
entière : la Gothie orientale lui reftoit encore, il
y raffembla fes troupes, marcha à grandes journées
pour furprendre l’archevêque, fut furpris lui-
même , fortit de la mêlée couvert de fang, s’enfuit
à Stockholm , y fut affiégé, demanda lâchement
pardon à l’archevêque, effuya un refus auffi humiliant
que fa prière, s’échappa fur une barque, &
alla chercher un afyle à Dantzick, où il relia
Caché pendant fept ans, attendant qu’une nouvelle
révolution le replaçât fur le trône.
Enfin, en i464,Chriftiern ayant ofé déplaire à
quelques évêques, le roi fugitif reparut, h’eut
d’abord qu’une faélion, & peu-à-peu raffembla une
armée : il livra bataille à l’archevêque, la perdit,
& perdit avec elle fa couronne & le fruit de tant
de travaux. Le prélat le força de déclarer qu’il
renonçoit au trône, & le relégua dans un château
qu’il lui laiflà par pitié.
Peu d’années après l’archevêque mourut, Charles
Fut rappellé, & remonta une troifième fois fur le
trône ; il y chancela le relie de fa vie. Toujours
en guerre avec Chrifliern, fouvent vaincu, menacé
par des faélions fans ceffe renaiffantes, en
bute aux outrages du clergé, peu refpeâé de fes
fujets, perdant chaque jour ce qu’il avoit gagné
la veille , il mourut en 1470, & défigna pour fon
fucceffeur Stréen-ture, à qui il confeilla de ne
prendre que le titre d’adminillrateur pour ne pas
effaroucher l’orgueil du clergé & de la nobleffe.
Il eil trifte de contempler le tableau de tant de
difgraces , fans pouvoir plaindre celui qui en eîl ;
la viélime. Charles Canutfon paroît les avoir méritées
par les cruautés qu’il exerça dans les provinces
où il fit la guerre, par la barbarie avec
laquelle il traita fes ennemis, & fur-tout par la
baffeffe avec laquelle il demanda pardon à un
évêque, fon fujet, qui fut auffi impitoyable que
lui-même. ( M. d e S a c y . )
C harles IX ( Hiß. de Suède. ) , roi de Suède.
Sigifmond, roi de Pologne, après la mort de Jean
I I I , fon père, roi de Suède, fut appeîié par les
états du royaume pour lui fuccéder: infiniment
aveugle des deffeins de la cour de Rome, il voulut
rétablir la religion catholique dans cette partie
du nord, & fut la viélime de fon zèle. Charles,
duc de Sudermanie, fon oncle, avoit par degrés
envahi toute l’autorité pendant le règne dè Jean
I I I , fon frère, il n’en avoit point abufé ; à peine
Jean eut-il fermé les y eu x , qu’il fit reconnoître
Sigifmond, l’invita à venir occuper le trône qui
lui étoit deftiné, & lui promit d’en être le plus
ferme appui. Par cette modération politique il
fafeina tous les yeux , & jeta dans l’avenir les
fondemens de la haute fortune à laquelle il af-
piroit. Ce fut en 1592, que Sigifmond parut en
Suède; mais ce ne fut qu’en 1594 qu’il fut couronné
à Upfal.
Il avoit amené de Pologne des hommes clair-
voyans & profonds dans l’art des intrigues, qui
pénétrèrent tous les deffeins de Charlei ; ils ne
manquèrent pas de le peindre au rpi comme l e .
plus dangereux de fes ennemis, & lui prédirent
que ce prince ambitieux feroit caufe d’une grande
révolution ; mais Sigifmond, forcé de retourner
en Pologne, craignit que, s’il confioit la régence
à d’autres mains qu’à celles de fon oncle, ce
prince n’allumât une guerre civile plus cruelle
que tous les maux dont on le menaçoit. Il le
déclara donc régent du royaume, & partit après
avoir fait d’inutiles efforts pour rétablir en Suède
la religion catholique & l’empire de la cour de
Rome. Cette tentative avoit indifpofé les efprits,
Charles fut en profiter pour affermir fa puiffance.
Les états s’affemblèrent à Suderkoping, en 1595 ,
& déclarèrent que Charles tenoit moins la régence
de l’autorité du roi que du voeu de la nation ;
qu’elle étoit inamovible dans fes mains, & que
Sigifmond lui-même, ne pourroit la lui ôter.
Charle s jo u a le héros ; il s’oppofa à cette réfo-
lution, bien sûr de ne pas la changer, abdiqua la
régence, pour qu’on la lui offrît une fécondé fois,
l’accepta, & en montant au faîte de la grandeur,
parut céder malgré lui-même aux inftances de la
nation. Sigifmond ne fut pas moins irrité de la
conduite des Suédois, que de celle de fon oncle ;
mais ce prince, mauvais politique, aliéna, par
une févérité déplacée, les efprits qu’il devoit
ramener par la douceur. Il donna le gouvernement
du château de Stockholm à un feigneur catholique y
Charles le dépofa, & cet aéle d’autorité lui gagna
tous les coeurs. La nation ne jetoit plus fur lui
les yeux inquiets dont on fuit un régent dans fes
opérations, mais les regards refpe&ueux dont on
contemplé un fouverain adoré. Elle célébra , par.
des fêtes publiques , la naiffance de Guftave-
Adolphe, fruit du mariage de Charles avec Chrife
tine, fille d’Adolphe, duc de Holftein. Il affembla
les états à Suderkoping; ce fut là qu’il porta le
dernier coup à la religion catholique, expirante
en Suède, & à l ’autorité de Sigifmond déjà chancelante.
La confeffion d’Ausbourg fut généralement
adoptée : on convint qu’à l’avenir aucune ordon*
nance de Sigifmond ne feroit publiée que du con-
fentement du duc & du fénat; ainfi toute l’autorité
i étoit partagée entre ce prince & les magiftrats.
| Les bornes de ce partage donnèrent bientôt lieu
à de grandes difeuffions : Sigifmond, qui n’ignoroit
plus les deffeins ambitieux de fon oncle, lui ôta
la régence & la rendit au fénat ; mais Charles avoit
un parti puiffant; il fe fit déclarer gouverneur par,
l’affemblée d’A rb o g a ,& leva, une armée. On al-
loit en venir aux mains, une négociation rallentiti
la guerre & ne l’éteignit pas. Le traité par lequel'
la régence fut remife entre les mains de Charles jj.
en retardant la perte de Sigifmond, ne fit que la
rendre plus sûre. Le duc cherchoit un prétexte
pour ne pas mettre bas les armes, afin d’être prêt
à tout événement; au lieu de licencier fon armées
il la conduifit en Finlande ; elle y commit de grands
ravages, pour punir cette province de quelques
légers murmures que fa politique traltoit de révolte.
Mais parmi le tumulte des armes, Charles n’aban-
donnoit point le fil de fes intrigues; il avoit à
Stockholm des amis pleins de zèle, qui, dans une
affemblée des états tenue en 1600, firent déclarer
Sigifmond & Ladillas, fon fils, déchus de leurs
droits à la couronne de Suède. Tandis qu’on dé-
pofoit fon neveu, Charles parcouroit l’Eftonie en
conquérant, & pénétroit jufqu’au fond de la L ivonie.
Il en fortit pour fe rendre à Nor-
Itoping, où il avoit convoqué une affemblée
des états; il y parut avec un front modefte
& même ennuyé des grandeurs: il dit qu’il étoit
tems que la Suède fe donnât un maître ; que pour
lu i, après avoir porté pendant tant d’années le
fardeau du gouvernement, il étoit quitte envers
fa patrie ; qu’il vouloir à fon tour rentrer dans
la foule des citoyens ot vivre leur égal, heureux
& inconnu. Ainfi parloit le plus ambitieux des
hommes : les états furent une fécondé fois trompés
par cette feinte modeftie ; ils offrirent la couronne
à Jean, frère de Sigifmond. Charles , trompé
à fon tour dans fon attente, craignit d’avoir
joué fon rôle avec trop de vérité. Mais Jean,
prince fans ambition comme fans talens, crut
que s’il montoit fur le trône, il ne feroit que fe
préparer une chûte célèbre ; il confeilla donc aux
états d’y placer le duc Charles, & ce prince fut
élu. Il commença fon règne fous de malheureux
aufpices ; fes troupes effuyèrent de grands échecs
en Livonie, il eut lui-même la honte de lever
le fiège de Wiffenftein: de nouvelles tentatives
n’eurent pas de plus heureux' fuccès. Sigifmond,
qui cherchoit moins à régner fur les Suédois ,
qu’à les punir de l’avoir détrôné, engagea la Ruffie
dans fes intérêts, & réveilla la haine des Danois,
affoupiè depuis quelques années. Charles demanda
des troupes pour faire tête à tant d’ennemis; les
états plus touchés de l’épuifement où fe trouvoit
la Suède que* des guerres dont elle étoit menacée,
lui refufèrent une nouvelle armée. On eut lieu
d’obferver que la modération dont Charles avoit
fait parade jufqu’alors ne lui étoit point naturelle ;
il s’abandonna à un tranfport de colère fi
violent, qu’on craignit pour fes jours; un embarras
dans la langue & de fréquens écarts d’efprit furent
les fuites de ce délire. Tout fembloit avoir conjuré la
perte de Charles & de la Suède; Jacques de la
Gardie, général des troupes ,-fiit battu à Clufin par
les Polonois, & trahi par les Mofcovites, fes alliés.
Le Danemarck, qui attendoit pour fe déclarer
que la fortune des armes fe décidât, mit une armée
fur pied dès qu’il crut Charles à demi vaincu, &
par la foibleffe de fon efprit & par les Polonois
unis aux Ruffes. Chriftiern remporta d’abord de
grands avantages, prit quelques places , ravagea
les côtes , & tailla en pièces plufieurs partis. Enfin
Guftave-Adolphe parut fur la fcène. Né avec des j
talens précoces, cultivés avec ardeur, il donnoit
des confeilsaux vieux capitaines dans l’âge où c’eft
un mérite affez rare de favoir les écouter. Il avoit
dix-huit ans : fes grâces, fon courage, fon éloquence,
enfin ce je ne fais quoi qui charme les
foldats, les enflammèrent du plus noble enthou-
fiafme ; ils coururent de conquêtes en conquêtes,
celle de Calmar leur fut cependant difputée : ce
fut dans les grands périls qu’on connut les grandes
reffources du génie ae^Guftave. Charles , jaloux de
la gloire de (on fils , voulut paroître auffi à la
tête de fes armées, mais ce n’étoit plus qu’un fantôme
de roi ; il ne fe montra que pour être éçlipfé
par un jeune prince qui devoit être la terreur &
la gloire du nord : il revint à Nykoping, où il mouru
t, le 30 oélobre 1 6 1 1 , âgé de foixante-un ans.
Charles de Sudermanie ne fut, ni un homme
médiocre , ni un grand homme : plus intrigant
que négociateur, il fit de grandes chofes avec des
moyens obfcurs. - Bon capitaine, mais rarement
heureux , il fembloit n’afpirer qu’à des fuccès légers
, mais importans , & craindre de hafarder dans
des expéditions décifives tout le fruit de fes travaux.
Il fe défioit de la fortune, des hommes &
de lui-même : il trompa & fut trompé plus d’une
fois ; tel eft le jour fous lequel on doit l’envi-
fager jufqu’à l’inftant où un accès de colère égara
fa ràifon, qu’il ne recouvra jamais entièrement.
(A 4. d e S a c y . )
C h a r l e s -G u s t a v e , ou C h a r l e s X (H ijl. de
Suède. ) , roi de Suède. Il defeendoit, par Jean Ca-
fimir ion père , de la maifon des comtes palatins
du Rhin, & Catherine fa mère étoit fille de Charles
IX , roi de Suède. Chriftine, réfolue d’abdiquer
la couronne , fit défigner Charles pour fon
iucceffeur , & lui remit le feeptre en 1654. La
Suède avoit cru d’abord que Chriftine ne plaçoit
fon coufin fur le trône que pour le rendre digne
d’e lle , & l’époufer enfuite. Mais le départ de cette
princeffe fit évanouir cette efpérance. Charles étoit
né avec un penchant décidé pour la guerre. De puis
long-temps la Suède jouiffoit d’une profonde
paix. Charles, dans une affemblée d’états généraux,
repréfenta que cette inaélion des troupes énervoit
leur courage, & que la réputation des armes Sué-
doifes perdoit infenfiblement fon éclat. La nation
adopta volontiers ce fyftême : on réfolut d’abord
de faire la guerre ; on délibéra enfuite pour favoir
à qui on la feroit. Le choix fatal tomba fur la Pologne
; on réveilla une vieille querelle déjà oubliée.
Le roi Cafimir fit éclater fon reffentiment, en pro-
teliant contre l’éleélion de Charles-Guftave. On lui
répondit que trente mille témoins lui prouveroient
bientôt que ce prince avoit été légitimement proclamé.
Ainfi Cafimir, qui étoit déjà aux prifes
avec les Mofcovites, eut un ennemi de plus à
combattre.
Le générai Wittemberg entra dans la Pologne ,
diffipa fans coup férir l’arinée de la république,
& reçut, au nom du roi de Suède, le ferment des
vaivodes de Pofnanie & de Calitz. Charles parut
bientôt lui-même, courut de conquêtes en con