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» Béda & fes femblables, fuyons leurs difputes,
» dérobons-nous à leurs procédures. » Bayle applique
ingénieufement à la témérité de Berquin
l’apologue du lbup & de la grue :
Ingrata es , inqu.it , ore quce nïïfiro caput
Incolume abftuleris , & mercedem pojlulas'.
Il cite auffi fort à propos fur le même fujet ces
vers d’Horace, ode IV , liv. IV .
Cervi, luporum prada rapacium,
Secumur ultrb quos opimus
Fallere & effugere ejt triumphus.
Les fcjiolâffiques, pourfe dédommager de n’avoir
pu faire brûler Erajme qui s’étoit défendu par écrit,
de loin , parvinrent à faire condamner au feu
fon ami Berquin, comme hérétique opiniâtre ; ce
qui fut exécuté le 22 avril 1529. Erafme pleura
& combla d’éloges fon malheureux ami.
C’étoient du moins des ouvrages férieux d’Erafme
qu’on avoit cenfurés en 1527, mais la plaifanterie
de VEloge de la folie fut très- férieufement & très-
durement cenfurée par la forbOnne le 27 janvier
1542, près de fix ans après la mort d'Erafrne. On
dit, dans cette cenfure, qu’il a ofé infulter d’urie
bouche corrompue & blafphématoire, les religieux
inendians. Dès le 26 mai 1526, lafôrbonne avoit
condamné les Colloques d'Erafme | auxquels elle j
appliquoit ce mot de faint Paul : corrumpunt bonos j
mores colloquia prava.
Les moines ne perdoient pas une occafion d’inful-
ter Erafme: quand ils publièrent en Flandre la j
bulle de Léon X contre Luther , ils eurent foin \
d’avertir qu'Erafme, qui n’avoit point encore été j
cenfuré alors, étoit un ennemi bien plus dangereux.
A Bruges, un cordelier prêcha contre Erafme & i
Luther, car c’étoit l’ufage de les joindre enfemble
dans ces déclamations fatyriques qu’on appelloit
des fermons ; Erafme * difoit-on, avoit pondu
les oeufs, Luther avoit fait éclorre les poulets; le
cordelier, après les avoir traités de bêtes, flânes,
de fouches, paffa aux grands reproches, & fe
chargea de faire voir qu'Erafme étoit tout plein
d’hèréfies : un magiftrat furpris de cette imputation,
qui devoit pourtant moins l’étonner que celle
de bétïfe & flânerie, A h trouver le moine & demanda
înflamment à voir ces héréfies. & A Dieu ne plaife,
dit le moine, » que j’aye jamais lu les livres de ce
» bel-efprit ; je jetai les yeux uri jour fur fes para-
» phrafes, c’étoit un latin fi élevé que je n’y pus
» rien comprendre; cet homme ne peut être qu’un
3) hérétique. » Un carme , prêchant à Paris devant
François I , annonça l’arrivée prochaine de l’ante-
chrifl; il en compta tous les précurfeurs, en France
le Fèvre d’EflapIes, en Allemagne Reychiin, en
Brabant, Erafme. A Anvers, le cordelier Nicolas
Herborn écfivdit' qu'Erafme feul avoit fait plus de
mal que Luther, Zuingle > OEcolampade : ces quatre
hommes étoient les folclits de Pilate qui avoient
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crucifié Jéfus-Cbrifl, il appliquoit fur-tout a Erafme
ce mot de l’Ecriture : il feroit bon que cet homme ne
fût jamais né. Un dominicain difoit ou en chaire ou
à table : non , il n'y a point d'hérétique plus fcélérat
qu'Erafme. Un autre dominicain , nommé Vincent,
difoit : c'efl Erafme qui a fourni à Luther tout fort
venin. Le cordelier Pierre le Cornu, expliquant ces
paroles du pfeaume 90 : vous écrafere% le lion &
le dragon, difoit, le lion, c'efl Luther; le dragon ,
c'efl Erafme.
A Confiance, un doôeur avoit dans fon cabinet
le portrait d’Erafme, & ne manquoit jamais de
cracher deffus en paffant.il écrivoit: « on a brûlé
ou égorgé plufieurs milliers d’hérétiques , c’efl
quelque chofe que cela; mais ce n’efl rien, fi on
laiffe vivre Erajme , leur maître. »
, Rien n’égaloit le zèle du carme Nicolas d’Egmond;.
fes déclamations contre Erafme font le délire de
l’intolérance & de la brutalité..(Voyeç fon article)
C ’efl ainfi qu’on traitoit, à Louvain, l’homme à qui
Rotterdam fa patrie érigea une flatue avec Fapplau-
diffement de toutes les nations.
Ce n’étoient pas feulement les moines qui Tou—
trageoient pendant fa vie ; plufieurs gens de lettres
furent injufles à fon égard : le prince de Carpy,
Scaliger, B o le t , Hutten, Eppendorff, Stunica ,
Caranza, Aléandre, & beaucoup d’autres favans
de tous pays écrivirent contre lui & lui donnèrent
des mortifications.
Né en 1467, il mourut à Bâle en. 15 36.
ERATOSTHENE. (Hifl, anc.') Sous le règne
de Ptolcmée Evergète, premier félon les uns ,
fécond félon les autres, (ce qui feroit la différence
du troifième au feptième roi depuis Alexandre le
grand) Eratoflhène , originaire de CyrèneV ville
grecque fur la côte feptentrionale de l’Afrique ,
fut appellé en Egypte pour prélider à l’académie dt»
mufâum & à la bibliothèque d’Alexandrie ; il pof-
féda cet emploi pendant quarante-cinq ans : poëfie,
grammaire, philofophie, critique, mathématiques,,
aflronomie, tout étoit du reffort de ce favant ; il fe
diftingua dans tous les genres; il ne fut, dit-on,
le premier dans aucun, mais il parut y être le fécond
, & c’efl ce qui lui fit donner le furnom de
Bèta -, fécondé lettre de l’alphabet grec : d’autre*
croyent que ce furnom lui fut donné parce qu’il
fut le fécond bibliothécaire d’Alexandrie , ayant
fuccédé immédiatement à Zénodote, qui avoit été
le premier. I l avoit déterminé/la figure de la terre*
& , félon la remarque de M. Fréret, cette opération
étoit fi exaéle, que, comparée à celle dé
l’académie des fciences, elle n’en dileroit que de
quelques flades. On peut voir dans le i 6\ volume
des Mémoires de littérature ce que M. d’Anville
& M. de la Nauze ont écrit à ce fujet. Il avoit
fait une étude particulière de Thifloire & de la
chronologie. Il avoit publié une chronologie complète
de Thifloiregrecque; elle remontoir jufqu’aux
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temps les plus reculés, & fixoit même l’époque de
plufieurs événemens des temps héroïques. C ’efl le
plus ancien chronologifle grec apres les marbres
de Paros ou d’Arondel. (V oy e z Arondel.) L’intervalle
d’environ quatre cents ans qu’ il met entre le
règne d’Inachus & la prife de T r o y e , & l’intervalle
pareil qu’il met entre la prife de Troy e & la première
olympiade, font adoptés par les plus célébrés
chronologifles.
Eratoflhène s’appliqua fortement à la recherche
des antiquités égyptiennes; il ajouta des fupplémens
à l’ouvrage de Manéthon fur Thifloire'd’Egypte.
Nous avons tin fragment de cet ouvrage flEra-
tojlhène ; il nous apprend les noms & la fuite des
trente huit premiers rois de Thèbes & la duree de
Ipur régne. Ce fragment efl d’un très-grand ufage
pour fixer la chronologie égyptienne. Apollodore,
fucceffeur fl Eratoflhène dans l’emploi de bibliothécaire
d’Alexandrie, & qui écrivoit du- temps de
Ptolémée Phifcon, huitième roi apres Alexandre ,
inféra dans fa chronique la lifle des rois de Thèbes,
donnée par Eratoflhène ; & comme elle finiffoit au
temps où cette ville avoit ceffé d’être la capitale de
l ’E gypte, il y ajouta une continuation comprenant
le refie des princes qui avoient régne fur le
ays jufqu’à la deflruétion du royaume par les
erfes. Voilà ce que dit M. Fréret, Mém. de Litté-:
rature, tome V I , page 183 ; mais voici ce que nous
trouvons dans un article communiqué par M Richer
du Bouchet & inféré dans la dernière édition de
Morery. Le Canon des rois thébains d’Eratoflhène,
tiré des Annales d’Âpollodore, efl rapporté dans la
Chronographie du Syncelle, qui nous apprend que
ce Canon contenoit une fimple lifle de quatre-vingt-
onze rois thébains; mais comme le Syncelle ne
connoiffoit point ces rois, & qu’il n’a pu en faire
ufage dans fa Chronographie, il s’efl contenté de
nommer les trente huit premiers & a fupprimé les
Cinquante-trois fuivans comme inutiles. Scaliger a
tranfcrit les noms de ces trente^huit premiers .fans
avertir dé la fuppreffion des cinquante-trois autres.
De-là une erreur parmi les favans. On a cru
qu’Améihoflhène, trente-huitième roi de ce canon,
a été le dernier roi de cette monarchie de la Thé-
b'aïde, ou haute Egypte ; mais M. Richer du Bouchet
croit qu’on peut démontrer, i Q. qu’elle éprouva
feulement alors une révolution , & qu’Ofymandias
fit la conquête des deux royaumes d’Egypte, favoir,
de la baffe & de la haute, & même de toute l’Afie :
a 0, que la Thébaïde ou la haute Egypte a égalé la
monarchie de la baffe Egypte dans fa durée, comme
dans fa gloire : j°. qu’elles ont commencé dans le
même temps, quoique par différens princes , mais
qu’elles ont fini enfemble, détruites par les mêmes
rois perfes ; qu’enfin on peut démontrer la fuite
des rois .thébains que le Syncelle a fupprimés, &
développer Thifloire des trente-huit premiers qu’il
a ignorée ; ce qui lui fit regarder cette lifle comme
line cunofité inutile. ,
Eratoflhène avoit laiffé plufieurs poèmes.; on n’en
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a aufli que'des' fragmens : on a , par exemple, fes
vers élégiaques fur la duplication du cube, finguher
’ fujet de poëfie & d’élégie.
E r a to f lh è n e étoit dans l’opinion que les poètes ne
fe propofoientquede plaire & nullement d inftruire :
cette idée étoit plus d’un bel-efprit que d un favant.
Le géographe Strabon, qui Ta relevé affez mal fur
divers points de géographie, la , dit-on , fort bien
relevé fur cette opinion littéraire. E ra to f lh è n e ne
vouloit-il que plaire en traitant de la duplication
du cube ? Cela fe peut, après tout. M. de Voltaire ,
dans Tépître à Mme. du Châtelet fiir la philofophie
Newtonienne, plaît beaucoup par le mérité d une
grande difficulté heureufement vaincue ; mais fi
fes beaux vers rappellent la philofophie Newtonienne
à ceux qui la connoiffent, ils ne la feroient
pas connoître à ceux qui l’ignorent. Ils n inftruifent
donc pas. Au refie , fur cette queflion d’inflruire
& de plaire , on ne dira jamais rien de mieux que
ce qu’a dit Horace :
A u t prodejfe v o lu tit aut deleclare Po’ètce ,
Aut fimiil & jucunda & idonea dicere vittz . . . .
Omne tuht punâum, qui mifeuit utile dulci ,
Leâorem delectando pariterque monenda.
On appelle le c r ib le d ’ E r a to f lh è n e une méthode’
inventée par ce favant pour connoître les nombre»
qui n’ont point entre eux de mefure commune.
Il forma le premier obfervatoire, il obferva
l’obliquité de l’écliptique. On lui donna les furnoms
de C u fm o g r a p h e . A r p e n t e u r d e l ’ u n iv e r s , de f é c o n d
P la t o n . Le peu qui nous'refte de fes ouvrages a.été
imprimé à Oxford, en i6 7Z , en un volume i? -8>
Il a vécu jufqu’à quatre-vingts ans , félon Suida^
jttfqu’à quatre-vingt-deux felonLucien. M. Bonami,
Mém. de Littéral, vol. IX , page 404, place fa
mort à la 7 . ou à la 9-. annee du règne de Ptolémée
Epiphanes, environ deux fiècles avant J. C.
Il y a un autrd E ra to f lh è n e dit /ç G a u lo i s , parce
qu’il étoit né dans les Gaules., & qu’il eft auteur
d’une h if to ir e d e s ' G a u l e s , dont parle Etienne de
Byzance, qui Pattribue, mal-à-propos, à fra-
tofthène de Cyrène. Le Gaulois eft poftéri-ur d’un
fiècle au Cyrénéen.
ERCHEMBERT, ( H i f l . l ia . m o d .) chroniqueur
des Lombards, dont l’abrégé fert de fuite à Paul
Diacre, & s’étend depuis l’an 774 jufqu a l’an 888.
Il étoit lombard St bénédictin , & vivoit au neuvième
fiècle.
E R C IL L A -Y -C U N IG A , ( d o m A lo n z o d ’ )
( H i f l . l ia . m o d . ) efpagnol, auteur du poeme de
Y A r a u c a n a , ainft appellé du nom d’une contrée
montagneufe du C h i ly , où il fit une guerre pénible
& périlleufe à des peuples reb e lles, c e u - a -d ir e ,
aux naturels du pays , q u i , réclamant le droit irn-
prefcriptible de la jib e r té , tentoient de fecouer le
jou g trop dur de l’Efpagne : il fut vainqueur 8c ;
° O o o a,