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des rois ; mais dans une guerre ouverte & réglée J
le foldat feul meurt dans les dangers, où il s’eff engagé
librement pour les intérêts de Ton chef: en
effet, dans çes irruptions où l’on ne fit pas un fiège
dans les formes , où il ne fe livra pas un feul combat
, la Suede & le Danemarck perdirent plus d’ha-
bitans qu’ils n’auroient perdu de foldats dans dix
batailles rangées. On en vint enfin à des opérations
plus combinées ; une flotte Danoife afliégea Stockholm
, tandis que Chrifliern , à la tête d’une armée,
^enetroit dans la Gothie occidentale, fe montroit
a-la-fois généreux & terrible, répandant par-tout
Peffroi 8c les largeffes, foumettant, l’épée à la main,
ce qui avoit réfifté à fes bienfaits ; il entra dans
Lodèfe , fut proclamé ro i, partit pour de nouvelles
expéditions, & perdit, dans fa retraite , une partie
de fon armée. Charles profita de fes malheurs & de
fon abfence, & la Gothie fe rangea de nouveau
fous fesloix.
Cependant la Norwège étoit en proie aux faélions :
les partifans de Chrijliern l’appelloient ; & s’il fe fût
montré dans ces circonftances, il auroit été couronne
; mais il fongeoit plutôt à foumettre la Suède,
fiir que là conquête de ce royaume entraîneroit celle
dé la Norwège. Pour rendre odieux fon ennemi, il
leforçoit, par des manoeuvres favantes, à cantonner
fes troupes dans les villages; & laverfion que. les
payfans avoient pour ces hôtes incommodes, retom-
boit néceflairement fur Charles lui-même. Elfsbourg
emporté d’affaut, Denholm fortifié pour défendre
la Scanie contre les courfes des Suédois, Pille d’Oe-
îan conquife, la ville de Borkholm forcée, & le
tréfor que Charles avoit caché dans cette place
tombé entre les mains de Chrijliern, commencèrent
Ja décadence dé Charles, la perte de la Finlande
accéléra fa chûte, & la révolte de Jean Salflat,
archevêque d’Up fal, porta le dernier coup à fa
fortune. Afliégé dans Stockholm par ce prélat guerr
ie r , il s’enfuit, & abandonna fon trône à l’heureux
Chrijliern , quiy monta avec une pompe jufqu’alors
ignorée , rétablit les privilèges des différens ordres
de l’état, çarefla l’orgueil du clergé, partagea avec
la nobleffe le fardeau du gouvernement, fe rendit
açceffible au peuple, diminua les impôts, combla
de bienfaits fes partifans, pardonna à tous fes ennemis
, & commença fon règne fous les plus heureux
aufpiccs en 1458. La Norwège fe hâta de lui offrir
la couronne, qu’il reçut à Drontheim la même
année. La mort d’Adolphe, fon oncle,' lui donna
de nouveaux états; & malgré les prétentions de
plufieurs princes, il réunit à fon domaine le duché
dé Slefwigh, & les comtés de Holffein & deStor-
marie. La yille de Hambourg fe trouvoit enclavée
dans la dernière de ces feigneuries ; les magiffrats,
encore jaloux de leur antique liberté, ne rendirent
au roi qu’un hommage verbal: il s’en contenta,
fur de les forcer, quand il le voudroit, à une fou-
miffîon plus authentique,
* kcs vertus fy. la gloire de Chrijliern fèmbloient
^’accroître avec fa puiiïance; refpedé de fes voifins,
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il fut l’arbître des différends qui s’élevèrent entra
les villes de Schwerin , de Lubec & de Lunebourg,
Chrijliern n’agit point comme la plupart des monarques,
que de petits princes prennent pour juges
entr’eux, & qui terminent la querelle en s’emparant
de l’objet conteffé ; fon équité lui mérita la confiance
de toute l’Allemagne : il lui reftoit encore une fommeî
confidérable à payer aux princes qui lui avoient
cédé les comtés de Holffein & de Stormarie ; il alloit
mettre un impôt fur fes états pour acquitter cette
dette, lorfqu’il apprit que Marius Fregen , légat du
pape, avoit vendu des indulgences en Suède, fous
le prétexte de faire la guerre aux Turcs avec le produit
de cette vente. La fournie étoit proportionnée
à la fottîfe du peuple , & le prélat alloit emporter
; du Nord des richeflès immenfes. Chrijliern, qui ne
| pouvoir concevoir que Dieu vendît fes grâces à
prix d’argent, pour aller faire la guerre à des hommes
qu’il avoit créés, fe faifit de cet argent, acquitta
la dette de l’état, & la Suède eut des indulr
gences gratis.
La puiflance des villes an féatiques" donnoit de
l’ombrage à Chrijliern ; la fplendeur de leur commerce
excitoit la jaloufie de fes peuples ; il forma
une ligue de plufieurs princes Allemands pour accabler
ces républiques fitôt qu’elles oferoient troubler
le repos du Nord , & ce traité fut fi fecret,
que les républiques le foupçonnèrent à peine. La
fagefle de Chrijliern, qui avoit éclaté dans tant
d’opérations politiques, échpua cependant contre
le parti de Charles. Les amis du prince détrôné
réfolurent de perdre l’archevêque d’Upfal dans l’ef-
prit de Chrijliern, afin de perdre Chrijliern lui-même
dans l’efprit du peuple. Ils lui peignirent l’archevêque
comme un perfide qui machinoit fourdement
pour replacer Charles fur le trône, ou peut-être
pour y monter lui* même. Le roi donna dans le
piège ; l’archevêque fut arrêté 8c conduit en Danemarck
; aufli-tôt les acçufateurs du prélat devinrent
fes défenfeurs : ils perfuadèrent au peuple,
que par ce coup d’état, Chrijliern avoit violé fes
fermens, attenté aux privilèges du clergé , que la
caufe de Jean Salflat devenoit celle de la nation ,
qu’il falloit rappeller Charles. Il reparut en e/Fet *
fut couronné de nouveau, & dut cette révolution
aux viffoires que Katill, évêque de Linkoping, &
neveu de l’archevêque, remporta fur les troupes
Danoifes.
Chrijliern crut qu’il étoit temps encore de réparer
fa faute1; il rendit la liberté à l’archevêque. Celui-
c i, plus fier de donner & d’ô té r , au gré de fon
caprice, la couronne de Suède, que s’il l’eût portée
lui-même, paffe dans ce royaume, change en un
moment le fyftême politique, fait une révolution
dans les efprits , raffemble une armée, met celle
de Charles en fuite, le force lui-même à déclarer
emplein fénat qu’il renonce à toutes fes prétentions
fur le trône, le relègue en Finlande, fait nommer
un adminiftrateur, & s’empare de l’autorité prefque
toute entière. Chrijliem reconnut alors qu’en déh-
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rrant l’archevêque, il n’avoit pas été moins imprudent
qu’en le chargeant de fers. Le rufé prélat,
pour fermer à ce prince l’entrée de la Suède, l’oc-
cupoit ailleurs ; 8c par de fourdes menées , excitoit
contre lui Gérard, comte d’Oldenbourg, frère du
roi. Celui-ci accumula révoltes fur révoltes, ou- :
trages fur outrages , entra dans le Holffein à main
armée, fouleva la Frife, demanda pardon à fon
frère, l’obtint, & abufa de fa clémence pour commettre
de nouvelles hoffilités. Chrijliern, toujours
en guerre contre ce prince, ne pouvoit faifir un
moment pour reparoître en Suède ; tandis qu’il
étoit aux prifes avec fon frère, l’archevêque mourut,
& Charles fut rappellé & couronné une troifième
fois par ion parti.
?. Dès quo Jean Salflat eut fermé les yeux , Gérard
rentra dans le devoir ; Chrijliern fit reconnoître Jean
fon fils pour fon fuccefieur, pafla en Suède à là
tête d’une armée, rencontra celle de Charles près
d’Elfsbourg , & remporta uneviéloire fignalée; s’il
avoit pourfuivi les fuyards, Charles tomboit du
trône une troifième fois , mais Chrijliern prêtera
le repos de la Suède à fes propres intérêts, mit
bas les armes, 8c ne prenant plus la guerre, mais
l’équité pour juge entre Charles & lui, indiqua une
affemblée à Lubec, où leurs droits refpeétifs dévoient
être difeutés par les députés des deux nations.
O n s’aflembla en tumulte, on difputa avec
paflion , on ne conclut rien, 8c l’on te fépara plus
ennemis que jamais.
Cependant Charles mourut ; alors Chrijliem repa-
Tut fur la fcène , bloqua le port de Stockholm avec
une flotte nombreufe, ne put empêcher l’éleftion
de Stréen-Sture , adminiftrateur , mit tes troupes à
terre, fut attaqué dans fon camp, combattit en
foldat, & fut bleflfé. On le rapporta fur fbn vaif-
feau ; fes troupes fbutinrent le choc quelque temps;
mais enfin, accablées par la multitude, elles regagnèrent
la flotte en défordre , & Chrijliern retourna
en Danemarck. Il s’occupa des foins du gouvernement
, & fans paroître regretter la couronne qu’il
avoit perdue , longea à fe montrer digne de celle
qu’il avoit confervée. Le pape voulut l’engager à
quitter fes états pour faire la guerre aux Turcs ; il
rejetta cette proposition avec mépris ; mais ce
prince , qui favoit défendre fon coeur de la fureur
épidémique des croifodes , fe laifla furprendre par
la manie des pèlerinages ;. il alla à Rome vifiter le
tombeau des apôtres , & en rapporta une bulle,
par laquelle fa fainteté daignoit lui permettre
d’établir une académie dans fes états. Il étoit fm-
gulier de voir un monarque fage & puiflant foire
un voyage de cinq cents lieues pour demander à
l ’évêque de Rome la permiflion d’éclairer fon peup
le , ou plutôt rien n’étoit fmgulier dans ce fiède
barbare. Ce fut à Copenhague que ce corps académique
fut établi en 1474, lbus le nomd'univerjité.
Le mariage de Jean, prince héréditaire de Danemarck
,av e c Chriftine, fille d’Erneft, éleffeurde
Saxe, donna lieu à des fêtes pompeufesqui. acqui-
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rent encore plus de célébrité par l’inflitution de
l’ordre de l’Eléphant. Le refte de la vie de Chrijliem
ne fut qu’une fuite d’opérations politiques ; la D yth-
marfie rangée fous fon obéiffance fans effùfion de
fang, l’union de Calmar rétablie, 8c le trône de
Suède promis à Jean fon fils, les dettes de l’état
acquittées , l’ordre remis dans les finances , la naife
fonce d’un petit-fils , qu’on nomma Chrijliern, confinèrent
fo vieillefle de tant de malheurs dont fai
vie avoit été travèrfée, 8c qu’il ne méritoit pas : il'
mourut en 1481.
Chrijliern I eft le chef de l’augufte marfon qui
occupe aujourd’hui le trône de Danemarck ; il pré-
tendoit defeendre du célèbre Vitikind, chef des
Saxons. Mais il n’avoit pas befoin de cette origine ,
ou chimérique ou réelle, pour être un des plus
grands princes de fbn temps : excellent capitaine ,
s’il ne fut pas conquérant , c’eft qu’il eut horreur
de l’être ; s’il fit des foutes en politique ,È ce fut fa
candeur qui les lui fit commettre. Le Danemarck.
fut heureux fous fon règne, même au milieu des
guerres qu’il foutint; & les Suédois , en refufant
de le reconnoître, fe firent plus de maux à eux-,
mêmes qu’ils ne lui en caufèrent. On lui reproche
de n’avoir pas cultivé, les lettres; il les aima du;
moins , & fut fovorifer leurs progrès. X i laifla trois
enfons; Jean,, qui lui fuccéda; Frédéric, duc de
Slefwigh & de Holffein , qui dans la fuite parvint
au trône; & Marguerite , qui époufa Jacques I V ,
roi d’Ecoffe. ( M. d e S a c y
* C h r ist ie r n II Hijl. de Danemarck.') , roi de
Danemarck : il étoit fils du roi Jean. La nation fe
hâta de le proclamer héritier de la couronne. L’état
étant devenu fon patrimoine, il fongea dès-lors à
l’affermir & en reculer les bornes. La Norwège
s’étoit foulevéeen 1504 ; Streen-Sture , adminiffra-
teur de Suède , s’efforçoit d’établir la domination
Suédoife dans cette contrée ; Chrijliern parut ; Suédois
8c Norvégiens, tout s’enfuit ; la férocité de
fon caraâère ne, tarda pas à éclater ;. les rebelles
furent traités avec la dernière rigueur,. & la crainte
de manquer en Norwège de fiijets & de foldats ,
fut peut-être un des motifs* qui arrêtèrent fa vengeance
; de-là ilpaffa en Suède, où il remporta quelques
avantages ; enfin, Jean étant mort en 1-5*3 ?
Chrijliern lui fuccéda. La nation , éblouie par les
premiers fuccès de ce prince, fe promettoit un roi
qui rétabliroit l’union de Calmar fur de nouveaux
tondemens , & rendroit les armes Danoifes redoutables
au refte de l’Europe. Chrijliem ,.. occupé
d’abord des détails du gouvernement, fit venir de
Hollande d’habiles jardiniers à. qui il donna l’iffe
d’Amag à cultiver. Réfolu de foumettre la Suède ,
il fit entrer le légat Arcenboldi dans fes intérêts ,.
& négocia- dans les mêmes vues avec la ville de
Lubec. Ce prince ne veilloit pas avec moins d’attention
fur fa cour & fur fes miniftres. Fobourg,
: accufè de malverfotion , fut arrêté' & pendu* peu
! de temps après.. C ’étoit le miniftre Toberu qui-
fut le juge de ce malheureux; mais bientôt feup