
w m m .
n C H A
en faufleté, on vit percer quelques vertus. Il étoit
d’un abord facile 8c d’une fagacité peu ordinaire ;
il avoit l’ame fenfible, & fon coeur étoit fufceptible
d’amitié. On ne lit pas fans un tendre intérêt les
particularités de fon entrevue avec la duchefle de
Bourbon, foeur de fa première femme, dans un
voyage qu’il fip en France quelque temps avant fa
mort. Il aima les fciences 8t protégea les fa vans.
L ’univerfité de Prague , qu’il fonda & forma fur
celle de Paris,. ainfi qu’un article de la bulle d’or
qui prefctit aux électeurs de favoir quatre langues,
l’allemande, la latine, l’italienne & l’efclavonne
qu’il polfédoit dans un dégré fupérieur , en font
d’inconteftables témoignages. L’univerfité de Prague
compta plus de quarante mille étudians fous
fon règne.
Les Juifs fouffrirent une horrible perfécution.
Une pefte qui défola l’Europe , 8c qui la dépeupla
d’environ un cinquième, fervit de prétexte à
la rage des Chrétiens , trop ignorans alors pour
n’être point barbares. On les accufa d’avoir em-,
poifonné les fources publiques, & un grand nombre
fut condamné à périr au milieu des .flammes.!
L ’empereur n’eut point à fe reprocher ces cruautés
; il défendit même les Juifs contre les Stras-i
bourgeois qu’animoit le zèle féroce de leur évêque,
contre l’abbé , prince de Mourbak, & d’autres fei- j
cneurs dont plufieurs profitoient deTillufion pour
le revêtir des dépouilles de ces vi&imes infortu-
nées.
On prétend que Charles J F" avoit formé le projet
de faire pafler le Danube par Prague.; M. de Voltaire
n’en veut rien croire. On fe range aifément
du côté de ce célèbre critique , quelquefois incré- ;
dule , mais plus fouvent très-judicieux. Charles
n’avoit pas l’ame aflez grande pour .concevoir un'
'aufli vafte projet, & il étoit trop avare pour feulement
fonger aux fonds qu’ils eût exigés. ( On
l’appella Vempereur des prêtres, à caufe de fon refpeét,
pour l’églife, qu’on jugeoit excelflf. (M- yS) ,
C h a r l e s -Q u in t , x l ic empereur, (jHift. d 'Al- '
lemagne & d'Efpagne) fils de Philippe Xj, archiduc !
d’Autriche, & de Jeanne , reine de Caflille, devoît
'feulement fuccéder à fa mère, fuivant le teftament
'de Ferdinand; mais dès qu’il apprit la. mort de
celui-ci, il fo fit proclamer roi de Caflille en 151.6,
fous le nom de Charles 1 3 par le moyen de Xime-
nès qui força plutôt qu’il n’engagea les grands du
royaume à reconnoître pour fouverain ce prince
qui n’avoit que feize ans.Xes royaumes de Léon
'& de Grenade fuivirent l’exemple; des états de
Caflille. Les Aragonois ne le proclamèrent qu’en
1556, l’année d’après la mort de la reine Jeanne.
L’empereur Maximilien I , aïeul de Charles , étant
mort en 15 19 , le roi d’Efpagne fut élu à fa place.
Il fut redevable de la couronne impériale à Frédéric,
éle&eur de Saxe., qui pouvant la prendre
pour lui-même, préféra l'honneur de faire un empereur
à la gloire de l ’être. François I , rôi de
France, compétiteur de Charles-Quint à l’empire,
C H A
‘ fentit vivement le chagrin de fe voir préférer fon
rival : de-là naquit entre ces deux monarques une
jaloufie qui fe perpétua après eux dans les maifons
de France & d’Autriche. Il paroît que ce qui détermina
le choix des éleéleurs fut la grande jeunefle
de Charles qui leur donnoit moins d’ombrage que
la valeur du roi de France. L’Efpagne vit avec
regret que cette éle&ion alloit non-feulement la
priver de fon fouverain, mais encore faire fervir
fes tréfors à enrichir des étrangers. Charles fe vit
dans la néceflïté d’acheter de fes anciens fujets, au
prix de beaucoup de promefles, la liberté d’aller
1e faire couronner empereur. Il tint mal fà parole :
les principales villes du royaume formèrent une
ligue qui l ’obligea de repaffer en Efpagne pour la
difliper par une févérité mêlée, de clémence. Au
.milieu de ces troubles , les François lui avoient
enlevé la Navarre en quinze jours : elle fut recon-
quife en aufli peu de temps.
Le feu de la guerre allumé entre la France &
l’Empire , embrâfa l’Italie. Les deux monarques
brûlans du defir de fe fignaler l’un contre l’autre,
écoutèrent plus leur animofité que la juflice, &
le bien des peuples, qu’ils facrifioient à leurs haines
perfonnelles. Charles-Quint s’empara du Milanez,
& en chaffa Lautrec. Gênes fut afliégée & prife
par les Impériaux. Une ligue entre le roi d’A ngleterre
Henri VIII 8c l’empereur, fortifia le parti
de celui-ci : il fut encore corrompre le connétable
de Bourbon , en lui promettant fa foeur en mariage
avec une dot confidérable. Le pape Adrien V i ,
Florence 8c Venife fe joignirent à lui.. Bourbon ,
i l , eft vrai L fut obligé de lever le liège de Mar-
•feille ; mais Fontarabie fut prife par la lâcheté du
gouverneur, (Frauget, qui avoit donné en d’autres
occafions des preuves de bravoure, ) Bonnivet fut
battu à Biagras en 152 4 , & l’année fuivante fe
donna la fameufe bataille dePavie, ou François I
fut pris. On fait combien cet iihiftre prifonnier fe
montra plus grand dans fa captivité, que fon vainqueur
qui le laiflà traîner & languir de prifon en
prifon, demanda une rançon exorbitante, & pro-
pofa des conditions qp?il favoit que la grandeur
d’ame de François I , né lui permettroit pas d’accepter
, accompagna tous ces procédés d’une faufle
démonftration d’amitié , dont le roi foui fut peut-
être la dupe, parce qu’incapable lui-même d’une
fi bafle difîimulation, il avoit encore l’ame trop
généreufe pour en foupçonner fon ennemi. Enfin
Charles que la fortune avoit fécondé jufqu’au
point de le rendre maître d’un grand, roi, d’un héros
, événement qui fembloit annoncer une grande
révolution , ne fut en profiter ni pour (à gloire ,
ni pour fon ambition. L’intérêt de fa gloire auroit
dû le rendre plus généreux ; celui de fon ambir
tion exigeoit qu’aufli-tôt après la bataille de Pavie ,
il attaquât la France avec une armée triomphante
qui auroit trouvé peu de réfiflance dans la conf-
ternation générale où étoit le royaume de la prife
de fon roi.
Tandis qu’il chicanoit en Efpagne avec fon captif
fur les conditions de fa liberté qu’il lui rendit
enfin fous des claufes très-onéreufes, par le traité
de Madrid en 1526, l’Angleterre , les Florentins
8c les Vénitiens fe détachoient de fon allianee ; &
le pape Clément V I I , touché des malheurs de
François I , ou plutôt craignant l’énorme puiflance
de l’empereur en Italie, fe déclara contre celui-ci.
Aufli-tôt Bourbon marcha contre Rome ; il fut tué ,
le prince d’Orange prit fa place. Rome pillée 8c
faccagée, éprouva pendant neuf mois , toutes
fortes d’horreurs. Le pape , réfugié dans le château
Saint-Ange, y fut retenu captif parles Impériaux ,
& fut témoin de toutes ces atrocités, fans pouvoir
les empêcher. Charles-Quint, qui fut tenté de le
le faire mener en Efpagne , 8c qui l’eût fait peut-
être , s’il n’avoit craint de fe rendre odieux à toute
la Chrétienté, ordonna des prières 8c des procef-
fions pour la délivrance du faint père , qu’il pouvoir
délivrer lui-même par une fimple lettre. Enfin
le pape , forti de fa prifon à la faveur d’un
déguifement ,. ne dut qu’à lui-même fa liberté.
Il ménagea pourtant Charles-Quint ; il flatta même
fon humeur defpotique, en le rendant arbitre du
fort de Florence qu’il fournit à la puiflance des
Médicis.
Le traité de Cambrai, appelle la paix des dames,
.pacifia la France & l’empire, fans réconcilier les
coeurs des deux monarques. L’empereur accorda
aufli la paix aux Vénitiens & au duc de Milan. En
1535 , il pafla en Afrique; la viéfoire le fuivoit.
Après la prife de la Goulette, il marcha droit à
.Tunis, & rétablit Muley-Aflem. De retour de cette
expédition, il eut bientôt occafion de recommencer
la guerre contre la France. La mort de François
Sforce réveilla les prétentions de .François I fur le
Milanez. Charles-Quint qtoit bien éloigné d’écouter
aucune propofition à cet égard. Au milieu d’une
feinte négociation , il entre en Provence à la tête de
foixante mille hommes, s’avance jufqu’à Marfeille ,
8c envoie en même temps une autre armée fous la
conduite de Henri de Naffau, ravager la Champagne
8c la Picardie. Une trêve de dix ans conclue à Nice
en 1538, fufpend d’un côté les ravages de ce fléau
des nations ; mais les Gantois révoltés , parce qu’on
les dépouilloit de leurs privilèges, éprouvent fa colère.
Charles-Quint obligé de paffer par la France,
pour aller les réduire, eut lieu de fe louer de la gé-
.nérofité des François, vertu qui lui étoit fi étrangère
qu’il la taxa de foiblefle 8c d’aveuglement. Il
avoit pris néanmoins la précaution de promettre au
roi l’inveftiture du Milanez pour un de fes fils. Le roi
ne lui parla point de fa promefle pendant fon féjour
dans fes états. Charles forti de France , l’oublia & fe
ligua avec l’Angleterre contre un prince dont il ve-
noit dé recevoir l’accueil le plus noble, & auquel il
avoit prodigué des démonflrations d’amitié. Ce^te
guerre ne lui fut pas aufli glorieufe que les précédentes
; fon armée fut défaite à Cerifoles. La paix
fe conclut à Crépi en 1545. Son expédition d’Alger
n’avoit pas été plus heureufe.
Depuis plufieurs années le luthéraüifme remplif*
foit l’Allemagne de troubles. La manière dont l’empereur
fe comporta envers les princes proteftans ,
ne fut ni plus loyale, ni plus noble que fes procédés
envers le roi de France 8c le pape Clément.
Il épuifoit les tréfors de l’Efpagne , fous prétexte
de fubvenir aux frais d’une guerre de religion, &
d’appaifer une guerre civile qu’il fomentoit pour
divifer les proteflans. La vi&oire qu’il remporta à
Mulberg , fur l’armée de la ligue de Smalcade,
n’effacera jamais la honte dont le couvrit l’injufte
détention de l'élefleur de Saxe & du landgrave de
Hefle. L'intérim publié en 154^ dans la diète
d’Ausbourg, formulaire de fo i, catholique pour
le dogme , & favorable aux proteflans pour la discipline
, ne fit que dévoiler davantage les vues de
l’empereur. La liberté de l’empire étoit menacée :
la monarchie univerfelle rendue héréditaire dans
la rnaifon d’Autriche, pouvoit feule fàtisfaire 1 ambition
de Charles ; au moins l’europe alarmée fe le
figuroit. Les princes proteftans eurent recours à
Henri I I , qui avoit îuccédé à François I fur le
trône de France. Ce monarque arma en leur faveur.
Dès ce moment les affaires des proteftans fe
rétablirent en Allemagne. L’empereur Surpris dans
les défilés d’Infpruck, penfa tomba entre les mains
des princes ligués. Charles , devenu plus traitable ,
offre à l’éle&eur de Saxe de lui rendre la liberté
que celui-ci refufe en jouiffant de fon effroi, & ne
voulant devoir fon élargiffement qu’à ceux qui
avoient pris fa défenfe. Charles-Quint acheva de
perdre fia réputation devant Metz, don t il fut obligé
de lever le fiège après y avoir perdu plus de vingt
mille hommes, & la prife de Terouenne ne-la
rétablit point.
Ce fut alors que ce prince fe voyant en butte
à l’inimitié de prefque tous les fouveraics de l’Europe,
aigri par .des revers auxquels il n’étoit pas
accoutumé, accablé d’infirmités, dégoûté peut-être
d’une vie tumultueufe, ou croyant aufli avoir déjà
trop régné pour fa gloire , prit l’étrange réfolution
d’abdiquer fon trône & l’empire. En 1555 , il céda
la couronne d’Efpagne à Philippe fon fils , avec
tous les royaumes qui en dépendoient dans l’ancien
& le nouveau monde ; oc l’année fuivante il
abdiqua la couronne impériale en faveur de Ferdinand
fon frère. Après cette abdication entière, il fe
retira dans une agréable retraite dans l’Eftrama-
dure, quelques-uns difent dans le couvent même
de Saint-Juft, de l’ordre desHiéronimites, & felop
d’autres, dans une petite maifon qu’il fit bâtir près
de ce couvent. Il y mourut en 1558. Ainfi finit
ce monarque qui remplir l’univers entier du bruit
de fon nom & de fes armes. A le confidérer du
côté de l ’efprit, du courage, de la politique , il
pourroit mériter quelques éloges, ; mais l’équitable
poflérité ne proflitue point fes louanges