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loit fa fille d’adoption & qui la fit héritière de fes
écrits ;elle donna, en 1635 » l’édition de (çs'efid’is.
On a aufîi d’elle des ouvrages qui ont été recueillis
en deux volumes 1/1-4°. Elle a voit confervé , par
goût & par principe, le vieux langage & la vieille
prononciation ; elle étoit d’ailleurs d’une vivacité
qui ne lui permettoit pas de foigner fon fiyle ni dans
la conversation ni dans fes écrits, en conféquence
elle haïfîoit les purifies, & difoit que leur fiyle était
un bouillon d'eau claire fans impureté & fans fub-
fiance. On a retenu d?elle ce vieux vers :
Quand mon âge fleuri rouloic fon gaî printemps,
Q u i eft la tradu&ion de ce vers de Catulle :
Jucundnpi càm estas jlorida ver ageret.
Elle fut l’objet de plufieurs fatyres aflez groflières,
où on lui reprochoit d’être laide & encore fille
à cinquante cinq ans. Née en 1 566 ; morte en 1645.
Ses amis l’appelloient la fyrene françoife; ce qui
prouve feulement qu’une femme qui écrivoit bien
ou mal, paffoit alors pour un prodige.
GO U RVIL LE , (Jean H é r a u l d , s i e u r d e )
( Hiß. de Fr. ) né à la Rochefoucauld en 1615 ,
d’abord valet-de-chambre du fameux duc de la
Rochefoucauld, auteur des maximes. Ce duc le
donna au grand Condé ; il fut aulfi attaché au fur-
intendant Fouquet, enveloppé dans fa difgrace &
condamné à être pendu. 11 pafia dans les pays
étrangers, y rendit des fervices importans, &
mérita d’être employé par la France avec caractère
auprès de diverfes puifîances d’Allemagne ; &
comme il négligea de faire révoquer fon arrêt,
on a eu raifon d’obferver qu’il étoit à la fois pendu
en effigie à Paris, & envoyé du roi en Allemagne.
A la mort de M. Colbert, il fut propofé au
roi pour être contrôleur-général. On dit que ce
fut M. le Tellier qui empêcha ce choix en paroif-
fant l’approuver beaucoup. Sire, dit-il au roi,
votre majeftè ne peut pas mieux faire que de
nommer M. de GourviUe, ce feroit le moyen de
le détacher des intérêts de M. le prince. Il favoit
qu’en rappellant l’attachement de GourviUe pour
le grand Condé, il le perdoit abfolument dans
l’efprit du r o i, ' qui eftimoit ce grand prince &
-refpeétoit fa gloire, mais qui n’avoit pas perdu
la mémoire des troubles de la fronde, de la fur-
prife de Bléneau & du combat de Saint-Antoine.
En effet, Louis XIV ne dit rien , & parla de M. le
Peletier ; c’étoit celui que M. le Tellier vouloit
faire nommer. ( Voye^ l’article P e l e t ie r ) ( l e )
Gourville a laiffé des mémoires curieux ; on y voit
avec plaifir & avec intérêt le tableau du défordre
©ù étoient tombées les affaires d u : grand Condé
pendant le temps de fa fatale alliance avec l’Efpagne,
& des moyens fi fages , fi économiques que prit
Qçurville ppur .les réparer ; on y voit- comme il
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tefloît rigueur à ce prince fur les fournies qu’il lui
permettoit d’employer à fön plaifir, à l’embêllif^
fernem de Chantilly, à la confé&ion de ce beau
canal, qui fait toujours l’admiration des étrangers,
allez droit pour conferver le fuffrage des amateurs
des anciens jardins, affez courbé pour fatisfaire
les modernes, ennemis de la ligne droite.
Nous ne favons que par tradition les anecdotes
fuivantes. Gourville , devenu un-homme important
dans l’état, étoit fi éloigné de fe méconnoître , que fe
trouvant à la ch a fie avec M. le duc de la Rochefoucauld
, fon premier maître, qui depuis long-;
temps ne traitoit plus avec lui que d’égal à éga l,
& voyant que M. le duc de la Rochefoucauld
eflayoit de quitter fes bottes, & n’avoit perfonne
pour les lui ôter, il fe préfenta pour lui rendre
cet office. Que faites-vous donc monfieur de Gourville ?
s’écria le duc. Eh', monfieur le duc , répondit Gour*
ville, efi-ce la première fois ?
On conte une anecdote fingulière fiir la mort
de Gourville. Il mouroit tranquillement de langueur
& de foiblefîe; fes amis étoient en grand
nombre autour de fon lit. Je me fens fi foible,
leur dit-il, qu’il me paroît évident que fi je vou-
lois feulement me retourner dans mon lit ,• ce
mouvement me feroit rendre Tarne. On l’aflùra
que ce fentiment de fa foiblefîe le trompoit &
qu’il étoit exagéré. Voulez-vous, leur dit-il, en
avoir le plaifir? il fe retourna, & mourut. C’étoit
en 1705. C ’eft fur lu i, dit-on, que Boileau fit
cette épitaphe épigrammatique :
Cy-gît juftement regretté,
Un favant homme fans fcience ,
Un gentilhomme fans naiflance ,
Un très-bon-homme fans bonté.
Tout cela fignifie qu’il parloit très-bien de
tout fans être fort inftruit, qu’il avoit, quoique
d’une naiflance obfcure, de la dignité dans le
cara&ère & de la noblefle dans les manières,
qu’il careflbit tout le monde , & qu’on prétendoit
qu’il n’aimoit perfonne véritablement.
GOUTHIER ou GUTHIER, ou GUTHIERES;
( JACQ UE S ) (Hiß. litt.mod.) avocat, auteurd’im
poème fur Ta. prife de la Rochelle en 162.8,
! Rupella capta, .dédié au cardinal de Richelieu;
d’un traité de orbitale tolerandâ, mais d’un autre
intitulé : laus cotcitatis. On a peine à comprendre
ce qui peut être dit de raifonnable pour confoler
de la cécité & de la dépendance univèrfelle où
elle met. Mort en 1638.
GOUVEST. ( Je a n - H e n r i M a u b e r t d e }
(Hiß. litt.mod.') Sa vie fut celle d’un aventurier
qui changea plufieurs fois d’état & de religion^
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fe fit deux fois capucin & mourut proteftant ; mais
il a fait preuve de talent dans fon teitament
politique du cardinal Alberoni & dans fon luj-
toire politique du fiècle, pris .depuis la paix de
Weftphalie en 1648, jufqu’à la paix dAix -la -
Chapelle en 1748. Ce'qu’il y a de plus remarquable
dans ce dernier ouvrage , aflez défectueux,
mais qui fouvent fait penfer, c’eft le jugement
de l’auteur fur Louis XIV: en général il ne paroît
point avoir des idées aflez fixes fur le caractère
de ce prince ; tantôt il n’impute qu à lui feul cette
fierté, cette hauteur tant reprochée à fon gouvernement
, & il paroît croire que c’eft Louis XIV
lui-même qui l’avoit infpirée à fes miniftres malg
ré eux ; tantôt il repréfente Louis XIV comme
un prince entièrement gouverné par ces_ mêmes
miniftres, & qui n’avoit formé fon caractère que
des impreflions qu’il avoit reçues d’eux. Il eft
plus ferme dans fes idées comparatives fur Louis
X IV & fon rival le prince d’Orange ; c’eft ä
ce dernier qu’il donne hautement la préférence ;
il paroît prendre plaifir à montrer le prince
d’Orange toujours fupérieur à Louis X IV , l’effaçant
entièrement dans l’art des négociations,
méditant fes projets avec plus de profondeur, les
préparant avec plus de fagefle, les exécutant avec
plus d’ardeur ; il va même jufqu’à refufer au con--
feil françois, dans les plus beaux jours de la gloire
de Louis XIV, tout plan & toute combinaifon :
il prétend que Louis X IV fut redevable à la
politique de fon rival de toute fa réputation de
politique; il fuppofe que Guillaume, obligé de
peindre Louis redoutable pour donner aux diverfes
puifîances de l’Europe un intérêt fenfible de
fe liguer contre lu i, leur exagéra tellement l’af-
cendant de ce prince, confirma tant par fes reproches
les flatteries dont fes fujets l’enivroient,
que toute l’Europe fut remplie d’une faufle idée
de la fagefîe & de la puiflance de Louis X IV ,
& préfuma d’autant plus de la juftefîe & de la
profondeur de fa politique, qu’elle en pouvoit
moins faifir les rapports.
Par une fuite de ce plan aflez nouveau, adopté
par l’auteur pour dégrader Louis XIV, il eft
obligé du moins de lui épargner le reproche, tant
répété par fes ennemis, d’avoir afpiré à la monarchie
univerfelle; c’eût été avoir un fyftême ,
& M. Maubert de Gouvefl ne veut point abfo-
fument qne Louis.XIV en air eu. Il eft auteur
de quelques autres ouvrages moins célèbres. Mort
en 1767.
GOUX DE LA BOULAYE , (F rançois le )
(Hiß. litt, mod.) vôyàgeur françois, mort en Per,fe,
vers l’an 1669, On a de lui la relation de fes
yoyages.
GRACCHUS. ( Hiß. rom. ) Les Gracques,
tribuns du peuple, fi célèbres dans Fhiftoire du
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tribunal & dans les débats fanglatis des patriciens
& des plébéiens, du fenat & du peuple•
étoient-ce' des citoyens vertueux ou des fujets
fadieux & des tyrans ambitiëux ? C’eft un problème
difficile à réfoudre. Dubium pius an feele-
ratus Orefles. Leur père Titus Sempronius Grac-
chus, étoit ennemi perfonnel du premier Scipion
l’Africain, le vainqueur d’Annibal ; mais ennemi
généreux, il s’indigna de l’ingratitude du peuple
romain qui vouloit flétrir la gloire d’un tel homme
par un jugement injufte ; il rappella les fervices
& les triomphes de Scipion. Quoi donc 1 dit-il,
la vertu des grands hommes ne trouvera-t-elle
jamais-ni dans fon propre mérite, ni dans les
honneurs où vous l’élevez, un afyle & comme
un fan&uaire, où leur vieillefle foit a couvert
de l’outrage & de l’injuftice? Nullis-ne- mentis
fuis , nullis vejiris honoribus unquam in arcem tu-
tam & velup fanftam , clari viri pervenient, ubi f i
non venerabilis , inviolata faltem fene£lus eorum
confidat ? Le fénat remercia Gracchus de ce qu’il
avoit fait céder fes reflentimens particuliers à
l’honneur de la république, & il ne fut plus
parlé de l’indigne procès qu’on avoit voulu faire
à Scipion. Qn ajoute même que pour cimenter
la réconciliation de Scipion avec Gracchus, les
fénateurs proposèrent au premier de donner une
de fes filles en mariage à Gracchus ; Scipion en
prit l’engagement, & de retour dans fa maifon ,
j’ai marié ma fille , dit-il à Emilie fa femme,
-r- Quoi ! fans confulter une mère ? — Je n’ai
pu m’en défendre. — Ah l quand ce feroit pour
la donner à Sempronius Gracchus, deviez-vous
m’en faire un fecret? — Quoi! vous la donneriez
à Sempronius Gracchus ? Eh ! quel autre en
eft plus digne ? — Eh bien ! c’eft à Sempronius Gracchus
que je l’ai donnée. Ce fut la fameufe Cornélie,
mère des Gracques. Titus Sempronius Gracchus fut
Cenfeur l’an de Rome 584, deux fois conful l’an
575 & Tan 589; il reçut deux fois l’honneur du
triomphe , il laifla douze enfans à fa femme. On
conte de lui un trait que quelques-uns pourront
regarder comme une fuperftition ridicule, mais
que les hiftoriens citent comme une marque efti-
mable du refped des Romains pour la religion.
Gracchus, dans fon fécond confulat, avoit pré-
fidé, félon l’ufage , à l’éledion des confuls de
l’année fuivante; il lui vint après coup des feru-
pules fur l’omiffion d’une cérémonie, à laquelle
il favoit feul qu’il avoit manqué, il craignit que
cette omiflion ignorée ne rendît l’éle&ion vicieufe
au tribual des dieux; il confulta le collège des
augures, & ceux-ci en rendirent compte au fénat;
les deux nouveaux confuls étoient entrés en
charge , s’étoient partagé les provinces, s’étoient
rendus chacun dans la leur. On les rappella ; &
lorfqu’ils furent inftruits du fujet de leur rappel,
ils abdiquèrent d’eux-mêmes le confulat; on les
en dédommagea dans la fuite, mais leur èledioiï
fut jugée nulle pour cette année.