v Cyrus ( Hip. une. ) , fils de Darius ; eut le
gouvernement en chef de toute 1 Afie Mineure 3
dont tous les gouverneurs lui furent fubordonnes ; ■
ce prince, dévoré d'ambition , ufa de fa puîflance
pour fe faire des amis, ou plutôt des complices.
Fier de fon pouvoir & de fa naiflance, il fit punir
de mort deux de fes coufins, pour avoir eu 1 imprudence
de fe prèfenter devant lui fans fe couvrir
les mains. Darius, touché de la mort de fes ne- ;
v eux , regarda cette action comme un'attentat à
fon autorité; il rappella fon fils à la cour, fous
prétexte de le voir avant, de mourir. Cyrus, avant
d’obéir, remet des fommés confidérables à Ly-
fandre, pour équipper une flotte, & il arriva à la
cour dans le temps que fon père_venoit de mourir.
Arface qui prit le nom d'Artaxerxès, fut proclamé
fon fuccefleur. Cyrus, privé de l’efpoir de
régner, réfolut d’égorger fon frère; il choifit le
-moment où le nouveau roi devoir fe faire facrer
par les prêtres du foleil. Artaxerxès en fut averti
par le prêtre qui avoit pris foin de l’enfonce de
Cyrus, & qui, à ce titre , avoit été le dépofitaire
de fes fecrets. Le coupable fut arrêté & condamné
à la mort. Sa mère Parifaris obtint fa grâce, &
il fut renvoyé dans les provinces, de fon gouvernement;
fon malheur né fit qu’embrafer fon am-
biiion. Il fe croyoit trop offenfé pour ne pas écour
ter la voix de la vengeance: dès "ce-moment il
n’ufa de fon pouvoir que pour préparer les moyens
de détrôner fon frère. Cléarque, banni de Lacédémone
, dont il avoit été le tyran, bû parut un
agent utile à fes deffeins ;-ce fut par fon moyen
qu’il mit les Grecs dans fes intérêts. Les.meilleures
troupes du Péloponèfe fe rangèrent fous fes drapeaux
: il raflembla une armée de cent mille Barbares
& de treize mille Grecs aventuriers, dont
la guerre étoit l’unique métier & l’unique reflburce :
une flotte de fcixante vaifleaux fuiv.it l’armée de
6 Ce fut avec cet appareil formidable qu’il fortit
de Sardes, & qu’il pénétra dans les provinces de
la haute Afie. Il fut arrêté dans fa marche par la
rébellion des Grecs, qui refusèrent de tourner leurs
armes contre le roi de Perfe ; mais une augmentation
de folde adoucit ces mercenaires. Il s’avança
dans la province de Babylone, où il fut fuivipaf
Artaxerxès à la tête de huit cents mille combat-;
tans, & de cent cinquante chariots. Les deux armées
furent bientôt rangées. en bataille, & l’une
& l’autre étoient dans une égale impatience de
vaincre. Cléarque, avant d’engager l’àétion , con-
feille à Cyrus de ne point s’exposer dans la mêlée.
Quoi I répond-il, dans le temps que tant de braves
gens font prodigues de leur lang pour me placer
fur le trône, tu veux que je me montre indigne
d’y monter ? Les deux armées s’ébranlent, & Cy-
rus avec une intrépidité tranquille donne le lignai
du combat. Les Grecs vont à la charge en chantant
l’hymne des combats» Les Barbares ne peuvent
/outenir l’impétuofité de leur premier choc. Cyrus
apperçoit fon frère, & s’écrie: je le vois. Aufîi-
tôt aveugle par la vengeance, & trahi par fon courage,
il s’élance au milieu de fix mille hommes qui
!défendoient leur roi. La plupart font difperfés, ou
tombent fous fes coups. Les deux frères fe joignent;
Artaxerxès, après être tombé fur fon cheval
expirant , en monte un autre, & lance fon javelot
fur Cyrus qui tombe mort. La troupe intrépide
qui Taccompagnoit, ne voulut pas lui furvi-
vre ; tous fe firent, tuer auprès de fon corps, pour
ne pas avoir à rougir d’être redevables de la vie à
un vainqueur difpoié à leufr pardonner.
Telle fut la fin malheureufe d’un prince qui au-
roit eu toutes les vertus, fi l’ambition ne l’avoit
point féduit. Fidèle à fa parole , il alloit encore au-
delà de ce qu’il avôitpromis. Il n’eftimoit la grandeur
qu’autant qu’elle facilite l’exercice delabien-
faifance ; iréfervé 'dans la diftribution des recôm-
penfes ,,il les proportionnent aux fervices & au
mérite. Tous fes biens étoiént à fes amis : Xeno-
phon, qui a exalté fès talens & fes vertus , a gardé,
un filence profond fur fes vices. (T— #.)
C Y Z ( Marie de ) ( Hiß. moi. ) , née àLeyde
en 1656, de parens calviniftes , veuve d’un M. de
Combe à a i ans, vint à Paris, y abjura le calvi-
nifme & y fonda la communauté du Bon-Pafteur
dans la rué du Chercbe-Midi. Elle mourut ea
1692. _
PAC IEH
D
D ACIER ( André ) & Anne le Févre fa 1
femme ( Hift. litt. mod. ). Ne féparons point deux
noms que les mêmes études, les mêmes goûts, les
mêmes travaux, la même gloire, ■ & ce qui vaut
mieux que la gloire, la tendrefie & l’eftime ont
unis toute leur vie. C ’eft d’eux fur-tout qu’on a dû
dire :
Obligés de s'aimer, fans doute ils font heureux.
C’eft avec regret, qu’après les avoir envifagés
par un côté fi refpedable & qui les rend fi dignes
d’envie , nous nous voyons forcés par la vérité, de
convenir que M. Dacier étoit un traduéleur fans
goût,un favant fansefprit., un fecrétaire perpétuel
de l’académie françoife fans fty le , adorateur fu-
perftitieux des anciens & malheureux dans les motifs
de cette admiration qu’iLfondoit principalement
fur mille fauffes fineffes qu’il prétendoit appercevoir
dans ces auteurs, qui les auroient défavouées pour
la plupart ; quand il traduit Horace , on peut lui
dire :
Floribus aufirum
Perditus , 6t liquida ïmmittis fbntïbus aprum.
v- C ’eft l’âne qui veut imiter la gentillefle du petit
chien, c’eft lin.pédant qui veut être homme de cour.
Sa traduélion de Plutarque , à laquelle d’ailleurs
madame DaCier a eu part, eft plus raiftyinable, : i
tout le monde peut rendre un hiftorjen,un poëte feul ,
peut rendre un poëte. M. Dacier n’étoit qu’un
littérateur protond & utile, il n’y a point de favant
qui ne puifle encore s’inftruire dans fes notes &
Tes commentaires. Sonimmenfe érudition lui faifoi't
Taifir 'des rapports, lui fuggeroit-des rapproche-
mens, qui pouvoient éclairer le goût. L’énumération
de fes travaux fur Sophocle, fur Platon, fur
Ariftote, fur Pythagore & Hiéroclès, .fur Epi&ète
& Simpficius , fur Feftus , fur Hippocrate , &c.
annonce une vie entièrement remplie par l’étude.
M adame Dacier, tantôt s’unifloit aux travaux de
fon mari qui ne pouvoient qu’y gagner, comme •
dans la tradu&ion de Plutarque & des réflexions |
morales de l’empereur Marc Aurèle; tantôt fiormoit
Sc fuivoit à pait de grandes entreprifes, tétrtom
fon Homère, fon travail fur Florus,Di£ys de Crète,
Aurélius Viàor & Eutrope, qui lui étoient tombés-
en partage , parmi les auteurs que M. de Montaufier
faifoit éclaircir pour l’ufage de M. le Dauphin ,
comme Feftus étoit tombé en partage à fon mari;
témoin encore fa tradiiéiion des poéfies d Ana-
-créon & de Sapho, de trois comédies de Plaute,
de deux d’Ariftophane , de toutes celles de Térence;
témoin entin fon édition de Callimaque. Elle par-
Hifoiré. Tome 11. Première part,
D A c
tageoitle fanatifme, de fon mari pour les anciens;
fi même elle ne le poufloit pas plus loin. Dans fa
difpute contre M. de la Motte, elle n’eut pour elle
que lès favans ; les rieurs furent pour fon adversaire
, & ces rieurs étoient les gens du monde, les
gens d’efprit, les philofophes même. Les écrits de
M. de la Motte dans cette difpute, fembloient, dit
M. de Voltaire être d’une femme d’efprit, & ceu<
de madame Dacier d’un homme favant. La traduction
d’Homère par madame Dacier eft pefante ,
traînante & ne remplit pas l’idée qu’on fe fait
d’Homère ; mais elle pane de beaucoup ce qu’oit
pôuvoit, fur-tout alors, attendre d’une femme, &
il n’eft pas encore certain qu’on ait mieux faU
depuis.
M. Dacier étoit garde des livres du cabinet dtf
roi. Il fut reçu à l’académie françoife » quelque temps
aprèsTl entra dans l’académie des belles-letres (en
1695.)« Et les voeux publics qui plaçoient dans
» l’une & dans l’autre madame Dacier à fes côtés *
» auroient peut être été fatisfaits ; fi fon eioigne-
» ment pour les moindres diftinâions n’eût été
™ plus fort encore que le filence des^oix fur un
0 cas auflï difficile à jiréyôir>..Ce^fon't les ïermiès
de l’auteur de l’éloge de M. Dacier, prononce à
l’académie des belles-lettres. M. Dacièrnë à Cadres,
le 6 avril 16 51, avoit connu mademoifelle le Févre
à Saumur, où il étoit allé recevoir les leçons du
célèbre Tanneguÿ le Févre fon père. Mademoifelle
le Févre libre d’un premier engagement que la
modicité de la fortune de fon père l’avoit obligée
de contrafter à Saumur ' avec un libraire qui mourut
feptou huit mois après , vint a Paris, où elle époufa
en 1683 M. Dacier-, ils étoient nés tous deux dans
la religion proteftante , ils abjurèrent tous les deux:'
enfemble en 1684, un an avant la révocation de
l’édit de Nantes. Ils eurent de leur mariage un fils&
deux filles. Le fils mourut à dix pu onze ans, ilcon-
Hoiffoit déjà les meilleurs auteurs grecs. L’aînée des
deux filles fe fit religieufe. La fécondé qui mourut
! à dix-huit ans, à été immortalifée par les regrets
élôquens de fa mère dans fa préface fur l’Iliade.
C ’eft un morceau vraiment touchant', & celui qui
annonce dans madame Dacier le plus de talent 8c
. de fenfibilité.
Madame Dacier mourut en 1710 , & fon malheureux
mari, refta feul, accablé de douleur. « Elle
» ne parut un peu calmée , dit l’auteur de l’éloge
» de M. Dacier, que par la douce illufion qu’il
n s’étoit faite d’avoir retrouvé ut.e autre madame
. w Dacier. C’étoit mademoifelle de Launay, depuis
madame dè Staal; c’étoit la jfenle, difoit-il, qui pût
ne pas profaner la cendre de.madame Dacier , en lu|