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noies, du rétabliffement du commerce, que les
guerres contre l’Angleterre avoient entièrement
détruit, & auquel il fut donner une étendue & une
aéfivité inconnues jufqu’à lui. Jacques Coeur ne fut
pas ^moins utile à fou maître que les Dunois, les
Lahire, les Saintrailles, les Chabannes, & ces héros
fans doute auraient été moins heureux dans
leurs exploits , s’ils n’euffent été fécondés par les^
foins vîgilans de Jacques Ceeur, & par -fon intelligence
pour l’approvinonnement des armées qu’ils
commandoient. Peut-être auroit-on pu lui objeéter
que le commerce qu’il faifoit avec les finances dè
lé ta t , il le faifoit pour fon propre compte, &
qu’il n’enrichifToït que lui ; on ne -voit pas cependant
que ce reproche lui ait été fait. Ce commerce
étoit immenfe, il en faifoit plus à lui feul que
tous les marchands de l’Europe enfemble. Il avoit
en propre une douzaine de navires qui étoient
fans celle en mouvement; il avoit enlevé aux
Génois & aux Vénitiens le commerce de l’Egypte
& des Echelles du Levant. L’immenfité de fes
richefTes .fit croire qu’il avoit le fecret de la pierre
philofophale ; ce fecret, fuivant Borel, lui avoit
été communiqué dans fon enfance par Raimond
Lulle. Ses richefTes & fa faveur excitèrent l’envie,
fon luxe irrita. «Ce fut là fon plus grand crime,
» dit la Thaumaflière, fes richefîès donnèrent
” envie a des vautours de cour d’en pourfiiivre la
» confifcation». Pour le perdre dans l’efprit du
rai , on commença parlui imputer la mort d’Agnès
Sorel. Agnès avoit été'bien éloignée d’un tel foup-
qon, elle l’avoit nommé un de fes exécuteurs tef*
tamentaires; il fut avéré qu’elle n’avoit pas été
empoifonnée, qu’elle étoit morte en couche, &
que fon enfant avoit vécu fix mois après elle.
Jeanne de Vendôme, qui s’étoit portée pour accu-
fatrice de Jacques Coeur,{ut condamnéeà lui faire
amende honorable ; mais il fuccomba'fous d’autres
accufations.
Il avoit, d ifo it-on , fait fortir de l’argent du
royaume.
Il eft clair que par la balance du commerce,
il arrivoit tantôt que l ’argent fortoit, & tantôt
qu’il entrait.
Il avoit renvoyé à Alexandrie un efclave chrétien
qui s’étoit réfugié en France, & qui à fon
retour en Egypte avoit abjuré le ehriftianifme.
Jacques Coeur répondoit qu’il avoit ignoré que
cet efclave fût chrétien; que d’ailleurs la bonne-
foi du commerce avoit exigé qu’il renvoyât un
efclave fugitif à fon maître qui le réclamoit, & i
que tel avoit été l’avis de tous les négocians qu’il 1
avoit affemblés exprès à Montpellier pour les
confulter fur cette affaire.
Il avoit vendu des armes aux Mahométans, [
qui les avoient employées avec fuccès contre les i
cnrétiens. 1
Il répondoit qu’il ne les avoit vendues qu’avec f
la permiffion du pape.
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On lui donna des commiffaires qui furent en
même-temps , dit M. Bonamy , fes ennemis, fes
geôliers & fes juges. On a encore la lifte des gens
de la cour auxquels il avoit prêté de l’argent fans
intérêt. Cette lifte eft longue ; elle confient des
eveques, des maréchaux de France, des chevaliers,
des chambellans , échanfons, fecrétaires du
roi, maître des requêtes, &«. Tous ces débiteurs
regardant la condamnation de Jacques Coeur comme
une quittance pour eux, travaillèrent à fa perte ;
i ils furent bien fécondés par les juges & par le
| gouvernement.
I A peine Jacques Coeur étoit - il arrêté, que le
j roi avoit déjà prélevé fur fes biens cent mille
| ecus, & fes nombreufes terres étoient dèftinées
d avance à fes juges. On le transféra fans raifon
| Fans une multitude de prifons différentes ; les
juges parurent fe refufer avec affetfation aux
! preuves de fon innocence. Il avoit allégué des
permiftions des papes Eugène I V & Nicolas V ,
pour la vente des armes faite aux infidèles; il
avoit dit que fi ces permiftions ne fe trouvoient
pas à Montpellier ou à Aigues - Mortes entre les
mains de fes faâeurs, elles fe trouveraient infailliblement
a Rome. Elles ne fe trouvèrent ni
à Montpellier, ni à Aigues-Morte?; on le condamna
fur ce fondement, & après la condamnation
elles fe trouvèrent à Rome, où l’on n’axoit
pas voulu envoyer. Il alléguoit le privilège de
clencature , & fon évêque le réclamoit ; au lieu
d’admettre fes lettres de tonfure, qu’il offrait de
produire, on aimoit mieux interroger des barbiers
- pour favoir fi en le rafant, ils. lui avoient fait la
i tonfure , ou s’ils en avoient apperçu des veftiges :
i ej?“ .n on vouloir le perdre, & on le perdit; fes
débiteurs furent quittes, & fes .juges partagèrent
fes dépouillés; on déclara qu’il avoit encouru la
peine de mort ; mais à la prière du pape, le rai
lui remit cette peine, & fe contenta de le bannir.
On le retint moitié libre, moitié prifonnier chez
les Cordeliers de Beaucaire, fans doute pour tirer
r ^CS éclairciffemens néceflaires au fujet de
les fadeurs, & des fonds qui dévoient lui rentrer.
11 fit favoir fon fort à un de fes faâeurs, nommé
Jean de Village, qui lui étoit refté fidèle. Celui-
C1 y inJ H loger chez les Cordeliers de Tarafcon ,
ville fituée fur la rive gauche du Rhône, vis-à-
vis de Beaucaire, & par des intelligences pratiquées
entre les Cordeliers de ces deux villes, il
trouva le moyen d’enlever Jacques Coeur, pour
lequel il avoit préparé un navire tout armé , qui
le porta en fûreté à Rome. Jean de Village rendit
à Jacques Coeur le .compte le plus exaét de fes
fonds & de leur emploi ; ils partagèrent le profit.
La plupart des faéteurs de Jacques Coeur étoient
des hommes diftingués par les talens, plufieurs
d’entre eux parvinrent à de grands emplois, ou
acquirent une grande fortune par des travaux
utiles, ce qui prouve que Jacques Coeur avoit le
mérite d’un homme d’état, celui de fe connoître
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en hommes. Quelques-uns de ces fa&eurs fe piquèrent
, comme Jean de Village, d’une fidélité
inviolable envers un bienfaiteur & un ami malheureux
; la remife qu’ils lui firent dé fes fonds adoucit
la rigueur de fon fort.
La prife récente de Conftantinople, par Mahomet
I I , répandoit alors la terreur dans l’Europe ;
Calixte I I I , à fon exaltation, avoit juré de faire
la guerre aux Turcs, & de ne rien négliger pour
reprendre cette capitale de l’empire Grec : abandonné
par tous les princes chrétiens, il ne fut
prefque fécondé que par ce même Jacques Coeur,
condamné pour avoir fourni des armes aux infidèles.
Cet homme, propre à tout & capable de
tout, fe mit à la tête des troupes de l’églife, mais
en traverfant l’Archipel, il tomba malade dans
l’ifle de Chio, & y mourut. Jean d’Autôn, hifto-
rien de Louis X I I , & qui avoit vécu avec les en-
fans de Jacques Coeur, dit qu’il y eft enterré dans
l’églife des Cordeliers. Sa femme, Macée de Léo- !
depard, étoit morte de chagrin dans le cours de
fon procès. L’hiftoire du fécond mariage de Jacques
Coeur dans l’ifle de Chypre, & de fa fécondé fortune
plus grande que la première , & des deux
filles qui naquirent de ce fécond mariage , & qu’il
maria & dota richement, n’eft qii’une fable im-
poflible. Les dates ne s’accordent point avec cette
hiftoire, puifque l’afrêt de Jacques Coeur eft du
29 nfài 1453 , & qu’il mourut eh 1455. Le temps
manque pour cette fécondé fortune qu’on a imaginée.
L’obituaire de Saint-Etienne de Bourges lui
donne le titre de capitaine général de Véglife contre
les infidèles, & Charles VII auquel il recommanda
fes enfans en mourant, déclare dans des lettres du
5 août 145 7 , que Jacques Coeur étoit mort en exposant
fa perjonne à V encontre des ennemis de la foi
.catholique,' '
Les enfans de Jacques Coeur, fur-tout fon fils
aîné, archevêque de Bourges, ne ceffèrent de fol-
liciter la réhabilitation de fa mémoire & la
reftitution de fes biens. Dès le vivant de Jacques
ils avoient voulu faire cafter l’arrêt, leurs moyens
de caffation avoient été rejettés coinme impertinens
6 contraires à Vhonneur & autorité du roi', mais le
roi touché des malheurs de Jacques Coeur & de fa
famille, rendit à fes enfans une partie de la confifcation
, & ils renoncèrent au refte. Cette affaire
eut cependant une fuite fous le règne fuivanr.
Voye^ l'article Chabanne s , comte de Dammartin,
CCEUVRES. Voyei E strees,
COFFIN ( C h a r le s ) (Hifi. litt. mod.'), né le
4 oélobre 1676 à Biifcanci, bourg du diocèfe de
Reims, élève, ami & fucceffeur célèbre de M.
Rollin, dans la place de principal du collège de
Beauvais ; on devine que fa vie a dû être retirée,
laborieufe & peu féconde en événemens; on a
recueilli fes oeuvres en deux petits volumes in-12,
& elles ont paru en 175 ? ; elles contiennent plufieurs
harangues > des pièces relatives aux ufages
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de l’uni verfité de Paris , quelques compli mens
françois en petit nombre , des pièces de poéfie
latines de différens genres, des épitaphes, & enfin
les hymnes fi connues.
Parmi les poéfies profanes, celles qui concernent
la queftion de la prééminence entré le vin
de Champagne & le vin de Bourgogne, méritent
.fur-tout d'être remarquées : elles ont autant de réputation
que des vers latins modernes peuvent en
avoir parmi nous.
M. Grenan, profeffeur au collège d’H arcourt,
& connu par fes ouvrages, .célébra le vin de Bourgogne
dans une ode remplie de beautés. Il crut
qu’il dévoit', pour l’honneur de fon fuje t, médire
du vin de. Champagne ; fes reproches font
vagues, & font même peu offenfans dans la langue
poétique.
Nam, fu um R h em i lice t ufque B acch um
J a S it e n t ; a ftu pe tu lan s jocofo ,
H ic quidemfervet c y a th is , & aurâ
L im p id u s a c r i ,
V e llic a t tiares a v id a s ; venejium
A t latet.:. m u ltos Ja d e s fe f e llit . '
H ic tamèn menjam modico Jecundam
M u n e re fp a rg o t.
M. C o j f in , né en Champagne , crut devoir défendre
le vin de fa patrie. Il le défendit dans une
ode plus belle encore que celle de fon rival; 011
peut juger du ton dé fa poéfie par ces ftrophes
que les amateurs des vers latins ont retenues.
Jden * g ra tus error lu d i t , an in tim is
C lijc e n s m ed u llis in jin u a t c a lo r ?
V e n ifq u e conceptus jonantes
Se liq u o r in numéros re fo ly it ? . • «
Cernis m ic a n ti con color u t v itro ,
L a te x in a u ra s j gemmeus a fp ic i ,
S c in t ille t e x u lth n , ut que dulces
N a r ib u s illccébras propinet
S u c c i la te n tis p ro d ito r h a litu s ,*
U t fpuma nwtu lactea turbido
C r y jta llin um blande repente
Cum frem itu reparet nitorem,
M, Grenan répondit par une requête poétique ;
adreffée à M. Fagon, premier médecin du rai :
M. C o jfin répliqua par un décret de la faculté de
médecine , qu’il fuppofe établie dans Tille de C os ,
patrie d’Hippocrate. Ces deux pièces ingénieufes
qui terminent la querelle font dignes des deux
premières.
Nous citerons encore de M. C o jfin ce diftique
fait pour M. Racine le fils :
JEn quem r e llig io J ib i v iA d ic a t u nica vatem ,
Cü ju s fc r ip ta y é lit y e l P a te r e jfe fua •