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» cation de douze cents lieues, fembloit s’accroître
» inceftàmment le tréfor de fes idées & de fes
» connoiffances ».
Voilà ce que les gens de lettres dévoient voir
en lui. Les gens du monde voyoient un peu moins
la gloire. & un peu plus la manie; ils lui reprochoient
de la diftraélion, de l’inquiétude, de fin*
difcrérion, de l’importunité ; ils en faifoient même
des contes plaifans qu’il n’eft pas encore temps de
répéter, & qui ne pourroient être mis à la fuite
de tant de traits héroïques de zèle ’, de bienfaifance,
d’amour des fciences Si de l’humanité, que comme
de légères ombre* à un fuperbe tableau. Nous avons
dit comment les charmes de Ion ftyle enlevèrent
à M. Bouguer une partie de la gloire des obferva-
tions faites au Pérou. ( Voyc^ Varticle BouGtJER.)
Ses écrits relatifs à ce voyage du Pérou font : r
i ° . La Relation abrégée d'un voyage fait dans Vin*
tïrieur de l’Amérique méridionale.
2 La figure de la terre, dé te mi née par les obférir
ations. de MM. de la Condamine & Bouguer.■ ■
3°. Mefure des trois premiers degrés du méridien
dans l’hémifphère aüfiral.
4e . Journal du voyage fait par ordre dit roi à l'équateur^
avec un fupplémeht, fuivi de l'htfoire des
Pyramides de Quito.
M. de la Condamine fut parmi nous l’apôtre de
l ’inoculation, & c’eft à lui qu’on doit l’adrniffion
de cette pratiqué en France. M. de Voltaire l’a voit
déjà recommandée long - temps auparavant dans
les lettres philosophiques ; on ne l’avoit pas cru ,
& on avoit brûlé fon livre : ,M. de V o lta ire c o n tent
de favoir à quoi s’en tenir, s’étoit tourné
■ yers d’autres genres de gloire; M .delà Contamine
vint armé de faits, de calculs & de preuves ; if
fuivit d’ailleurs (on objet avec une conflance que
lui feul favoit joindre à tant d’ardeur ; s’il enten-
doit parler d’un mauvais fuccès de l’inoculation,
d’un fait capable de prévenir contre cette pratique,
ou d’ébranler la foi des profélytes, ou de refrok
die leur zèle, il remqn toit aux fources de ce bruit,
& n’abandônnoit pas la partie qu’il ne l’eût entièrement
diffipé , s’il étoit fans fondement, ou qu’il
n’eût approfondi toutes les circonftances du, fait,
& expliqué ces circonftances d’une manière qui
mettoit toujours à couvert l’inoculation.
11 avoit toujours aimé la poéfte, elle avoit fait
fon amùfement au milieu de fes grands travaux;
elle fit la confolation de fa vierlleffe, lorfqùe fes
fens. affoiblis & fes infirmités ne lui permirent plus
d’occupations plus importantes ; il avoit rapporté,
de fes voyages une furdiré exceftive qui .l’avoit
privé de bonne heure des douceurs de; la foriété,
gc l’avoit obligé de chercher en lui-même le délaf-
fement de fes grands travaux . & une reffoürce
contre l’ennui; ce délaffement, cette' reffoürce
étoit la poéfte ; & par cette raifon il s’y. livroit en--
ç®re plus dans fes dernières années que dans le
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reftë du cours dé fa vie. Peu de mois avant (a morfÿ
il lut dans une afîemblée publique de l’académie
françoife, line traduriion en vers de la difpute
ti’Ajax & d’Ulifle, au fujet des armes d’Achille
dans les métamorphofes; ce morceau fut applaudi,
& devoir l’être , eu égard aux circonftances.
Tout étoit pour lui un fujet dé vers. Des bartavelles
qu’on lui envoyoit, furent remîtes, par un
mal-entendu, à M. l’abbé Terrai, alors contrôleur
général. M. de la Condamine f it , fur la perte de fes
bartavelles , une vingtaine d’épigrammes, toutes
innocentes & toutes plaifantes, qui ne pouvaient
qu’amufer le miniftre fans pouvoir l’ofFenfer. On
peut croire que ces bartavelles fi gaiement déplorées,,
furent avantageufement remplacées.
M. $e la, Condamine mourut au lit d’honneur,’
c’eft-à-dire, martyr de fon zèle pour le progrès
des connoiffances humaines ; toujours prêt à y .
facrifier tout, jufqu’à fon exiftence, il voulut qu’on
éfîayâr fur lui une opération nouvelle pour les
hernies; .il mourut des fuites de cette opération,
comme il l’avoit prévu, mais ce ne fut pas fans
avoir fait fur cette opération même des vers gais
qu’il récita gaiement à un ami qui vint le voir , en
ajoutant : il faut que vous me laijjie^.; j ’ai deux lettres
à écrire en Efpagne , & l’ordinaire,prochain il ne fe-
roit petit - être plus temps. Il mourut le 4 février,
*774-
Il avoit époufé , à cinquante-cinq ans, une nièce
aimable & d’un caraélère éprouvé. Le Pape Benoît
X IV lui avoir accordé de bonne grâce lesdif-
penfes né-ceffaires ; il avoit; fenti qu’il falloir qu’un
homme comme M. de la Condamine fût heureux.
CONDÉ,(/fi/?. de Fr.) , nom d’une branche illustré
de la maifeïî de France , defeendue de Louis Ier,
prince de Condé, frère puîné, i ° . d’Antoine, rqi
de Navarre, premier prince du lang de France,
qui fut père de Henri I V Çvoyei Antoine d e ..
B c u r s o n ) ; 2?. de François, dk le comte d’En-
guien , le héros de Ceri foies, qui avoit péri dès le
temps de François I er, en 1546 , à laRoche-Guyon,
par un accident où l’on voulut voir un crime, &
ce crime fut imputé aux Guifes ; 30 . de Jean , duc
^d’Enguien , tué à la,bataille de.Saint - Quentin;
49. du cardinal de Bourbon, celui qui , dans la
.fuite, fe laiïfa nommer roi par la ligué, au pré-
'jiidice de Henri IV fon neveu, pour conferver ..
difoit-il, les droits de la maifon de Bourbon; 5°. &
dé plufteurs autres princes morts jeunes. Cette
'génération avoit été de treize enfans tant mâles
que femelles. Louis I er, tige de la branche de
Fondé, étoit le dernier des mâles ; prince brillant,
aimable, plein de talent pour la guerre , propre
aux affaires:, propre aux plàiftrs, aimé des femmes,
honoré des guerriers, cher à la noMeffe & au peuple
, il fut lerival direâ & l’ennemi perfonnel de
François, duc de Guife. Il avoit très- bien fervi
l’état fous le règne de Henri I I , à la bataille de
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Saînt-Quentin, aux ftèges de Calais & de Thion-
Tille.
Sous le règne de François Î I , traité , ainfi que
le roi de Navarre, fen frère, d’une manière indigne
de leur rang & de leur nàiflance, i! fut foup-
çonné d’être le chef fecret de la conjuration d’Am-
boife ; il vint jurer devant le roi de n’y avoir eu
aucune part. Il démentit & défia fes accufateurs,
il ne fe trouva point d’aceufateurs ; le duc de Guife,
foit p.erfuafioq , foit diftimulation, fe rendit garant
de l’innocence du prince, & offrit de lui fervir
de fécond contre fes accufateursinvifibles. Le prince
de Condé partit, bien réfolu de fe venger, à la première
occafion, de cette ,ontrageante généreftti.
Bientôt après il eft rappelle à la cour fur quelque
nouveau fou'pçon de conjuration , il eft arrêté, on j
lui fait fon procès par commiftion', malgré toutes j
fes preteftations & tous fes appels a b cour d.s [
pairs: lis Guifes avoient juré fa perte; l’arrêt étoit j
prononcé, il étoit même fiancé de tous les juges, |
excepté dit chancelier & du préfident GuilJard du |
Mortier, qui balançoient encore , & de Louis de j.
Beu il, comte de Sancerre, qui refît (bit ab fol muent L
fa fignature. Le roi mourut, ce fut là ce qui fàava |
Condé de l’échafaud, & la France de l’horreur de
Voir un prince .du fang, un grand homme , tomber
fous le fer d’un bourreau.
La prifon du prince fut ouverte, mais il ne voulut
pas en fortis ; il demanda qu’on fît psroître I
fes açcufateurs , perfbnne n’ofa l’être ; les Gflifi s déclarèrent
que tout s’étoit fait par l’ordre du. soi ; un
arrêt du confeil & un arrêt du par'ement rendirent
au prince l’innocence, l’honneur & la. liberté. Mais
Qn peut juger s’il emporta de fa prifon le defir de
la vengeance.
Le connétable de Montmorènci étant entré dans
le fameux Triumvirat avec le duc de Guife & le
maréchal de Saint-André, fe crut obligé par honneur
à réconcilier le duc de Guife avec le prince
de Condé ; la reine-nsère, à fa prière, leur fit ordonner
par le roi de s’embrafter devant toute la cour,
comme fi une femblable cérémonie étoufthk lé
reftentiment d’une injure mortelle; le duc de Guife I
nia qu’il eût eu aucune part à l’emplafonnement & f
au procès du prince. « Quiconque en eft l’auteur,
dit le prince , >» je le tifns pôur un méchant & un
» traître. Je le tiens pour tel aufti, répliqua le duc,
>» & n’y prends aucun intérêt».
La guerre civile fe déclarer, Condé & Coligny
étoient à la tête des protèftans ; le prince de Condé
fût fait prifoniiies? à la bataille de Dreux , le 20
décembre 1561. Après la bataille , le duc de Guife
& le prince de Condé parurent avoir étouffé tout .
reffenriment, & ne fe rappeller que les noeuds
qui lés uniflbient; ils étoient confins germains ; la
foeur de Charles, duc deBourbon-Vendôme, père
du prince de Condé, étoit la mère du duc de Guife ;
ils foupèrerit & s’entretinrent enfernble avec toutes !'
t e s démonftrations pofti^les de confiance &. d’apii- J
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ti'é ; ils couchèrènt dans le même l i t , ufage commun
alors entre amis : on a remarqué que le duc
de Guife avoit dormi tranquillement toute la nuit ,
au lieu que le prince de Condé n’avoit pu fermer
l’oeil & n’avoit ceffé de s’agiter ; on auroit pu remarquer
que c’étoit en effet au prince à être inquiet,
ayant été pris les armes à la main contre le
r o i , & ne pouvant avoir oublié: que pour bien
moins il avoit été condamné, fous le règne précédent,
à perdre la tête. Quant au danger particulier
réfultant de la lîtuation bizarre d’être de
part & d’autre au pouvoir d’un ennemi, la réciprocité
même de ce danger faifoit la sûreté commune
; la générofité de ces deux iiluftres chevaliers
éteit une sûreté plus grande encore, mais il faut
avouer que la fituation du prince de Condé étoit
la plus critique ; il pouvoir fe rappeller encore que
le roi de Navarre, fon frère , avoit coururifque.
d’être affafiîné dans ia chambre même de Fran-,
çoss I I , à l’inftigarion de ce même duc de Guife.
Le connétable de Montmorènci ayant été pris
par les protèftans dans cette même bataille de
Dreux, l’échange fe fit naturellement,
i Le prince de Condé devenu libre, la reine efpéra
de le retenir dans fes fers par le moyen d une
des filles de fa fuite, c’étoit la demoifelle de Li-
meuil.Laprinceffe de Condé,Eléonore de Roy e, en
• mourut de jaloufie & de douleur ; Limeuil devint
, groffe , la cour ne fit qu’en rire.
Une antre femme voulut féduire le prince de
Condé, ce fut Marguerite de Luftrac, veuve da
maréchal de Saint-André ; l’ambition feule la gui-
doit d’abord, elle fe flattoit d’époufer le prince ,
parce qu’elle pouvoit l’enrichir ; ce prince étoit
aimable , elle finit par l’aimer fi éperduement ,
qu’elle lui donna/a terre de V a lé r y , même fans
exiger qu’il lui donnât fa main. Catherine de Mé^
dicis voyoit avec plaifir qu’il s’amollît par les
voluptés ; Coligny fit fentir au prince que le chef
d’ene feéte auftère & perfécutée doit être réglé
dans fes moeurs, & que la molleffe eft l’écueil de
la gloire'; il l’çHigea de renoncer à toutes ces galanteries,
& d’époufer la fpeur du duc de Longueville.
On a dit, & T.5. le préfidentHénaulr, & M. de
Voltaire, l’ont dit d’après d’autres auteurs, que
Louis Ier, prince de Condé, en entrant dans le
■ monde, n’avoit que fix mille livres de rente de
patrimoine; le fait eft peu important, mais il faut
de l’exaélitude en tout. Les deux contrats de mariage
du prince de Condé énoncent une multitude
de domaines qui dévoient produire un revenu affez
confidérable.
Les protèftans avoient appelle k s Ânglois en
France , ils leur avoient livré le Havre de Grâce j
le prince de Càndé fe piqua de fermer la plaie
qu’il avoit faite à fort pays; il s’unit avec le connétable
de Montmorènci pour enlever le Havre aux
Anglois, il réyffjt, & il eut le plaifir de w i r Es