*4® C H R
ayant pris le parti des républiques, le prince danois
fentit qu’une nouvelle guerre dévoreroit plus
de richeffes en un an, que la levée de ces impôts
»e pouvoir lui en produire en dix ans ; il les fup-
prima. Cet amour du repos public l’engagea à fe
iier étroitement avec Guftave-Adolphe ; il eut une
«ntrevue avec ce jeune héros , & le coeur fut de
moitié dans leurs entretiens.
L’Allemagne étoit alors en proie à toutes les
fureurs de la guerre. L’éleâeur palatin, & plufieurs
autres princes foulevés contre l’empereur, avoient
été profcrits , dépouillés de leurs domaines, &
mis au ban de l’empire. Chrijliem effaya d’abord
d’appaifer le monarque; mais ayant employé fans
iiiccès les vçies politiques, il réfolut d’embraffer ,
les armes à la main, la défenfe de ces illuftres
malheureux. Il marcha donc à la tête de fon armée,
ne fit pas une opération un peu importante,fans
faire auparavant offrir la paix à l’empereur ; dépendit,
fous les peines les plus févères , de troubler
les travaux du payfan : fes foldats furent partout
les proteâeurs de leurs hôtes, & ne laiffè-
rent aucune trace de leurs paffages. Une guerre
«ntreprife par un motif fi beau, conduite avec
tant de modération, méritoit un fuccès plus heu-
Teux; les Danois furent vaincus en plufieurs rencontres
; enfin, après avoir fi long-temps offert la
paix à fes ennemis, il fut contraint de recevoir
lui-même ,en 1629, les conditions qu’ils voulurent
lui impofer. La plus dure étoit la ceflion des ifles
■ de Fremeren, & une partie de celles de Warde &
de Suide, que le roi fut forcé d’abandonner aux
maifons de Slefwigh & de Holftçin-Gottorp.
A peine délivré d’une guerre auffi ruineufe, il
ne fongea qu’à en réparer les ravages. La ville de
Gluckftald avoit été dépeuplée & prefque détruite
par un fiège long & meurtrier : il réfolut d’en relever
les ruines, de la rendre riche, belle & flo-
riffante ; ce fut dans cette vue qu’il ordonna que
tous les vaiffeaux qui navigeroient fur l’Elbe paieraient
une fomme confidérable. La ville de Hambourg
murmura de cette impofition, qui gênoit
ion commerce. Chrijliem répondit à fes murmures
par des menaces : les efprits s’aigrirent & la guerre
lut déclarée ; elle dura peu de temps , & ne tut pas
meurtrière. La ville de Hambourg la termina, en
payant au roi cent mille rifdales. De nouveaux
traités avec la Suède & la Hollande rendirent la
puiffance danoife plus redoutable que jamais : ce
fut cependant en vain que Chrijliem offrit fa médiation
pour terminer les différends trop célèbres
de Guftave-Adolphe & de l’empereur. Ce prince
n’avoit pas , pour un médiateur qu’il avoit vaincu
plus d’une fois, tout le refpeéf que la vertu de
Chrijliem infpiroit au refte de l’Europe. Sa gloire
avoit rempli tout le Nord, elle avoit pénétré juf-
qu’au fond de la Mofcovie, & le czar lui envoya ]
des ambaffadeurs pour lui demander fon amitié. }
Cependant ce même Guftave-Adolphe, dont Chrif J
tiem avoit recherché l’alliance avec tant d’empref- j
C H R
fement, ne put cacher long - temps cette jaloufiè
innée que les fervices du prince danois n’avoient
pu étouffer dans fon coeur. Des intérêts très-légers
firent naître une guerre cruelle : les forces navales
des deux partis fe mirent en mer. Chrijliem def-
! cendit dans Tille de Fremeren , fut attaqué par la
flotte fuédoife pendants le débarquement, reçut
deux bleffures à la tête, continua de combattre &
de donner des ordres. Après s’être affuré de fa conquête,
il retourna à Copenhague ; mais fes généraux,
en fon ablènce , ne montrèrent qu’une moufle
honteufe ; l’amiral Ghed, défié par la flotte
fuédoife, refufa le combat. Chrijliem déclara que ,
puifque ce général n’avoit ofé expofer fa tête aux
champs d’honneur, il méritoit de la perdre fur un
échafaud; il fut décolé en 1644. Un nouvel échec
que les armes du roi reçurent fur la mer irrita
tellement ce prince contre la Suède , qu’oubliant
qu’il s’étoit deftiné à être le pacificateur de l’Europe,
il forma une ligue avec la Pologne pour
accabler les Suédois, de concert avec cette république.
Mais ce premier reffentiment fut bientôt
calmé ; la paix fut conclue ; & comme le fort des
armes n’avoit point été favorable à Chrijliem, fes
ennemis furent les maîtres des conditions. Il mourut
en 1648, après un règne de foixante ans.
Ce prince étoit né pour faire l ’ornement & le
bonheur du genre humain. S’il avoit eu des voi-
fins moins inquiets, fes états auroient joui, pendant
toute fa vie , d’un repos inaltérable. Brave
foldat, général peu expérimenté , il fut fouvent
battu ; mais il montra du moins que s’il haîffoit la
guerre , ce n’étoit point la crainte d’expofer fes
jours. Il protégea les fàvans, & fur-tout le célèbre
Tycho-Brahé, qui éclaira le Nord, & fut philo-
fophe dans une contrée où jufqu’aîors on n’avoit
vu que des fophiftes. (M . d e Sa c y \
C h r ist ie r n V ( Hijl. de Danemarck), étoit fils
de Frédéric I I I , roi de Danemarck. Dès fa plus
tendre enfance il montra un goût décidé pour les
armes : au fiège de Copenhague il fit éclater un
courage bien rare dans l’enfance, où les organes,
trop faibles, font puiffamment remués par tout
objet terrible ; on * l’eût pris pour un fôldat dans
la mêlée, pour un capitaine dans le confeil. Il
voyagea , rapporta dans fa patrie une connoiffance
profonde des moeurs, des intérêts & des îoix des
nations voifines, & une paflion violente pour
Charlotte-Emilie, princeffe de Heffe-Caffel.. Fré-
I déric ne s’oppofa point à un penchant fi légitime ;
I Chrijliem époufa la princeffe le 10 mai 1667. Frédéric
étant mort en 1670, Chrijliem monta fur le
trône : il trouvoit un peuple abattu, des finances
épuifées , des miniftres avides , les traces encore
récentes des guerres que Frédéric avoit foutenues ,
enfin la Suède toujours prête à prendre les armes
contre le Danemarck. Il vouloir fe mettre en état
de défenfe, & fe propofoit même d’aller porter
le fer & le feu jufques chez fes ennemis ; mais le
peuple devenu audacieux, par l’impuiffance même
c h R
'd’obéir| lui refufa des fubfides qu’il ne pouvbit
payer ; d’ailleurs l’ancienne querellé des ducs de
Holflein & des rois de Danemarck, au fujet du
comté d’Oldenbourg, fe réveilla. La Suède pro-
mettoit fecrètement fon appui aux ennemis de
Chrijliem. Celui ci fut fi adroitement le tioer dece
différend, dont les fuites pouvoient être funefies,
que le duc de Holflein -Gottorp & le duc de
Holflein-Ploen demeurèrent feul en butte à leur
snimofitè réciproque. Le roi parvint à les réconcilier
; mais maigre l’alliance jurée par ces princes,
Chrijliem , qui fe défioit de leurs promeffes, avant
de .fe mettre en marche contre les Suédois, voulut
s’afiurer de leurs principales forterefifes, de peur
que pendant fon ablence ils ne fiffent une irruption
dans le Danemarck. La guerre fut déclarée :
la Hollande envoya une flotte dans le Nord, elle
fe joignit à celle de Suède ; les princes de Brandebourg,
de Lunebourg, de Munfter unirent leurs
forces à celles de Chrijliem ,■ pour accabler une
puiffance que tant de fuccès avoient rendue formidable
au refie de l'Europe. Le célèbreTromp fe
fignala dans cette expédition, & le roi lui donna
l’ordre de l’Eléphant. Ce prince defcendit en Scanie,
entra dans Helfinbourg fans coup férir, emporta
Landskroon de vive force, s’empara de Chriftiandf-
ta t , revint à Copenhague , reparut à la tête de
fon armée, vint camper entre Sorenftorp & Stanky,
& prêfenta la bataille aux Suédois : elle fut très-
meurtrière ; on fit de grandes fautes , de beaux
exploits, des évolutions favantès ; chacune des
deux armées fut battue à une extrémité tandis
qu’elle triomphoit à l’autre, & les deux partis s’attribuèrent
la viâoire. Chrijliem revint à Copenhague
pour faire de nouvelles levées , & fe mettre
en état de remporter des fuccès moins conteflés :
il envoya auffi des miniftres plénipotentiaires au
congrès de Nimègue , réfolut de combattre & de
négocier, de faire à la fois la paix & la guerre.
Tandis que fes ambaffadeurs fe querellûient avec
ceux d’Efpagne fur le cérémonial, il inveftit Mal-
moe ; il alloit fe rendre maître de cette place ; mais
un pont s’étant écroulé fous la multitude dès affail-
lans, qui furent noyés, le refte perdit courage;
& Chrijliem , qui favoit combien il éft dangereux
de rebuter le f'oldat, leva le fiège. Il crut qu’une
viâoire répareroit avec éclat le léger échec que
fes armes venoient de recevoir : ce fut près do
Landskroon, en 1677, que fe donna cette bataille,
où les rois de Suède & de Danemarck firent tous
deux des prodiges de courage & de génie capables
d’étùnner les plus grands capitaines ; ils n’a-
voient point de polie fixé que celui où le. péril
étoit plus grand. Chrijliem fe précipita plufieurs fois
au milieu des Suédois, tua plufieurs officiers de fa
main , chercha par tout fon ennemi, & ne put le
joindre, Le combat ne ceffa que lorfque les combat-
tans, épuifés de fatigues, accablés parla chaleur,
n’eurent plus la force de fe fet.vir de leurs armes,
y armée danoife fe retira .en bon ordre, & fa re-.
C H R 141
traite laiffa aux Suédois le champ de bataille, &
le préjugé de la viâoire plus important quelquefois
que la viâoire même.
Cependant les troupes qui étoient defcendues
dans Tille de Rugen furent écrafées par les Suédois.
Le refte de la campagne ne fut pas plus
heureux; les Danois recevoient échec fur échec,
la nation étoit découragée , les foldats fe traînoient
aux combats avec cette défiance qui préfage la
défaite, le roi feul étoit toujours le même. On
négocioit toujours à Nimègue : le roi de Suède
croyoit que les difgraces que les Danois avoient
effuyées le rendroient maître des conditions ; mais
Chrijliem jura de périr plutôt que de faire une
paix honteufe. Les hoftilités continuèrent , mais
avec moins de violence.; une flotte fuédoife fut
battue par les Danois, quelques provinces , quelques
ifles , furent fubj uguées fans coup* férir. Ces
pertes rendirent le roi de Suède moins difficile fur
les conditions du traité; il fut ligné en 16 79, par
la médiation de la France , & ce fut en confédération
de fa rnajejlé tr'es-chrétienne que Chrijliem con-
fentit à rendre à fon ennemi tout ce que ce prince
poffédoit avant la gueire. 11 fit même alliance avec
ce prince, mais bientôt il tourna fes armes contre
la ville de Hambourg. On négocia long-temps fans
fruit, & ce différend fut encore terminé par l’en-
! tremife de Louis X lV & des princes deBrunfwick.
Le mariage de la princeffe Ulrique-Eléonor avec
le roi de Suède , difiipa les alarmes que donnoient
aux deux nations les reffentimens de^ leurs princes ,
qu’ils croyoient mal étouffés ; mais bientôt les
prétentions de Chrijliem fur le Holflein menacèrent
le Nord d’un nouvel embrâfement. Dans un
voyage qu’il fit par mer, pour affurer le fuccès
de fon entreprife , il fut fur le point de faire naufrage
: on le vit calme dans le p éril, encourager
les matelots effrayés , remplacer le pilote , & montrer
moins d’inquiétude pour lui-même que pour
fes compagnons.
Ce prince n’avoit point perdu fes vues fur Hambourg;
fes querelles toujours renaiffantes avec le
duc de Holftein-Gottorp , fes négociations avec la
cour de France, un peu lente à le féconder, ne
l’empêchèrent pas de former une tentative fur
Hambourg : il afîïégea cette ville avec des troupes
qui auroient à peine ftiffi pour la défendre. Forcé à
la retraite , moins parla puiffance de fes ennemis,
que par la foiblefle de fes troupes, il termina le
liège par une capitulation, également gênante, &
pour lui-même , & pour les habitans. Mais il avoit
en vue une proie plus belle ; c’étoient les états du
duc de Holflein, dont il s’empara. Cette efpèce
d’ufurpation foule va toute l’Europe : le traité d’Al-
tena-appaifa ces différends fl longs & fi funeftes ,
& Chrijliem reftitua, avec regret, des b;ens qu’il
avoit conquis fans effort. Ce prince ne put jamais
étouffer dans fon coeur les reflentimens qu’il avoit
conçus contre le duc ; il lui fufcita des affaires
épinçufes ; & fl la jaloufle ? que la puiffance, d«ç