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pable. Vous êtes un chétif, lui dit-il, quand vous
n ave\[ pu occire un homme duquel vous étie{ audeffus.
------ Monfeigncur, répondit Craon , c'efl
bien diabolique chofe : je crois que tous les diables
d’enfer', à qui il efl, Vont gardé & délivré de moi & de
mes gens , car il eut fur lui lancés & jettes plus de
foixante coups d'épée. & de couteau,
Trois des affaffms furent pris & décapités ,
. fupplice trop peu honteux pour un crime fi bas ;
Craon fut condamné par contumace , fon hôtel
fut rafé , 8c remplacement donné pour former le
cimetière Saint-Jean ; la rue qui borde cet hôtel,
& qu’on appelloit la rue de Craon , s appella depuis
cet événement , la rue des mauvais garçons ; les
châteaux appartenans à Craon furent démolis, fa
femme , Jeanne de Châtillon, 8c leur fille unique,
en furent chaffées ignominieufement , quoiqu’in-
nocentes, déplorable effet des confiscations*.
Le roi voulut marcher en perfonne contre le duc
de Bretagne & contre Craon : ce fut dans ce
fatal voyage qu’il eut le premier accès bien marqué
de démence.
Cette expédition de Bretagne n’étoït point
agréable auxFrançois, On jugeoit que Clijfon auroit
dû facrifier-l’intérêt de fa vengeance au bien de la
paix. Les\ oncles du roi étoient contraires à cette
expédition »parce que le duc d’Orléans la defiroit,
& que Cliffon la preffoit. La maladie du roi ayant
remis l’autorité entre les mains des princes fes
oncles, Cliffon tomba dans la difgrace. Etant allé
en qualité de connétable prendre les ordres du
duc de Bourgogne : Cliffon , lui dit le duc , vous
nave% que faire de vous embefoigner de l’état du
royaume 3 à la malheure tant vous en êtes-vous mêlé :
pu diable aveç- vous tant ajfemblê de finances ? Le
roi, Monfeigneur, ne beau-frère de Berry, ne moi, n’en
pourrions tant mettre enfemble : parte£ de ma chambre ,
& iffe^ de ma préfence , & faites que plus ne vous
voye , car fe ri était U honneur de moi, je vous ferois
l ’autre oeil crever.{Cliffon avoit perdu un oeil au fervice
du duc de Bretagne avant de devenir fon ennemi. )
Ce que le duc de Bourgogne dit ici de la fortune
du connétable, eft fans doute exagéré ,* mais il eft
vrai que cette fortune étoit trop grande & avoit
été trop rapide. On fit le procès au connétable,
qui fut banni, condamné à une amende de cent
mille marcs d’argent, & deftitué de fon office. Cliffon
fe retira dans fes terres , d’où il fit la guerre au
duc de Bretagne & à Craon, qui reparut pour
lors. Après bien des rayages réciproques , on fit
la paix, des procédés généreux l’a voient préparée.
Le duc de Bretagne s’étoit fouvenu que Cliffon
avoit été fon ami ; il lui avoit écrit pour le prier
de venir traiter ayec lui , 8c lui avoit envoyé
fon fils aîné pour otage : Cliffon lui avoit ramené
fon fils, ne voulant d’autre fûreté que la parole
du •duc. Avec de telles difpofitions la paix efi
Bientôt f^ite , & elle dure, Celle-ci fut fi folide ,
nue le duc de Bretagne venant à Paris, marier
ion fils-aîné avec unç fille du r o i, laiffa la régence
c l o
de fes états 8c de fes autres enfans à ce Cliffon fi
long-tems fon ennemi, & recommanda leur mère
aux foins généreux de ce même Clijfon, dont il
avoit été fi. jaloux.
La réconciliation du duc de Bretagne avec Cliffon
éteignoit cette longue querelle de Montfort 8c de
Penthièvre ou de Blois. L’héritier des droits de
Penthièvre, Jean de Blois, étoit gendre de Cliffon,
& fuivoit fon exemple. Mais Marguerite de Clijfon
étoit bien éloignée de la modération de fön père
& de fon m a r i à la mort du duc de Bretagne,
elle ofa confeiller à Cliffon de faire mourir les enfans
du duc , pour que le duché pafîat à fon mari. Clijfon
jufiement indigné , mais brutal jufques dans fa
vertu , faifit un épieu , & courut pour en percer fa
fille ; la frayeur la fit tomber en fuyant, oc elle fe
caffa la cuifie. .
Le connétable de Cliffon mourut dans fon château
de Joffelin , le 24.avril 1407.
CLISTHÈNES {Hifl.(inc.), magifirat d’Athènes,
aïeul de Périclès, efi l’auteur de la loi de l’Oftracifme;
mais il n’en fit qu’un bon ufage; elle lui fervit à
faire c b a fié r le tyran Hippias, & à remettre Athènes
en liberté. Ce fut l’an 510 avant J. C.
CLITUS ( Hifl. anc. ) un des généraux & de
Philippe 8c d’Alexandre. Il avoir fauvé la vie à çe
dernier à la bataille du Granique ; c’eft lui qui ,
dans les batailles d’Alexandre, monument immortel
du génie & du peintre le Brun & du graveur
Audran, efi repréfenté abattant d’un coup de hache
-le bras d’un foldat qui alloit fendre la tête à
Alexandre. Ce .conquérant l’oublia 8c s’oublia lui-
même , le jour, où dans la chaleur du vin, rabaiffant
les exploits de Philippe fpn père, pour relever les
fiens , il trouva dans Clittis un contradicteur
imprudent; il le tua dans fa fureur, ou plutôt,
difons tour , il l’affaffina , car il alla l’attendre dans
dans un paffagé par o ù . Clitus fe retiroit : Clitus
lui dit quelques mots de fbumiffion qui ne purent le
défarmer, il en fut au défefpoir enfuite, & voulut fe
tuer lui-même. C’efi tout ce qu’on peut dire pour
fon exçufe. (V o y e z les réflexions fur Alexandre ,
vol. 1 part. 1. )
. ^CLODION , fécond roi de France {Hiß. de Fr. )r
Ce prince efi furnommé le chevelu, où de la grande
quantité de fes cheveux, ou de ce qu’il les laifloit
croître par-tout également, contre l’ufage des
princes. Francs, qui, fuivant la remarque-de Sidonius
, ne leslaifibient.croître que fur les côtés,
& fe rafoient le derrière de la tête. Les Francs,
fous fon règne, prirent Tournay, Çambray, & ré-
duifirent tout le pays jqfqu’à la Somme. Aétius leur
livraplufieurs combats, où l’art militaire & la discipline
des légions romaines triomphèrent de là
valeur & de l’intrépidité des Francs. Cependant
Âétius conçut une fi haute idée de cette nation ,
que, quoique vainqueur, il rechercha la paix. Il
préféra l’alliance & l’amitié des François à la gloire
de les forcer d’abandonner leurs conquêtes. Us
refièrent paifibles poffeffeurs de Cambray & de
Tournay j
c l o
Tournay, ainfi que du territoire de ces villes : il
paroît même qu’ils poflédèrent quelques places dans
l’Artois. Clodion mourut l’an 447 » après un régné
de vingt ans : on croit que fa mort fut occafionneé
par la douleur que lui caufa celle de fon fils aîné.
Cette opinion attefte fa fenfibilite & fait l’eloge de
fon coeur. L’hiftoire varie fur le nom & fur le nombre
de fes enfans : les uns prétendent qu’il en eut
deux, qu’ils nomment Clodebaut 8c Clodomir ;
d’autres lui en donnent trois-, Renaüt, Auberon 8c
Reynacaire ; c’eft de cet Auberon que l’on fait
descendre Pépin, premier roi de la fécondé race.
On ne fauroit rien dire de pofitif à cet egard ; 8c
grâce à l’obfcurité des chroniques de ces temps, on
ne fait fi Mérouée, qui fut fon fucceffeur, étoit fon
fils : le nom de fa femme efi ignoré. ( M — JT. )
C L O D I U S ( P u b l i u s ) { H i f l . R om .) ,
frère inceftueux, profanateur des myftères de la
bonne déeffe, citoyen faélieux, tribun feditieux,
infra&eur de toutes les ioix divines 8c humaines,
fabricateur de tous les décrets funeftes , chez qui
la magifirature & la loi étoient des armes pour
égorger fes ennemis, c’eft-à-dire les gens de bien ;
vengeur des Catilina, des Lentulus 8c des Céthégus
fes femblables , fur Cicéron ; fléau 8c du fenat 8c
de la république ; tué enfin , par Milon, dont Cicéron
prit la defenfe avec l’éloquence & le mauvais
fuccès que tout le monde fa it, périt l’an de i
Rome fept cent cinquante-deux ans un peu avant j
l ’ère chrétienne. C ’eft le même dont il efi parle a la
page 165,8c nous n’en reparlons ici quepourfixer
îa^date de fa mort.
C LO D O A LD , ou CLOUD ( S a in t ) {Hifl.
de Fr. ) Clodomir, dont l’article fuitg avoit laiffé
trois fils , Théodebert, Gontaire, Clodoald, qui \
étoient élevés avec beaucoup de tendreffe par la
reine Clotilde, leur aïeule. Childebert 8c Clotaire,
fils de Clotilde 8c oncle des enfans de Clodomir la
prient de les leur envoyer , pour qu’ils les mettent
en poffçffion des états de leur père. Clotilde , ’con-
facrée dans fa retraite à la vertu 8c à la pieté, ne |
put foupçonner fes fils d’un crime, 8c leur livra j
leurs viâimes. \ , . ,
On ne fait s’ils voulurent infulter à fa crédulité, .
ou s’ils crurent lui montrer un refte d’égard, en
lui donnant pour fes petits-fils le choix des cifeaux
ou du poignard. Dans fon indignation 8c dans fa
douleur, elle s’écria , fans favoir ce qu’elle difoit,
qu’elle aimoit mieux tes voir morts que tondus &
enfermés dans un cloître. Ce mot fut leur arrêt :
Clotaire prend un poignard , 8c renverfe l’aîné
mort à fes pieds. Le fécond embraffe les genoux
de Childebert, qu’il crut moins impitoyable, 8c
lui demanda la vie. Childebert fe fentit ému , 8c
voulut engager Clotaire à épargner cet enfant.
Clotaire transporté de fureur à c.ette propofiticn,
menace fon frère de le tuer lui-même, lui arrache
l’enfant 8c le poignarde à fes yeux. Cette tragédie
efi de l’an 534. Le troifième eut le bonheur
d’échapper ; il fe confacra aux autels (en 535 )»
H i f lo ir e , T om e U , P r em iè r e P a r t.
C L O 18;
& vécut feul en paix parmi tous ces monftresr
guerriers. On l’invoque fous le nom de faint Cloud ,
qu’ il a donné à ce bourg, fitué fur la Seine, à deux
lieues de Paris , qui lui avoit fervi d’afyle.
CLODOMIR {Hifl. de Fr.) , roi d’Orléans, l’aîné
des fils de Clovis 8c de Clotilde. Les trois fils de
Clotilde, fous le prétexte vrai ou faux que Sigif-
mond, roi de Bourgogne , frère de Clotilde , rete-
noit injuftement le bien de leur mère , attaquent
Sigifmond ; il tombe avec fa femme 8c fes enfans
entre les mains de Clodomir , roi d’O rléans, qui
les fait égorger 8c jetter dans un puits : le royaume
de Bourgogne fut pour lors (523 ) conquis par
les Francs.
Il fut reconquis le moment d’après par Gonde-
mar, frère de Sigifmond : les Francs , conduits
par Clodomir, ne tardèrent pas à lui préfenter la bataille
; ce fut à Véferonce , auprès de Vienne .* Clodomir,
vainqueur , pourfuivant les fuyards ayec
l’ardeur imprudente de ce temps-là, fut tué en 524.
Sa vengeance fervit de prétexte aux rois Francs
fes frères , pour achever de conquérir 8c de détruire
ce premier royaume de Bourgogne en 534.
CLOPINEL ( Hifl. de Fr. ) , ou Jean de Meurt.
C’eft le continuatèur célèbre du roman delà Rofe,
commencé par Guillaume de Lorris. Il Te nommoit
Jean de Meun , parce qu’il étoit né à Meun-fur-
Loire , 8c Clopinel, parce qu’il étoit boiteux. Il n’en,
étoit pas moins agréable aux femmes : maïs il étoit
fatyrique 8c pour le moins indiferet ; il avoit un
enjouement qui ne paroîtroitplus guères aujourd’hui
que de la bouffonnerie , mais qui étoit de bon
goût alors, 8c qui charmoit la.cour de Philippe-le-
Bel. Il avoit fait contre les femmes en général
ce quatrain größter, fi fouvent cité avec complai-
fance par ces hommes grofliers qui fe font un
plaifir de reprocher aux femmes ce qu’ils voudroient
prefque toujours leur infpirer.
Toutes êtes , ferez ou fûtes,
De fait ou de volonté P'.. . . •
Et qui toutes vous chercheroit,
Toutes P . . . . . vous trouveroit.
Des femmes mécontentes, ou de cette infultè
générale, ou de médifances , ou de calomnies plus
particulières, fe trouvant avec lui, 8c fe trouvant en
forces, voulurent, dit-on, le fouetter pour le punir
genre de vengeance peu propre à réfuter le quatrain ;
il fe défendit par fon quatrain même. J’y confens,
dit-il 8c je donne à celle qui commencera, le
prix de la chofe énoncée dans mon quatrain : aucune-
I ne voulut commencer. Tout cela au refte a bien l’air
' d’un conte. On en fait un autre fur fa morujll fe fit
| enterrer aux dominicains d elà rue St. Jacques à
Paris , auxquels il légua par fon teftament un coffre 1 très-pefant, 8c qu’on crut rempli d’effets précieux ,
I mais qu’il ne permit d’ouvrir qu’après l’enterre-
! ment. Les dominicains commencèrent par fignaler
* d’avance leur reconnoiffance, en fe piquant de faire