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thodt, dans fes Méditations métaphyfiques, dànsfes !
Principes de phyfique , 6*£. dans Tes Lettres. C cft ej
cartes qui a fixé pour jamais les bornes, ^ou^ e“ t
confondues jufqu’à lu i , de la métaphyfique & de
la phyfiqué, c’eft lui qui faififfant & dans 1 eiprit
& dans la matière le trait diftin&if, le caractère
efferitiel, a pofé entre ces deux fubftances , unies
diftinétes dans l’homme, cette barrière qui
empêchera toujours d’attribuer à l’une la moindre
portion de l’héritage de l’autre : c’eft lui qui eit le
créateur , finon de la vraie philofophie, du moins
de la vraie manière de philofopher. Il a fait dans
les efprits une révolution générale; c eft par lui
que la raifon & la méthode ont pénètre dans tous
fes genres; c’eft depuis Defcartes que les ouvrages
font bien faits, que les objets y font prèfentes dans
l ’ordre qui leur convient, dans le jour qui les embellit
, que l’érudition eft fobre , que le bel efpnt
eft décent, que le ftylè eft précis, que le génie
eft fage, que le goût eft pur, que tous les arts
peignent la nature & fe rapprochent de la vérité.
C e f t cet amour du fimplfe & du v ra i, dont Def.
cartes a donné l’exemple, qui a préparé ce fiecle
admirable de Louis XIV ; c’eft cet afeendant qu il
a fu rendre à la raifon, qui nous a valu le liecle
philofophique de Louis X V & de Louis XVI. La
penfée & le doute, ces deux fondemens de la philofophie
, font deux bienfaits de Defcartes envers
les hommes, q u i, depuis tant de fiècles, favoient
feulement croire & répéter, A ces deux bienfaits
ioienons-en un troifième, l’ordre, qui a débrouillé
le chaos des idées, qui a facilité les connoiüances
en tout genre. On peut avoir ete plus loin que
Defcartes, mais c’eft dans la route qu’il a tracee ;
©n peut s’être élevé plus haut, mais c eft en partant
du point d’élévation où il a porté les efprits;
on peut enfin l’avoir, combattu lui-même avec iuc:
c è s , mais c’eft en fe fervant des armes qu’il a fournies.
.
Defcartes eut une fille naturelle ( Francine Def-
eartes ) qui mourut dans l’enfance. Il eut une mece
< légitime ) (Catherine Defcartes) qui netoit pas
indigne de lu i, & qui a fait dire que Pefpnt du
grand René étoit tombé en quenouille. On a délié
Y Ombre de Defcartes, & la Relation de la morlf*
Defcartes. Elle mourut à Rennes en 1706. Baillet
a* écrit la vie de Defcartes.
DESFGNT AINES ( P abbé) Pierre-François
C u y o t ) (tfij?. litt. mod.\ Ceft le patron & le
modèle de ces ennemis de toute gloire contemporaine,
de ces therfites littéraires | qui n’ayant pu
fe faire un nom par leurs écrits, tachent de nuire
aux écrits qui réuffiffent, & efperent au moins, à
force d’irriter un grand écrivain, en obtenir quelque
marque de haine eu de mépris qui les fatie
connoître en les flétriffant. Il fera le feul écrivain
de cette claffe, dont nous nous permettrons de
parler f parce qu’étant l’inventeur de ce genre mé-
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prifable, il ne l’a pas perfeétionrié, & qu’ayant
commencé-le métier, dans un temps où il falloit
encore paroître fe refpeéler, il ne Ta pas pouffé ,
comme quelques-uns de fes fucceffeurs, jufqua
l’indécence, la délation, la calomnie; il n’étoit pas
meme cynique ; il voulut feulement être léger &
plaifant & il étoit lourd & froid ; comme l’efpri-t
évident de ce métier eft l’oftracifme littéraire, &
l’intérêt fecret, celui d’attirer les regards par des
haines illuftres, tnagnis ïnunic'itiïs clarefcere, & de
vivre du mal qu’on veut faire , l’abbé Desfontaines
fe fit perfécuteur éternel des Fontenelle, des 1a
Motte, des Vol taire ; il étoit admirateur des anciens,
contre les deux premiers , & de -Rouffeâu, contre
le dernier; c’eft en quoi il a été mieux imite par
fes fucceffeurs, que dans le refte de modération
qu’il confervoit encore : on fa it, qu un de ces
' Méffieurs^, s’étant brouillé avec fon affocie , oL
ayant élevé autel contre autel, a pris plaifir a
faire le relevé des éloges vendus & des fatyres
diftribuées gratuitement par cet homme. Du coté
de l’éloge étoient tous noms dont on n a voit jamais
* entendu parler ; du côté de la fatyre tous les noms
lès plus célébrés de la littérature, M. de Voltaire
à la tête. L’abbe Des fontainess’étoit moins -avili par
l’éloge des mauvais auteurs, mais il avoit donné
l’exemple d’infulter les bons. Il fe donnoit pour mi
vengeur néceffaire du goût perdu en France par la
pluralité des mondes , les Eloges des académiciens,
la Henriade & Zaïre.
Criant que le bon goût eft perdu dans Paris,
Et le prouvant très-bien , du moins par fes écrits.
Quand il lui tomboit fous la main un Gayot de
Pittaval, un ridicule tout fait, il en tiroit quel*
quefois un affez bon parti, parc© qu’il étoit aidé
par l’homme & par la chofe ; quand il attaquoit
Fontenelle & Voltaire, il ne faifoit rire que le*
pédans & n’amufoit pas même les gens du monde,
malgré la méchanceté,
Qui veut être méchanc 8c n'en a pas l'étoffe.
Soit qu’il foit heureutément difficile de donner
du ridicule à l’efprit & au génie, foit qu’en effet
ce dangereux & ôdieux talent lui eut été ^refuie.
Il piquoit & mordoit M. de Voltaire qui l’a écorché
, comme Apollon, dans la fable, ecorchc le-
défaftreux fatyre Marfyas, . ——
Ce Marfyas étoit un effronté
Qui du parnaiTe ignorant nouvellifte » &c.
Et dans qn autre endroit :
Que quatre fois par mois un ignorant toile
Elève , en frémiffant, une voix imbécille, &e.
Ignorant, c’eft précifément ce que^ l’abbé Def-,
fontaines n’étoit pas, quoiqu’il affe&ât de dédai-
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gner l’érudition & de lancer des traits contre Paca- f
démie des inferiptions & belles - lettres ; s’il eût
voulu fuivre avec honneur la carrière littéraire, il
auroit mieux trouvé fon compte du côté de l’éru-
diti.on, que du côté- du bel efprit & du goût ; il
y a quelque inftruéfion à prendre dans fes feuilles;
©lie eft fouvent la chronique fcandaleufe de là littérature
de fon temps , mais elle en eft aufli quelquefois
l’hiftoire exa-éle. Il voulut faire caufe commune
avec Boileau & les bons auteurs qui avoient
attaqué les mauvais écrivains de leur temps; il
falloit donc, comme eux , attaquer principalement
les mauvais & refpeâer les bons. Boileau n’atta-
quoit point les Corneille, les Racine, les Molière,
les la Fontaine, les Pafcal, les Arnauld,
les Bourdaloue, les Boffuet, les Fénelon ; d’ailleurs,
comme le dit encore M. de Voltaire :
On put à Defpréaux pardonner la fatyre ,
I l joignoit l'art de plaire au malheur de médire ,
L e miel que cette abeille avoir tiré des fleurs ,
Pouvoit de fa piquûre adoucir les douleurs;
Mais pour un lourd fré lon, méchamment imbécille ,
Q u i vit du mal qu’il fa i t , & nuit fans être u tile ,
On écrafe à -plaifir' cet ia feâ e orgueilleux
Qui fati gue l’ o reille, & qui choque lés yeux,
On écrafe à plaifir; voilà fans doute ce que
M. de Voltaire a beaucoup trop fait & ce que
l ’abbé Desfontaines avoit un peu mérité.
Si nous le regardons comme admirateur des an- -
ciens & comme traduâeur de Virgile Sc d’Horace,
c ’eft-là que le bout d’oreille, non pas. çchappépar
malheur, mais groflièrement étalé par-tout, décèie
1 homme fans goût, fans fentiment, fans difeerne-
ment. S’il admire les anciens, c ’eft par fyftême,
c ’eft un pédant qui s’en eft fait une loi ; il ne trouve
pas en eux un défaut, le plan de l’Enéïde , même
dans les fix derniers livres, lui paroîc irréprochable
& plein d’intérêt, & toutes ces beautés, qui tranf
portent & attendriffent un leileur fenfible dans les
détails de ce pcëme, font perdues pour lui ; quand
il traduit, c’eft pis encore; il femble que ce fo-it
«lè lui que Diderot ait dit : traduifeç ainji, & |
vantez-vous 4’avoir tué un poète; on ne retrouve }
jamais dans fa trifte & sèche verfion , même disjetti
membra poëtæ. T ou te ‘ image eft détruite, toute
couleur effacée, tout fentiment étouffé, il ne rend
jamais que le fond général du fens de l’auteur, il
réduit tout aux élémens de l’idée, à ce canevas
défeâueux qui n’offre rien aux fens , & fur.lequel
Virgile déploie en vain pour lui toute la fenfibi-
lité de fon ame, toutes les richeffes de fon imagination,
toutes les combinaifons de la plus favante
harmonie.
L’abbé Desfontaines étoit un écrivain fécond ;
outre le Nouvellifle du parnaffe , les Obfervations fur
les écrits modernes ; les Jugemens fur quelques ouvrages
nouveaux ; les traduaions de Virgile & des I
Hifoire. Tome II. Seconde Part.
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odes d’Horace ; une foule de pamphlets courre différons
auteurs célèbres, on a de lui le R a c in e anfïi
fuperftirieufement vengé, qu’il avoit peut être été
minutieufement critiqué par l’abbé d’O live t, cen-
feur pour le moins aufli lourd que l'abbé Desfon-
taincs, mais critique d'un goût plus raifonné. On
a encore de 1 abbe D e s fo n ta in e s , la traduélion des
voyages de Gulliver, du dofleur Swift, à laquelle
il a joint un nouveau Gulliver, qui ne vaut pas l’ancien
; la traduélion des Aventures de J fcph Andrews
de Fielding. Il a eu part à la traduttion de
Thifloire de M. de Tltou, à celle de l’hiftoire romaine
de Laurent Echard ; il a anfli compofé ou
fettlou en fociété d’àffez médiocres hifloirés; celle
de dom Juan de Portugal eft un efpèce de roman
hiftorique , dont Je fond eft tiré de Mariana ;
il a travaillé-à une biftoire des révolutions de
Pologne, à une des ducs de Bretagne, &c. enfla
il avoit voulu aufli être poète; il avoit fait des
poéfies facrées, dont il prenoit foin de rappeller
de temps en temps le fouvenir à fes leéteurs dans
iès feuilles, & que les letâeurs s’obftinoient toujours
à oublier. Le trait fuivant fait connoître ces
écrivains qui fe font accoutumés par degrés à dépouiller
toute pudeur, & qui ne refpeélant plus
le public, ne te refpeélent plus eux mêmes.
Crimine ab uno
Difce omnes.
Dans ce débordement de mauvais vers dont
Paris fut inondé en 1744, à l’occaflon de la maladie
& de la convalefcence du roi Louis X V , &
qui 3 fait dire à M. Voltaire ( auquel feul il ’fut
donné d’en faire de bons fur ce fujet ).
Paris n’a jamais, vu de tranfports fi divers ,
Tant de fens d'artifice & tant de mauvais vers.
Il parut ou il ne parut peint une Ode à U reine ■
mais Tabbé Desfontaines l’annonça & la vanta
beaucoup ( feuille A du tome 4.- des Jugemens
fur quelques ouvrages nouveaux ) ; il en cita un
grand nombre de ftro.phes, dans l’une defquelles
te poète fe difoit v ieux , fur quoi l’abbé Desfon-
taines s’écrioit : » Quel vieux poète avons-nous
>. qui rafle ainfi des vers ? N’eft ce point un jeune
» homme qut cherche à fe cacher fous les rides
» de la vieillefle ? Mais la vieilleffe peut, elle pré-
» venir en faveur du talent >1 ? r
Cetoitune énigme qu’il ne pouvoit deviner &
qu’il propofoit au lecteur.
^Dans la feuille I ) il fe fait adreflèr une lettre
o ù , en confirmant tous les éloges donnés aux
ftrophes citées , on lui demande pourquoi il n’en
a pas cité plufieurs autres, qu’on aflùre n’être pas
moins belles; & pour réparer fa faute, on les
cite. Par cet heureux artifice le leéteur a , en deux
parties, l’ode prefque entière.
V r