bleffé
en 1673 au fiège de Maëffricht, il le fut encore
en 1674 au combat de Senef, & le grand Condé
lui écrivit à cette occafion : « Perfonne ne prend
i) plus de part que moi à votre blejfure ; il y a f i peu
» de gens faits comme vous, qu’on perd trop quand
» on les perd ». Telle eft l’opinion que Condé avoit
dès-lors ae Catinau Le roi qui en penfoit de même,
voulut le faire major du régiment des Gardes,
M. de la Feuillade qui en etoit colonel, & qui
n’aimoitpas Catinat, ou qui fimplemen? en vouloit
un autre, l’êconduifit à force d’éloges : On peut,
dit-il au roi ^faire de M. de Catinat, un général, un g
minifire, un ambajfadeur, un chancelier , tout, excepté f
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’ tin major du régiment des Gardes. Il fut major-général
de l’armée du maréchal de Rochefort, en 16 76,
brigadier d’infanterie en 16 7 7 , infpeéleur d’infanterie
en 1679 , maréchal de camp en 16 81, lieutenant
généràl en 1688.
On avoit fuivi une partie du confeil de la Feuillade
, & pendant que Catinat fe fignaloit toujours de
plus en plus dans les expéditions militaires,on crut
devoir le charger de quelques négociations délicates
dans le pays des négociations, en Italie. Il s’agiffoit
de déterminer le duc de Mantoue à livrer Cafal aux
troupes Françoifes ; Catinat reçut ordre de M. de
Louvois de fe rendre fécrètement à Pignerol pour
traiter de cette affaire à l’infçu de tout le monde
autant qir’il feroit poffible. Catinat en donnant avis
de fon arrivée à Saint-Mars, gouverneur de Pignerol
, le pria de le faire arrêter, fur la route, comme
un efpion & comme un avanturier, pour mieux
tromper les yeux intéreffés & pour éloigner tout
foupçon qu’il fut chargé de quelque commiflion,
ce qui fut exécuté ; tout le monde vit mettre l e ,
prifonnier à la citadelle de Pignerol, & il refia
caché pendant vingt - quatre jours dans la ville ,
négociant avec les agens du duc de Mantoue ; le
rémltat de ces négociations fut que Catinat entra
dans la citadelle de Cafal , à la tête des troupes
françoifes, avant qu’aucune puiflance fût qu’il étoit
dans le pays ; fa conduite, pendant tout fon féjour
en Italie, offrit un mélange adroit de fcondefcen-
dance & de fermeté. On le voyoit aller en cérémonie
chez l’évêque de Cafal, fuivi de tous les
officiers de fon armée , pour demander la permif-
fion de faire gras le carême; i l faut, difoit-il, fe
conformer aux loix de l’églife & aux ufages du pays ,
mais l’inquifition vouloit-elle étendre fori influence
fur les troupes françoifes ? il favoit la réprimer ;
je veux , difoit-il alors, refier autant qu’il efl pojjible.
dans nos moeurs. Le pape Innocent X I , difoit de lui :
Ce françois efl un homme (Tune rare prudence. Il fai—
foit obferver une exaâe difcipline & remplir avec
fcrupule les moindres engagemens ; une plaifanterie
n’étoit pas auprès de lu i , comme il arrive trop
fouvent, une raifon ou une excufe : un officier avoit
promis deux louis à une fille publique & lui avoit
donné deux jettons, elle en fit fes plaintes. Ah !
mon général, dit en riant l’officier , f i vous favieç
qu'elle marchandïfe elle m’a donnée ! M. de Catinat ne
rit point, il fit rougir l’officier de fon infidélité ,
l’en punit & l’obligea de la réparer.
Chargé de réconcillier le duc de Savoie avec madame
Roy ale, fa mère, tandis que Louvois lui
mandoit : parle^ ferme , parle^ durement, menace^ ,
épouvantés ,• il infinuoit, il perfuadoit, il réufliffoit.
En 1686 il eut la conduite d’une guerre difficile,
épineufe , à travers les Alpes, contre les Barbets
& les Vaudois. Son plan fut de tenir toujours les
hauteurs, préférant la fatigue à la -perte des hommes,
qui euffent été écrafés dans les vallées par
les pierres qu’on auroit roulées fur eux du haut
des montagnes ; il crut devoir donner l’exemple
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dans la fatigue comme dans les dangers ; les lettres
de l’armée portolent : II monte les montagnes a pied,
glijfant fur le cul, comme le fimple foldat, dans les
delcentes. La prompte & entière réduâion des Barbets
& des Vaudois, enveloppés par fon armee ,
& privés de tous les avantages du local, arriva
dans le temps qu’il avoit prefertt & ne démentit
pas dans la moindre circonftance la juftefle favante
de fes calculs. . .. „ Wm
t. Quand fur la 6n de fes ]ours, dit 1 auteur des
mémoires pour fervir à fa v ie , « le maréchal de
„ Catinat voulut fe faire oublier par la poftente,
7, en brûlant fes papiers & fes mémoires, dont la
77 rufe & la prière ne purent fouftraire au teu
77 qu’une partie, il conferva en entier ce qui re-
j. garde la campagne de i68 6,; & écrivit de fa
» propre main : Papiers qy# j ai juge a propos e
77 conferver. Son attachement pour cette campagne
77 venoit apparemment ou de ce qü elle étoit ton
77 coup d’effai de général, ou de ce que fon ex-
- » périence lui ayant fait connoitre 1 incertitu e
7, calculs à la g u e r re , il fe rappellent avec plaiftr
77 la jufteffe des liens en cette occafion 77.
En 1688, le ro i, en envoyant M. le Dauphin
faire le fiège de Philisbourg , lui donna pour con-
feils MM. de Vauban & de Catinat. L eftime lin-
cère de ces deux grands hommes l’un pour 1 autre
les honore trop tous les deux pour que nous ne
foyons pas empreffés d’en recueillir les témoignages.
Le modefte Catinat écrivoit à M. de Vauban.,
en foumeitant à fes lumières des projets de fortifications
à faire à différentes places ; «_s il entre j
v du fens réprouvé dans mes projets , faites-moi I
» une corre&ion en maître , & par charité pour I
» votre difcfple, fupprimez tout ce papier bar- j
bouillé ». Ils avoient enfemble de fréquentes
. conférences dont le bien public etoit toujours lob- j
jet. M. de Fontenelle racontoit qu’étant près den- j
trer un jour dans le cabinec de M. de Vauban, il J
entr’ouvrit la porte , & ’ vit ces deux hommes
rares caufer enfemble : Je la refermai avec rejpett,
difoit-il , hpnteux d'avoir pu déranger un moment un
tête-à-tête f i intéreffant pour la France.
Catinat fut bleffé au fiège de Philisbourg dans
une fortie , il reçut un coup de fufil à la tête, on
le vit tomber, £aconfternation fut générale, mais
■ fon chapeau avoit amorti l’effet de la halle, & la
chûte n’avoit été que la fuite de l’etourdiffement
caufé par le coup ; ce chapeau qui avoit pare le
coup mortel & qui avoit confervé Catinat, fut
pendant quelque temps un objet.de curiofité pour
toute farinée.
Après la prife de Philisbourg , Catinat fut chargé
de mettre à contribution les pays de Juliers & de
Liraibour® Faites de rudes executions , lui mandoit
Louvois, mètte\ le feu par-tout. Il ne mit le feu
nulle part ; il parut , & les contributions furent
payées ; mais, dit un gazetier du temps, ƒ c’eut été
tout autre général, tout le pays auroit été brûlé.
En 1690', les intérêts étoient changés du côté
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des Alpes ; le duc de Savoie , en faveut de qui Ca-
tinat avoit fait, en 1686, la guerre aux Barbets &
aux Vaudois, & contre lequel on auroit mieux
fait, comme le propofoit Catinat, de defendre ces
peuples, le duc de Savoie, devenu l’ami de nos
ennemis & des fiens, vouloit fe fervir de ces
mêmes peuples fi long-temps opprimés par lui pour
faire une irruption en France, Catinat le prévient
& alloit entrer lui-même dans fes états , le duc
l’arrête en le chargeant d’une lettre pour le ro i,
pleine de foumiflion & d’offres de fervice, Catinat
n’avoit pas en lui d e quoi foupçonner 1 artifice ; il
fut en cette occafion ( i l faut l’avouer & peut-être
à fa gloire ) , il fut ce qu’on appelle la dupe de
M. le duc de Savoie, qui 11’avoit voulu que donner
le temps à des fecours qû il attendoit, de le joindre,
& q u i, après cette jonéfion , leva le mafque.
La cour qui, 11 on étoit entré en Piémont, malgré
les foumiffions du duc, auroit accufe Catinat
d’avoir jetté ce prince dans le parti des ennemis
& d’avoir empêché la paix, ne lui pardonna pas •
d’avoir ét.é trompé. M. de Louvois qu’il reveroit
comme fon bienfaiteur, qui le regardoit comme
fa créature, & qui étoit aufil dur dans fa protection
que dans fa haine, 1 accabla de lettres humiliantes
, & qui plus eft , de dépêches contradictoires
d’où il ne refultoit que de l irrefolution.
u J’en ai perdu le fommeil & le manger, écrivoit
M. de Catinat ; » j’aimerois mieux mourir que d’être
» comme j’ai été fept ou huit jours ; mais enfin
» j’ai pris un efprit de raifon : j’ai' encore une
» lettre à effuyer de M. de Louvois, & je m en
» tiens quitte ».
Il prit fon parti, des fuccès certains couvrirent
line faute très-équivoque, la viéfoire de Stafarde
& la prife de Suze, mirent Catinat au rang des
plus grands généraux, & il n’y eut de trompé qu«
le duc de Savoie.
M. de Catinat, dans la relation qu’il envoya de
j la vi&oire de Stafarde, n’oublia rien que la part
qu’il y avoit eue , & quand cette relation fut publique
, on fe demandoit en la lifant : M. de Catinat
étoit-il à cette bataille? On n’apprit que par les
lettres de différens particuliers qu’il avoit eu un
cheval tué fous lui, qu’il avoit reçu plusieurs coups
dans fes habits, & une contufion au bras gauche,
enfin que pour un général, il avoit peut-être un
peu trop* fait le foldat. Il remercia publiquement
les troupes de leur valeur & de leur z§le , &
ayant vu quelques foldats qui jouoient aux quilles,
il fe mit à y jouer avec eux ; dans la fuite , quelqu’un
difant devant lui : « Je connois un général
» que j’ai vu jouer tranquillement aux quilles après
» une bataille gagnée , » il répondit : je ne l en
efiimerois pas moins, f i c’étoit apres une bataille perdue.
Quelle fut de la part de la cour, la récompenfe
de tant de modeftie & de tant de gloire ? Une
lettre de Louvois , dont voici les termes :
<i Quoique y©us ayez fort mal fétvi le roi cette